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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 21:06

fischer_dieskau.jpgAujourd’hui s’est éteint l’un des plus grands chanteurs du XX° siècle, Dietrich Fischer-Dieskau. La veille, c’était Donna Summer. La reine du disco et le roi Dieskau. Malheureusement, c’est de la première qu’on a le plus entendu parler. Rien d’étonnant, au fond, dans ce monde médiocre. Car les deux ne régnaient pas sur le même royaume : la première sur un des genres les plus bêtas de l’histoire, le second sur le chant dans ce qu'il a de plus élaboré, exigeant et poétique : le lied.   

 

Comme tous les très grands artistes, Dietrich Fischer-Dieskau (DFD pour les intimes) ne se contentait pas seulement d’être le meilleur dans son art. Il était aussi particulièrement érudit, musicologue (auteur notamment de l’excellent ouvrage Wagner et Nietsche, L’Initiateur et son Apostat), professeur, chef d’orchestre et peintre.

Il restera sans doute avant tout l’inoubliable interprète de lieder (on dit : un lied, des lieder, bande d’incultes gavés au rock binaire), qu'ils soient de Schumann, Mahler, Brahms, Wolf, et, surtout, ceux du maître du genre, Schubert. Mais il a bien sûr excellé dans tous les domaines du chant classique (opéra, messes, oratorio etc.)  

J’avais commencé à préparer une petite sélection de mes lieder favoris par DFD… mais je ne me fais guère d’illusion, la part d’amateurs de classique parmi mes lecteurs ne doit pas être très élevée, mieux vaut y aller en douceur, et n’en laisser qu’un en évidence. D’autant plus que le chant en allemand est plutôt segmentant. Rassurez-vous, je le comprends. Lorsque j’ai commencé à me passionner pour la musique de Wagner, il y a de cela une vingtaine d’années, pas d’internet, j’allais à la bibliothèque de la ville, j’empruntais tous ses opéras mais copiais sur K7 uniquement les ouvertures, préludes, passages instrumentaux et chœurs. Parce que le chant lyrique en allemand et en solo, je ne pouvais pas (en même temps, je crois que c’est moins le chant en allemand que le chant lyrique tout court… j’adore Debussy, excepté son opéra Pelléas et Mélisande, pourtant une de ses œuvres les plus renommées, mais le chant lyrique en français me rebute encore plus que ne me rebutait celui en allemand).  

Pour des générations comme les nôtres nourries aux chansons pop, il est toujours difficile de se familiariser avec le chant lyrique, avec ces voix puissantes d’avant l’ère du micro (et ces chanteurs qui savaient chanter juste, avant l’ère de l’auto-tune). Mais avec le temps et un peu de bonne volonté, on s’y fait, comme pour tout. Et je dois à DFD et Schubert d’être parvenu à franchir le cap. A force de lire que les lieder de Schubert étaient au panthéon de la musique romantique, j’y suis revenu, et j’ai fini par les apprécier à leur juste valeur, et à m’habituer ainsi au chant lyrique. Avec les interprétations de DFD, évidemment. Personne n’est tenu d’en faire autant, la barrière de la langue et du chant lyrique peuvent vous sembler infranchissables, mais vous ne savez pas ce que vous ratez… tout simplement des centaines de mélodies qui sont parmi les plus belles qui aient jamais été composées.

Je me souviens avoir été marqué, beaucoup plus jeune, par un critique rock affirmant que les Beatles étaient les plus grands compositeurs de mélodies depuis Schubert. C’est discutable, mais ce qui ne l’est pas, c’est que les Beatles comme Schubert, dans leurs genres respectifs, ont un sens de la mélodie exceptionnel.

Schubert est le génie du lied, son recueil de lieder Winterreise (Voyage d’Hiver) est le sommet du genre, Fischer-Dieskau le plus grand interprète de lieder (avec Murray Perahia au piano, c’est pas rien)… les voilà réunis ci-dessous dans un de mes lieder favoris, Erstarrung (Engourdissement), grand moment de musique romantique en hommage au roi Dieskau  :

Dietrich Fischer-Dieskau – Erstarrung (4° lied du Winterreise) : 

 

Le Winterreise par DFD et Gerald Moore en écoute intégrale sur musicme

Fischer-Dieskau sur Wikipedia 

 

Une chanson de la renaissance, une playlist d’une quarantaine de titres (et ce n'est que le début), du lied (et toujours pas de compte twitter ni facebook)… c’est pas avec ça que je vais faire exploser mon blog-rank… J’ai reçu il y a quelques jours un mail d’over-blog adressé aux blogueurs soi-disant influents, avec un questionnaire pour savoir quelles étaient nos recettes… je crains d’être un très mauvais exemple pour ceux qui souhaitent devenir « influents »… tout ce que je peux leur dire, c’est « ne faites pas ça chez vous ».

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6 mars 2012 2 06 /03 /mars /2012 18:32

Les genres musicaux ont-ils chacun une façon particulière d’évoluer, ou suivent-ils de même type de progression ? Grande question, qui mérite bien plusieurs articles… Commençons par nous intéresser au jazz et au classique, car j’ai toujours été frappé par les points de rencontre qui existent dans leurs évolutions (et qui sont, me semblent-ils, trop rarement discutés ou mis en évidence).

 

Pour entendre rapidement ces évolutions, écoutez les deux petites playlists :

 

-          Classique

-          Jazz

 

Baroque / New Orleans   

 

Quatre éléments importants se retrouvent dans l’esthétique baroque comme dans le style New Orleans :

 

-         Le plus marquant, à mon sens, c’est le goût pour l’ornementation… caractéristique fondamentale de toute l’esthétique baroque, et très utilisée dans le jazz New Orleans (et d’une certaine manière, dans tout le jazz qui suivra). En musique, l’ornementation, c’est le fait de rajouter de petites notes autour des notes principales de la mélodie.

-         Contrepoint (jouer plusieurs lignes mélodiques en même temps). Elément essentiel de la musique baroque… et du jazz New Orleans. Sûr que le contrepoint du New Orleans est plus rudimentaire que celui de Bach, mais ça n’en reste pas moins du contrepoint. Une trompette, par exemple, qui joue la mélodie principale, et une clarinette qui brode au-dessus…  

-         Petites formations. Les grands orchestres, c’est pour la période suivante. Baroque et New Orleans préfèrent les petits ensembles où l’on peut entendre chacun des instruments.

-         Improvisation. La musique baroque n’est pas une musique « improvisée », mais elle a une petite part d’improvisation, notamment lors des cadences. Et si elle est écrite, telle ligne mélodique ne doit pas être obligatoirement jouée par l’instrument précisé sur la partition, comme cela sera le cas par la suite.

 

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de dire que baroque et New Orleans sont « équivalents ». Bach est déjà un sommet de l’histoire de la musique alors que le New Orleans (et le style Chicago) n’est que le tout début du jazz. L’important, c’est que l’évolution qui va suivre peut s’observer en parallèle.

 

Style Classique / Swing

 

-       Grands orchestres. Développement de la symphonie / Big band jazz.

-        Harmonie et clarté. Une musique plus « écrite », plus précise. Ce qui est logique pour de plus grandsensembles : plus il y a de musiciens, plus la part de liberté de chacun est réduite. La musique se doit d’être plus « carrée ».

-         Universalité. Musique qui s’adresse à tous les publics, et qui deviendra plus « normée » pour que chacun s’y retrouve. Formes typiques (genre forme-sonate à la période classique) / standards du jazz.

-         Plus de variations au sein d’une même pièce, architecture plus élaborée.
 

Romantisme / be-bop

 

-        Expression individuelle, liberté et révolte. Le style précédent privilégiait l’universalité, la clarté et l’équilibre, romantisme et be-bop vont mettre en valeur l’expression individuelle, quitte à déranger et aller en partie à l’encontre des attentes du public et de la société. Cri de révolte, quête de l’originalité et de la singularité, virtuosité, intensité. Dans le be-bop, cela se traduit par de petites formations où chaque instrumentiste a la possibilité de s’exprimer dans de longs solos. Ce qui compte n’est pas le « joli thème », souvent vite expédié en début de morceau, mais les solos très expressifs de chacun.

-        Conséquence  : Emancipation de la dissonance.

 

L’artiste romantique, démiurge, isolé, prométhéen, en lutte contre une société trop rigide, et le jazzman de l’ère be-bop, qui, plutôt que de servir de faire-valoir aux blancs venus danser sur du swing dans de grandes salles de bals, préfère s’exprimer de manière bien plus libre dans de petits clubs où l’on vient vraiment l’entendre s’exprimer.

 

Impressionnisme / Cool Jazz & Jazz modal

 

-          Apaisement. A l’expression intense du romantisme ou du be-bop on oppose des atmosphères plus contemplatives.

-          Clair – obscur, légère mélancolie, sensualité.

-          Recherche d’ambiances

-          Utilisation des modes (anciens ou exotiques), les modes étant des suites de notes différentes de la gamme tonale habituelle depuis la période classique.   

 

Néoclassicisme / Hard-Bop

 

-         En réaction au côté trop « vaporeux » de l’esthétique précédente, retour à une musique plus « terrienne », rythmée, physique… qui s’approprie des éléments d’esthétiques plus anciennes. Dans le cas du néo-classicisme, on trouve aussi (voire surtout) une réaction au romantisme et à l’atonalité naissante.

 

Atonalité / Free Jazz

 

-          La musique se libère des règles tonales ou modales.

-          Musique difficile d’accès, très dissonante. Le public ne suit pas.

-          Expérimentation

 

Postmodernité

 

               Après les expériences atonales, sérielles / free-jazz, un certain désir de renouer avec le public, notamment, fait que l’on revient à des règles tonales ou modales, à des musiques un peu plus faciles d’accès. Mais il n’y a plus une esthétique forte qui domine les autres et derrière laquelle se regroupent les musiciens, chacun fait sa petite cuisine, mélangeant des éléments d’époques diverses…

 

 

Classiques et jazz n’ont pas évolué non plus d’une manière aussi claire et bien découpée que je le présente ici. Il y aurait pas mal de choses à nuancer, mais, dans les grandes lignes – et c’est ce qui m’intéresse ici – cette présentation reste assez fidèle à l’évolution de ces genres.

 

Les jazzmen ont-ils copié leur évolution sur celle des musiciens classiques ? Non, évidemment, l’évolution d’un genre musical ne se décide pas comme ça… en revanche, certains se sont inspirés de la musique classique pour faire évoluer le jazz, ils y ont trouvé des idées pour enrichir et faire progresser leur propre langage musical. Mais le jazz n’a rien d’un copié-collé du classique, il a son propre langage, son identité, il répond à d’autres attentes, d’autres publics, d’autres temps historiques. Il est donc particulièrement intéressant d’observer que malgré cela, leur évolution suit un mouvement très similaire. Que nous dit ce mouvement ?

 

1.      (Baroque / New Orleans) On construit en cherchant (ornementation, tourner autour des notes principales comme si on les cherchait), et au sein d’un petit comité où chacun peut se faire entendre, des paroles différentes s’entremêlent (contrepoint) en essayant de s’harmoniser.

2.      (Classique / Swing) Société bien plus organisée, codifiée, où tout le monde doit être « en harmonie ». Le collectif prime sur l’individu.

3.      (Romantisme / Be-bop) L’individu ne veut plus être « noyé dans la masse » ni « au service de la société », mais exprimer librement sa singularité, ses frustrations, sa révolte.

4.      (Impressionnisme / Cool Jazz & Jazz modal) Evasion, dans le rêve, la sensualité, la délicatesse et la contemplation. On renonce à la « force expressive » du romantisme ou du be-bop pour s’évader dans un monde plus apaisé.

5.      (Néoclassicisme / Hard-bop) Retour à plus de simplicité, des plaisirs plus physiques et moins abstraits.

6.      (Atonalité / Free Jazz) Incommunicabilité, partir à l’aventure dans des territoires inexplorés au risque d’être totalement incompris et d’aller à l’encontre de ce qu’attend la société. Radicalité.

7.      (Postmodernité) Recyclage, mélange des genres, on tente de retrouver des références communes, un langage / projet qui puisse être entendu et apprécié, mais chacun le fait à sa manière, il n’y a plus de grande ligne directrice, de valeur qui s’impose à tous. Un nouveau monde « éclaté » et communautaire…

 

La musique a peut-être son propre langage, ses propres lois, elle reste une activité humaine. On ne s’étonnera donc pas qu’elle évolue… comme peuvent évoluer des sociétés. Non pas forcément en se calquant sur l’évolution de l’environnement dans lequel elle s’inscrit à un moment T (même si cela peut arriver, le style classique est, par exemple, en parfaite adéquation avec la philosophie des Lumières), mais en suivant un type d’évolution qui nous est propre. La musique est une activité humaine, et plus encore une activité sociale. Ce dont elle nous parle, au plus profond, ce n’est pas tant des sentiments les plus personnels d’un individu qui s’exprime par ce biais (même si lui le croit dur comme fer), que du « vivre ensemble », du rapport (ou des possibilités de rapport) de chacun aux autres et à la société en générale. La musique, c’est avant tout de la communication. Et l’évolution du classique et du jazz nous parlent de « comment communiquer » et comment trouver sa place au sein d’une société.

 

1.      On se découvre, on parle ensemble en essayant de s’entendre…

2.      Les règles ont été fixées, tout le monde est en « harmonie » et suit le même but.

3.      Noyé dans la masse, on veut faire entendre notre singularité, s’exprimer librement.

4.      Satisfait (ou pas) par l’expression de sentiments personnels, on s’évade dans une forme de contemplation et de volupté…

5.      Besoin de retrouver un contact plus direct avec les autres.

6.      Echec ou nouvelle insatisfaction, on se réinvente en-dehors des règles traditionnelles, quitte à ce que plus personne ne nous comprenne.

7.      Désir de renouer avec les autres, mais d’une manière beaucoup plus modeste et communautaire.

 

Si l’on change à chaque fois de paradigme, ce n’est pas par simple volonté d’aller voir ailleurs, mais aussi parce qu’aucune des voies précédentes n’était pleinement satisfaisante. On bute à chaque fois sur un problème de communication. Une fois résolu, on en découvre un nouveau. Tout cela pour arriver à un constat assez pessimiste : la communication « parfaite » (ou l’intégration parfaite d’un individu dans nos grandes sociétés) est impossible, d’où le sérialisme et le free jazz, puis la postmodernité qui entérine le fait qu’on ne peut tous se retrouver sur un terrain idéal, et qu’il ne reste plus qu’à fonctionner en « communautés », renonçant ainsi à LA communauté. D’une certaine manière, la musique, par son évolution, nous laisse entendre que l’idéal républicain est impossible à long terme hors de petites communautés…

 

Tous les genres musicaux n’évoluent bien sûr pas de la même manière, même si l’on peut retrouver quelques mouvements similaires, on s’intéressera prochainement à l’évolution des musiques populaires modernes.

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 17:48

En guise d’illustration d’un article qui va suivre sur l’évolution du jazz et du classique, deux playlists destinées à permettre à chacun, en un minimum de temps, de suivre et « d’entendre » les grandes lignes de ces évolutions. Pour chacune des esthétiques majeures du genre, un seul morceau, de moins de 5 minutes à chaque fois. Je suis même parvenu à réduire cette première playlist classique à moins de 20 minutes (la playlist jazz suivra dans la foulée).

 

Moins de 20 minutes d’écoute pour saisir l’évolution du classique et ses périodes esthétiques majeures, le tout avec des morceaux emblématiques choisis pour vous faire entendre au mieux les caractéristiques principales de ces styles, voilà l’objectif qui était ici le mien. Avec ça, vous ne pourrez plus dire, si tel était le cas, que vous ne comprenez rien au classique… évidemment, ce n’est pas suffisant non plus pour maîtriser le genre, mais, au moins, vous avez ici la possibilité, avec un minimum d’effort, de bien sentir son évolution .

 

Le classique en 7 morceaux et moins de 20 minutes :

  

 

 

 

Baroque (1600 - 1750) ex : Bach – Concerto pour violon en la mineur (Allegro Moderato)

 

Classique (1750 – début XIX°) ex : Mozart – Symphonie n°33 (Menuet)

 

Romantisme (XIX° siècle) ex : Chopin – Etude op. 10 n°12 « révolutionnaire »

 

Impressionnisme (fin XIX° - début XX°) ex : Debussy – Feuilles Mortes (Livre II des Préludes)

 

Néoclassicisme (début XX°) ex : Stravinsky – Tarantella (extrait de Pulcinella)

Atonalité (puis dodécaphonisme et sérialisme) (XX° siècle) ex : Schönberg – Variation V (Variations pour orchestre)

 

Postmodernisme (fin XX°, à partir des années 60-70) ex : Arvo Pärt – Lamentate : Risolutamente  

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