Après Ray Manzarek il y a quelques jours, c’est au tour d’Henri Dutilleux de nous quitter cette semaine. Honte sur moi, il a fallu qu’il décède pour que j’en parle ici. Je ne manque jamais une occasion de taper sur la musique française (rock, rap, chanson), mais je ne mets même pas en valeur nos vrais grands artistes. Et Dutilleux était de ceux-là, un des plus remarquables compositeurs du XX° siècle.
Pour un compositeur mort à 97 ans, il laisse une œuvre étonnamment succincte. Mais peu importe la quantité lorsqu’on a une telle qualité.
La fin du règne de la tonalité dans la musique (enfin, dans la musique dite classique, les musiques populaires sont restées tonales) a entraîné l’apparition de nouvelles écoles, de nouvelles méthodes de composition et de nouveaux systèmes. Parfois passionnants, mais, comme tout système, toujours un peu rigides. Dutilleux, lui, n’était pas un homme de système, de clan, il a toujours tenu à son indépendance et, surtout, à l’indépendance de sa musique. Si le terme n’était pas sujet à controverse (et à des interprétations négatives), on pourrait, afin de mieux aider à cerner l’art de Dutilleux, parler de « musique pure ». Au-delà des modes, des écoles nationales et stylistiques, des cadres préfabriqués, d’une volonté d’imposer un sens extra-musical aux œuvres. Une musique pure, une musique libre :
-Il est dans la continuité de Debussy, mais on ne peut le réduire à cette filiation, il a son propre style et son propre univers. Une de ses œuvres les plus accessibles et appréciées est la Sonatine pour flûte et piano (1943), mais il était gêné par le succès de cette œuvre très debussyste et « française », lui qui ne voulait pas être rattaché à une école nationale.
Sonatine pour flûte et piano :
-Il a emprunté plusieurs de ses titres d’œuvres à des poèmes, des tableaux… mais il ne croyait pas en la musique « à programme », ou « à message ». Chercher à enfermer la musique dans une signification précise allait à l’encontre de ses conceptions, et on ne saurait lui donner tort. Le plaisir du son plutôt que le confort du sens.
La musique de Dutilleux n’est pas une musique austère, elle est poétique, sensuelle et onirique. Pour autant, ce n’est pas une musique facile et accessible, elle est aussi riche, exigeante et complexe. Mais elle n’est pas autant élitiste que celles de de bon nombre de compositeurs contemporains. Tout auditeur un minimum aventureux, même s’il connaît mal la musique « savante » contemporaine, peut se laisser séduire et emporter par les œuvres de Dutilleux. Une musique qui se vit comme un rêve et demande à ce que l’on s’y abandonne pleinement. Ce n’est pas de la « musique française », de la « musique atonale », mais un univers onirique envoûtant et transcendant…
Trois œuvres de Dutilleux que je vous recommande particulièrement :
Timbres, Espace, Mouvement, pour orchestre ou « la Nuit Etoilée »(1978) (en deux parties) :
Sans doute l’œuvre que je préfère de Dutilleux, difficile de trouver musique plus onirique et même cosmique que celle-là…
Symphonie n°1(1951)
Sa 2° symphonie est considérée comme sa meilleure, son style y est plus affirmé que dans la première… mais j’ai un grand faible pour cette première symphonie (malgré le sublime Andantino de sa 2°), une de mes symphonies de chevet. Une des symphonies les plus saisissantes du XX° siècle, magistrale de la première à la dernière note :
Métaboles, pour orchestre (1964) :
Et si vous en voulez plus – comment ne pas en vouloir plus – vous ne pourrez passer à côté de ses deux autres chefs-d’œuvre que sont sa 2° Symphonie et son Concerto pour Violoncelle « Tout un monde lointain… » (Un magnifique titre d’œuvre, tiré d'un vers du poème La Chevelure de Baudelaire « Tout un monde lointain, absent, presque défunt »)
Dutilleux – Symphonie n°2, « Le Double » (1959) (album comportant aussi Métaboles et Timbres, Espace, Mouvement)
Vous n’avez peut-être jamais écouté de musique classique, étudié le latin ni eu d’éducation religieuse, il y a pourtant de fortes chances que « Dies Irae » vous dise quelque chose… Que ce soit via l’album live de Noir Désir du même nom, le court-métrage d’Alexandre Astier, Dies Irae, à l’origine de Kaamelott, le titre d’un sketch de Desproges… mais c’est bien entendu avant tout une séquence de la messe de Requiem. Le passage le plus « violent et apocalyptique » du Requiem, puisqu’il est question du jour du jugement dernier. Le texte est le suivant :
Dies iræ, dies illa,Jour de colère, que ce jour-là
Solvet sæclum in favílla, Où le monde sera réduit en cendres,
Teste David cum Sibýlla !Selon les oracles de David et de la Sibylle.
Quantus tremor est futúrus, Quelle terreur nous saisira,
quando judex est ventúrus,Quand le juge viendra
cuncta stricte discussúrus ! Pour tout examiner avec rigueur !
(texte et traduction pris sur wikipedia, correction par Lou)
Tout un programme… et un programme qui ne manquera pas d'inspirer de très nombreux compositeurs. L’impression que donne le plus souvent le Dies irae au sein d’une messe de Requiem est assez curieuse ; imaginez un musicien, lors d’une cérémonie d’enterrement, jouant une musique de circonstance, grave, triste, solennelle… et subitement, emporté par la musique, oubliant le contexte, le chagrin des proches du défunt et toute forme de décence, il se met à marteler son instrument comme un damné pour en tirer une musique totalement apocalyptique… voilà, caricaturé, l’effet que produit le Dies Irae…
A tout seigneur tout honneur, commençons par le plus célèbre des Requiem, celui de Mozart. Son superbe Dies Irae est d’une puissance rythmique qui n’a rien à envier à un Beethoven :
Le 2° Dies Irae à connaître impérativement est celui de Verdi… et vous le connaissez forcément, puisqu’il a été utilisé très régulièrement comme musique de bande-annonce ou de film. On le retrouve d’ailleurs dans le dernier Tarantino, Django Unchained, lors de la cavalcade du Ku Klux Klan. Un des grands « morceaux de bravoure » de la musique classique :
Mais mon Dies Irae préféré est sans doute celui de Dvorak (je suis un grand amateur de Dies irae, lorsque je découvrais le classique, j’ai dû m’en faire toute une K7…) Plutôt que d’utiliser à chaque fois le Dies Irae de Verdi comme illustration, on ferait bien de se tourner vers celui de Dvorak, ça changerait un peu, et il est tout aussi sombre, puissant et apocalyptique :
Je me faisais des K7 de Dies Irae dans ma jeunesse... je fais des playlist de Dies Irae sur mon blog près de 20 ans plus tard :
Le Dies Irae n’est pas présent dans toutes les messes de Requiem… Le texte du Dies Irae date du XI° siècle, mais il n’a été intégré aux Requiem qu’au début du XVI° siècle, dans la Messe des Morts d’Antoine Brumel. Le célèbre – et magnifique – Requiem de Fauré se veut plus apaisé que tourmenté, et n’utilise ainsi pas le Dies irae, pas plus que Brahms dont le Requiem est en Allemand et ne suit donc pas la liturgie catholique latine, ou Duruflé qui a composé un Requiem « à l’ancienne », influencé par le Moyen Age et la Renaissance, époques avant l’introduction du Dies Irae. Mais le Dies Irae, enfant trop turbulent (limite démoniaque) de la liturgie catholique, a été retiré des Messes en 1969…
Après avoir vu différentes musiques pour une même séquence de la messe de Requiem, passons à l’inverse, un même thème musical pour des œuvres très diverses. Il existe un Dies Irae « originel », un chant grégorien (du Moyen Age) qui a su parcourir les siècles et qui continue, encore maintenant, d’être régulièrement cité dans de nombreuses musiques.
Pour vous le mettre dans l’oreille, écoutez (plutôt deux fois qu’une), ses 40 premières secondes :
Ce thème musical a été réadapté par la suite dans plusieurs Requiem (mais pas ceux dont je parlais précédemment, qui ont leur propre Dies Irae), ou utilisé dans des motets. Mais c’est au XIXème siècle que le Dies Irae grégorien va trouver une deuxième jeunesse. Rien de plus normal, après tout, le Moyen Age et la Mort sont deux des grandes obsessions romantiques…
Sa plus célèbre apparition est sans doute dans le dernier mouvement, Songe d’une Nuit de Sabbat, de la Symphonie Fantastique (1830) de Berlioz. Le héros, sous opium (car oui, on n’a pas attendu le rock pour mêler drogue et musique), se retrouve hanté par les visions cauchemardesques d’un Sabbat, au son du Dies Irae grégorien qui apparaît à 3’16.
Pour repérer les Dies Irae cités dans les œuvres de la playlist suivante, il faut l’écouter sur grooveshark afin de pouvoir suivre mes indications avec le minutage :
[Edit : playlists disparues avec l'arrêt de grooveshark, j'en refais une sur spotify, avec toutes les citations du Dies Irae de cet article... les minutages précisés dans l'article ne sont plus forcément justes, puisqu'il ne s'agira pas toujours des mêmes interprétations, je les laisse à titre indicatif, et j'y reviendrai pour les modifier]
Avant les romantiques, Haydn a utilisé le Dies Irae dans une œuvre profane, sa Symphonie n°103 (premier mouvement). Le début du thème du Dies Irae s’entend à 0’10 dans le grave, ou encore à 1’13 dans l’aigu.
Le Dies Irae grégorien chez les romantiques
Après Berlioz, plusieurs compositeurs vont intégrer le Dies Irae grégorien à des œuvres profanes :
Liszt- Danse Macabre (Totentanz) Paraphrase sur le Dies irae (1849) Sur un accompagnement au piano, l’orchestre joue le thème du Dies Irae dans les graves (il débute au bout de 5 secondes). C’est le thème principal de l’œuvre, et il revient donc, « paraphrasé » comme l’indique son sous-titre, de nombreuses fois.
Liszt – Csardas Macabre (1881). Le motif principal utilise les premières notes du Dies Irae.
Saint-Saëns – Danse Macabre (1874). Dies Irae en majeur et très facilement identifiable, de 2'41 à 3’07.
Saint-Saëns – Symphonie n°3 (1886), 4° mouvement. Le thème, à 0’33, est une variation du Dies Irae, autres variations à partir de 5'40.
Moussorgsky – Chants et danses des morts (1875). Les premières notes de piano, dans le grave.
Tchaikovsky – Symphonie Manfred (1885), 4° mouvement (à 16’50, et répété en boucle à partir de 17’32) et Suite n°3 pour orchestre, 4° mouvement, thème avec variations (à 5'11).
Brahms – Intermezzo OP. 118 n°6 en mi b Mineur (1893) Le thème est basé sur le Dies Irae
Gustav Mahler – Symphonie No. 2, « Résurrection » (1894), 1er mouvement (à 11’07, à 11’52) et 5° mouvement (dans le Ritardando, les premières notes du Dies Irae se retrouvent à 0’48, 0’56, 1’07, 2’49, 2’57, 3’10, 3’18, 3’34, 3’46, 4’21, et Wieder sehr breit commence par ce motif)
Le Dies Irae au XX° siècle
Le Moyen Age n’exerce plus la même fascination sur les artistes du XX° que sur les romantiques. Et pourtant, le Dies Irae continue d’être régulièrement cité… Plusieurs raisons à cela :
Tout d’abord, il reste encore quelques post-romantiques, tel Rachmaninov. Si, au XIX°, on était fasciné par le côté fantastique et mystérieux du Moyen Age (cf. Berlioz et Liszt), on s’intéresse au XX° plus « sérieusement » qu’auparavant aux musiques anciennes (de la Renaissance et du Moyen Age), et on cultive le goût de la citation (post-modernisme). Ensuite, le Dies Irae a cette connotation morbide qui ne manquera pas de trouver écho dans les musiques sombres et dissonantes du XX°, et dans ce siècle violent où les guerres deviennent mondiales… voir par exemple le Dies Irae « Auschwitz oratorio » de Penderecki. Et, dernier élément à prendre en considération, certains compositeurs - notamment des pays de l’Est - sont croyants et attachés à la liturgie…
Quelques exemples (toujours dans la même playlist)
Rachmaninov – Symphonie n°1 (1895), 1er mouvement (Le thème principal est dérivé du Dies Irae, que l’on reconnaît plus particulièrement à 50’’, à 1’35, à 6’56, 12’43 etc.)
Rachaminov – Symphonic Dances (1940), Lento Assai – Allegro (citation du Dies Irae par exemple à 2’23, et à partir de 4’12)
Rachmaninov – Rhapsodie sur un thème de Paganini (1934) Pendant toute la variation VII, au piano.
Encore chez Rachmaninov, plusieurs réminiscences du Dies Irae dans une de mes œuvres de chevet, L’Ile des Morts (1909), notamment à partir de 6'20, et, surtout, les premières notes du Dies Irae répétées de 14'03 à 16'30 (et il est assez net, dans le grave, à 17'55)
Chez Rachmaninov, le Dies irae tourne à l’obsession, on le retrouve cité aussi dans le 4° Concerto pour Piano (3° mouvement), ses 2° et 3° symphonies, et dans The Bells.
Igor Stravinsky, 3 pièces pour quatuor à cordes. N° 3 : Cantique (1914) (Le thème principal, qui arrive à 0’10)
Eugène Ysaye – Sonate pour violon n°2 en La mineur (1923) Tout le premier mouvement, Obsession, est construit sur le thème du Dies Irae.
Nikolaï Medtner, Quintette pour piano et cordes (1949) 1er mouvement (notamment à 0’11 et à 2’22, mais il revient assez régulièrement)
Khatchaturian – Symphonie n°2 (1943). Andante Sostenuto (vaguement à 3’37, plus évident de 6’03 à 7’03, et repris de 7’57 à 9’25, puis encore à 9’53 et à 10’20)
Shostakovitch – Symphonie n°14. 1. De profundis (le thème de départ, aux violons, est inspiré du Dies Irae), et 10. La Mort du Poète
George Crumb – Black Angels (premier mouvement, à 4’53 et 5’03)
Chansons :
Stephen Sondheim - The Ballad of Sweeney Todd (Comme les oeuvres précédentes, les chansons qui suivent - et les BO - sont dans la playlist)
Jacques Brel – La Mort. Si vous n’êtes pas amateur de classique et voulez tout de même pouvoir identifier ce thème et bien vous le mettre dans l’oreille, vous pouvez vous fier à ce morceau de Brel qui utilise le Dies Irae grégorien comme thème de base de sa chanson.
Scott Walker a repris cette chanson de Brel, devenu « My death », où il s’éloigne un peu plus que Brel du Dies Irae…
HF Thiéfaine – Le 22 Mai (thème du Dies Irae très présent, en particulier au début)
Paraît qu’on le retrouve aussi chez Sardou… vous m’excuserez de ne pas l’avoir cherché ni mis dans la playlist, pas plus que je ne l'ai fait pour bon nombre de groupes metal qui ont forcément dû l’utiliser…
Cinéma :
Bien entendu, un thème musical aussi connoté que le Dies Irae grégorien n’a pas manqué d’être employé régulièrement au cinéma. Quelques exemples :
Chez Kubrick, ce qui n’étonnera personne, dans Orange Mécanique et The Shining. Le Dies Irae grégorien est même le thème principal de Shining, et s’entend dès la scène d’ouverture :
Le Septième Sceaude Bergman (à écouter ici avec des images du film)
Jour de Colèrede Carl Theodor Dreyer (BO de Poul Schierbeck) :On entend une réadaptation du Dies Irae grégorien dès le générique… rien de plus normal puisque, si vous avez bien tout suivi depuis le début, « Dies Irae » signifie « Jour de Colère » :
Certains l’aiment Chaudde Billy Wilder (BO de Adolph Deutsch)
I Confess (La Loi du Silence) Hitchcock, musique de Dimitri Tiomkin. Un meurtre, un prêtre... il n'en fallait pas plus pour que résonne, dès les premières scènes, le thème du Dies Irae.
L’Obsédé(The Collector) de William Wyler (BO de Maurice Jarre)
Les Diables(The Devils) de Ken Russell (BO de Peter Maxwell Davies et de David Munrow)
Le jardin du diabled’Henry Hathaway (BO de Bernard Herrmann), sur youtube(II. The Church, thème facilement identifiable)
Obsessionde Brian de Palma (BO de Bernard Herrmann)
It's a Wonderfull Life, BO de Dimitri Tiomkin : Pottersville Cemetery (à partir de 5’15, facile à identifier)
Rencontres du 3ème type, de Steven Spielberg (BO de John Williams) Un des thèmes principaux du film, on le retrouve, par exemple, dans Main Title & Mountain Visions, à 1’06, 1’33, et plus encore de 2’01 à 3’00)
Poltergeist(BO de Jerry Goldsmith) Escape from Suburbia, à 1’15
Les nuits avec mon ennemi, de Joseph Ruben (BO de Jerry Goldsmith)
Le Bazar de l'Epouvante, de Fraser C. Heston
Un espion de trop (Telefon)de Don Siegel (BO de Lalo Schifrin)
The Murders in the Rue Morgue(BO de Charles Gross)
Star Wars- L’Attaque des Clones (The Tusken Camp, à 5’15 - avec quelques légères bribes durant le morceau) et La Revanche des Sith (Anakin’s Betrayal, surtout à partir de 1’40, mais on retrouve régulièrement les premières notes du Dies Irae dans ce morceau) (BO de John Williams)
Michel Strogoff- Les Funérailles (BO de Vladimir Cosma)
Demolition Man (BO d'Elliot Goldenthal). Là, au moins, j'ai pas dû me taper toute la BO pour trouver l'endroit où est cité le Dies Irae, puisque le premier morceau s'intitule "Dies Irae" (et le thème arrive au bout de 22 secondes)
Une curiosité, un « Dies irae Psychédélique » du grand Ennio Morricone, pour le film Escalation (1968). Un Dies Irae à la fois assez fidèle au Dies Irae grégorien... et assez psyché :
Morricone a composé un autre Dies Irae (mais qui n'est pas basé sur le chant grégorien, je l'ai ainsi mis dans la première playlist), pour le film « Le temps du Destin » de 1988.
Le Dies Irae grégorien a été relevé dans de nombreuses autres œuvres (je les liste sans vous les faire écouter, car soit elles ne sont pas disponibles sur grooveshark ou youtube, soit je n’ai pas été totalement convaincu par le fait qu’elles citent le Dies Irae)
Charles-Valentin Alkan – Souvenirs: Trois morceaux dans le genre pathétique, Op. 15 (No. 3: Morte)
Ernest Bloch – Suite Symphonique
Michael Daugherty – Metropolis Symphony 5th movement, "Red Cape Tango"; Dead Elvis (1993) for bassoon and chamber ensemble.
Luigi Dallapiccola - Canti di prigionia
Diamanda Galás – Masque Of The Red Death: Part I – The Divine Punishment
Donald Grantham – Baron Cimetiére's Mambo
Charles Gounod – Faust opera, act IV
Gustav Holst – The Planets, movement 5, "Saturn, the Bringer of Old Age"
Bernd Alois Zimmermann – Prélude de son opéra Die Soldaten (1957-1965)
Reynaldo Hahn – Mélodie n°1, Trois Jours de Vendange
Frank Martin - La Nique à Satan, oeuvre scénique pour solistes, choeur et orchestre
Pierre Henry – Une Tour de Babel (1999)
Je me suis basé en partie sur les listes disponibles sur wikipedia ou chez Nikkojazz pour référencer toutes ces citations (relativement) connues du Dies Irae. Et j’apporte aussi ma petite pierre à l’édifice, il y a au moins 3 musiques de films dans lesquelles j’ai reconnu par le passé le Dies Irae grégorien, mais il ne me semble pas que d’autres les aient remarquées et listées :
Old Souls (BO Inception) – Hans Zimmer
Une évocation du Dies Irae grégorien parcourt toute la pièce, et s’entend plus distinctement de 6’08 à la fin. Hans Zimmer aime le Dies irae, puisqu’on le retrouve, semble-t-il (j’ai vu ça sur un site… diesirae.com) dans les BO, que je ne connais pas, de The Road to El Dorado, Crimson Tide, et même celle du Roi Lion…
Danny Elfmann – Making Christmas (Nightmare before Christmas de Tim Burton) Le thème principal utilise les premières notes du Dies Irae. D’une certaine manière, le texte Making Christmas sur une citation musicale du Dies Irae nous signifie clairement, dès les toutes premières secondes, qu’il s’agira de « préparer Noël sur le thème de la Mort » :
Sweeney Todd – Opening title
The Ballad of Sweeney Toddest référencé comme citant le Dies irae, pourtant, la citation me semble encore plus évidente dans le morceau d’ouverture, à 1’41.
Parmi les nombreuses raisons qui peuvent expliquer la fascination qu’exerce toujours ce thème musical sur les compositeurs, il y a entre autre le fait que l’on ne connaisse pas son créateur. Un thème anonyme, qui n’appartient à personne… et donc appartient à tout le monde. On aurait pu imaginer que le génial Dies Irae de Mozart devienne la référence, et éclipse ce vieux thème grégorien… mais si l’on cite dans une œuvre le Dies irae de Mozart, c’est autant Mozart que le Dies Irae que l’on cite. Un peu comme la différence qui existe entre citer un proverbe « anonyme », qui appartient à tous et que l’on fait sien, ou une phrase d’un auteur célèbre, qui reste « la » phrase de tel auteur, l’expression de sa pensée. Le fait que l’on ne connaisse pas l’auteur du Dies Irae grégorien participe aussi de sa magie et de son mystère, un thème sombre qui nous vient des profondeurs de l’histoire, qui n’est pas « le thème de tel compositeur », mais tout simplement « le thème de la mort » (ou du jugement dernier).
Je me doute bien que peu parmi les lecteurs iront écouter toute la playlist en vérifiant le minutage pour entendre toutes les citations musicales du Dies Irae… ce n’est pas le but, tout cela est avant tout une « base de données » qui permettra à ceux qui s’intéressent à la question de repérer facilement et rapidement toutes ces occurrences du Dies Irae. J’ai fait une dernière playlist, beaucoup plus courte, avec le Dies Irae grégorien suivi des œuvres qui le citent d’une manière très marquée, afin de bien l’avoir dans l’oreille et le repérer facilement :
Musique classique, chansons, films… il existe tant d’œuvres qui citent le Dies Irae grégorien qu’il fait partie de notre culture commune ; vous ne pouvez y couper, il faut pouvoir le reconnaître. Et la culture, contrairement à ce que laisse à penser ce vieux cliché tenace, ce n’est pas fait pour briller dans des soirées mondaines (avec blind-test spécial Dies Irae), c’est de la communication, un langage qui nous permet de mieux comprendre l’art et nos semblables… la mélodie du Dies irae est un signifiant important, vous pouvez certes apprécier un film ou une musique sans reconnaître le thème du Dies Irae qui y ferait subitement une apparition, mais c’est une part de l’œuvre et de son sens, qui pourra vous échapper… La culture, dans ce cas précis, ce n’est pas de connaître par cœur le nom de toutes les œuvres qui utilisent le Dies Irae grégorien, mais c’est de savoir à quoi il fait référence, et d’avoir en tête cet incontournable thème musical afin, tout simplement, de mieux comprendre les œuvres, si nombreuses, qui l’utilisent…
Quoi de commun entre Batman et Debussy ? A priori, rien. Pourtant, en me replongeant dans l’œuvre géniale de Debussy pour une playlist en illustration d’un article à venir, la similitude entre un thème de La Sarabande de Debussy (du recueil Pour le Piano) et un thème de The Dark Knight (que j’ai passé pas mal de temps à écouter il y a un peu plus d’un mois pour l’article qui lui a été consacré) m’a sauté aux oreilles. Je savais que j’avais déjà entendu ce thème quelque part, mais je ne me doutais absolument pas que c’était chez Debussy. Et pour cause, Hans Zimmer fait sonner ce thème de manière très romantique, alors que Debussy est, avec Satie, un des tous premiers compositeurs à être non seulement « sorti » de l’esthétique romantique, mais à avoir composé « en réaction » contre le romantisme. Voilà pourquoi ce thème, tel qu’il est orchestré par Hans Zimmer (et/ou James Newton Howard), fait plus penser à du Brahms, du Bruckner ou du (Richard) Strauss qu’à du Debussy.
Certains puristes pourraient bondir deux fois, non seulement parce que Zimmer « ose » pomper sur Debussy (je n’ai pas l’album de la BO de The Dark Knight, je n’ai pu donc vérifier dans les crédits, mais ça m’étonnerait fort qu’il le cite), mais, en plus, parce qu’il le « romantise », à contre-sens de l’esthétique impressionniste.
Pour ma part ça ne me dérange pas tant que ça. Tout d’abord parce que la musique, comme je l’ai souvent écrit ici (et ce pourquoi je supporte difficilement les mensonges de l’industrie du disque sur le téléchargement), ça circule : thèmes, rythmes, harmonies, sons ; les musiciens ne cessent d'emprunter les uns aux autres. Ce qui m’a tout de même toujours vraiment dérangé dans le plagiat en musique, ce n’est pas qu’un compositeur « vole » une mélodie à un autre pour se faire du pognon sans rétribuer l’auteur, c’est plutôt l’aveu de manque d’inspiration que son acte suggère (sauf dans le cas d’une citation, sous forme de clin d’œil). Le compositeur n’a pas été foutu de trouver un bon thème pour tel passage, donc il va en piquer un ailleurs. Ensuite, Debussy lui-même, comme bon nombre de grands génies de la musique, a « emprunté » des thèmes à d’autres compositeurs. Un peu avant la Sarabande, je réécoutais le magnifique Rêverie dont un bref passage est une descente wagnérienne typique (sous forme de marche harmonique), mix entre les Maîtres Chanteurs et Parsifal :
Rêverie
1’38 à 1'53
Ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner
Une première fois à 0'14, et on la retrouve tout au long de la pièce :
Certes, Zimmer / Newton Howard ont « romantisé » Debussy à grands coups de violons, mais Debussy lui-même « impressionnise » (oui, je sais, pas terrible, comme néologisme) Wagner en virant les envolées lyriques de cordes ou cuivres imposants des Maîtres Chanteurs et Parsifal pour les remplacer par un piano délicat. D’une certaine manière, la boucle est bouclée… même si, bien évidemment, malgré leur talent et leur musicalité, Zimmer / Newton Howard ne sont pas à mettre sur le même plan que des génies de la musique de la stature de Debussy ou Wagner.
Sans transition aucune, et, surtout, loin de considérations sur les « génies de la musique », mais garanti sans aucun thème ou motif pompé, je profite de cet article pour vous annoncer la sortie mondiale, nationale, régionale, communale… bref, la sortie ici de mon album, dans très peu de temps. Demain, si tout va bien... sinon, avant la fin de la semaine…