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Classements d'albums

18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 13:05

Vous aussi, vous êtes déjà lassés de la campagne présidentielle avant qu’elle ne commence réellement ? Vous aussi, la perspective d’avoir soit Hollande, soit Sarkozy président jusqu’en 2017, ça vous déprime ?

 

Heureusement, il nous reste l’art. Quelques grammes de sublime dans un monde médiocre. Le plaisir de l’esthète : fuir la morosité, la lourdeur et la vulgarité du monde en s’abandonnant totalement à des œuvres de génie. Comme le 3° mouvement du premier quatuor de Brahms. Plonger dans ce mouvement, c’est neuf minutes dans un monde sans Sarkozy, Morano, Hollande, Aubry, Mélenchon, Le Pen, Joly, DSK, Coppé… neuf minutes dans un monde de rêve, de finesse et d’élégance. Il n’est pas nécessaire de s’y plonger pour être saisi par la beauté mélodique, mais le plaisir est décuplé lorsque vous lui accordez l’attention qu’il mérite et suivez en même temps les différentes lignes des quatre musiciens. Des mélodies qui s’entrelacent avec une musicalité et une subtilité remarquables.

 

J’insiste à chaque fois que je vous parle de classique sur le fait d’écouter « attentivement »… car la musique pop habitue à une écoute assez simpliste, avec une mélodie accompagnée par de la rythmique et quelques riffs ou gimmicks simples… du coup, l’oreille paresse, et il faut un minimum d’effort, face à de la musique classique, pour entendre simultanément des thèmes et harmonies nettement plus riches et complexes. Mais ce n’est pas un effort « austère et scolaire » qui vous est demandé, juste un effort d’attention et d’abandon pour retirer un plaisir encore plus grand et des émotions beaucoup plus fortes. Si j’osais, je dirais que, pour le sens auditif, la différence entre la pop et le classique est la même qu’entre la pornographie et l’érotisme…  

   

Il n'est pas toujours évident de trouver les meilleures versions des oeuvres classiques sur Grooveshark, là, par chance, il y a ma favorite, celle du quatuor Amadeus...

 

Johannes Brahms – Quatuor à cordes n°1 en do mineur, op. 51, 3° mouvement (1873)

 

 

 

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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 10:05

Des musiques aussi révolutionnaires, influentes et - n'ayons pas peur des mots - sublimes que le Tristan et Isolde de Wagner, vous pouvez les compter sur les doigts d'une main. Que faire pour les compositeurs suivants après une oeuvre telle que Tristan ? Schoenberg la considérait comme la source de la musique moderne, lui qui partira du chromatisme "exacerbé" de Tristan pour fonder l'atonalité puis le dodécaphonisme. Influence considérable sur la musique du XX° et, de manière un peu plus anecdotique, sur la musique de cinéma... cent fois copiée, jamais égalée pour illustrer la passion amoureuse (et même le mystère et l'étrangeté, avec le solo de cor anglais du III° acte utilisé d'une façon inoubliable dans le Freaks de Tod Browning).  

 

L'oeuvre est d'une telle cohérence, d'une telle dimension "organique" (une des obsessions de Wagner) que les premières mesures à elles seules permettent de comprendre tout ce qui va suivre. Les 5 heures de Tristan (dans la version de Bernstein, qui a tenu à respecter scrupuleusement les tempos très lents de Wagner, les autres versions durent le plus souvent autour de 4 heures) sont ainsi synthétisées de manière remarquable dans les 2-3 premières mesures du Prélude...

 

Tristan.png 

 

 

En quelques notes de musique, l'essentiel est dit de cette oeuvre pourtant si riche et complexe...

Un saut de sixte mineure (la -fa) aux violoncelles pour débuter. Lyrisme et profonde mélancolie. Le lyrisme de ce saut d'intervalle, et la mélancolie du mineur et de la sonorité des violoncelles. Puis on arrive à l'accord le plus célèbre de l'histoire de la musique, celui qui a tant fasciné les analystes, "l'accord de Tristan". Normalement, dans la musique tonale, on assoit bien la tonalité au début, pour moduler (passer dans d'autres tonalités) plus tard... mais là, Wagner brouille les cartes dès le premier accord plaqué de l'oeuvre. Un accord dissonant, un accord "vague", qui pourrait évoquer 5 tonalités différentes. Bref, dès le début, on ne sait pas où l'on est, on ne sait pas où Wagner veut nous emmener, cet accord étonnant est plus une couleur qu'une balise... Mais une couleur sombre, trouble, qui marque le caractère onirique de l'oeuvre. Tristan est "l'homme de la nuit", tout au long de l'opéra, il maudira le jour, lieu de l'ordre, des conventions, des règles, et glorifiera la nuit, lieu de la passion, de l'évasion, du rêve. Un accord "vague", dans tous les sens du terme, comme ces vagues de désir qui vont submerger les deux amants, et ces vagues sur lesquelles ils évoluent puisque Tristan et Isolde sont au premier acte sur un navire. C'est même tout le Prélude qui semble fonctionner "par vagues" (répétitions, marches harmoniques, lenteur, caractère hypnotique)...   

De cet accord trouble naît le thème du désir, la montée chromatique sol#-la-la#-si. Car contrairement à la légende, le philtre d'amour n'est chez Wagner qu'un prétexte, le désir est déjà présent aux premières mesures de l'oeuvre. Un prétexte qui leur permettra de s'avouer cet amour qu'ils tentaient tant bien que mal de masquer. Dans la musique classique, le chromatisme - notes qui se suivent directement mais ne peuvent appartenir à une même gamme - est souvent associé à la souffrance, la noirceur, le mystère... un chromatisme lent et descendant permet de figurer la chute ou la douleur, comme je l'expliquais ici chez Bach. Mais dans Tristan, le mouvement est ascendant, c'est bien de désir qu'il s'agit, le désir qui ne cesse de monter. Le désir élève, il nous fait vivre (mouvement ascendant), comme il nous fait souffrir et nous consume (chromatisme). Le désir n'est pas qu'appétit de vie, il est aussi aspiration à la mort (se fondre dans la nuit pour en finir avec les tourments, le souhait de Tristan).

 

Cette dualité du désir, nul ne pouvait mieux la saisir et l'illustrer que Wagner à cette période de son existence (les années 1850, il commence à écrire le livret de Tristan en 1854, et la musique en 1857, pour terminer l'oeuvre deux ans plus tard). Wagner, personnage romantique s'il en est, exalté, révolutionnaire, et qui vivait à ce moment ce qu'il exprimait dans Tristan. Recherché par la police, en fuite et en exil après sa participation aux insurrections de 1848, sa femme et lui sont hébergés par un riche commerçant... avec l'épouse duquel il aura une relation pendant plusieurs années (Mathilde Wesendonck). Mais dans le même temps, Wagner découvre la philosophie de Schopenhauer, qui aura sur lui une influence considérable, et va le conduire à se passionner aussi pour le bouddhisme. Des pensées qui rejettent le désir, qui le considèrent comme un poison (le philtre d'amour, décrit ainsi par Tristan lors du III° acte), une émanation de l'ego qui nous détourne de l'harmonie du monde. Ce désir qui se nourrit de nous, qui nous rend perpétuellement insatisfaits ; une fois l'objet du désir acquis, c'est un autre désir qui naît. Ce désir qui nous ronge et nous affaiblit, comme Wagner affaiblit la tonalité d'une manière inédite dans Tristan. La dualité entre l'apologie romantique du désir et son rejet par la philosophie de Schopenhauer et les philosophies orientales font de Tristan une oeuvre aussi lyrique et passionnée que sombre et tourmentée. Eloge de la passion amoureuse, ou expression du renoncement schopenhauerien ? Les commentateurs de l'oeuvre ont souvent bataillé pour défendre l'une ou l'autre de ces interprétations, mais les deux coexistent bien dans Tristan. La résolution de ce tiraillement, qui est celui de Wagner comme de son héros, est aussi longue et ambiguë que peuvent l'être, à leur niveau, les résolutions d'accords dans l'oeuvre... C'est là aussi tout le génie de Wagner, ses audaces et innovations ont révolutionné la musique, et pourtant, elles ne sont pas de "l'expérimentation pour l'expérimentation", elles se justifient par le sens de l'oeuvre... si les résolutions d'accords tardent tant, ou sont si inhabituelles, c'est bien parce que la musique est à l'image du désir insatiable qu'il veut illustrer. 

 

Pourtant, à la toute fin de l'opéra, Wagner parvient à trouver une résolution à ces deux conceptions du désir, une résolution par la transcendance. L'amour sublimé dans la mort, et la mort comme seule fin possible à cette passion dévorante. Tristan et Isolde n'est pas un conte de fées, pas de "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", impossible d'imaginer Tristan et Isolde couler des jours heureux avec trois enfants, un chien, un jardin et une maison, quand bien même on leur offrirait un royaume. Ce qu'ils aiment, ce n'est pas l'autre, c'est l'amour et la passion. Contrairement à la plupart des tragédies amoureuses qui précédaient celle de Wagner (et même à la légende originale), ce n'est pas un événement extérieur qui cause leur mort, ce n'est pas la jalousie d'un tiers, ce n'est pas le conciliant roi Marke (époux d'Isolde et père adoptif de Tristan), ce ne sont pas les conventions et règles sociales contre lesquelles ils se dressent ni une question d'honneur... c'est, à l'intérieur d'eux, ce désir insatiable qui les consume, cette passion extrême. Seul le néant pourra mettre fin à leur souffrance...

 

Les premières mesures contiennent, en germe, tout le sens de l'oeuvre... et même, d'une certaine manière, la base des nouvelles esthétiques qui succèderont au romantisme. Le chromatisme omniprésent et l'affaiblissement de la tonalité conduiront à l'atonalité, au dodécaphonisme et au sérialisme de Schönberg, et l'accord de Tristan est déjà un accord "vague" comme le seront quelques décennies plus tard les accords de la musique "impressionniste" de Debussy (des accords dont la couleur compte plus que la fonction tonale, on en trouvera aussi chez Schönberg, notamment en 1909 dans Farben - couleurs - des 5 Pièces pour Orchestre Op. 16).  

   

 

Lorsqu'on n'est pas habitué à la musique classique, les opéras de Wagner ne sont pas la porte d'entrée la plus facile. Opéras interminables, longs monologues, chant en allemand, recherche d'une "mélodie infinie" plutôt que succession d'airs ainsi que tempos souvent très lents ont de quoi décourager les plus motivés. Pour découvrir Wagner, mieux vaut commencer par ses ouvertures et préludes d'opéras, qui restent assez accessibles sans pour autant être de la musique "facile", loin de là. Celui de Tristan est sans doute le plus fascinant, rarement (pour ne pas dire jamais) musique n'aura été auparavant aussi hypnotique, voluptueuse, envoûtante et passionnée. Donc vous pouvez y aller les yeux fermés. Que dis-je, vous "devez" y aller les yeux fermés. Un chef-d'oeuvre pareil, ça se respecte et ça se mérite, pas question de l'écouter en surfant sur le web, il faut s'y abandonner totalement pour goûter à ses incroyables subtilités harmoniques et orchestrales et se laisser submerger par ses vagues d'émotions et de sensualité... 

 

 

 

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16 juin 2011 4 16 /06 /juin /2011 17:49

« Quel est le mauvais goût en matière de musique classique ? On parle souvent de Tchaikovsky ou de Rossini comme étant du classique bas de gamme. Quels sont les autres compositeurs que l'ont peut mettre dans cette catégorie? Rachmaninov aussi ? Quelles en sont les raisons? »

 

Cette question de Pietro, ici, m’a donné envie d’écrire un article sur le sujet.

 

Lorsque j’ai commencé à fréquenter des gens dont le milieu musical de base était « classique », j’ai été surpris par leur fréquent mauvais goût en matière de pop et de rock. Et lorsque je suis revenu à mon milieu musical d’origine, le rock, j’ai aussi été étonné de voir à quel point des fans de rock adultes, exigeants avec leur genre de prédilection pouvaient avoir volontiers mauvais goût dans le domaine classique. La raison est en fait très simple et ne tient pas qu’à un manque de culture dans d’autres genres musicaux que le leur ou une méconnaissance des codes ; les uns comme les autres n’attendaient pas du tout la même chose de ce style différent de leur style de base, ils l’écoutent souvent comme un « divertissement ». Des amateurs de classique qui attendent du rock des mélodies faciles et des rythmes entraînants, des amateurs de rock qui attendent du classique de belles mélodies et harmonies…

 

La question du mauvais goût en musique classique est souvent posée à propos de l’interprétation. Par exemple, une mélodie romantique touchante qu’un interprète va charger d’effets maniérés, la faisant passer de « sensible » à « dégoulinante »… Mais elle l’est moins en ce qui concerne la composition.

 

Si, en matière de pop, rock, chanson, il est très facile de citer des tas d’artistes « de mauvais goût » (Céline Dion, Johnny, Lady Gaga, Abba etc, la liste est trop longue pour tenir dans un article), c’est moins le cas pour le classique où le temps a fait son œuvre, et les compositeurs les plus célèbres sont le plus souvent admis comme les plus remarquables de l’histoire. Il serait d’ailleurs difficile de citer un compositeur comme « emblème du mauvais goût classique », soit il a été oublié, soit… tout n’est pas à jeter non plus chez lui. Il n’y a pas vraiment de compositeur classique qui soit un « repoussoir » comme les chanteurs de varièt’ à succès peuvent l’être pour des amateurs pointus de rock et de pop. Mais il y  a tout de même des compositeurs très critiqués chez les mélomanes. Plutôt que de les lister, il me semble plus intéressant de partir des raisons de ce mauvais goût demandées par Pietro, en se basant sur plusieurs exemples.

 

- Le décalage entre le succès public et l’importance dans l’histoire de la musique. Le Canon de Pachelbel, les Valses de Strauss ou l’Adagio d’Albinoni, c’est bien joli (et encore), mais un peu « léger », aussi… Les spécialistes de la musique classique ne sont pas – pour la plupart – des snobs méprisant tout ce qui a du succès, ils admirent des œuvres parmi les plus célèbres et appréciées du « grand public », tels les symphonies n° 5 et 9 de Beethoven, le Requiem, le Don Giovanni ou la Flûte Enchantée de Mozart, la Symphonie Fantastique de Berlioz, la Toccata et Fugue en ré mineur de Bach, les Préludes et Nocturnes de Chopin etc. Parce que ces œuvres sont de vrais chefs-d’œuvre, des œuvres importantes, décisives… Ce qu’ils n’aiment pas, ce sont ces « tubes classiques » un peu faciles de compositeurs plutôt anecdotiques (Les Planètes de Gustav Holst). C’est aussi en partie à cause de ce décalage qu’un Tchaïkovsky est souvent méprisé (lui préférer son contemporain et compatriote Moussorgsky, beaucoup plus original) : il est aussi connu et apprécié qu’un Mozart ou Beethoven par le grand public, mais il n’est pas de leur niveau. Sans les Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Liszt ou Wagner, la musique n’aurait pas été la même… mais sans Tchaïkovsky… ça n’aurait pas changé grand-chose.

 

 -         Retard, régression et académisme. J’aime beaucoup Rachmaninov, mais il compose dans un style romantique très proche de celui de Liszt et Chopin… à une époque où, entre Debussy et Schönberg, on est déjà passé à autre chose. Il n’est même pas dans un post-romantisme mahlerien, mais dans un romantisme plus traditionnel, avec plusieurs décennies de retard (on pourrait tout de même légèrement nuancé, par son emprunt au folklore russe, certains passages limite impressionnistes). Les grands compositeurs influent sur le cours de la musique, ce sont des innovateurs, des visionnaires, pas des nostalgiques au regard perdu dans le passé. Ils bousculent les codes, inventent, osent et refusent l’académisme (lorsqu’on parle d’académisme en musique, on fait d'ordinaire référence à Saint-Saëns…)      

 

 -         Mièvrerie, lourdeur, boursouflure. On touche là à des choses assez subjectives… Le romantisme cherche l’expression des sentiments, même outranciers, c’est un art de l’excès… le romantisme serait de « mauvais goût » ? Non, évidemment. Le problème n’est pas l’excès, il est d’en faire des tonnes quand il n’y a rien derrière. Pour prendre un exemple plus parlant et actuel, le mauvais goût dans le cinéma, ce sont notamment ces blockbusters sans intérêt, bourrés d’effets spéciaux, de scènes spectaculaires et de cette horrible 3D. Rien de comparable lorsqu’on parle des grands compositeurs romantiques. De l’excès, certes, mais avec toujours de la profondeur. L’excès pour repousser les limites, l’excès comme « dévoilement ». Le but n’est pas d’en mettre plein la vue, de jeter de la poudre aux yeux, bien au contraire… Il n’y a pas de « mauvais goût » dans la virtuosité pianistique d’un Chopin, parfois critiqué en son temps parce qu’il se consacrait exclusivement au piano (jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il était un des plus grands novateurs de la musique de la première partie du XIX°). Si l’on veut trouver du mauvais goût dans l’excès de virtuosité, ce serait plutôt chez Paganini. Ce fameux violoniste qui fascinait les foules par sa vitesse d’exécution hallucinante, mais dont les œuvres n’auront vraiment pas marqué l’histoire. Dans le mauvais goût de l’excès au XIX°, on pourrait aussi parler de ces grands opéras historiques français, très pompeux, ou certains opéras italiens assez creux qui misent tout ou presque sur la virtuosité vocale, le « bel canto ». Chez les compositeurs d’opéras fin XIX° début XX°, Puccini a aussi été accusé de « mauvais goût », par son côté parfois trop « tire-larmes »… Si vous n’aimez pas les épanchements et violons larmoyants, évitez Puccini… dommage, tout de même, de se priver de Tosca, Turandot, La Bohème ou Madame Butterfly… Autre compositeur que l’on pourrait considérer comme souvent de « mauvais goût », l’anglais Ralph Vaughan Williams. Jolies mélodies un peu simplistes, sentimentalisme, manque d’innovation…  

 

 -         Simplisme. Pour la musique "savante" qu’est le classique, richesse, profondeur et complexité sont des critères importants. Ce n’est pas la complexité et la richesse qui font la qualité d’une œuvre, mais leur absence est en général un défaut. Voilà pourquoi il a fallu du temps pour que Satie soit vraiment pris au sérieux (en même temps, le compositeur des Préludes Flasques pour un Chien, d’Embryons desséchés et Trois Morceaux en Forme de Poire ne se prenait lui-même pas vraiment au sérieux). Sa musique semblait trop simple… puis on a réalisé qu’il avait tout de même apporté une pierre importante dans la musique classique, et une esthétique qui aura eu son influence. La richesse d’une œuvre n’est pas uniquement dans son écriture, son instrumentation, elle est aussi dans sa nouveauté, son audace, sa pertinence… Parmi les pièces très simples qui ont eu un grand succès, impossible de ne pas citer le célébrissime O Fortuna des Carmina Burana de Carl Orff. Très efficace, c’est certain, mais bien trop facile, voire « bourrin », pour les mélomanes les plus raffinés. La musique minimaliste ne fait elle toujours pas non plus l’unanimité. Certes, elle a amené quelque chose de relativement nouveau, mais bon nombre d’esthètes considèrent qu’elle est surtout une forme de régression… à la limite du foutage de gueule… Pour beaucoup, la musique de Philip Glass en particulier est vraiment de l’ordre du « mauvais goût ». Même genre de critiques sur les compositeurs néo-classiques de la fin du XX° (de l’est, le plus souvent), tels Arvo Pärt ou Gorecki. Au lieu de continuer à avancer, expérimenter, ils cèdent un peu trop facilement aux attentes du « grand public ». Peut-être n’a-t-on pas encore le recul nécessaire pour juger de la pertinence ou non de ces genres, assez récents… l’histoire tranchera, comme elle a tranché pour Mahler, dont la Marche funèbre de sa première symphonie pouvait être considérée à l’époque comme du pur « mauvais goût », comme je l’expliquais ici, et, heureusement, l’histoire a donné raison à Mahler…

 

Si vous aimez plusieurs des compositeurs cités dans cet article, rassurez-vous, vous n’avez pas forcément mauvais goût en matière de classique (d’ailleurs, j’aime bien la plupart de ces compositeurs). Avoir un « mauvais goût classique » n’est pas tellement lié au fait d’aimer tel ou tel compositeur, peu sont vraiment « honteux », les plus grands chefs et interprètes ont joué leurs œuvres. Le vrai mauvais goût, c’est plutôt de surévaluer certains compositeurs de second plan. Ce n’est pas d’aimer Tchaïkovsky, mais d’en faire l’égal d’un Bach, un Beethoven ou un Wagner. Tout comme, en rock, vous pouvez apprécier Dire Straits ou Queen, tant que vous ne les mettez pas au niveau des Beatles ou du Velvet. Le mauvais goût, c’est manquer de sens esthétique, placer le plaisir « sucré » de jolies mélodies au-dessus de tout le reste, considérer la musique comme un bête divertissement qui n’a rien de plus à vous apporter qu’un petit plaisir sympathique et vaguement insipide. Vous pouvez être un grand connaisseur en matière de rock, si vous déclarez que vos groupes favoris sont Police, Supertramp et Dire Straits, on se dira forcément que votre rapport à la musique reste très superficiel, votre conception du rock trop mollassonne… ce qui équivaut, en classique à dire que vos compositeurs favoris sont Johann Strauss, Tchaïkovsky et Rossini.

 

Quel serait le comble du mauvais goût en classique ? Vous remarquerez tout d’abord que j’ai réussi jusque-là à ne pas citer une seule fois André Rieu et Clayderman (en même temps ce ne sont pas des compositeurs… et de toute façon, ils sont hors-catégorie). A mon avis, ce serait à la question « qu’est-ce que vous aimez dans la classique ? », répondre ainsi :

« Ralph Vaughan Williams est le compositeur que je trouve le plus fascinant. Et parmi les compositeurs les plus illustres de l’histoire, Tchaïkovsky est celui que je préfère. Mon œuvre favorite est le Beau Danube Bleu. Juste devant la Marche Triomphale d’Aïda de Verdi et les Carmina Burana de Carl Orff. J’aime pas vraiment Beethoven… sauf la Lettre à Elise, son chef-d’oeuvre. Et dans la musique de piano, j’aime bien le Liszt des débuts, mais je trouve que sa musique devient ensuite de moins en moins intéressante. »       

 

Transposé au rock, cela donnerait « Muse est mon groupe favori. Et parmi les plus groupes les plus illustres de l’histoire, c’est Police que je préfère. Ma chanson favorite est One de U2. Juste devant We are the Champions de Queen et Jump de Van Halen. J’aime pas vraiment les Beatles… sauf Ob-la-di Ob-la-da, leur meilleure chanson. Et j’aime bien le Radiohead de Pablo Honey, mais après, je les trouve de moins en moins intéressants. »

 

Que faut-il donc privilégier pour ne pas se faire taxer de mauvais goût en matière de classique ? Tout simplement les compositeurs les plus importants de l’histoire : Monteverdi, Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Schumann, Liszt, Wagner, Mahler, Debussy, Stravinsky, Ravel, Bartok… pour citer des compositeurs qui restent accessibles, ce qui est moins le cas des musiques du Moyen Age et de la Renaissance, ou des musiques atonales modernes. Mais même chez les plus grands génies de l'histoire de la musique, vous trouverez, parfois, quelques oeuvres ou passages un peu limite... 

 

Dans un prochain article, je vous donnerais quelques exemples de musiques classiques à mon sens de "mauvais goût".

 

Et pour finir, cette belle citation de Stravinsky, à méditer : L'idéal, c'est le bon goût. Le mauvais goût, c'est encore très bien. Le pire, c'est l'absence de goût.

 

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