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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 11:22

Dans mon bilan 2011, je vous parlais de cette chanson de la révolution égyptienne, Erhal, et précisais un peu rapidement qu'elle était basée sur une suite que j'aime particulièrement : "fondamentale - seconde mineure - tierce mineure - seconde mineure", sur laquelle je vais m'attarder dans cet article (si vous ne connaissez rien à la théorie musicale, ne fuyez pas, je vais limiter autant que possible les détails techniques et tenter de rendre tout ça audible à travers plusieurs exemples).

 

Ce que je veux vous expliquer est, au fond, très simple. Mais en termes techniques, ça devient toujours plus compliqué, voire incompréhensible pour ceux qui ne connaissent rien à la théorie. Mais avec deux petits logiciels libres (Piano Virtuel et Camstudio), tout cela devient subitement bien plus facile à expliquer et saisir.

 

Fondamentale - seconde mineure - tierce mineure - seconde mineure, ou une montée d'1/2 ton puis d'un ton, par exemple mi - fa -sol -fa. Il suffit de suivre la petite vidéo que je vous ai faite pour entendre tout de suite à quoi ça correspond (et le retrouver dans les morceaux que je vais vous faire écouter ensuite). 

 

  

 

Je joue les notes mi fa sol fa, puis je les transpose une quarte plus haut, ce qui donne la sib do sib. C'est le même motif, la même mélodie, mais plus haut.

 

Maintenant que vous avez dans l'oreille cette suite de notes, vous allez essayer de l'entendre dans les morceaux suivants...

 

Concentrez-vous sur la suite d'accords d'Erhal : 

 

 

 

Il part d'un accord barré de La et le glisse sur Si b, Do, Si b.

Une suite d'accords A - Bb - C - Bb. La même suite que celle que je vous ai fait entendre précédemment. 

Vous entendez ce mouvement qui monte et redescend, et vous sentez qu'il y a dans cette suite d'accords quelque chose de plutôt sombre, d'un peu mystérieux.

 

Une suite très simple à jouer, presque évidente... même si elle ne l'est pas d'un point de vue théorique.

Dans la musique tonale occidentale, le plus évident, c'est la tierce majeure (ex : la - do#), ce qui peut aussi se justifier par les lois de la physique et de l'acoustique (cf. La tristesse du mineur). Si vous voulez jouer un riff ou une suite qui soit un peu plus sombre, triste ou mélancolique, vous allez vers la tierce mineure (ex : la - do). Entre votre note fondamentale et la tierce mineure, vous jouez une seconde majeure (ex : la - si - do), par exemple la mélodie d'Another Brick in the Wall ou le riff d'(I can't get no) Satisfaction

  

Dans la suite d'Erhal, non seulement on a une tierce mineure, mais aussi une seconde mineure ! Deux intervalles mineurs, dont un (la seconde mineure) qui n'appartient pas à la gamme que l'on attend (dans les tonalités mineur et majeur, la seconde est toujours majeure). Deux intervalles mineurs dont un "dissonant", on comprend mieux pourquoi cette suite a quelque chose de plutôt sombre et mystérieux.

 

Dans l'exemple qui suit, je vous donne à entendre les 3 possibilités :

 

1. Do - Ré - Mi - Ré.  Fondamentale (do), seconde majeure (ré), tierce majeure (mi)

2. Do - Ré - Mib - Ré. Fondamentale (do), seconde majeure (ré), tierce mineure (mi b)

3. Do - Réb - Mib - Réb. Fondamentale (do), seconde mineure (réb), tierce mineure (mib)

 

Du 1 au 3, on ajoute du mineur, des intervalles plus resserrés, considérés comme plus tristes ou plus sombres dans notre tradition musicale occidentale.

 

Je pars ensuite d'un des thèmes les plus célèbres avec seconde majeure et tierce majeure : Au Clair de la Lune. Je le joue une fois normalement. Puis je le joue dans la version "2", c'est à dire avec une tierce mineure. Vous entendez qu'il devient tout de suite plus "triste" (ce qu'a fait par exemple Mahler dans sa Symphonie n°1 avec Frères Jacques, j'en parlais dans cet article). Puis je le joue une 3° fois avec la suite dont il est question, seconde mineure et tierce mineure, et à l'oreille, ça doit vous paraître encore plus étrange.

 

Je fais ensuite la même chose avec Satisfaction des Stones. Je le joue dans sa version normale, la version "2", avec seconde majeure et tierce mineure. Puis je le passe en majeur, le thème en devient plus "gentillet"... ce n'est plus (I can't get no) Satisfaction, mais (I can get) Satisfaction. Et je le joue dans la version qui nous intéresse aujourd'hui, avec seconde et tierce mineures (les 2 touches noires en do). Il devient alors plus étrange et sombre que l'original.

 

(C'est joué de manière très scolaire, pour bien faire entendre les notes, et parce que jouer des notes sur un clavier de pc, j'ai pas l'habitude...)    

  

  

 

Je vous disais en préambule que j'aime particulièrement cette suite de notes... preuve en est qu'elle se retrouve dans plusieurs de mes morceaux favoris. Notamment deux morceaux de Radiohead : Everything in its Right Place et Pyarmid Song

 

Ecoutez les accords aux claviers, ils suivent cette suite (dans Everything in its Right Place, il y a 4 notes qui descendent rapidement avant que l'on tombe sur la suite).

 

Everything in its Right Place

 

  

Pyramid Song 

 

 

 

Si ce n'est pas clair pour vous, je vous joue ces deux suites... à la suite, dans la même tonalité, vous entendrez qu'il s'agit bien des mêmes accords, et en suivant la note de basse, vous verrez qu'on a ce mouvement "fondamentale - seconde mineure - tierce mineure", soit "do - ré bémol - mi bémol."

 

(Je joue 4 fois la suite de Everything in its Right Place, 2 fois celle de Pyramid Song)

   

 

 

 

Je sais, joué comme ça, c'est assez moche... mais plaquer des accords sur un clavier de pc, sans toucher dynamique (sans possibilité de faire de nuances), ça ne peut pas bien sonner. Je n'ai pas non plus retranscrit les accords exactement comme Radiohead, je me contente de les jouer dans leur forme de base (ce sont les mêmes notes que dans les morceaux, mais pas forcément aux mêmes hauteurs).

 

Néanmoins, vous devez entendre que Pyramid Song et Everything in its Right Place, c'est à peu près la même chose. Ca la fout mal, me direz-vous, pour un groupe censé être un des plus inventifs de ces 20 dernières années... non, car à partir de ce même matériau de base, ils parviennent à créer deux morceaux très différents (avec aussi ce rythme à 5 temps sur Pyramid Song). Lorsque vous avez découvert Pyramid Song, il y a peu de chances que vous vous soyez dit "bah, ils nous refont le coup d'Everything in its Right Place..."

Ce n'est pas Radiohead non plus qui a inventé cette suite... on la retrouve quelques années auparavant dans un autre morceau que j'adore, un de ceux qui a nourri ma passion pour l'électro : P.E.T.R.O.L. d'Orbital (1996).

 

Ecoutez le morceau à partir de 2'33, vous entendrez cette même suite (en boucle, de 2'33 à 3'38, et ensuite de 4'41 à 5'46) plaquée au synthé, à contre-temps, comme le fera ensuite Radiohead sur Everything in its Right Place et Pyramid Song.      

  

 

 

J'adorais ce morceau... et cette suite ne m'était pas totalement étrangère. Je me souvenais l'avoir entendu quelque part, et avoir déjà été marqué par elle, mais impossible de me souvenir où, et ça m'obsédait. Je la rejouais à la guitare en espérant que ça me rappelle quelque chose... mais non. Elle m'évoquait une musique de science-fiction. J'ai réécouté à l'époque la B.O. de Blade Runner, sans la retrouver... et le déclic s'est fait, bon sang mais c'est bien sûr, c'est la musique d'un des (rares - c'est pour cela qu'il m'a particulièrement marqué) dessins animés que je regardais dans mon enfance... Capitaine Flam ! Non, pas l'horrible chanson française du générique, mais une musique instrumentale, qui intervenait à chaque fois que la situation devenait tendue, angoissante, "dramatique"... 4 accords qui annonçaient ce type de situation et lançaient la musique la plus sombre du dessin animé (avec cette basse obstinée et hypnotique), 4 accords que vous retrouvez ci-dessous de 3'27 à 3'33 :

    

 

 

 

Après la grosse déception The King of Limbs, vous apprenez maintenant que non seulement Radiohead, dans ses meilleurs morceaux, réutilise de mêmes formules, mais, surtout, qu'ils les pompent à Orbital et... Capitaine Flam ! C'est tout un monde qui s'écroule... et une aubaine pour les plus grands snobs du rock qui pourront maintenant balancer "Radiohead ? Bah... ils ont fait quoi, à part pomper la musique de Capitaine Flam ?"

 

Rassurez-vous, la musique de Capitaine Flam n'est pas non plus la première à utiliser cette suite. On la retrouve en particulier dans la musique espagnole, car ce que font les musiques de Capitaine Flam & co (si, avec ça, je ne gagne pas la grand prix du jeu de mot 2012...), c'est d'utiliser le mode flamenco. Le mode du III° degré, mode "phrygien", ou mode de mi (quand on est en do). 

 

Prenez une gamme de do : do - ré - mi - fa - sol -la - si - do.

Si vous commencez par mi et considérez mi comme votre note fondamentale (la note de base, celle autour de laquelle on tourne), vous avez : mi - fa - sol - la - si - do - ré.

De mi à fa : 1/2 ton, seconde mineure. 

De mi à sol : 1,5 ton, tierce mineure.

 

Mi - fa - sol, comme je vous le jouais au début, est bien la suite dont il est question, et le début du mode flamenco. C'est aussi pour cela que le flamenco a ce côté "mystérieux" et plutôt sombre...

 

Et pour continuer dans la théorie, cette seconde mineure après la fondamentale se trouve aussi dans la musique classique, ce qu'on appelle la "sixte napolitaine" (encore une histoire de sixte). Pourquoi "sixte" alors qu'il est question de seconde mineure ? Là, ça devient plus compliqué...

Mettons qu'on soit en Do. Votre accord du II° degré est le ré mineur (ses notes sont ré - fa - la). Le premier renversement de cet accord est fa - la - ré. C'est toujours un accord de ré mineur, mais à l'état de sixte (puisqu'entre fa et ré vous avez une sixte, majeure). Le ré est passé à l'aigu, vous le baissez d'un demi-ton, il devient ré bémol, note étrangère à votre gamme, qui va amener une sonorité plus "triste", plaintive ou mystérieuse... de fa à ré bémol, vous avez maintenant une sixte mineure. Les sixtes napolitaines peuvent être utilisées dans les tonalités majeur et mineur, mais on les retrouve plus souvent en mineur. En Do mineur, vous aurez donc Do - réb - mib. Soit les 3 notes dont il est question ici...

 

Je vous fait entendre cette sixte napolitaine de manière sommaire :

 

- Tout d'abord, en majeur, le passage "normal" d'un premier degré (Do) au II° degré (ré mineur, avec premier renversement, donc ré en haut), et retour sur Do. 

 

- Ensuite, je rejoue Do et ré m, mais avec cette fois la "sixte napolitaine", vous voyez en haut la touche noire du ré bémol. Je le rejoue une 2° fois en insistant sur cette sixte napolitaine, le ré bémol.

 

- Enfin, je le joue en mineur : Do mineur suivi par ré mineur avec sixte napolitaine (et toujours le retour sur Do)

 

 

 

J'aimerais pouvoir dire que mon attirance pour cette suite vient de la sixte napolitaine, mais je crains que ce ne soit plutôt à cause de Capitaine Flam. Est-ce le fait que j'aimais particulièrement ce dessin animé (et cette musique sombre) dans mon enfance, qui m'a prédisposé à adorer P.E.T.R.O.L. d'Orbital, Everything in its right Place et Pyramid Song de Radiohead ou Erhal ? Est-ce ma "madeleine de Proust", une association que je fais entre cette suite et ce plaisir d'enfance ? Ou est-ce que j'aimais d'autant plus ce dessin animé qu'il utilisait une suite à laquelle je ne pouvais qu'être sensible ? Il doit y avoir un peu des deux. Aimer un dessin animé dans votre enfance ne suffit pas à vous faire aimer une musique, une suite d'accords, sinon j'aimerais son horrible chanson du générique français... mais il est possible que les moments de tensions de Capitaine Flam annoncés par cette suite m'apportaient ces sensations fortes décuplées dans l'enfance, et que j'en retrouve une partie lorsque je retombe sur cette suite. Ce qui nous permet de toucher à un des éléments clés de la nature de la musique : elle n'exprime et ne véhicule rien de concret. Lorsque j'ai "redécouvert" cette suite chez Orbital, elle me touchait, mais je n'avais aucune idée d'où ça pouvait venir avant de creuser la question. Aucune image de Capitaine Flam ne me venait à l'esprit (pas plus qu'il y en a maintenant lorsque je me plonge dans Pyramid Song ou que j'écoute Erhal...) Ce que véhicule la musique est de l'abstrait, des sensations qui vont différer d'un individu à l'autre (même s'il existe quelques bases communes, on s'entendra tous pour trouver Pyramid Song mélancolique, et si une même chanson, découverte par exemple dans un film, vous évoquera des images de ce film). Nos goûts musicaux sont un dialogue permanent avec tout notre "vécu musical", tout ce que l'on a pu aimer depuis notre plus tendre enfance, les associations qui se créent plus ou moins inconsciemment... si vous êtes musicien, allez faire un tour du côté des musiques - notamment de dessins animés - qui vous fascinaient pendant l'enfance, vous pourriez y détecter des suites, motifs, harmonies qui ne sont peut-être pas sans rapport avec vos goûts musicaux actuels...

 

Enfin, pour entendre une dernière fois cette suite, je vous ai composé un petit morceau électro dont le motif de base (vous l'entendez joué seul au tout début) utilise cette même suite de notes : fondamentale, seconde mineure, tierce mineure, seconde mineure : Vortex.  

 

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 16:57

Pour illustrer l'article suivant - et parce que je viens de tomber sur un logiciel de musique pas mal du tout, Magix Music Maker - j'ai décidé de vous composer un morceau basé sur le mode dont il sera question... un morceau que je comptais mettre en fin de l'article, mais tant qu'à faire, autant le faire bien et consacrer un billet pour cette première compo que je mets en ligne.  

 

La majeure partie du morceau a été faite assez rapidement, en quelques heures alors que je prenais en main ce logiciel. Je l'ai ensuite retravaillé pendant plusieurs jours afin qu'il soit plus... "présentable".

Ce "Vortex" est très technoïde, les morceaux qui suivront le seront sans doute moins, même s'ils resteront dans un registre électro...

 

Vortex :

 

 

Vortex by Winter Loge
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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 22:35

fighter.jpgmelancholia-copie-1.jpg true-grit.jpg

 

 une-separation.jpgBlack-SwanDrive 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 2009, la « quête du père protecteur » me semblait être le thème fort des films de l’année (cf. bilan 2009), quel aura été celui de 2011 ? La séparation, comme le dit le titre d’un des grands films de l’année. En 2011, le cinéma nous aura particulièrement interrogés sur la séparation, la perte de ce qui nous est le plus cher, le deuil, et comment se reconstruire…

 

 

Une Séparation (d’Ashgar Farhadi). Dans ce magnifique film iranien, la peur de la séparation touche tous les personnages. Un homme qui craint de perdre son honneur, de se séparer de sa femme, de sa fille ou de son père (et qui risque ainsi de tous les perdre), une femme qui doit choisir entre se séparer de son mari ou renoncer à ses ambitions professionnelles, une fille qui ne veut pas se séparer d’un de ses parents, une employée de maison qui craint de perdre son travail, son mari, et son bébé… Personne ne veut se séparer de ce à quoi il tient, ce qui contribue à amplifier chaque fois un peu plus le drame qui se joue. 

 

Melancholia (de Lars Von Trier). A peine mariée, l’héroïne, hantée par une insondable mélancolie, se sépare de son époux… et, persuadée que la fin du monde n’est plus qu’une question de jours, se prépare à tout perdre. Dialectique entre les contraires : la fusion ultime et la séparation totale (grand thème du Tristan et Isolde de Wagner dont le Prélude rythme tout le film). Une fusion destructrice, celle des deux amants chez Wagner, et des deux planètes dans leur « danse de la mort » chez Von Trier… Le « wagnérien » que je suis aura été gâté cette année, entre la place prépondérante du prélude de Tristan et Isolde dans Melancholia (cf. mon article sur le Prélude de Tristan), et la Siegfried-Idyll qui berce A Dangerous Method de Cronenberg.  

 

Deux frères qui se séparent : Fighter, à mon sens la meilleure surprise de l’année, avec un Christian Bale étonnant. Deux frères particulièrement unis, qui, pendant une bonne partie du film, vont se brouiller, se séparer, devoir apprendre à vivre l’un sans l’autre… et pour l’un des deux, il est aussi question de se séparer de sa mère et de ses sœurs pour évoluer.   

 

Perte d’un enfant, perte d’un frère : The Tree of Life (Terrence Malick). La séparation la plus dure qui soit : la mort de son enfant. Et pour ce sujet terrible, un des films les plus beaux visuellement de l’année. On n’en attendait pas moins de Terrence Malick. Sur la séparation entre des parents et leur enfant, il y aura aussi eu cette année La Guerre est déclarée (que je n’ai pas vu), et Insidious, film fantastique où des parents se retrouvent séparés de leur fils non pas physiquement, mais psychiquement, celui-ci s’étant perdu dans d’autres plans de réalité…

 

Perte de la mère : A priori, Super 8 n’est pas un film sur la séparation… mais c’est une séparation, un deuil qui donne l’impulsion au film : la perte de la mère. Sans être le sujet principal, il sous-tend le film et trouve sa résolution dans les dernières secondes… Perte de la mère (et de la sœur), aussi, dès le début de Sucker Punch. L’héroïne perd tout, et se reconstruit par l’imaginaire pour s’en sortir. Comme dans Super 8, d’une certaine manière, puisque le cinéma, dans lequel se jette le jeune garçon, est aussi fuite dans l’imaginaire… La perte de la mère, c’est la perte de la personne avec laquelle un enfant entretient la relation la plus fusionnelle… tout son monde s’écroule, il lui reste à en recréer un nouveau par l’imaginaire, un univers transitionnel, pour se délivrer de l’angoisse et de la souffrance.   

 

Perte du père : La perte d’un père, à la base de True Grit et Le Discours d’un Roi n’est pas surmontée de la même manière que celle de la mère dans les deux films précédents. On comble le vide laissé par la mort de la mère dans l’imaginaire, et celle d’un père par la volonté et l’action… Le nouveau roi doit vaincre son bégaiement pour succéder dignement à son père et mener son peuple avec assurance, et la jeune Mattie Ross, dans True Grit, tient à venger, avec une détermination sans faille, l’assassinat de son père.

 

Perte du conjoint : Contagion (Soderbergh). Séparation rapide et brutale : une femme (Gwyneth Paltrow) tombe malade, et en quelques heures décède sans que son compagnon (Matt Damon) ne puisse rien y faire. Mais, comme son nom l’indique, le film ne s’arrête pas à une seule perte dans son scénario-catastrophe, il relate une épidémie mortelle d’une ampleur vertigineuse. Des familles, des quartiers et des populations décimées, la séparation à grande échelle… flippant sur le papier, un peu moins dans sa réalisation.

 

Perte d’un proche : Route Irish (Ken Loach). Un Ken Loach, noir, très noir. Et très réussi. Plus qu’un proche, c’est son meilleur ami que perd, en Irak, le héros qui fera tout pour comprendre ce qui se trame derrière cette mort suspecte. Une « séparation avec sa meilleure amie », aussi, mais dans un registre opposé : Bridesmaids (Mes meilleures amies), sûrement un des films les plus drôles de l’année.

 

Séparation forcée : Présumé Coupable. Basée sur une histoire vraie, celle d’un homme, lors de la fameuse affaire d’Outreau, accusé à tort, séparé de force de toute sa famille. Malgré l’absurdité de cette justice qui n’en est pas une, les mauvais traitements qu’il subit et qu’il est obligé de s’infliger pour qu’on l’entende, ce sur quoi insiste le film, dès la première scène où le héros est littéralement arraché à sa famille, c’est bien la douleur de la séparation. Une famille dont on le sépare et qui lui échappe chaque jour un peu plus… Dans un genre qui n’a absolument rien à voir, Thor de Kenneth Brannagh. Où il est aussi question d’un homme arraché à sa famille, ses proches, et même à son royaume, son univers, ses pouvoirs… les scènes sur terre sont pas mal du tout, assez drôles et sympathiques, mais celles dans le royaume d’Asgard sont franchement kitsch et pompeuses.

 

Séparation intellectuelle : A Dangerous Method – David Cronenberg. La séparation de deux des plus grands esprits de leur temps, séparation du maître et de l’élève, Freud et Jung. Pas le meilleur Cronenberg, mais un film à voir si l’on s’intéresse à la psychanalyse. Là aussi, par ce thème de la séparation, on peut rapprocher ce film d’un autre dans un genre radicalement opposé, (le très surévalué par la critique) X-Men : First Class. Il est encore question de deux brillants esprits, visionnaires, animés tout d’abord par une même cause mais finalement amenés à se brouiller, se séparer, s’opposer. Comparer Freud et Jung à deux personnages des X-Men, fallait oser, mais c’est bien le même acteur – une des révélations de l’année, notamment pour son rôle dans Shame - Michael Fassbender, qui joue dans les deux cas celui qui va s’affranchir (Jung et… Magneto).

 

Séparation homme-singe. La Planète des Singes : les Origines, aurait aussi pu s’appeler « Une séparation »… ou plutôt « Des séparations », puisque le jeune singe héros du film ne cesse de subir des séparations qui finiront par créer le cataclysme que l’on sait. Séparé de sa mère, séparé de ses congénères par cette intelligence « artificielle » qui en fait un être à part, et, surtout, séparé de son « père adoptif humain », ce qui achèvera de le radicaliser et le mener à conduire la révolte des singes. Une bonne surprise que cette Planète des Singes, un vrai bon film d’anticipation.

 

Séparation professionnelle : The Company Men. Film très actuel, l’histoire d’un cadre qui perd son boulot, et doit apprendre à s’en sortir, revoir ses ambitions à la baisse, réapprendre à vivre. Dans Le Stratège, film qui prouve bien qu’il est possible de faire des films intelligents sur le sport, le manager d’une équipe de base-ball se sépare en début de film de ses joueurs stars, puis, pendant la majeure partie de l’histoire, ne cesse de prendre ses distances avec son entourage professionnel (équipe, assistants, entraîneur)…

 

Séparation politique : Pater. La séparation du président et du premier ministre n’est pas le thème central du film, mais c’est cela qui va créer la tension de la 2° partie. Et Pater met en scène, brouille et « dévoile » d’une façon originale (mais qui ne m’a pas totalement convaincu) la séparation de la fiction et du réel, très ténue ici.

 

Séparé de son environnement : Essential Killing. Lors d’un transfert de prisonniers, un Taliban prend la fuite et tente, dans une nature froide et hostile, d’échapper à ses poursuivants. Ou comment survivre quand on n’a plus rien et que l’on est coupé de son environnement naturel…

 

Perte d’identité : Sans identité. Dans une ville étrangère, un homme se retrouve privé d’à peu près tout, même de son identité, usurpée par un autre.

 

Perte de la raison, perte des illusions : Black Swan. On retrouve ici le thème de la séparation avec la mère, l’héroïne se sent étouffée par une mère protectrice, et n’arrive pas à couper le cordon… Mais ce qu’elle perd, surtout, au fil du film, ce sont ses illusions. Plus elle doute et perd ses illusions, plus elle plonge dans l’illusion et en perd la raison. C’est une séparation radicale qu’envisage l’héroïne à la fin pour mettre fin à ce qui l’empêche de se transcender.

 

Perte du succès, de la célébrité : The Artist. Ne l’ayant pas vu, je n’en dirais pas plus, mais c’est bien un thème au cœur du film.

 

Perte du temps : Time Out. Une idée fascinante (et un film qui, sans être mauvais, l’est moins) : la mise en application du proverbe « le temps, c’est de l’argent ». Fini, la monnaie, les pièces et billets, tout se paie en « temps de vie »… un appareil électronique vous permet à chaque instant de voir le temps qu’il vous reste à vivre, qui se compte en heures pour les plus pauvres. Difficile de faire mieux, pour saisir la perte du temps qui passe, que ces bracelets électroniques avec compte à rebours jusqu’à votre mort. Et dans ce film aussi, la perte de la mère joue un rôle déclencheur.   

 

Perte du libre arbitre : L’Agence. Un scénario parano très K. Dickien, où le héros découvre qu’une « Agence » tire les ficelles de la destinée de chacun… mais le film est trop léger et anecdotique pour un tel sujet.  

 

Bien entendu, les thèmes de la perte et de la séparation sont très fréquents et n’ont rien de nouveau en 2011. Il y a toujours un moment où l’on perd quelque chose… et je vous rassure tout de suite, je ne me suis pas séparé et n’ai rien perdu de grave l’an dernier, rien qui aurait pu me pousser à voir les films à travers ce prisme.

S’il y a bien une perte / séparation dans un des films de l’année, Drive, il aurait été trop artificiel de le lister avec les autres, le film s’articule beaucoup plus autour d’une rencontre. Comme dans le gros succès français de l’année, Intouchables. Ou, d’une certaine mesure,  dans le très recommandable Avant l’Aube.    

 

Ce qui est intéressant dans le thème de la perte / séparation des films listés ci-avant est :

 

1.      Il est soit l’impulsion du film, soit le déclencheur qui fera basculer l’histoire.

2.      Il se décline vraiment de toutes les manières possibles. On aura vraiment tout perdu en 2011… ses parents, ses enfants, ses frères, sa famille, ses proches, son boulot, ses illusions, son identité, son libre arbitre, le temps, la célébrité, son mentor, son environnement…   

 

Pourquoi ce thème traverse-t-il tant les films de cette période ? Parce que l’on est dans une période de crise… pas seulement économique, mais une crise de confiance dans l’avenir, qui s’accroît chaque année un peu plus. Melancholia aurait aussi été un bon titre pour résumer l’année… Le cinéma nous prépare et nous travaille non pas à la perte d’un quelconque triple A, mais à ce sentiment plus diffus de la perte et la séparation, et à comment le surmonter. Les artistes captent une part des malaises et angoisses des sociétés, qu’ils transposent et reformalisent. S’ils sont, dans le meilleur des cas, visionnaires, il ne faut pas oublier qu’au cinéma, ils ont forcément un train de retard, il faut du temps pour faire un film. Entre-temps, les peuples ont commencé à se prendre en main (révolutions arabes, mouvements des indignés, Anonymous…) Reste à savoir si c’est le début d’un vrai changement, ou un simple râle d’agonie…  

 

Mon classement :

 

1.      Fighter – David O’Russell

2.      Drive - Nicolas Winding-Refn True Grit - Joel & Ethan Coen

3.      Melancholia - Lars Von Trier 

4.      Une Séparation - Ashgar Farhadi 

5.      Black Swan - Darren Aronofsky

6.      True Grit - Joel & Ethan Coen 

7.      The Tree of Life - Terrence Malick 

8.      Le Discours d’un Roi - Tom Hooper

9.      Le Stratège - Bennett Miller  

10.  Hugo Cabret - Martin Scorsese

11. Route Irish - Ken Loach

12.  Super 8 - JJ Abrams 

13.  Mission : Impossible – Protocole Fantôme - Brad Bird

14.  La Planète des Singes : les origines - Rupert Wyatt 

15.  Detective Dee - Tsui Hark

16.  L'Irlandais - John Michael McDonagh

17.  A Dangerous Method - David Cronenberg    

18.  The Company Men - John Wells 

19.  Avant l’Aube - Raphaël Jacoulot

20.  Sucker Punch - Zack Snyder   

21.  Mes Meilleures Amies (Bridesmaids) – Paul Feig  

22.  Sans Identité - Jaume Collett-Serra 

23.  Pater - Alain Cavalier 

24.  Mr Nice - Bernard Rose 

25.  Time Out - Andrew Niccol 

26.  Essential Killing - Jerzy Skolimowski 

27.  Scream 4 - Wes Craven 

28.  Contagion - Steven Soderbergh    

29.  Présumé Coupable - Vincent Garenq 

30.  Limitless - Neil Burger 

31.  Insidious - James Wan 

32.  Animal Kingdom - David Michôd       

33.  Captain America : First Avenger - Joe Johnston 

34.  La Défense Lincoln - Brad Furman

35.  Source Code - Duncan Jones 

36.  L’Assaut - Julien Leclercq 

37.  Thor - Kenneth Brannagh 

38.  Blitz - Elliott Lester 

39.  Priest - Scott Charles Stewart 

40.  L’Agence - George Nolfi  

41.  The Green Hornet - Michel Gondry  

42.  The Prodigies - Antoine Charreyron 

43.  X-Men First Class - Matthew Vaughn 

44.  Hell Driver - Patrick Lussier  

45.  Le Dernier des Templiers - Dominic Sena 

46.  Tron Legacy - Joseph Kosinski  

 

J’ai pas mal hésité pour le n°1… les 4 premiers se tiennent dans un mouchoir de poche, chacun ayant ses (grandes) qualités et quelques (petits) défauts… A partir de la 36° place, je vous les déconseille. Les 3 derniers étant de vrais navets.

 

43 films vus au cinéma cette année (soit environ un par semaine). Pour les 3 autres, je plaide coupable, monsieur le juge, je suis un infâme pirate qui détruit l’industrie du cinéma et le monde de la culture en téléchargeant. Promis, j’le referais plus (de toute façon, c’est plus possible, maintenant que l’on se retrouve « séparé » de force de MegaUpload).

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