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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 15:10

roni-size-In-The-Mode.jpgL'air de rien, il y a une certaine cohérence sur ce blog... si je vous ai parlé des bases du rythme, c'est pour mieux comprendre ce Who Told You de Roni Size, et si je consacre un article à cet excellent morceau, c'est parce que je ne pouvais le balancer dans ma "Bristol Playlist" à venir sans m'arrêter sur son originalité. 

 

Lorsque je l'ai découvert, Who Told You m'a mis une grande claque. Le genre de claques musicales qu'on ne rencontre pas si souvent. A un point tel que je pensais vraiment qu'un nouveau style musical pouvait découler de ce seul titre. On était en 2000, et c'était en cette première année du nouveau millénaire la proposition la plus convaincante d'entrée dans une nouvelle ère musicale pour les musiques populaires modernes. La musique du futur, en quelque sorte...

Qu'y a-t-il de si marquant dans ce morceau ? Son rythme. Et du jazz à la techno en passant par le rock et le rap, les "musiques populaires rebelles" ont avant tout frappé les esprits par leur nouvelle donne rythmique. Ce n'est bien sûr pas le seul élément, mais il a un rôle déterminant dans le clivage entre les générations : 

 

C'est principalement l'arrivée de la batterie et ces nouveaux rythmes noirs américains qui ont catalogué le jazz à ses débuts comme "musique de sauvages".

Dans les années 50, les rythmiques rapides et très marquées du rock ont fait dire aux anciennes générations que c'était une musique abrutissante, voire satanique pour les plus puritains. De tels tempos martelés à la batterie entraînaient une accélération des battements de coeur et mettaient l'auditeur dans des états malsains de tension, de violence et de nervosité selon eux.

Le rap, lui, a carrément délaissé la sacro-sainte mélodie du chant pour se focaliser sur la scansion, la rythmicité des paroles. Et a ainsi eu à subir de la part d'auditeurs réacs le fameux "c'est pas d'la musique, y a pas de mélodie". 

Enfin, la techno a, comme le rock a ses débuts, été considérée comme abrutissante à cause de ce beat répétitif très appuyé sur chaque temps.

 

Dans les années 90, le trip-hop a aussi introduit une nouvelle conception rythmique, comme la drum'n'bass, genre dont Roni Size est un des plus illustres représentants. Mais Who Told You n'est pas un titre drum'n'bass comme les autres. Pas de boucles rythmiques groovy typiques du genre, mais un rythme aussi original et surprenant qu'efficace. Et c'est bien là que se trouve toute la force de ce titre : une musique suffisamment entraînante, puissante, accessible pour toucher la jeunesse, et suffisamment novatrice d'un point de vue rythmique pour ouvrir de nouvelles voies. Avant Roni Size, le math rock ou l'electronica en général et Aphex Twin en particulier ont amené de nouvelles manières de jouer avec le rythme. Mesures complexes pour le math rock, déconstructions rythmiques pour l'electronica. Mais ce sont des musiques trop pointues pour embraser la jeunesse comme ont pu le faire jazz, rock, rap ou techno à leurs débuts. Alors que Who Told You n'a rien d'élitiste : une voix rap, des synthés répétitifs froids, planants et futuristes (très "made in Bristol"), et une rythmique infernale qui emporte tout sur son passage.

  

Sans rentrer dans des détails techniques, comment saisir la nouveauté rythmique de ce morceau ? C'est très simple. Prenez quasiment n'importe quel morceau dans les musiques populaires, tapez du pied, et vous suivrez sans trop de problème la pulsation, ça vient naturellement. Mais ici (je vais y revenir pour vous indiquer comment faire), on a la curieuse sensation que le rythme s'affranchit de la pulsation. L'inverse de la techno. Un morceau qui semble idéal pour la danse - comme le suggèrerait le clip - mais qui est en fait très déstabilisant d'un point de vue rythmique. Comme si l'on ne cherchait pas à suivre une pulsation, que ce soit pour la marquer ou la contourner avec swing, mais à "cogner" le rythme. En ce sens-là, il est très éloigné du courant drum'n'bass auquel Roni Size est affilié. Un rythme très syncopé, mais débarrassé de la chaleur du groove. C'est froid, martial, puissant et déroutant. La "révolution rythmique" sur Who Told You, c'est de nous dire "les temps, on s'en fout, on est là pour frapper fort".

Une des caractéristiques des grands compositeurs, c'est d'arriver à utiliser des procédés qui "sonnent mal" habituellement, qui sont "interdits" ou fortement déconseillés, et d'en tirer quelque chose de nouveau et de fascinant. A son niveau, c'est aussi ce que fait Roni Size ici. Un batteur en herbe qui n'a aucune conception du rythme pourrait taper quelque chose d'assez proche dans l'idée, mais, évidemment, chez lui, ce serait un manque de maîtrise du rythme, ça ne sonnerait pas et tomberait à plat à chaque fois. Même chose pour la ligne de basse, qui rentre en suivant le rythme de la voix (ce qu'on appelle homorythmie : deux parties qui suivent le même rythme). A part sur certains types de breaks, une ligne de basse doit éviter de copier celle du chant, c'est en général lourd, ça ne fonctionne pas... mais ici, c'est d'une efficacité redoutable.

 

Ce que fait Rony Size sur Who Told You aurait vraiment pu faire école - et pourrait toujours, d'ailleurs -, une musique du futur, robotique, froide, martiale qui renonce au balancement rythmique traditionnel mais pas à la puissance, l'intensité, la hargne et l'efficacité.

 

Pour comprendre de manière pratique l'originalité de ce titre, cliquez sur la vidéo ci-dessous, mettez le son à fond, tapez du pied ou hochez la tête pour marquer la pulsation. C'est très facile au tout début, puisque les temps sont sur les premiers mots. Sur "Who", sur "Told", puis sur "You"... un peu après, le contretemps sur "This" est assez frappant, et indique bien que les contretemps joueront ici un rôle crucial. Aucun problème, donc, pour sentir la pulsation au début... mais lorsque rentre la rythmique, vous verrez qu'il vous sera particulièrement difficile de garder une pulsation régulière, vous aurez fortement envie de suivre les contretemps inhabituels de la rythmique. Et si vous n'avez pas l'habitude de marquer les pulsations, vous risquez vraiment de vous perdre en vous laissant aller, alors que partout ailleurs dans la musique populaire, c'est en se laissant aller qu'on marque le mieux les pulsations (à moins d'avoir des problèmes de rythme). Une fois ceci essayé, ne vous focalisez pas des plombes sur cette pulsation, ce serait du gâchis, remettez le morceau, suivez attentivement la rythmique et la scansion de la voix, une inépuisable et peu banale source de fascination rythmique :    

            

Roni Size & Reprazent - Who Told You

 

 

 

 

L'album, In the Mode, en écoute sur Grooveshark.

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7 juillet 2011 4 07 /07 /juillet /2011 14:40

Lorsqu'on ne fait pas de musique, il est très compliqué de comprendre le solfège et l'harmonie. Par contre, s'il y a une chose que tout le monde peut facilement saisir, c'est le rythme. Pas de raison de s'en priver, il suffit d'un minimum d'attention et d'écoute des exemples proposés ici pour se familiariser avec les principales bases du rythme. Est-ce que c'est essentiel ? Non, bien sûr, à part manger et dormir - voire se reproduire, et encore - rien n'est essentiel. Est-ce que cela vous permettra de mieux comprendre tous les secrets de la musique ? Non plus, mais vous arriverez ainsi à mieux percevoir le "balancement"' d'un morceau, ce qui n'est pas négligeable.   

 

La première chose à comprendre, c'est la pulsation. Rien de plus simple et de plus naturel. Même sans avoir la moindre connaissance musicale, vous la ressentez, c'est le mouvement régulier que vous faîtes lorsque vous hochez la tête ou tapez du pied en écoutant un morceau. Le meilleur moyen de bien le ressentir, c'est de partir d'un morceau techno, puisque la techno met en valeur cette pulsation par le "beat", qui appuie bien chaque temps. Par exemple, le célèbre Knights of the Jaguar dont je parlais ici :

 

(Si vous avez un problème avec certains lecteurs, je vous ai mis tous les titres de cet article dans cette playlist) 

 

 

Tapez du pied dès qu'arrive le beat, c'est tout simple, vous marquez la pulsation.

 

Ce n'est pas beaucoup plus compliqué avec n'importe quel morceau de rock, avec le rôle de la batterie. Un exemple avec London Calling :  

 

 

 

Pour que votre pied batte vraiment la pulsation, il ne faut surtout pas que son mouvement change en fonction des breaks, s'arrête ou s'accélère. Ce n'est pas parce que la rythmique d'un morceau change que la pulsation change. Même lorsque la batterie s'arrête, la pulsation, en règle générale, reste identique, on la ressent dans le jeu des autres instruments ou la ligne mélodique. Il arrive fréquemment que les rythmes de la batterie et de la basse varient quand on passe du couplet au refrain, mais pas la pulsation. Vous devez être capable de la tenir avec la même régularité quoi qu'il se passe autour. Il peut être préférable de la marquer en hochant la tête, le mouvement est plus constant, on est moins tenté de jouer d'une grosse caisse imaginaire qu'avec les pieds.

 

Qu'est-ce que cette pulsation ? Ce sont les temps. Comment faire, maintenant, pour distinguer une mesure à 4 temps d'une à 3 temps ou 2 temps (les tempos les plus usuels) ? C'est là encore très simple. Reprenez London Calling, et sur la pulsation, tentez de dire un rythme à trois temps : "1, 2, 3, 1, 2, 3, 1, 2, 3 etc." Bizarre, non ? Essayez maintenant avec du 5 temps : "1, 2, 3, 4, 5, 1, 2, 3, 4, 5 etc." Pas mieux. Maintenant avec du 4 temps : "1, 2, 3, 4, 1, 2, 3, 4 etc."... là, on retombe sur ses pieds à chaque fois, ça colle. Même chose pour Knights of the Jaguar. Si vous vous perdez, vous ne savez plus où est le "1", attendez un moment où vous avez vraiment cette sensation qu'on "retombe sur nos pieds", c'est le premier temps.

 

London Calling et Knights of the Jaguar sont bien sur du 4 temps, rien de surprenant, c'est de très loin le cas le plus courant. Lorsque je donnais des cours de guitare, pour montrer cette omniprésence du 4 temps, c'était facile, j'allumais la radio, je passais de stations en stations, et quel que soit le style de musique, je montrais à l'élève qu'on tombait toujours sur du 4 temps. Deux temps et trois temps sont plutôt des exceptions.

 

S'il est évident que London Calling n'est pas en 3 ou 5 temps, on pourrait plus facilement se tromper et penser qu'il est en 2 temps. Car après tout, un 4 temps peut se diviser en deux. Essayez de dire "1, 2, 1, 2, 1, 2" sur la pulsation de London Calling... vous verrez que ça marche pas mal, surtout sur l'intro... mais moins au moment où rentre le chant. Parce qu'on ne compose pas de la même manière sur du 4 temps ou du 2 temps, les phrases musicales sont différentes. Ici, les phrases musicales sont faites pour du 4 temps. 

Le temps le plus fort, quel que soit le rythme, c'est toujours le premier temps. Lorsque vous dites les numéros des temps, appuyez beaucoup plus le premier, dites-le d'une manière plus marquée que les autres. 

UN deux trois quatre UN deux trois quatre...

Vous devez avoir cette sensation d'une boucle qui dure 4 temps, chaque fois qu'on revient sur le premier temps, il se passe quelque chose de plus fort...

 

Le 4 temps domine, mais on trouve tout de même du 3 temps. Le rythme typique des valses. Avec, en général, premier temps bien appuyé qui marque la basse, et accords plus légers sur les 2° et 3° temps. Ecoutez la valse suivante de Chopin, et dites en rythme "1, 2, 3, 1, 2, 3 etc." :

 

 

Vous avez du mal à garder une pulsation régulière ? Rassurez-vous, ce n'est pas vous qui avez un mauvaise sens du rythme, mais le rubato dont Chopin est un grand maître. Qu'est-ce que le rubato ? Une manière de jouer en ralentissant ou en accélérant, ce qui fait que la pulsation n'est plus régulière. Fréquent dans le classique, beaucoup moins dans le rock et les musiques populaires, à cause du "carcan" de la batterie. Un chef d'orchestre, lorsqu'il bat la mesure avec sa baguette peut accélérer le mouvement, le suspendre, les musiciens le voient et le suivent, mais un batteur doit marquer les temps de manière régulière et ne peut se permettre de ralentir, sous peine de décaler tout le groupe. Rythmiquement, le classique est beaucoup plus libre que le rock...

 

Un exemple de rythme de valse bien plus simple à suivre, au hasard... la Waltz n°2 d'Elliott Smith. Ici, il nous facilite encore plus le travail avec la batterie qui commence seule et marque bien les 3 temps : premier temps sur la grosse caisse, puis les deux temps suivants à la caisse claire. Cliquez sur le lecteur, ouvrez grand la bouche et dites "1, 2, 3, 1, 2, 3, 1, 2, 3 etc." :

 

 

   

Maintenant que vous avez - je l'espère - compris et expérimenté le tempo de base, passons à la distinction binaire - ternaire. Les mesures en 2 ou 4 temps seraient binaires, celles en 3 temps seraient ternaires ? C'est un petit peu plus compliqué que ça.

 

Les temps peuvent encore se diviser, soit de manière binaire (en 2), soit de manière ternaire (en 3).

 

Réécoutez la Waltz n°2 d'Elliott Smith. Si on était dans du vrai ternaire, les 3 temps se diviseraient encore en 3. Mais ils se divisent en 2, on a donc du trois temps binaire (3/4). Pour l'entendre, divisez vos "1, 2, 3", et dites deux fois plus vite, dans le même intervalle de temps et avec régularité : 1, 2, 3, 4, 5, 6.  

 

1   2   3

12 34 56

 

Ca colle mieux qu'une division en 3 qui donnerait "1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9".

 

Le plus courant, c'est d'avoir du 4 temps binaire. 4 temps qui se divisent encore en 2. C'est bien sûr le cas de Knights of the Jaguar ou London Calling. Pour le comprendre, il suffit de vous repasser ces morceaux, de commencer en disant les 4 temps "1, 2, 3, 4 etc." puis d'accélérer et de dire dans ce même intervalle de temps "1, 2 , 3, 4, 5, 6, 7, 8 etc".

 

Le 4 temps ternaire, lui, se retrouve dans le blues.

 

Roadhouse Blues des Doors va nous permettre de tout récapituler :

      

 

 

Hochez la tête ou tapez du pied (ou les deux) en même temps que la musique. Ensuite, dites les temps. 1, 2, 3, 4, 1, 2, 3, 4 etc... Vous voyez que sur le 1, on retombe chaque fois "sur nos pieds", on est bien dans du 4 temps. Maintenant, décomposez ces 4 temps. De manière binaire pour commencer  

 

1    2    3    4     devient :

1 2 3 4 5 6 7 8

 

Si vos "1 2 3 4 5 6 7 8" sont dits comme il faut, de manière très régulière, ça ne colle pas vraiment. Maintenant, si vous dites rapidement (et régulièrement, toujours) "1, 2, 3" à l'intérieur de chaque temps, vous verrez que ça fonctionne, ça suit la musique. Les 4 temps peuvent se diviser en trois, on est dans du ternaire.

 

Chantez le riff, ce "tam   ta tam   ta tam   ta tam etc."

 

Ce n'est pas une décomposition en deux notes égales, le "ta" est plus rapproché du tam qui le suit que de celui qui le précède. Il y a ce côté claudiquant du blues, on n'est pas dans une "marche régulière". Et si vous trouvez sur une partition ce morceau écrit en binaire, il est normalement indiqué "shuffle", le rythme shuffle étant une manière de jouer ternaire, avec deux croches qui deviennent une noire et une croche en ternaire. Soit une première note un peu plus longue que la 2°. Pour le comprendre, dites 1, 2, 3, 1, 2, 3... puis, sur le même rythme, rendez le 2 muet... 1 (2) 3, 1 (2) 3. On entendra 1   3 1   3 1 avec le 3 plus bref que le 1, c'est le rythme de Roadhouse Blues, et du blues en général  

 

Alors ne vous y trompez-pas, si l'envie vous vient de critiquer un groupe un peu rugueux en montrant un certain dédain pour son "rock binaire" comme on le dit souvent, vérifiez tout de même que ses morceaux ne soient pas ternaires...

    

Est-ce que tous les morceaux sont en 2,3 ou 4 temps ? Quasiment. Avec la très grande majorité en 4 temps. Parmi les tubes célèbres, il y en a tout de même un au rythme assez original, Money de Pink Floyd.    

     

 

 

Ecoutez-le, tapez la pulsation, et dites "1, 2, 3, 4, 1, 2, 3, 4". Ca ne fonctionne pas. Ce n'est même pas le déjà rare 5 temps, mais carrément du 7 temps. Dites "1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 etc."... et ça colle.

 

Autre élément intéressant du point de vue rythmique dans ce morceau, c'est qu'on a un changement de mesure. A 3'06, lorsque le rythme s'accélère pour lancer le solo de guitare, changement de riff de basse, on passe à du 4 temps. Puis avec le retour du riff principal et du chant, à 5'05, retour du 7 temps. 

 

Le math-rock s'est ensuite fait une spécialité de ces mesures asymétriques et nombreux changements de rythmes. Un procédé que l'on retrouve dans certaines musiques folkloriques (notamment des pays de l'est) et qui, utilisé de manière systématique dans le rock, peut sembler quelque peu artificiel... tout dépend de ce qu'on en fait. Comme démonstration technique, ça n'a bien sûr aucun intérêt, mais pour créer de véritables climats, sombres et déstabilisants, ça peut s'avérer très intéressant, comme savait si bien le faire Slint, groupe beaucoup trop méconnu.

 

Sur Nosferatu Man, tiré de leur chef-d'oeuvre Spiderland, vous avez du 5 temps pendant le couplet, du 6 temps sur le "refrain" avec la disto. Et parfois, comme lors du passage instrumental, des mesures avec 6 temps suivi de 3 temps puis retour au 6 temps... Bref, si vous venez juste de vous familiariser avec le tempo, je ne vous conseille pas de vous arracher les cheveux sur ce titre : 

 

 

Privilégiez plutôt des morceaux "carrés" : pop, rock, rap, techno, la très grande majorité sont très faciles pour appréhender ces notions... en espérant que tout cela était à peu près clair, et que vous pourrez l'appliquer à n'importe quel morceau.

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3 juillet 2011 7 03 /07 /juillet /2011 17:38

jim-morrison-5.jpg

J’avais écrit un article sur les 40 ans de 1967, année où est notamment sorti le premier album des Doors, et, alors que j’ai l’impression que c’était hier (l’écriture de cet article, pas 1967) voilà déjà qu’on en est aux 40 ans de la mort de Morrison. Il n’a donc suffit que de ce court laps de temps, il y a 4 décennies, pour que les Doors sortent 6 albums et deviennent une des références majeures de l’histoire du rock. Je ne vais pas me lancer dans un hommage à Morrison, c’est déjà fait ici, mais plutôt m’arrêter sur la question de la durée de vie des groupes phares de l’histoire.

 

S’il y a bien une chose qui me gonfle dans les discours des groupes rock et pop actuellement, c’est le fameux « pour nous, ce qui compte, c’est de s’inscrire dans la durée ». Le rock demande maintenant à ce que l’on fasse des « plans de carrière » ? Leur but est de devenir des fonctionnaires du rock ?

 

Pourtant, les groupes rock emblématiques ont en général duré assez peu, rarement plus de 5 ans à partir de la sortie du premier album :

 

The Sonics : 4 albums en 3 ans

The Doors : 6 albums en 4 ans (parce qu'il faut bien compter The Soft Parade, cf. commentaires) 

The Velvet Underground : 4 albums en 3 ans (parce que Squeeze, ça ne compte pas…)

The Stooges : 3 albums en 4 ans

MC5 : 4 albums en 4 ans

The Sex Pistols : 1 album

The Clash : 5 albums en 5 ans (parce que Cut the Crap, ça ne compte pas…)

Television : 2 albums en 2 ans

Joy Division (en excluant Warsaw) : 2 albums en 2 ans

The Smiths : 4 albums en 3 ans

The Pixies : 5 albums (si l’on compte Come on Pilgrim) en 4 ans

Nirvana : 5 albums en 5 ans

 

Ensuite, il y a bien entendu tous ces groupes qui continuent, mais auraient mieux fait d’arrêter. Une période de grande créativité et d’inspiration qui dure autour de 5 ans, puis une longue et lente agonie (artistique, pas forcément commerciale). D’autres qui publient quelques albums importants sur une courte période, puis leurs membres se lancent dans différents projets, et reviennent de temps en temps avec un nouvel album du groupe (Suicide, c’est surtout 2 albums en 3 ans… voire surtout un album). Ou qui ont eu une existence un peu chaotique, comme Love, avec 3  albums en 2 ans. Puis le groupe se disloque, et Arthur Lee sortira encore 3 albums en 2 ans avec un nouveau Love, puis rien pendant 5 ans, et un dernier album pour conclure. Roxy Music, c’est avant tout 5 albums en 3 ans, puis un arrêt, une reformation et un nouveau Roxy Music plus commercial (3 albums en 5 ans).

 

Enfin, il y a quelques exceptions. Les Stones ont tenu 8 ans avant de faire vraiment de la merde, les Beatles 7 avant de se séparer. Très rare sont les grands groupes rock qui sont restés une dizaine d’années ou plus en gardant un certain niveau de qualité. Led Zep et les Who, par exemple, même si sur la fin ils étaient loin de leur niveau des débuts (surtout les Who). Ou Sonic Youth, étonnant modèle de longévité rock. Les Talking Heads ont tenu une dizaine d’années, de 77 à 88, mais de 80 à 83, ils ont mis le groupe de côté. Sinon, il faut plutôt chercher vers des groupes qui privilégient l’expérimentation et ont ainsi pu tenir plus longtemps que la moyenne avant de n’avoir plus rien à dire (Can, Pink Floyd, King Crimson, Radiohead).

 

Si l’amour dure 3 ans, le groupe rock, lui, excède rarement les 5… Pour faire une carrière intéressante, mieux vaut la jouer solo. On trouve là des artistes qui ont su rester plus longtemps à un bon niveau. Dylan, Scott Walker, Zappa (un peu bizarre de le classer dans des artistes “en solo”, mais il est tout de même le leader absolu de ses formations), Neil Young, Bowie, Tom Waits, Springsteen, Nick Cave, PJ Harvey (pas tous, évidemment, Hendrix et Joplin se sont vite brûlés les ailes). Lorsqu’on est le seul maître à bord, pas de querelles d’ego qui plombent le groupe. Après tout, le rock n’a pas grand-chose de démocratique, il s’agit d’un individu ou d’une petite bande d’individus en évidence sur une scène devant une foule d’adorateurs qui scandent à l’unisson leur nom et leurs slogans. Mais qu’est-ce que je raconte… c’est aussi ça, la démocratie, des politiciens qui haranguent des foules d’adorateurs qui scandent à l’unisson leur nom et leurs slogans…

 

Bref, si le rock était un sport, ce ne serait pas un sport d’endurance, mais de vitesse. Frapper vite, fort, quitte à ne pas tenir la durée, l’important est de marquer les esprits.  

 

Voilà peut-être une des raisons pour laquelle le rock peine depuis plus d’une décennie à se renouveler, à inventer de nouveaux courants… à l’origine du rock, l’esprit des 50’s et 60’s, c’était « vivre vite mourir jeune », « hope I die before I get old »… on débarque, on casse la baraque, et on explose en plein vol (au sens propre pour Lynyrd Skynyrd). Maintenant, c’est plutôt vendre suffisamment d’albums pour ouvrir un compte épargne et faire carrière. On nous rabat les oreilles avec le fameux « ¼ d’heure de célébrité » de Warhol depuis l’arrivée de la télé-réalité, conneries en ce qui concerne la télé-réalité musicale, les chanteurs de karaoké qui y participent ne cherchent pas le ¼ d’heure de célébrité, ce qu’ils veulent et répètent à foison, c’est faire carrière, apprendre le métier, travailler sérieusement…

 

Le rock était un état d’esprit, c’est devenu un métier. Paraît qu’il y a même des rockeurs qui pestent contre les jeunes qui téléchargent leurs albums… Le rock sentait le souffre, il sent la naphtaline. C’était un bras d’honneur au système, il est devenu un système ronronnant qui mériterait bien qu’on lui fasse un bras d’honneur.

 

On pourra toujours me taxer de « vieux con nostalgique » (d’une époque que je n’ai pas connue), mais faut pas se leurrer, le rock n’a plus grand-chose de rock’n’roll… le rap l’a remplacé de ce point de vue, mais il n’est plus tout jeune non plus… il va encore falloir attendre pour que naisse à nouveau quelque chose de vraiment excitant. Lorsque des Madonna dans les 80’s ou Lady Gaga actuellement deviennent des icônes, c’est que le rock va mal. C’est l’esprit foutraque, libertaire et sulfureux du rock qui s’essouffle et se fait piquer la place par des « artistes » pop aux provocations et excentricités aussi kitsch et calculées que leurs risibles chorégraphies mécaniques. Du grand spectacle sans âme et faussement subversif…

 

Jim, reviens, ils sont devenus sages ! Enfin non, Jim, reste où tu es, si tu voyais tes anciens complices chercher à fermer le « bar du roi Lézard », énième preuve du fait que les rockeurs vieillissent très mal, tu retournerais fissa dans ta tombe…

 

En complément, mon article sur Jim Morrison 

 

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