Si je ne devais retenir que trois choses de la trilogie de Nolan, ce seraient les suivantes :
1. La volonté de revisiter l’univers de Batman en s’adressant à un public mature. Un public, notamment, qui n’est pas prêt à accepter comme allant de soi qu’un milliardaire mette un costume de chauve-souris la nuit pour aller traquer les criminels à l’aide de gadgets et de ses capacités physiques hors-norme. Dès le premier film de la trilogie, tout est mis en place pour nous rendre cet univers cohérent, de la psychologie du héros à ses capacités physiques en passant par son arsenal et ses ennemis. Une trilogie parfaitement en phase avec son héros, super-héros plus « crédible » et humain que l’essentiel des autres personnages de comics (car lui n’a pas de pouvoirs surnaturels). Et un Christian Bale impeccable dans le rôle.
2. La prestation d’Heath Ledger dans The Dark Knight. « Plus le méchant est réussi, plus le film l’est aussi », disait Hitchcock à Truffaut. Et peu de films ont eu des méchants aussi fascinants que le Joker de The Dark Knight. Loin du cabotinage grand-guignolesque de Jack Nicholson (amusant, certes, mais un peu fatiguant à la longue) dans le premier Batman de Tim Burton ; chez Nolan, Heath Ledger campe un joker aussi crédible que barré, jubilatoire que flippant, chaotique que machiavélique.
3. La musique. L’élément sur lequel, sans surprise, je vais m’attarder ici. Et si The Dark Knight est le meilleur de la trilogie, ce n’est pas seulement grâce à l'interprétation d'Heath Ledger, mais aussi à la musique de Hans Zimmer / James Newton Howard et à son utilisation (dans la continuité du premier, Batman Begins, par ses thèmes et son orchestration, mais c’est dans le 2 où elle est le mieux exploitée et développée).
Les BO de blockbusters, faut bien l’avouer, c’est souvent chiant. Trop emphatique, trop naïf, trop pompier. A l’image des blockbusters eux-mêmes, et en particulier des films de super-héros. Le secret, pour qu’une œuvre fonctionne, réside toujours dans l’alchimie et l’équilibre. Et tout comme Nolan a su trouver le bon équilibre entre film spectaculaire et divertissant d’un côté, tragédie intense et poignante de l’autre, la musique parvient elle-même à éviter de tomber dans l’emphase héroïco-pompière habituelle par une noirceur peu commune, ainsi qu’une cohérence et une fluidité assez remarquables. Suffisamment d’ampleur, de lyrisme et de puissance pour donner le souffle nécessaire à ce genre de films, et suffisamment de noirceur et de profondeur pour que le film soit plus proche d’une tragédie que d’un bête pop-corn movie héroïque.
Les deux éléments qui, à mon sens, caractérisent le mieux la musique de The Dark Knight, qui lui donnent toute sa cohérence et parviennent à créer une véritable atmosphère sont d’un côté les motifs d’accompagnement répétitifs, plutôt dans l’aigu et souvent aux violons. De l’autre, ses thèmes amples et sombres (aux cordes graves en général). Traditionnellement, on accompagne plutôt avec les basses, et les thèmes sont plus aigus, ici, c’est fréquemment l’inverse. Les motifs d’accompagnement dans l’aigu ont un effet obsédant et tendu, les thèmes et motifs principaux dans le grave baignent le film dans une noirceur envoûtante.
Les premières minutes de « I’m not a Hero » illustrent parfaitement la musique que l’on retrouve tout au long du film :
La musique proposée dans The Dark Knight par Zimmer et Howard se situe quelque part entre la musique romantique et la musique minimaliste. Romantique par ses thèmes amples et sombres, sa richesse harmonique, ses chromatismes ; minimaliste par ses motifs d’accompagnements répétitifs qui donnent l’impression de vagues musicales obstinées. Le tout enrobé de quelques éléments électro et électriques.
La musique de The Dark Knight (ainsi que celle des 2 autres de la trilogie), comme toute bonne musique de film, demande à être appréciée avec le film, où elle prend toute sa dimension, mais elle peut aussi s’écouter « pour elle-même », elle a suffisamment de richesse, de musicalité et d’intérêt pour cela. Quelques-uns de ses thèmes sont vraiment somptueux, fascinants, et m’obsèdent depuis la sortie du film il y a pourtant déjà 4 ans.
Si vous ne deviez écouter qu’un autre titre de la BO, en plus du « I’m Not a Hero » ci-dessus, je vous recommande le plus long, qui clôture la BO « A Dark Knight » :
Les BO des trois films à écouter en intégralité :
La BO de The Dark Knight Rises
Un dernier mot sur The Dark Knight Rises, qui vient de sortir… le film divise, mais je fais partie de ceux qui le trouve digne des 2 précédents, en particulier pour ses dimensions symboliques et psychologiques, plus développées encore. Mais il a des longueurs et reste en-dessous de The Dark Knight. La musique est toujours fascinante et de grande qualité, même si elle est un petit peu moins bien exploitée là aussi que dans le précédent volet...
Article sur la BO chez Raw Power Mag