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Playlist 2020

Classements d'albums

23 novembre 2007 5 23 /11 /novembre /2007 12:02
               8

1.
  El-P - I'll Sleep when you're dead   8,4
2. Marissa Nadler - Songs III Bird on the Water  8,4
3. Panda Bear - Person Pitch 8,1
4. Amon Tobin - Foley Room 8



               7

5. Dälek - Abandoned Language 7,9
6. Keren Ann - Keren Ann 7,9
7.  Andrew Bird - Armchair Apocrypha 7,7 
8. The National - Boxer 7,6
9. Grinderman - Grinderman 7,5
    Amy Winehouse - Back to black 7,5
    The Field - From here we go sublime 7,5
12. The Besnard Lakes - Are the dark horses 7,4
       Florent Marchet - Rio Baril 7,4
14. The White Stripes - Icky Thump 7,3 
15. Feist - The reminder 7
      LCD Soundsystem - Sound of Silver 7
      Low - Drums and Guns 7
      Arcade Fire - Neon Bible 7

               6

19. Wilco - Sky blue sky 6,8
20. Battles - Mirrored 6,8
21. Brett Anderson - Brett Anderson   
22. Arctic Monkeys - Favourite Worst Nightmare 6,6
23. The Bishops - The Bishops 6,6
24.  Black Rebel Motorcycle Club - Baby 81 6,5
       The Good, The Bad and the Queen - The Good...  6,5
       The Long Blondes - Someone to drive you home 6,5
       Bright Eyes - Cassadaga  6,5      
28. Björk - Volta 6,3
29. Kings of Leon - Because of the Times 6,2
      Queens of the Stone age - Era Vulgaris 6,2
      Justice - T  6,2
      Nine Inch Nails - Year zero 6,2
33. Kaiser Chiefs - Yours truly Angry Mob  6,1
      Interpol - Our love to admire 6,1
35. Jay-Jay Johanson - The Long Term Physical... 6

  
              5

36. Marilyn Manson - Eat me, drink me 5,9 
37. Klaxons - Myths of the Near Future 5,6
38. Clap Your Hands Say Yeah - Some Loud thunder 5,4
39. The Rakes - Ten new messages 5,3
40. Smashing Pumpkins - Zeitgeist 5,1
41. Just Jack - Overtones 5,1

              4

42. Mika - Life in Cartoon Motion 4,9
43. Norah Jones - Not too late 4,5
44. Air - Pocket symphony 4,3
45. Carla Bruni - No Promises 4,2
46. The Stooges - The Weirdness 4,2

              3

47. Bloc Party - A Weekend in the city 3,9
48. Patrick Wolf - The Magic Position 3,5

                     2

49. Maximo Park - Our Earthly Pleasure 2,8
50. Plasticines - LP1  2,2


Les blogs qui participent au classement (et leur album de l'année) :

Systool :    El-P - I'll Sleep When you're Dead

Alernative Sound :  Akron/Family - Love is Simple

Le Golb  : Bright Eyes - Cassadaga

7and7is      QOTSA ; Florent Marchet

Classe ou Crasse : Arcade Fire - Neon Bible

Guic'the old :      Eiffel -Tandoori

Lyle

Le Chant de la Sirène : Amy Winehouse - Back to Black

Le Bal des Vauriens :   La Maison Tellier - Second Souffle

Arbobo :    PJ Harvey - White Chalk

Rxqueen

Chroniknroll

Kamunke

Kill Me Sarah

Là où dort le chat noir...

Jazz, Blues & co

Happy Few

Tweek

Et... le mien :     Amon Tobin - Foley Room


Participent aussi au classement, bien évidemment, les habitués (Jdm, Olive, Christian, Caïus...)


Si vous voulez rejoindre les blogs participants, lisez cet article pour comprendre la notation et les conditions. Vous pourrez bien entendu noter tous les albums déjà classés, mais prière de mettre vos notes dans le dernier article du classement (donc celui-ci), pour faciliter mes comptes. 

Cinq nouveaux albums à noter  :


Elliott Smith - New Moon  (ma note : 8)

Of Montreal - Hissing Fauna, are you the destroyer ? (7)

Timbaland - Presents Shock Value (6,5)

Chemical Brothers - We are the Night (5,5)

Modest Mouse - We were dead before the ship even sank  (5,5)




Albums que je demanderai de noter la prochaine fois, ce qui peut permettre à certains de les réécouter cette semaine (mais ne les notez pas maintenant) :

Public Enemy - How You sell soul...
Blonde Redhead - 23
!!! - Myth Takes 
Editors - An End has a Start  
CocoRosie - The Adventures of Ghosthorse and Stillborn

Ceux que j'hésite à mettre dans le classement... si on est juste 2 ou 3 à les avoir écouté, ce ne sera pas très significatif... précisez-moi donc ceux que vous connaissez parmi les albums sortis cette année de :  
Eiffel - Aaron - Prince - Tomahawk - The Shins

Les albums de 2007
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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 11:06

     Devant l'impressionnante quantité d'albums et de groupes actuels, difficile pour le public de savoir où donner de la tête. Si l'on se réfère aux publicités, chaque semaine sort un album "évènement" et tous ceux qui datent d'il y a plus de 2 ans sont cultes. A force de marteler que le moindre album d'un recalé d'une émission de télé-réalité est un "évènement" et que ceux de chanteurs de variét' ringards sont "cultes", les publicitaires et distributeurs participent d'un effrayant nivellement par le bas et nient toute dimension esthétique. Or c'est justement l'esthétique qui donne les clés principales pour juger de la qualité d'un album. 

     Ce nivellement par le bas est inévitable dans une société de loisir et de sur-consommation. On cherche la satisfaction immédiate, le plaisir "instantané", normal qu'un tube simpliste avec une mélodie facile fascine plus qu'une symphonie, ou que de gros riffs et une batterie bien lourde touchent plus qu'une délicate pièce de piano de Debussy. 

     On nous rebat les oreilles avec les "goûts et les couleurs", slogan qui fait bien l'affaire des directeurs marketing des maisons de disques. Car, si tout se vaut, pas besoin d'exigence, suffit d'une mélodie mielleuse et accrocheuse, une instrumentation bateau, une chanteuse sexy, et une bonne campagne de pub pour emballer et vendre ces "produits industriels" séduisants, mais jetables et interchangeables.

     "Respecter les goûts des autres".... belle maxime, à laquelle tout le monde semble souscrire, sous peine de passer pour un horrible snob. Seulement, cette expression est à mon sens mal interprétée. Il ne s'agit pas de respecter toutes les musiques, mais de respecter les individus qui ont des goûts différents des notres. Telle ouvrière qui vient d'un milieu défavorisé, n'ayant jamais vraiment eu accès à la culture et n'ayant eu personne pour la guider ou lui faire apprécier de grandes oeuvres peut très bien être fan d'Hélène Ségara, vibrer à sa musique et se laisser transporter... c'est une question de conditionnement, d'habitus. Le fait qu'elle ait ce type de goûts est tout à fait compréhensible, cette femme est respectable, ce qui est moins le cas de la musique sirupeuse qu'elle aime. Ce "respecter les goûts des autres" mal interprété vient en partie de l'erreur qui est de considérer que l'on est ce que l'on écoute. Donc, si on ne respecte pas ce que j'écoute, on ne me respecte pas. Absurde. Hitler adorait les oeuvres géniales de Wagner, Beethoven ou Bach... moi aussi d'ailleurs... ça ne fait pas plus de moi un "Hitler" que ça ne fait d'Hitler quelqu'un de "respectable".

     La musique n'est pas qu'une affaire de goût. Toutes les musiques ne se valent pas, contrairement à une idée fausse largement répandue. Vous pouvez être plus ému par la lecture de poèmes que vous avez  écrit à 14 ans que  par celle des Fleurs du Mal, mais, à moins d'être complètement mégalomane, dénué de tout sens esthétique ou véritablement génial, vous ne pourrez dire que le chef-d'oeuvre de Baudelaire est inférieur ou égal à vos productions pubères. Il en va de même pour la musique.  L'émotion que l'on ressent à l'écoute d'une chanson n'est pas un critère objectif pour juger de sa qualité. Comme pour toute oeuvre d'art, le critère déterminant est le style. Ce n'est pas le sujet "émouvant" d'un roman qui en fait un chef-d'oeuvre, mais son style. Quel que soit le genre auquel appartient une oeuvre musicale c'est son "esthétique" qui permet de la confronter à celles qui la précèdent ou lui succèdent. Et pour prétendre la juger, deux conditions sont nécessaires :
     La première est l'éducation musicale. L'école ne s'en chargeant que peu, l'amateur de musique est généralement livré à lui-même. Pour comprendre et apprécier la peinture moderne, il est indispensable de connaître les grandes oeuvres du passé et principaux courants esthétiques. Comprendre la musique exige aussi un minimum de connaissances. Si vous trouvez que les chansons d'Obispo sont intéressantes, vous devez alors ne jamais avoir véritablement et attentivement écouté les Beatles...  
     Il n'est pas nécessaire d'avoir fait des études d'art poussées pour être capable d'avoir un véritable sens esthétique. Ni même de savoir jouer d'un instrument ou de connaître tous les secrets de l'harmonie. Beaucoup de critiques-rock n'ont pas la moindre idée de ce qu'est un accord de 9° mineure, ça ne les empêche pas d'être bien plus pointus, exigeants et subtils dans leurs goûts musicaux que de très bons musiciens. Idem chez les artistes. Catherine Lara a eu un premier prix de conservatoire, les Beatles savaient à peine jouer 3 accords à leurs débuts... il n'empêche que les Beatles ont su révolutionner et porter la musique pop à des sommets, pas Catherine Lara...    
     La seconde est... l'écoute. Qui, elle aussi, s'apprend. Apprécier une oeuvre à sa juste valeur ne peut se faire par une écoute superficielle. Pour développer son oreille, rien ne vaut l'écoute des oeuvres classiques. Se plonger dans la richesse des orchestrations, l'intelligence et le raffinement avec lequel les différents instruments ou voix vont s'enchevêtrer, se confondre, se répondre, se superposer, goûter à la subtilité des nuances, du toucher et de la sonorité des interprètes... l'effort qui est demandé à l'oreille est bien plus important que celui demandé dans les musiques populaires. Si, comme la majorité  des  auditeurs de musique,vous ne vous êtes jamais livré à ce genre d'expérience, il n'est pas encore trop tard... Car si l'on peut nous donner des pistes d'oeuvres pour enrichir notre culture musicale et affiner notre sens esthétique, on est seul à pouvoir développer son oreille et apprendre à écouter. Apprendre à "écouter" la musique, tout semble nous en éloigner. Les chansons les plus simplistes, faciles et racoleuses étant la norme, beaucoup sont incapables de comprendre toute musique qui s'en éloignerait. Incapables de se plonger dans des oeuvres beaucoup plus longues et complexes (symphonies, concertos...) et persuadés qu'un refrain "accrocheur" détermine la qualité d'une chanson. Combien ont pensé (et pensent encore!) que la techno, le rap, l'électro ou la musique contemporaine ne sont pas de la "bonne musique" (voire pas de la musique du tout), sous prétexte du manque de mélodie. Comme si la musique devait se réduire à la seule mélodie.  Comme si le rythme, le son ou l'intensité n'étaient pas des matériaux musicaux à part entière. Critiquerait-on un peintre qui n'utilise pas le rouge et les couleurs les plus voyantes? Imagine-t-on un critique d'art dire d'une peinture qu'elle "manque de rouge"?
     Mais toutes les musiques ne s'écoutent pas bien évidemment de la même façon. Vous ne pouvez attendre du classique l'efficacité brute du rock, ni du rock l'extrême richesse et complexité du classique ou du jazz. C'est ainsi que certains vrais mélomanes, capables de saisir de très subtiles nuances, de rejeter telle interprétation d'une symphonie parce que le hautbois manque un peu de justesse dans le grave ou parce que les cuivres en font un peu trop, ont parfois très mauvais goût lorsqu'il s'agit de musiques populaires. Parce qu'ils ne connaissent pas vraiment ces musiques, parce qu'elles ne leur parlent pas, ne font pas partie de leur "culture". 

     La pop ne s'écoute pas avec les mêmes oreilles que la classique ou le jazz (classique et jazz ne s'écoutent pas d'ailleurs non plus avec les mêmes oreilles...), mais cela ne signifie pas pour autant que ces musiques se valent. Comme le disait si bien Gainsbourg, la chanson et le rock sont des arts mineurs, incomparables avec la musique classique et le jazz. Il existe d'excellentes chansons, mais elles ne seront jamais des oeuvres d'art au même titre que le Requiem de Mozart ou la IXè Symphonie de Beethoven.
     Cela ne fait pas de la chanson ou du rock de simples divertissements. Ils ne sont pas dénués d'ambitions artistiques. Le rock a aussi son esthétique... Une oeuvre d'art, même d'art mineur, n'est pas un objet coupé de tout et de tous,  mais s'inscrit dans un contexte, une histoire et  suppose  non seulement un créateur, mais aussi un public. Elle doit "parler" à la société à laquelle elle se destine, qu'elle la transporte, la déroute, la provoque, l'émeuve ou même l'insulte. Mais si sa parole n'est que niaiseries, mièvreries, basses flatteries ou racolage, qu'elle séduise des millions de gens n'en fait pas pour autant une oeuvre intéressante... 

     Impossible, pourtant, de prétendre à une objectivité absolue. Les sciences dites dures n'étant elles-mêmes jamais totalement objectives (l'observateur, par la subjectivité de son regard, voit ce qu'il veut bien voir de l'objet observé), il est totalement illusoire de penser qu'un jugement pafaitement objectif soit possible. Préférer Beethoven à Mozart, Coltrane à Parker, Massive Attack à Radiohead, c'est une question de goût personnel. Mais il existe malgré tout un minimum d'objectivité. Pour prendre des exemples extrêmes... la musique de Mozart n'est peut-être pas supérieure à celle de Beethoven, elle l'est à celle de Clayderman. La musique de Radiohead n'est peut-être pas supérieure à celle de Massive Attack, elle dépasse de très loin celle de Kyo (et si cela ne vous semble pas évident, je vous recommande de toute urgence l'usage du coton-tige). Il n'y a pas plus de vérité absolue dans la musique que de subjectivité totale... 

     Lorsque l'on est vraiment passionné par la musique et que l'on sait l'écouter, on est rarement insensible aux véritables grandes oeuvres. Le plaisir musical n'est pas si éloigné des plaisirs de la table. Un individu qui ne mange que des produits industriels et de qualité médiocre s'y habitue et les apprécie. Il peut même trouver de prime abord désagréable ou "bizarre" des aliments naturels, sains et riches en saveurs et  bienfaits. Mais s'il apprend à les aimer, il peut très bien finir par trouver son ancienne alimentation fade et indigeste. Ce qui n'empêche pas qu'un fin gastronome puisse apprécier de temps en temps un hamburger avec des frites, comme un mélomane avec un tube efficace. Et on a tous nos "sucreries pop"... 

     L'esthétique, c'est justement être capable de faire abstraction, parfois, du ressenti. Ce qui ne signifie en rien qu'il faille écouter la musique principalement avec l'intellect, ce sont toujours les émotions qui priment dans la fascination qu'on peut avoir pour telle ou telle musique. Mais lorsqu'on cherche à émettre un jugement, on ne peut se contenter de se fier à ses seules émotions. Des millions de gens, même parmis des passionnés de musique "pointus", sont plus sensibles au dernier tube de Britney Spears qu'aux oeuvres de Schoenberg. Pourtant, lorsqu'on a un minimum de sens esthétique, impossible de considérer que les chansons de Britney Spears valent bien les oeuvres de Schoenberg, peu importe ce que nous disent nos émotions. 
     Le fait d'avoir une véritable démarche esthétique modifie de toute façon notre "ressenti" face à la musique. On est plus attiré par la recherche d'originalité, de style, on en vient à être plus sensible et ému par telle harmonie surprenante chez Radiohead que par telle mélodie trop sucrée chez Madonna. Mais il ne suffit pas de se dire "je choisis de devenir un esthète" pour en être un. L'esthétique, c'est avant tout un cheminement. Comme dans tout cheminement, on se trompe parfois de route, on revient un peu en arrière pour partir beaucoup plus loin, on n'est jamais établi et fixé. Il ne faut pas perdre de vue que ce qu'on encense aujourd'hui, on pourra le trouver insipide demain. Le chemin qui semblait si attrayant s'avère être une voie sans issue, alors il faut revenir sur ses pas et trouver une bifurquation. Se tromper permet d'acquérir de l'expérience. Ce qui compte, c'est d'avancer et d'affiner ses goûts. 
     On trouve souvent sur les blogs, les forums, des gens qui répondent à ce type de propos "tu vois, mec, tout ça, c'est de la masturbation intellectuelle, la musique, moi, ça me touche au plus profond et c'est tout, le reste on s'en fout". Les mêmes personnes qui viennent écrire sur le web que tel album est plus réussi que tel autre, que tel groupe est plus passionnant, que telle chanson est plus intéressante qu'une autre...
De deux choses l'une :
Soit on n'a absolument pas conscience de faire à son petit niveau, aussi modeste soit-il, de l'esthétique...
Soit on pense "ce sont juste mes goûts, ils n'engagent que moi, n'ont pas plus de validité que n'importe quel autre, je ne fais que livrer un "ressenti", mais strictement rien ne peut faire dire que tel album est vraiment plus réussi que tel autre"...

Dans ce 2° cas, on masque son immense orgueil sous une humilité de façade... car quel est l'intérêt de venir livrer à la face du monde des ressentis que l'on considèrerait comme totalement subjectif ? Si on considère que le goût pour telle ou tellle musique est aussi subjectif que la préférence pour telle ou telle couleur, pourquoi l'étaler à tous ?  Je préfère le bleu à l'orange... mais je serais le roi des mégalos si je pensais que cette préférence totalement subjective intéressait qui que ce soit et venais l'exposer à tous (merde, je viens de le faire...)
Certains diront... c'est pour faire découvrir tel groupe. Mais si l'on pense qu'il n'y a aucune objectivité en musique et que tout n'est qu'affaire de ressenti personnel, pourquoi conseiller tel ou tel album ? Dans ce cas, autant dire "prenez un CD au hasard chez le disquaire, de toute façon, toutes les musiques se valent..."

Mais lorsqu'on écrit sur la musique sur le web, je pense que le but est justement de dire : "ne prenez surtout pas de CD au hasard, ne vous laissez pas avoir par l'artillerie lourde des grosses campagnes de pub, vous verrez, il y a des albums bien plus passionnants que la moyenne..."  

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17 novembre 2007 6 17 /11 /novembre /2007 16:44

Dans le précédent article, je disais que je n'écrirai pas avant une semaine... mais après l'excellente dernière chronique de Thom, je ne pouvais pas ne pas rebondir et vous livrer cette constatation qui me trotte dans la tête depuis longtemps. 
Comment le discours de Sarkozy a-t-il pu devenir "acceptable" et même plébiscité par les français ? Parce que son fond de commerce est sensiblement le même que celui de Le Pen, qui, lui, n'a même pas pu dépasser les 20% au 2° tour des élections de 2002, et a été traîné dans la boue pour avoir tenu des propos pas si différents de ceux de Sarkozy. Certains pensent que les relations très proches de Sarkozy et des patrons des grands médias ont joué pour "promouvoir" ses idées. Mais ce n'est qu'anecdotique. Faut être pas mal parano pour imaginer que dans toutes les rédactions des radios et grandes chaînes de télé, les Bouygues, Lagardère & co ont débarqué en disant "Bon, les choses sont claires, le but est de faire élire Nicolas, alors vous allez faire tout pour". Peut-être y a-t-il eu quelques "pressions", de l'auto-censure... mais on ne peut penser que les grands médias ont été utilisé comme des machines de guerre pour faire élire Sarkozy (quoique TF1...)

Non, cela relève d'une mécanique bien plus inconsciente et insidieuse. Que j'observe, étonné, depuis avant même les élections de 2002. On a beaucoup glosé sur les relations de connivence entre Sarkozy et les journalistes. Mais, à mon avis, on néglige le processus à la base de ces jeux de séduction. Avant de le détailler... petite parenthèse nécessaire sur le rôle des journalistes :
Les journalistes dont je parle sont ces journalistes médiatiques, présentateurs de JT, d'émissions de télé, éditorialistes et intervieweurs, ces journalistes qui sont pour le peuple des références, des modèles, des médiateurs auxquels ils s'identifient. Les journaux de presse-people où l'on évoque les vacances, les amours où la nouvelle paire de chaussures de Claire Chazal et PPDA se vendent en masse, mais qui s'intéresse au travail de vrais journalistes-enquêteurs comme Denis Robert ? A part les juges qui l'accablent ?
Le présentateur de JT, par la neutralité qu'il doit observer est un "espace vide" dans lequel se projette le public. Ce mélange de proximité, de neutralité, de respect et de fascination pour ceux qui "savent" et nous apportent quotidiennement la vérité du monde dans lequel nous vivons (bah, si, c'est la vérité, la preuve, on a des images...) donne aux journalistes de télé un immense pouvoir sur le public.

Qui sont ces "journalistes" ?

Des individus qui viennent pour l'essentiel de milieux privilégiés. Bonne éducation, bonne élocution, bonne présentation... qu'ils le veuillent ou non, les Chazal, PPDA, Schoenberg, Laurence Ferrari, Marie Drucker, Thomas Hugues, Ockrent sont les plus parfaites illustrations de ce qu'on pourrait appeler de "grands bourgeois bien comme il faut". Pernaut l'est peut-être un peu moins... mais lui ne compte pas, il est plus sarkozyste que Sarkozy depuis le début...   

Quels sont les rapports entre les journalistes et les politiques ? 

Un rapport de séduction. Qu'il soit homme ou femme, le journaliste est dans la posture traditionnellement "fénimine", celle d'être draguée par le politique qui va tout faire pour lui prouver qu'on peut lui faire confiance et qu'il est le meilleur parti. Une interview politique, c'est chaque fois comme un premier rendez-vous. Il s'agit pour le politique de se montrer sous son meilleur jour, de masquer ses défauts et valoriser ses qualités, pendant que le journaliste le jauge et le questionne pour savoir s'il vaut vraiment le coup et a du répondant. Comme dans un premier rendez-vous, il ne s'agit pas de céder dès la première oeillade du politique, sous peine de passer pour un journaliste-facile, mais de savoir garder ses distances... qui n'empêchent pas quelques signaux prouvant que l'on est... "intéressé".

Venons-en donc au fait...

L'étonnement dont je parlais un peu plus haut vient du fait que depuis de nombreuses années, les interviews de Sarkozy par ces "journalistes médiatiques" me font systématiquement penser aux jeux de séductions lycéens, et à ce que j'appellerai le syndrome du "voyou charismatique". Pas loin du syndrome du "beau ténébreux", qui correspond tout de même moins à Sarkozy.

On a tous connu ça (on l'a même parfois été)... le voyou charismatique, dans les salles de classe, c'est le type assez turbulent, au fond de la classe, qui ne respecte pas vraiment les règles, provoque et ose ce que les autres n'osent pas. Le propre du voyou charismatique, c'est de fasciner un peu tout le monde, et particulièrement les pucelles de bonnes familles. Qui sont un peu "choquées" au début, mais, en s'habituant, commencent à se sentir toute chose quand elles le voient. Parce qu'il les dérange, les trouble, a un petit côté sulfureux qui les émoustille. Elles n'ont pas encore "vu le loup", mais voilà un loup qui a l'air plutôt sympathique, et pas aussi dangereux qu'elles le pensaient. Certes, au premier rang, il y a bien le gentil binoclard fana de donjons et dragons, de rock-prog ou de metal-symphonique (désolé Thom, c'est plus fort que moi...), avec lequel il n'y aurait pas le moindre risque. Mais c'est tellement moins excitant...  

Sarkozy ne pouvait que fasciner les "journalistes-pucelles de bonne famille" et remplir ce rôle de "voyou charismatique". Certes on trouve quelques agitateurs à l'extrême-gauche... mais leur monde est moins séduisant. Se taper une manif sous la pluie à Roubaix en compagnie de prolos dépressifs contre la délocalisation d'une usine de textile, c'est moins glamour que les soirées au Fouquet's. Quant à l'extrême-droite... pas question de flirter avec Le Pen, la "grosse brute infréquentable isolée au fond de la classe".

Face à Sarkozy, on a ainsi pu voir des journalistes tout émoustillés de trouver enfin un "bad boy" qui les change des soporifiques discours politiquement corrects et convenus des "grosses têtes" de la politique. Un mauvais garçon qui dérange leurs certitudes de "grands bourgeois" vivant dans un petit monde de privilégiés, un mauvais garçon qui leur parle avec une familiarité déconcertante mais troublante, eux qui sont habitués surtout à des dialogues de bon aloi où chacun garde ses distances. Un mauvais garçon qui leur sort le grand jeu, les bouscule et n'hésite pas à les plonger dans le pathos avant de les faire rêver avec les plus belles promesses. Tout ça est très "grossier", mais ça marche. Le syndrome de la bourgeoise qui vit dans un milieu hyper-protégé, respectable et feutré, mais rêve d'un voyou qui l'enlève. Des Madame Bovary qui s'ennuyaient avec leurs maris fades et polis, et qui attendaient un homme, un vrai, pour les brusquer et leur faire connaître des relations plus excitantes. Des pucelles qui jouent un peu au début les "vierges effarouchées" face aux provocations d'un type moins "lisse" que les autres, mais qui sentent bien qu'elles sont à deux doigts de fondre.
Un mauvais garçon qui a aussi sû renverser les rôles, en culpabilisant les journalistes. Lui qui prône la répression, que les journalistes "bien-pensants" attendaient en imaginant qu'ils pourraient se faire l'écho d'idées plus nobles et tolérantes face au "bourreau" Sarkozy... voilà que Sarkozy se pose en victime et s'approprie le cas de Mme Michu, terrifiée par l'idée de sortir de chez elle parce que des "jeunes" dealent en bas de son HLM et l'insultent quotidiennement, de M. Machin, qui se se lève tôt pour un travail ne lui permettant pas de nourrir correctement sa famille pendant que les assistés se la coulent douce en touchant les allocs, ou de Mlle Untel, qui s'est faite violer dans une cave par de jeunes sauvages de banlieue. Le tout, en prenant directement à parti la journaliste, lui disant "Vous feriez quoi, vous, si..." Alors bien sûr, la journaliste, elle culpabilise un peu, parce que personne ne deale en bas de chez elle, elle a de quoi nourrir sa famille et bien plus encore, et ne se fait pas violer dans des caves sordides... C'est comme les "pucelles de bonne famille" qui pensent faire comprendre au "voyou charismatique" qu'il est tout de même un peu trop brusque, mais quand lui leur répond que c'est la vie qui a été dure avec lui, venant d'un milieu défavorisé avec un père alcoolique qui le battait etc, etc... elles se sentent coupables, elles qui ont toujours tout eu sur un plateau, et sont d'autant plus séduites par ce "mauvais garçon au grand coeur qui connait les dures réalités de la vie".

Face à Le Pen, c'était facile, d'autant plus qu'il n'était que rarement invité. Il était de toute façon considéré comme le "méchant infréquentable et irrécupérable" de l'histoire. Le journaliste n'avait pas à "résister à la tentation", il restait imperturbable, le moindre signe de sympathie et d'approbation aurait été très mal perçu. Donc il gardait la tête froide, et ne laissait pas passer certains discours populistes et tendancieux. 

Devant ma télé, chaque fois que je tombais sur ce type d'interview de Sarkozy, je n'avais qu'une envie, celle de dire au journaliste : "Bordel, tu te laisse embobiner comme une pucelle... jouez à ce genre de petits jeux de séduction lors d'un dîner si ça vous amuse, mais là, il s'agit de l'avenir du pays !"

Ce sont les "journalistes-stars" qui légitiment de manière inconsciente le discours des politiques. Censés rester impartiaux, ils incarnent l'objectivité. Les politiques embrouillent, racolent, n'ont pas toujours un discours simple... la confiance et l'adhésion du spectateur s'appuie de manière inconsciente sur les réactions et le regard de ces journalistes-stars. Et dans le regard des journalistes, ce qu'on pouvait lire, c'était... "et pourquoi pas lui ? ça serait un peu plus excitant qu'avec les autres... au moins, il y aurait de l'action !"

Bien entendu, ce n'est pas ce seul jeu de séduction qui a fait élire Sarkozy. Mais je suis absolument certain qu'il y a contribué. Car c'est cette fascination un peu "canaille" des journalistes pour Sarkozy qui a permis à son discours de trouver la respectabilité et le pouvoir de séduction que n'avait pas celui de Le Pen...    

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