Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

Playlist 2024

Classements d'albums

27 mars 2007 2 27 /03 /mars /2007 22:22

        Imaginez un ado boutonneux de bonne famille, premier de la classe, fana de Tolkien et d'héroïc-fantasy, qui enfilerait un perfecto sur sa jolie chemise repassée le matin même par sa maman et tenterait de s'intégrer dans une bande de "mauvais garçons"... Métaphore légèrement provocatrice, je l'admets (désolé, Thom et Fab, j'en remets une couche), mais le rock progressif, faut avouer que beaucoup le jugent comme les "mauvais garçons" jugent cet ado boutonneux qui voudrait faire partie de leur bande. 

 

Dans rock progressif, c'est pas le mot "progressif" qui pose problème, mais plutôt le mot "rock".

Quoique.. le mot progressif pose aussi problème, car la plupart de ces groupes, qui revendiquent des influences plus "complexes" que le rock, ne s'intéressent que peu à la musique classique contemporaine, mais à celles des XVII°, XVIII° et XIX° siècles. Et encore, ils la simplifient au maximum. Rien de la complexité harmonique de Chopin, Liszt ou Wagner (qui eux, en plus, étaient de grands novateurs), et rien de la complexité et de la subtilité d'orchestration du classique (sans compter que les violons, cuivres et bois sont remplacés généralement dans le rock prog par de très vilaines imitations aux synthés). En fait, le rock prog, c'est un peu "le classique pour les nuls". Un des groupes pionniers du genre, Emerson, Lake & Palmer, illustre parfaitement mes propos sur cette vidéo.

 

Le comble du rock progressif, c'est d'avoir l'ambition de réhausser le rock, de se targuer de véritables prétentions artistiques... et d'être un des genres les plus méprisés des esthètes. Pourquoi ? Parce que ce genre, comme l'ado de la métaphore par laquelle j'ai débuté cet article, est en décalage avec le milieu qu'il souhaite intégrer. Le décalage, en soi, n'est pas un défaut dans le rock, s'il y a du second degré, de la dérision (ce qui est par exemple la cas de Zappa). Mais la plupart des tenants du rock progressif se prennent tellement au sérieux qu'ils en deviennent grotesques. Car ils transposent dans le rock des "critères de qualités" (richesse harmonique, complexité, technique, virtuosité, grandiloquence) qui ne lui sont pas propres. Contrairement à l'intensité, l'urgence, l'inventivité, l'affect, le style, la spontanéité, la hargne (et, soyons francs, l'attitude). Cela ne signifie pas que la complexité et la virtuosité n'ont rien à faire dans le rock, mais simplement qu'elles ne sont pas essentielles pour faire un bon disque... et sont même particulièrement casse-gueule. Car si elles donnent l'impression de primer sur le reste, cela sonnera déplacé, voire kitsch. Ce n'est pas le cas dans le jazz et le classique (la complexité y est une condition nécessaire, mais pas suffisante), où l'on dira seulement que l'artiste a manqué d'inspiration.

Scott Walker et Radiohead composent actuellement des musiques complexes... mais ne sont pas rejetés par les "anti rock-prog primaires". Parce que l'un est d'une radicalité, d'une originalité et d'une noirceur incomparables, et les autres ne s'étalent pas dans une quelconque virtuosité instrumentale, ne pompent pas des plans éculés, mais inventent constamment (timbres, mélodies, travail sur le son) en donnant l'impression d'écorchés vifs toujours sur le fil du rasoir. Mais eux ne peuvent véritablement être catalogués comme des artistes de "rock progressif".  

Une des plus belles claques de l'histoire du rock, c'est le rock progressif qui l'a prise il y a 30 ans, par les punks et surtout par le Nevermind the Bollocks des Sex Pistols. Qui a prouvé que de très mauvais musiciens, jouant une musique primaire, simple et sans fioritures pouvaient être bien plus passionnants que des virtuoses s'épanchant dans d'interminables solos. Nevermind the Bollocks est un incontournable, un disque que les plus exigeants amateurs de rock placent tous (ou presque) dans leur liste d'albums indispensables, alors que les disques de rock progressif y sont... peu fréquents.

Mais plus que la complexité et la technique, je pense que le plus gros défaut du rock (et métal) progressif est la boursouflure, le pompeux, le lyrisme naïf. Qui donnent l'impression de lire un mauvais livre d'héroïc-fantasy hyper-manichéen (pléonasme, voire double-pléonasme...). C'est particulièrement évident dans le métal progressif, ou symphonique, voir ce clip des ridicules Rhapsody pour s'en convaincre. Le rock peut prendre de nombreuses formes : violent, subtil, sombre, léger, torturé, désinvolte, passionné, basique, intelligent... mais le kitsch "pompier", c'est pas défendable.   

Faut-il rejeter en bloc le rock progressif ? Non, bien entendu. Il y en a qui arrivent à se sortir de "handicaps" et à les modeler pour en faire de grandes choses. Comme le spécifiait Fab, chez Thom, le rock progressif a plusieurs visages... j'excluerai le rock planant, catégorie à part, et genre qu'on ne peut accuser de se vautrer dans le déballage technique, et le krautrock (rock progressif alemand), qui a donné de très bons groupes, influents et respectés qui intégraient des élements de musiques contemporaines (Can, Neu, Faust...)

   

Pour finir sur une note "positive", les groupes de rock "progressif" passionnants et au-dessus du lot sont donc (à mon avis) :

Pink Floyd : parce qu'ils ont toujours privilégié les atmosphères à la virtuosité (d'ailleurs, ils seraient à caser plutôt dans la catégorie "planant"), et parce qu'ils expérimentaient plus qu'ils ne lorgnaient du côté du classique. Bien entendu, je parle du Pink Floyd des années 60-70, pas celui qui se perd depuis le départ de Waters dans une sorte de bouillie "new age" insipide et inoffensive.

King Crimson : leur premier album a fait date dans l'histoire du rock, et ils sont eux aussi inspirés des musiques savantes "actuelles".

Van der Graaf Generator : car le lyrisme de Peter Hammill est excessivement tourmenté et nihilste. 

Gong : Eux, contrairement à beaucoup, savaient manier l'humour et le second degré, dans une veine très "british". Ils étaient très loin du "lyrisme pompeux".

Magma : des français étonnants, menés par le batteur Christian Vander, dont la musique est d'une intensité et d'une puissance incantatoire assez phénoménales. Cette vidéo l'illustre à merveille.

Soft Machine : qui se sont inspirés du jazz de l'époque plus que du classique "ancien", et Robert Wyatt en solo, avec son sublime album "Rock Bottom", a su faire preuve d'une subtilité, d'une finesse d'écriture qui touchent au génie. Un orfèvre, loin, lui aussi, des musiciens incontinents (pour ne pas dire "branleurs de manches") incapables de nuances.

Et, actuellement, The Mars Volta, qui tombent de temps en temps dans un certain pompiérisme, mais ont une énergie assez jubilatoire (2 chroniques d'albums de The Mars Volta chez Systool)

En guise de comparaison :

Un solo de Rick Wakeman (Yes). On a l'impression d'avoir affaire à un vendeur de synthés qui fait de la "démonstration" pour présenter tout ce qu'on peut faire avec l'instrument... (si encore il le faisait avec humour) il enfile des tas de plans ou thèmes classiques, rock, chansons (même une sirène de pompier à la fin !), c'est surchargé, mais il manque l'essentiel : le feeling, la musicalité et le style :

 

 

Et, pour se remettre de l'horreur ci-dessus, un de mes morceaux favoris, un des morceaux que j'ai le plus écouté et aimé... l'hypnotique, sombre et fascinant Set The Control for the heart of the Sun de Pink Floyd. Pas de virtuosité gratuite ni de lyrisme naïf, tout est dans l'atmosphère (avec un envoûtant et remarquable crescendo au milieu) :

 

 

Partager cet article
Repost0
27 mars 2007 2 27 /03 /mars /2007 19:55

Rock    03/2007 - Mute ****

Nick Cave, contrairement à ce que laissent penser les apparences, est un sacré farceur. 34 ans que les amateurs de rock sauvage et furieux attendent un nouvel album des icônes du genre, les Stooges, et le jour de sa sortie, Nick Cave vient leur griller la politesse et leur donner une belle leçon de hargne avec Grinderman, son nouveau groupe (enfin, nouveau, faut le dire vite, ce sont tous des membres des bad Seeds). Et une leçon de hargne donnée par un "dandy", romancier, poète à ses heures, auteur ces derniers-temps de sublimes ballades (l'exceptionnel No More Shall We Part en 2001) et d'une B.O. rêveuse, subtile et mélancolique (The Proposition), c'est d'autant plus ironique. Mais ce n'est pas qu'aux Stooges qu'il vient mettre une bonne claque, c'est aux jeunes groupes du moment pour lesquels Pete Doherty est le type le plus rock'n'roll de l'époque. Les frasques, l'alcool, les drogues (et même les overdoses), Nick Cave a connu ça quand Pete Doherty jouait encore aux billes dans la cour de récré, et je ne parle pas de la musique... les chansons de Pete Doherty sont à celles de Grinderman ce que le sirop de fraise est au whisky...

Les "vieux" rockeurs sont décidément en très grande forme ces temps-ci (cf. 2006 : la revanche des vieux). Scott Walker a sorti un des albums les plus étonnants que l'on ait entendu depuis très longtemps (en fait, depuis 10 ans et son précédent album), Springsteen un des albums les plus jubilatoires de l'année, et Tom Waits un ambitieux et magnifique triple album. Nick Cave n'allait pas se contenter de tenir la chandelle, il revient donc en ce début d'année avec un excellent album rêche et revêche, proche, dans l'esprit, du blues-punk rageur de ses débuts. 


Pourtant, comme le notait Thierry dans son article sur Grinderman (chez Jazz Blues & Co), Grinderman n'est pas, dans son ensemble, la "saleté poilue dégoulinante de crasse et de noirceur" annoncée. En effet, il faut mettre deux bémols à l'idée largement reprise par les critiques selon laquelle Grinderman serait le "grand retour" de Nick Cave à un rock violent et sauvage.


1. L'album commence et finit en trombe, mais il comporte plusieurs morceaux beaucoup plus calmes au milieu.

2. Nick Cave a dernièrement déjà renoué avec le rock intense et sauvage, dans quelques morceaux de Nocturama (2003), et dans la première partie de son excellent double-album Abattoir Blues / The Lyre of Orpheus (2005).


Mais ces deux nuances sont elles-mêmes... à nuancer, car :


1. Les morceaux plus "calmes" de Grinderman ne sont pas de jolies ballades, mais restent bien dans la tonalité de l'album, sombre et tendue.

2. Sur Abattoir Blues, les titres les plus énergiques étaient assez lumineux, entraînants, sous influence gospel, alors qu'ils tiennent ici beaucoup plus du blues teigneux, sec et rageur.


Je terminerais bien par : cet album est du "très bon Nick Cave"... mais a-t-il jamais sorti un album médiocre ? Donc, tout ce qu'il y a à en dire, c'est "cet album est du très bon Nick Cave, comme d'habitude".


Interview de Grinderman pour la BBC :
    

 


Pas moins de 4 titres en écoute dans la chronique de l'album chez
Jazz Blues & co !

Grinderman : Nick Cave, Warren Ellis, Martyn P. Casey et Jim Sclavunos



Grinderman
- Grinderman

  1. Get It On 
  2. No Pussy Blues
  3. Electric Alice
  4. Grinderman
  5. Depth Charge Ethel
  6. Go Tell The Women
  7. I Don't Need You (To Set Me Free)
  8. Honey Bee (Let's Fly To Mars)
  9. Man In The Moon 
  10. When My Love Comes Down
  11. Love Bomb

Paroles de Nick Cave. Musique par Grinderman.


L'album sur priceminister

Partager cet article
Repost0
23 mars 2007 5 23 /03 /mars /2007 00:38

Electro             03/2007 - Ninja Tune *****

 

Un peu moribonde, l'électro, ces derniers temps. Les artistes novateurs du label Warp (Aphex Twin, Plaid, Squarepusher) se sont en 2006 reposés sur leurs acquis. Rien de bien nouveau en 2005 non plus, malgré un très bon album de Boards of Canada (The Campfire headphase), et The Chaos Theory d'Amon Tobin, bon lui aussi, mais plus bourrin qu'à l'habitude et un peu en-dessous de ses précédents chefs-d'oeuvre. Faut dire que c'était un album un peu particulier, la bande-son d'un jeu vidéo (Splinter Cell), et la première fois qu'un éditeur de jeu faisait appel à une vraie "pointure" en s'offrant le "magicien des sons" anglo-brésilien. Moribonde, disais-je avec un peu de sévérité, mais il y a de tels artistes passionnants dans l'électro qu'on est en droit d'attendre plus régulièrement des albums qui expérimentent de nouvelles voies.

 

Avec Foley Room, Amon Tobin place à nouveau la barre très haut. J'écrivais il y a peu sur ce 5 mars étonnant par la densité d'albums de qualité sortis ce jour-là... mais l'ironie de l'histoire, c'est que deux des albums les plus attendus de l'année souffrent la comparaison avec deux autres sortis plus "discrètement" le même jour. Le dandy Nick Cave, avec Grinderman, donne une leçon de hargne à ceux qui ont si longtemps incarné au mieux la sauvagerie du rock, les Stooges, et Amon Tobin met une belle claque à Air, plutôt décevants avec leur mollasson Pocket Symphony.   

 

Très instructif et bienvenu, le DVD accompagnant le CD de Foley Room montre Amon Tobin se livrant à des expérimentations électro-acoustiques, délaissant les samples pour recueillir des sons à l'extérieur (grognements de tigres, bruits de la rue etc...) ou travaillant les sons en studio (la "foley room" est la pièce où sont enregistrés les bruitages de film). Sa démarche tient plus de la musique "concrète" que de la techno, mais il ne crée pas pour autant des oeuvres aussi froides et cérébrales que celles de la musique concrète, et n'a pas renoncé aux machines et sons électros. 

 

Comme il l'a toujours fait, Amon Tobin nous transporte avec Foley Room dans un formidable voyage sonore, à la fois sensuel, intelligent, ludique, musical, foisonnant. Un album envoûtant, mais aussi exigeant car il demande une véritable attention (une écoute au casque ou à un volume sonore assez fort sur du bon matériel change tout). Il est d'une telle richesse dans les détails et textures sonores qu'on perd beaucoup à ne pas lui prêter l'écoute qu'il mérite. C'était déjà le cas sur ses précédents albums, quoique ceux-ci bénéficiaient de mélodies et rythmes plus efficaces et faciles d'accès (sans êtres simples ou simplistes non plus). Ainsi, Foley Room n'est sans doute pas le meilleur moyen pour rentrer dans l'oeuvre d'Amon Tobin. Les exceptionnels Out From, Out Where, Permutation et Bricolage sont plus judicieux pour le découvrir et s'aventurer dans ses paysages sonores hors du commun. Mais si l'électro et l'expérimentation vous sont familières, jetez-vous sans tarder sur ce génial Foley Room.   

 

A écouter :

 

Amon Tobin - Keep Your Distance

 

L'album en écoute sur grooveshark

 

Trailer du DVD :

 

 

Amon Tobin - Foley Room    

  1. Bloodstone [feat. Kronos Quartet]
  2. Esther's
  3. Keep Your Distance
  4. The Killer's Vanilla
  5. Kitchen Sink
  6. Horsefish
  7. Foley Room
  8. Big Furry Head
  9. Ever Falling
  10. Always
  11. Straight Psyche
  12. At The End Of The Day

Précédent article sur Amon Tobin : Permutation

 

La fiche d'Amon Tobin (avec tous ses albums en écoute)

Partager cet article
Repost0