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6 mai 2007 7 06 /05 /mai /2007 19:15

Cet article de Philippe Sollers est particulièrement d'actualité aujourd'hui. Il est même plus que d'actualité, c'est le commentaire le plus pertinent qui soit sur cette élection... qui date pourtant de 1999. 

 

ELLE ÉTAIT là, elle est toujours là ; on la sent, peu à peu, remonter en surface : la France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes. Elle parle bas dans les salons, les ministères, les commissariats, les usines, à la campagne comme dans les bureaux. Elle a son catalogue de clichés qui finissent par sortir en plein jour, sa voix caractéristique. Des petites phrases arrivent, bien rancies, bien médiocres, des formules de rentier peureux se tenant au chaud d’un ressentiment borné. Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle.

La France moisie a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes.

La France moisie, rappelez- vous, c’est la force tranquille des villages, la torpeur des provinces, la terre qui, elle, ne ment pas, le mariage conflictuel, mais nécessaire, du clocher et de l’école républicaine. C’est le national social ou le social national. Il y a eu la version familiale Vichy, la cellule Moscou-sur-Seine. On ne s’aime pas, mais on est ensemble. On est avare, soupçonneux, grincheux, mais, de temps en temps, La Marseillaise prend à la gorge, on agite le drapeau tricolore. On déteste son voisin comme soi-même, mais on le retrouve volontiers en masse pour des explosions unanimes sans lendemain.

[...]

Oui, finalement, ce XXe siècle a été très décevant, on a envie de l’oublier, d’en faire table rase. Pourquoi ne pas repartir des cathédrales, de Jeanne d’Arc, ou, à défaut, d’avant 1914, de Péguy ? A quoi bon les penseurs et les artistes qui ont tout compliqué comme à plaisir, Heidegger, Sartre, Joyce, Picasso, Stravinski, Genet, Giacometti, Céline ? La plupart se sont d’ailleurs honteusement trompés ou ont fait des oeuvres incompréhensibles, tandis que nous, les moisis, sans bruit, nous avons toujours eu raison sur le fond, c’est-à- dire la nature humaine. Il y a eu trop de bizarreries, de désordres intimes, de singularités. Revenons au bon sens, à la morale élémentaire, à la société policée, à la charité bien ordonnée commençant par soi-même. Serrons les rangs, le pays est en danger.

Le danger, vous le connaissez : il rôde, il est insaisissable, imprévisible, ludique. Son nom de code est 68, autrement dit Cohn-Bendit.

[...]

VIEILLE LITTÉRATURE

L’actuel ministre de l’intérieur est sympathique : il a frôlé la mort, il revient du royaume des ombres, c’est ” un miraculé de la République “, laquelle n’attendait pas cette onction d’un quasi au-delà. Mais dans ” ministre de l’intérieur “, il faut aujourd’hui entendre surtout ” intérieur “. C’est l’intériorité qui s’exprime, ses fantasmes, ses défenses, son vocabulaire spontané. Le ministre a des lectures. Il sait ce qu’est la ” vidéosphère ” de Régis Debray (où se déplace, avec une aisance impertinente, cet Ariel de Cohn-Bendit, qu’il prononce ” Bindit “).

Mais d’où vient, à propos des casseurs, le mot ” sauvageon ” ? De quel mauvais roman scout ? Soudain, c’est une vieille littérature qui s’exprime, une littérature qui n’aurait jamais enregistré l’existence de La Nausée ou d’ Ubu roi. Qui veut faire cultivé prend des risques. On n’entend pas non plus Voltaire dans cette voix-là. Comme quoi, on peut refuser du même geste les Lumières et les audaces créatrices du XXe siècle.

Ce n’est pas sa souveraineté nationale que la France moisie a perdue, mais sa souveraineté spirituelle. Elle a baissé la tête, elle s’est renfrognée, elle se sent coupable et veut à peine en convenir, elle n’aime pas l’innocence, la gratuité, l’improvisation ou le don des langues. Un Européen d’origine allemande vient la tourmenter ? C’est, ici, un écrivain européen d’origine française qui s’en félicite.

PHILIPPE SOLLERS POUR LE MONDE (repris dans L’Infini 65, au printemps 99, puis dans Eloge de l’infini, 2001, p. 714), pris ici

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5 mai 2007 6 05 /05 /mai /2007 14:35

       Il est grand temps de souffler un peu, de revenir à la musique, après les digressions politiques de ces dernières semaines. D'autant plus que le CSA oblige les médias à ne plus parler des présidentielles le week-end précédant l'élection. Internet est, heureusement, un espace de liberté (espérons que ça dure) qui n'est pas soumis aux mêmes règles que les autres médias. Mais je souhaite respecter tout de même ces règles, il ne sera donc pas question des présidentielles aujourd'hui. Ceux qui voient dans le titre une référence à la très classieuse phrase d'Alliot-Marie sur Ségolène Royal (Elle change d'idées comme de jupes), ou une quelconque tentative de jouer sur l'inconscient de mes lecteurs dans cet article ont vraiment l'esprit mal tourné.

Polly-Jean Harvey, donc, est actuellement une des personnalités les plus fortes et respectées du rock. Ce qui est déjà un exploit. Dans un milieu à la base plutôt macho, pas facile pour une femme de s'imposer. Et cela l'était encore plus début des années 90, quand elle s'est révélée. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'était pas programmée pour devenir une "rock-star" et une des chefs-de-file du genre :
une fille qui débarque de la campagne anglaise, sans attaches dans le milieu rock, et qui n'était ni "grande-gueule virile" ni sexy (et même plutôt rigide), il lui a fallu beaucoup de pugnacité pour convaincre. Une fois l'estime de ses pairs conquise, elle a su faire fi de pas mal de ses complexes, elle s'embellit au fur et à mesure des années et a réussi à accepter sa féminité, quitte à la surjouer parfois. Mais sans tomber dans le ridicule. En cela, elle est bien au-dessus de la plupart de ses consoeurs et concurrentes. Loin de la vulgarité de la très trash Courtney Love ou des groupes de rock de filles hommasses (style L7), et loin des petites poupées fades et mignonnes style Plasticines. PJ Harvey a un sacré caractère, un tempérament de feu, qui n'apparaît pas toujours au premier abord car elle sait en faire montre à bon escient. J'en entends quelques-uns me dire "l'image ne compte pas, seule la musique compte"... oui... mais faut pas se leurrer, l'image est depuis toujours prépondérante dans le rock, et n'empêche pas de faire de la bonne musique. Elle conditionne, qu'on le veuille ou non, la perception et le plaisir qu'on prend à l'écoute : il est impossible de faire abstraction du phénomène inconscient d'identification. Si Elvis (dont PJ Harvey est fan depuis sa plus tendre enfance)  avait été tout petit, avec un visage fourbe et des tics de petite frappe au lieu de sa moue sexy et arrogante, le rock n'aurait pas suscité la même fascination et le King en aurait été un symbole moins fort et un représentant moins efficace.

PJ Harvey, donc, assume sa féminité elle porte fièrement des robes, des jupes et ose même le blanc virginal, comme cette robe très courte, à laquelle il est difficile de rester insensible, dans la vidéo ci-dessous...

PJ Harvey - Dress

Elle est tout de même plus classe qu'un quelconque "rockeur-roquet", non ?

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30 avril 2007 1 30 /04 /avril /2007 16:41

Guy Birenbaum, sur son excellent blog, a mis en ligne une partie du discours d'hier de Sarkozy à Bercy. C'est tellement énorme que je ne peux m'empêcher d'en commenter certains extraits :

ce fut la communion, ce fut la gravité presque religieuse, ce fut l'espérance, ce fut non les applaudissements mais cette sorte de prière silencieuse que cent mille personnes m'adressèrent. Ce qui sortit de cette réunion ce ne fut pas pour la campagne à venir qu'un supplément de force, de détermination et d'ardeur. Ce fut un supplément d'âme.

La dimension christique de son discours au soir du premier tour m'avait déjà choqué, et voilà qu'il en remet une couche. Ce n'était pas anecdotique, il mélange la politique et le religieux, comme son "modèle" Bush.   

 

Tous ces sans grade, tous ces anonymes, tous ces gens ordinaires auxquels on ne fait pas attention, que l'on ne veut pas écouter, que l'on ne veut pas entendre.
C'est pour eux que je veux parler.
Je veux être leur porte-parole.
Je veux être celui qui leur redonnera la parole et qui leur redonnera le pouvoir.
Je veux être leur candidat. Je veux être le candidat du peuple et non celui des médias, celui des appareils, celui de tel ou tel intérêt particulier.

 

Là aussi, il continue sur ce qu'il disait le 22 avril, dans un effarant (et effrayant) exercice de démagogie. Le maire de Neuilly, l'ami des patrons, d'Elkabbach, Bouygues, Lagardère et autres magnats de la presse serait le... candidat du peuple et non celui des médias ? Comme disait l'autre, plus le mensonge est gros...

 

Le mot « morale » ne me fait pas peur. La morale, après mai 68, on ne pouvait plus en parler. C'était un mot qui avait disparu du vocabulaire politique. Pour la première fois depuis des décennies, la morale a été au coeur d'une campagne présidentielle. Mai 68 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral. Les héritiers de mai 68 avaient imposé l'idée que tout se valait, qu'il n'y avait aucune différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid.

Voyez comment l'héritage de mai 68 a liquidé l'école de Jules Ferry qui était une école de l'excellence, une école du mérite, une école du respect, une école du civisme, une école qui voulait aider les enfants à devenir des adultes et non à rester de grands enfants, une école qui voulait instruire et non infantiliser, parce qu'elle avait été construite par de grands républicains qui avaient la conviction que l'ignorant n'est pas libre.
Voyez comment l'héritage de mai 68 a liquidé une école qui transmettait une culture commune et une morale partagée grâce auxquelles tous les Français pouvaient se parler, se comprendre, vivre ensemble.


Mai 68 a détruit l'école qui voulait instruire et non infantiliser ? Il se trompe de cible. Ou il en oublie une de taille. Les principaux responsables de l'infantilisation, du mépris pour la culture étaient tout près de lui, bien mis en évidence, dans les tribunes, et il leur a même laissé la parole... ce sont ses amis et soutiens "people". Avec, notamment, tout TF1. Les "héros" des séries TF1 : Véronique Genest, Roger Hanin, Mimie Mathy, Bernard Tapie et son animateur "vedette", Arthur. Sans parler de son grand ami Martin Bouygues, qui était là lui aussi ! Et pour ceux qui n'ont jamais vu, ne serait-ce que dans le zapping, les piques déplacées de Jean-Pierre Pernaut, dans son JT de 13h, contre Royal, jetez un oeil à votre programme télé. Quel sujet "Le Droit de savoir" de Charles Villeneuve va-t-il traiter demain, dans son numéro précédant l'élection : Faux chômeurs, Rmistes fraudeurs et malades imaginaires : enquête sur la France qui triche. Difficile de faire plus sarkozyste. Ils auraient pu intituler leur numéro "Votez Sarkozy", ça aurait été du pareil au même. Bref... pour en revenir aux "valeurs", au "beau" et à "l'instruction" qu'il prétend défendre contre Mai 68, c'est cocasse de le dire en mettant en valeur le "pire" de ce que la France compte comme artistes de pacotilles et débilitants. Ceux cités ci-dessus pour la télé, avec aussi Doc Gyneco, Carlos, Johnny, Barbelivien, Gilbert Montagné, Sardou, Chimène Badi, Sevran pour la chanson, Clavier et Reno pour le cinéma, Bigard et Michel Leeb comme humoristes (enfin, humoriste, faut le dire vite). Et Paul-Loup Sulitzer, Steevy, Bouvard, Collaro, Thierry Roland... Certes, il y en a bien 2-3 que je n'ai pas cité qui sont un peu moins ridicules que cette bande de bras-cassés. Mais dans l'ensemble, on a tous les apôtres du divertissement infantilisant et les plus racolleurs des vendeurs de soupe. Contrairement à ce que dit Birenbaum, je ne pense pas que ces soutiens soient "secondaires" (même s'il a raison quand il dit qu'à lui seul le discours de Sarkozy est suffisamment éloquent), ils en disent beaucoup sur qui est vraiment Sarkozy, sur ce qu'il défend réellement. Et nul doute que ce n'est ni l'exigence artistique, ni la culture. 

 

Voyez comment l'héritage de mai 68 a introduit le cynisme dans la société et dans la politique.
Voyez comment le culte de l'argent roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portés par les valeurs de mai 68. Voyez comment la contestation de tous les repères éthiques, de toutes les valeurs morales a contribué à affaiblir la morale du capitalisme, comment elle a préparé le terrain au capitalisme sans scrupule et sans éthique des parachutes en or, des retraites chapeaux et des patrons voyous, comment elle a préparé le triomphe du prédateur sur l’entrepreneur, du spéculateur sur le travailleur.

 

De pire en pire. Comment peut-on laisser un candidat à la présidentielle balancer des mensonges pareils ? Le culte de l'argent roi, du profit à court terme, les dérives du capitalisme sont la cause de mai 68 ? Le capitalisme, c'était mieux avant, c'était plus moral ?

Les ouvriers exploités et traités comme du bétail dans l'Europe du XIXème siècle, c'est la faute de mai 68 ?

Les industriels américains qui ont investi dans l'allemagne nazie des années 30-40, c'est la faute de mai 68 ?

L'importation américaine d'esclaves africains aux XVIIIème et XIXème siècles, c'est la faute de mai 68 ?  

Germinal, Zola l'a écrit après mai 68 ?

Quel incroyable exercice de révisionnisme historique. Le culte de l'argent roi, les dérives capitalistes, les industriels n'ont pas attendu mai 68 pour s'y vautrer. L'homme est ce qu'il est, il n'a nul besoin de tel ou tel socle idéologique pour exploiter d'autres hommes, abuser de son pouvoir et faire preuve de cynisme.     

 

Voyez-la, écoutez-la cette gauche héritière de mai 68 qui est dans la politique, dans les médias, dans l'administration, dans l'économie, cette gauche qui a pris goût au pouvoir, aux privilèges, cette gauche qui n'aime pas la nation parce qu'elle ne veut plus rien partager.

 

Cette gauche dans les médias ? Dans le plus puissant des médias français, TF1, j'ai du mal à cerner où est la gauche. Par contre, la droite, c'est facile, suffit de regarder les "people" présents à son meeting. Et s'il y avait une véritable gauche dans les médias, elle ne laisserait pas passer un discours aussi scandaleux et populiste. Elle trainerait Sarkozy plus bas que terre. Je ne me sens pas particulièrement de gauche, je ne crois pas aux beaux discours socialistes et à ceux de l'extrême-gauche, je n'ai aucune sympathie pour Royal... mais là, je ne peux qu'être effaré de lire de tels propos de la part d'un candidat à la présidence. Donc, si même moi, je trouve ça inadmissible, j'imagine que tous ces "médias de gauche" ne le laisseront pas passer. Tous ces médias soit disant de gauche, qui en ont fait des tonnes sur la "bravitude" de Royal, qui ont jugé de son incompétence à la suite de ce terme anecdotique et d'une bête histoire de sous-marins (question à laquelle Sarkozy n'a pas su donner la bonne réponse non plus...), tous ces médias de gauche, s'ils le sont vraiment, vont se ruer sur ce texte, autrement plus consternant que les "bourdes" de Royal, pour démolir Sarkozy. A moins qu'ils soient aux ordres, ce qui est impensable dans une démocratie moderne, non ?

Si vous voulez en lire plus (faut être un peu maso...), rendez-vous sur le blog de Guy Birenbaum. 

Désolé pour ce nouvel article où je ne parle pas de musique... mais quand je tombe sur un truc pareil, ça me fout en l'air et j'ai un peu de mal à écrire sur tel ou tel album, aussi bon soit-il... Mais cet article a aussi sa place ici. Car, en France, l'ennemi - le vrai - de l'art, de la musique, de la culture, c'est bien TF1... donc, Sarkozy... sans même parler de la Star Academy, symbole de la nullité culturelle moderne, que l'on doit à TF1 et Pascal Nègre (qui est bien entendu lui aussi dans le comité de soutien de Sarkozy).  

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