Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

Playlist 2020

Classements d'albums

26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 14:35

Italie       22/05/2006 ****

Désolant de voir qu’un aussi bon film ait si peu de succès en France. On peut comprendre qu’un film d’auteur italien sur Berlusconi ne fédère pas autant le public qu’une bande d’abrutis dans un camping ou au club med. Pourtant, Le Caïman n’est en aucun cas un film austère, didactique, ennuyeux… il est au contraire pétillant, vif et réussit l’exploit rare d’être à la fois drôle, émouvant et intelligent.

En une phrase, Le Caïman est l’histoire d’un producteur has-been de séries Z, remarquablement interprété par Silvio Orlando, qui essaye de monter un film sur Berlusconi.

Je parlais il y a quelques temps (ici) de l’incapacité en France de faire des films politiques sur l’actualité " brûlante " (et même tiède ou carrément froide). C’est un des sujets évoqué dans Le Caïman, où il est dit que les américains n’ont aucun problème à mettre en scène leur président dans leur film, alors que les italiens semblent tétanisés par l’idée d’en faire de même. Face à ce postulat, Moretti aurait pu prendre la pose et se faire passer pour le cinéaste héroïque qui se met en danger pour l’amour de la vérité et de la justice. Un film hyper-manichéen opposant le gentil justicier Moretti au méchant tyran Berlusconi était à craindre. Mais Moretti est trop intelligent pour tomber dans ce piège. Pas de mise en scène de menaces de mort, d’intimidation, de sbires de Berlusconi venant saboter le projet. Les moments où les risques de monter un tel film sont évoqués sont traités avec beaucoup d’humour et de légèreté. Le personnage principal ne se lance pas dans de grandes tirades accusatrices sur Berlusconi, mais se retrouve plutôt malgré lui obligé d’aller au bout de ce film qui, en fin de compte, lui importe moins que son divorce et ses enfants. Berlusconi, s’il hante le film du début à la fin, n’est en rien le seul sujet du film. La vie de famille du producteur et les interrogations de Moretti sur le cinéma ont la part belle dans Le Caïman.

Pour en revenir aux films français, certains me rétorqueront " Karl zéro vient de sortir un film sur Chirac ". C’est vrai. Effort louable, suffisamment rare pour être noté (même si le film n’a pas l’air de voler très haut). Mais il le fait alors que Chirac est en fin de règne, qu’il ne semble plus avoir de poids sur la politique actuelle et ne peut plus se représenter. Par contre, Moretti sort son film pendant les élections, sans savoir si Berlusconi resterait au pouvoir. Zéro tire sur une ambulance, et Moretti sur l’homme de pouvoir le plus redoutable d’Italie. Sacrée différence.

 

Comme la plupart des albums dont je parle sur ce blog, Le Caïman est une œuvre exigeante mais très plaisante et accessible, qui mériterait un succès bien plus large. Ce n’est pas par élitisme que je peste régulièrement ici contre la médiocrité des produits que nous survendent les marchands de daubes commerciales. C’est parce qu’il est frustrant de voir des œuvres de qualité accessibles au grand public rester dans l’ombre quand des produits insipides bénéficient de promos stupéfiantes… et du succès immérité qui va avec.

 

Le Caïman (Il Caïmano), de Nanni Moretti :

Bruno : Silvio Orlando

Paola / Aidra : Margherita Buy

Andrea : Daniele Rampello

 

Giacomo : Giacomo Passarelli

Teresa : Jasmine Trinca

Marco Pulici : Michele Placido

le Caïman (dans le film "Le Caïman") : Nanni Moretti

Site officiel : http://www.caiman-lefilm.com/

Vous y trouverez dans " Dernières nouvelles d’Italie " une petite sélection édifiante de phrases prononcées par Berlusconi.

Partager cet article
Repost0
28 mai 2006 7 28 /05 /mai /2006 21:53

Je n’étais pas à Cannes (personne n’a eu la riche idée de m’y inviter…) et n’ai donc pas vu les films projetés. Ce qui ne m’empêchera pas d’en parler. Ou plutôt de vous faire part d’une certaine perplexité face au palmarès. Les 4 films récompensés, Le vent se lève, Flandres, Volver et Indigènes ont tous en commun le fait de s’intéresser à des couches particulièrement défavorisées de la population. Et dans 3 de ces films, ils serviront de chair à canon. Ce qui est quelque peu dérangeant, ce n’est pas ces films en eux-mêmes, mais le cadre de leur diffusion.

Cannes, c’est évidemment la foire aux vanités, des actrices glamour qui prennent la pose dans des robes luxueuses et se noient dans des rivières de diamants, des " happy few " logés gratuitement dans de somptueuses suites d’hôtels, des stars et gens du cinéma qui gagnent des sommes astronomiques… et tout ce petit monde, après avoir minaudé sur les marches, se retrouve entre gens de bonne (et haute) compagnie dans de magnifiques salles de cinéma à regarder de pauvres miséreux se débattre pour survivre aux situations les plus tragiques…. avant de courir dans les fêtes dédiées à ces mêmes films se gaver de mets raffinés entre deux coupettes de champagne.

Tout ça n’est pas bien grave, mais laisse une impression bizarre. Impression d’être dans un livre de Science-Fiction, avec une humanité divisée en deux. Des ultra-favorisés, qui ont la gloire, la beauté, des métiers amusant, l’accès à toutes les richesses, se divertissent du spectacle de l’autre partie de l’humanité, les ultra-défavorisés, confrontés, eux, aux pires malheurs.

On parle souvent de la schizophrénie de Cannes, avec d’un côté le glamour, les starlettes, les " people " et de l’autre un cinéma d’auteur exigeant. On pourrait donc aussi parler d’une double schizophrénie, en ajoutant ce fossé entre deux mondes, celui " dans la salle " et celui " sur l’écran ". Ceux qui étaient dans la salle ont une vie tellement " irréelle " que le spectacle virtuel des défavorisés les ramènent à une certaine forme de réalité, leur permet de redescendre sur terre. Comme si les humains " réels " étaient en fait ceux sur l’écran, pas dans la salle.

Les ultra-favorisés regardent-ils le petit peuple comme ce dernier les observe, fasciné, via les magazines people ? Est-ce un nouveau genre d'exotisme ?

Marrant, en contrepoint, que Marie-Antoinette de Sofia Coppola, pourtant un des films les plus en vu et les plus apprécié des critiques, n’ait eu aucun prix. Car Marie-Antoinette, c’est finalement le reflet d’une grande partie des VIP du festival. Elle jouit d'incroyables richesses et privilèges, elle est observée en permanence par la foule… marrant aussi qu’une des principales critiques entendue au sujet de ce film à Cannes est qu'il manque d’authenticité. C’est sûr que la vie dans les palais du festival doit être tellement plus authentique. Une autre critique récurente est que Sofia Coppola ne montre rien de la révolution française, du peuple qui souffre. Entre deux louches de caviar, les festivaliers ont impérativement besoin de leur dose de misère humaine ? La culpabilité les ronge au point qu'ils ne peuvent se regarder dans un miroir et qu'ils se sentent obligés du coup de se donner bonne conscience ? 

Partager cet article
Repost0
10 mai 2006 3 10 /05 /mai /2006 16:14

Pour faire suite à l'article sur " l’exception culturelle " et le cinéma hollywoodien engagé voire " subversif ", en voilà un qui met particulièrement les pieds dans le plat. Légitimer le terrorisme, en rendre responsable les gouvernements belliqueux et sécuritaires qui jouent sur la peur et ceux qui les élisent… V for Vendetta est on ne peut plus d’actualité et totalement incorrect.

Certes, le personnage de V ne balance pas des avions sur des tours surpeuplées. Mais présenter la destruction de bâtiments symboliques (dont le parlement britannique !) comme une libération, un feu d’artifice salvateur a de quoi dérouter. Cependant, V for Vendetta n’est pas un film provoc’ de gamins irresponsables. L’action et le spectaculaire ne sont pas omniprésents, on y discute beaucoup et les parcours individuels, la focalisation sur les fêlures des personnages tiennent une place d’importance. Comme pour Matrix, les frères Wachowski (qui n’ont pas réalisé le film cette fois-ci mais l’ont conçu, écrit et produit) ne craignent pas le mélange des genres. Film d’action cartoonesque et film politique, film divertissant, engagé et subversif, à l’esthétique baroque et gothique, V for Vendetta part un peu dans tous les sens, ce qui peut décontenancer et irriter. Surtout ceux qui aiment qu’une œuvre respecte les codes du genre auquel elle appartient et que tout soit bien compartimenté. Le fond est parfois noyé par la forme, mais c’est en fin de compte aussi le cas des attentats terroristes les plus spectaculaires, qui en deviennent presque irréels, voire fascinants et esthétiques (comme le suggérait Stockhausen dans sa phrase malheureuse sur le 11 septembre).

S’il fallait trouver un lien avec le rock… ce serait sans nul doute avec le Bowie des années 70 : mégalo, cultivé, pop, parano, baroque, nietzschéen, subversif, jouant sur l’ambiguïté sexuelle et l’androgynie, apocalyptique… We can be heroes chantait Bowie, mais la voie choisie par V pour le devenir n’est pas la plus recommandable…

Bien sûr, le film est discutable, il a ses faiblesses… mais il a au moins le mérite d’appuyer là ou ça fait mal, de s’inscrire dans son époque et de chercher à la faire réagir. Pendant ce temps-là, en France, après le succès monstre des bronzés, voici venir celui de Camping. Sans commentaires…

V for Vendetta (V pour Vendetta, la traduction française du titre n'a pas été un insupportable casse-tête, mais il faut le voir dans la langue de Shakespeare puisque celui-ci est régulièrement cité par V)

De James McTeigue, avec Natalie Portman, Hugo Weaving et Stephen Rea

Sorti le 19 Avril 2006

Un autre article sur le film :

http://systool.over-blog.com/article-2519085.html

Partager cet article
Repost0