Pour faire suite à l'article sur " l’exception culturelle " et le cinéma hollywoodien engagé voire " subversif ", en voilà un qui met particulièrement les pieds dans le plat. Légitimer le terrorisme, en rendre responsable les gouvernements belliqueux et sécuritaires qui jouent sur la peur et ceux qui les élisent… V for Vendetta est on ne peut plus d’actualité et totalement incorrect.
Certes, le personnage de V ne balance pas des avions sur des tours surpeuplées. Mais présenter la destruction de bâtiments symboliques (dont le parlement britannique !) comme une libération, un feu d’artifice salvateur a de quoi dérouter. Cependant, V for Vendetta n’est pas un film provoc’ de gamins irresponsables. L’action et le spectaculaire ne sont pas omniprésents, on y discute beaucoup et les parcours individuels, la focalisation sur les fêlures des personnages tiennent une place d’importance. Comme pour Matrix, les frères Wachowski (qui n’ont pas réalisé le film cette fois-ci mais l’ont conçu, écrit et produit) ne craignent pas le mélange des genres. Film d’action cartoonesque et film politique, film divertissant, engagé et subversif, à l’esthétique baroque et gothique, V for Vendetta part un peu dans tous les sens, ce qui peut décontenancer et irriter. Surtout ceux qui aiment qu’une œuvre respecte les codes du genre auquel elle appartient et que tout soit bien compartimenté. Le fond est parfois noyé par la forme, mais c’est en fin de compte aussi le cas des attentats terroristes les plus spectaculaires, qui en deviennent presque irréels, voire fascinants et esthétiques (comme le suggérait Stockhausen dans sa phrase malheureuse sur le 11 septembre).
S’il fallait trouver un lien avec le rock… ce serait sans nul doute avec le Bowie des années 70 : mégalo, cultivé, pop, parano, baroque, nietzschéen, subversif, jouant sur l’ambiguïté sexuelle et l’androgynie, apocalyptique… We can be heroes chantait Bowie, mais la voie choisie par V pour le devenir n’est pas la plus recommandable…
Bien sûr, le film est discutable, il a ses faiblesses… mais il a au moins le mérite d’appuyer là ou ça fait mal, de s’inscrire dans son époque et de chercher à la faire réagir. Pendant ce temps-là, en France, après le succès monstre des bronzés, voici venir celui de Camping. Sans commentaires…
V for Vendetta (V pour Vendetta, la traduction française du titre n'a pas été un insupportable casse-tête, mais il faut le voir dans la langue de Shakespeare puisque celui-ci est régulièrement cité par V)
De James McTeigue, avec Natalie Portman, Hugo Weaving et Stephen Rea
Sorti le 19 Avril 2006
Un autre article sur le film :