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19 novembre 2006 7 19 /11 /novembre /2006 12:20

                 Beethoven n’a-t-il pas eu suffisamment à souffrir toute sa vie durant pour avoir à supporter dans sa tombe qu’on ne vienne saloper ses inestimables chefs-d’oeuvre ?

 

 

Les nuisibles Sardou et Barbelivien, que rien n’arrête, ont eu la très mauvaise idée de sortir un single intitulé « Beethoven », basé sur des thèmes des 5° et 7° symphonies. Rien que le fait d’associer leurs noms à celui de Beethoven, c’est insupportable. Alors quand en plus ils reprennent à leur compte des thèmes de Beethoven pour en faire de la bouillie indigeste et indigente…

 

 

Inconditionnel du génial Ludwig, mon sang n’a fait qu’un tour lorsque j’ai entendu ce massacre. C’est quoi leur prochain projet ? Sculpter des oreilles de Mickey au David de Michel-Ange ? Dessiner des bites sur le plafond de la chapelle Sixtine ? Et pourquoi pas Maurane qui chanterait sur du Bach ou Pagny en ténor d’opéra italien…

 

 

Quoi qu’il en soit, avec cette chanson, Sardou et Barbelivien illustrent parfaitement la maxime d’Audiard : « les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît… »

 

 

Je ne suis pas un ayatollah de la musique, je comprends qu’on puisse détourner les grands chefs-d’œuvre, s’en amuser. Il existe un excellent morceau de musique cubaine, dont j’ai oublié le nom, qui reprend cette même 5° symphonie de Beethoven. Avec un minimum d’humour, de distance, on peut faire ce que l’on veut des grands chefs-d’œuvre, sans pour autant leur nuire. Mais ici, pas d’humour… tout cela semble être très sérieux et en devient ridicule.

 

 

Seule consolation, c’est que l’on peut grâce à cette chanson pourrie cerner toute la différence entre la médiocrité et le génie. Voir comment le génie de Beethoven, sur 2 notes, la 1° répétée 3 fois (sol-sol-sol-mi bémol), arrive à créer un des motifs les plus célèbres de toute l’histoire de la musique, motif du « destin », dans lequel on peut voir toute la tragédie prométhéenne de la vie de ce révolutionnaire tourmenté, motif si tragique qu’il traite et développe avec une vigueur, une intelligence et un génie à nul autre pareil . Mais quand Barbelivien et Sardou s’en emparent, ce motif n’est plus que pathos et lourdeur affligeants.  Et je ne parle même pas du texte absurde et stupide. Enfin, si, parlons-en. Il y est question d’un « monde sourd comme Beethoven ». Si cela était le cas, le monde serait malade de sa surdité, lutterait de tout son être pour transcender ce destin tragique. La surdité de Beethoven ne l’empêchait pas de créer les plus beaux chefs-d’œuvre, d’entendre la plus haute musique qui soit, et de composer la plus grandiose des œuvres appelant à la fraternité entre les hommes et les peuples : la 9° symphonie. Quel rapport avec la « surdité du monde » dont ils parlent ?  

 

 

Mais un consternant contresens ne leur suffit pas. Il leur en faut un deuxième, ainsi qu’un deuxième génie à faire se retourner dans sa tombe. Ils écrivent ainsi : 

 

 

Le monde est sourd
Comme Beethoven,
Sourd à l'amour,
Hurlant sa haine,
De Walkyrie
En wagnérienne,
Tant de génie
Et Dieu quand même.
  

 

 

Les Walkyries sont, dans la Mythologie nordique, les filles de Wotan destinées à conduire les héros morts au combat au Walhalla. La Walkyrie wagnérienne, Brünnhilde donc, ne hurle pas sa haine, comme ils le disent… mais son amour, sa compassion et sa bonté ! Elle désobéit à son père, prend le plus grand des risques (et sa punition sera terrible – elle sera bannie du royaume des dieux et destituée de sa divinité), parce qu’elle a écouté son cœur et décidé de sauver un humain (on en revient à Prométhée). De quel « cri de haine » parlent-ils ? 

 

 

 

Bref, il n’y a qu’un Michel Sardou à écouter, celui de l’excellent mp3-blog : Un Violon, un jambon.

Sardou et Barbelivien feraient bien de prendre en compte ce que disait Desproges : « la culture, c’est comme les parachutes, quand on n’en a pas, on s’écrase ».

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11 novembre 2006 6 11 /11 /novembre /2006 19:37

Folk-rock                2006 - Wichita ****


















De la plupart des groupes, on attend qu’ils se renouvellent. Mais d’Espers, on souhaiterait qu’ils ne changent rien, tant ils semblent avoir trouvé leur style et le maîtriser à la perfection. Ils ont leur univers, univers dans lequel on se plait à s'abandonner et rêvasser sans vouloir le quitter. Le dernier Espers est du même tonneau que les précédents, et c’est encore une fois un grand cru. S’il fallait le distinguer de ses prédécesseurs, on pourrait dire qu’il est légèrement moins sombre que le premier, et un peu moins champêtre et lumineux que le deuxième. Un album tiède ? Bien au contraire, un album à la température idéale, leur meilleur à mon avis.

On y retrouve toujours les mêmes ingrédients : atmosphères moyenageuses, folk, psychédéliques et rêveuses, belles voix éthérées (Meg Baird) et mélancoliques (Greg Weeks), superbes mélodies, accompagnées avec une grande subtilité. 

Bref, rien à redire. Le seul point noir, c’est la relative confidentialité dans laquelle se trouve encore le groupe. Toujours désolant de constater le décalage qui existe parfois (enfin, souvent..) entre la qualité d’un groupe et sa notoriété. Car Espers (en y incluant les albums solos de Greg Weeks) est – c’est mon avis et je le partage - une des meilleures surprises musicales de la décennie et une des plus injustement méconnues.

L'intérêt esthétique d’Espers, c’est d’avoir réussi à créer une musique profondément émouvante et mélancolique sans tomber dans le pathos adolescent ni les pleurnicheries des larmoyantes chanteuses de varièt’. Une musique envoûtante, hypnotique, sans renoncer à la mélodie et sans se complaire dans un minimalisme austère. Une musique originale, personnelle, qui a l’élégance de ne pas le crier sur tous les toits, allant même jusqu’à nous donner l’impression d’être en terrain connu. S’il fallait lui trouver une parenté, on irait la chercher sans doute du côté de Nick Drake et plus particulièrement de son sublime Five Leaves Left. Ascendance à laquelle il est ambitieux de se référer, mais les hautes cîmes que touche Espers permettent toutes les comparaisons. 

Extrait en écoute :  

Moon occults the sun

Espers - II

01. Dead queen
02. Widow's weed
03. Cruel storm
04. Children of stone
05. Mansfield and cyclops
06. Dead king
07. Moon occults the sun


Catégorie "Espers", avec les articles sur leurs 3 albums,  ici. 

Acheter Espers II 

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 14:21

Clint Eastwood, dans la mémoire collective, restera à jamais associé à l’image du cow-boy des films de Leone : dur, viril, ténébreux, sûr de lui et de sa force, impassible et inflexible (image renforcée par la série des Inspecteur Harry qui suivra). Pourtant, dans Impitoyable (The Unforgiven, 1992), il se mettait en scène de manière tout à fait différente : un vieux cow-boy, ex-mercenaire craint par tous, maintenant retiré dans une ferme, dont la première apparition le présente vautré dans la boue à courir maladroitement derrière ses cochons. Puis, successivement,  il n’arrive plus à monter à cheval, a honte de son passé violent, choppe un gros rhume et se fait démolir sans résistance par un shériff autoritaire (même s’il se vengera à la fin).  

 

Dans Impitoyable, il déconstruit le héros qu’il interprétait chez Leone, et dans Mémoires de nos Pères, c’est à l’héroïsme en général et à la fabrication des héros qu’il s’attaque. Mais ce qui fait toute l’intelligence du film et de son propos, c’est de ne jamais être manichéen. Les soldats immortalisés par la célébrissime photo du drapeau planté sur Iwo Jima ne sont ni des héros, ni de cyniques imposteurs. Eastwood les observe avec beaucoup de subtilité. Ils parcourent les EU afin de récolter des fonds pour l’armée, manipulés par leurs supérieurs mais conscients de cette mascarade et mal à l’aise avec le rôle qu’on veut leur faire jouer. Pourtant, ils s’acquitteront de leur tâche - hantés par des flash-backs de la guerre - avant tout pour aider leurs compagnons restés sur le terrain. Un des propos forts du film, c’est de dire que certes, à la guerre on se bat pour son pays, mais surtout pour survivre et pour ses camarades, ceux derrière et devant soi.

 

Sans le vouloir, Eastwood déconstruit aussi la belle histoire racontée par Indigènes… car Indigènes parle de ces soldats maghrébins «  qui se sont battus pour la France  »… mais Eastwood nous explique qu’à la guerre, on se bat surtout pour soi et ses potes. Indigènes veut réhabiliter les anciens combattants… Mémoire de nos Pères ne cesse de répéter, par le biais des survivants, que les vrais héros sont ceux morts au combat. Je n’ai pas vu Indigènes, mais, comme tout le monde, j’en ai beaucoup entendu parler et n’ai pu échapper à la tournée de promo des acteurs. Si l’intention d’Indigènes est noble et à saluer, pas sûr que le film soit à la hauteur de celui d’Eastwood.

 

Mémoires de nos Pères ne tombe pas dans l’écueil du film à thèse, ce n’est pas un simple « film de guerre », mais avant tout un  film extrêmement émouvant. D’ailleurs, plus l’histoire avance, plus les scènes de batailles se font rares. Il y a bien dans la première partie une extraordinaire scène, intense, spectaculaire, terrifiante (celle du débarquement), sans doute une des scènes de guerre les plus réussie et fascinante que l’on ait pu voir au cinéma. Mais les nombreuses images particulièrement dures de cadavres et de blessés nous ramènent à intervalles réguliers à ce qu’est l’horreur de la guerre.

 

Le film de guerre est un genre qui semble tellement stéréotypé, avec ses grandes scènes de batailles, ses « On va les avoir ces salauds de japs, viets, boches (rayer la mention inutile) », ses « Continuez sans moi les gars, vous arrêtez pas, laissez-moi juste une dernière clope ». Pourtant les grands réalisateurs ont su transcender le genre et produire des classiques inoubliables : Apocalypse Now (Coppola), Les Sentiers de la Gloire et Full Metal Jacket (Kubrick), Platoon (Oliver Stone), La Ligne Rouge (Malick). On pourra désormais rajouter à cette liste Mémoires de nos Pères d’Eastwood.

 

J’ai un peu hésité à mentionner Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg. Film très réussi, il est vrai, mais peut-être un peu moins profond que les autres. Et j’ai longtemps eu du mal avec Spielberg (déjà, gamin, je n’aimais pas du tout E.T.) Mais depuis quelques années, Spielberg m’impressionne de plus en plus. J’ai trouvé sa Guerre des Mondes formidable et j’ai été totalement fasciné par Munich. D’ailleurs, Munich et Mémoires de nos Pères, les deux films qui m’ont le plus marqué cette année (en attendant les nouveaux Woody Allen, de Palma et Scorsese) sont pour l’un, réalisé par Spielberg, pour l’autre, produit par Eastwood et… Spielberg.      

 

Mémoires de Nos Pères (Flags of our fathers), de Clint Eastwood avec Ryan Phillippe, Paul Walker, Jamie Bell, Jesse Bradford, Adam Beach, Neal McDonough    

 

Le film est le premier volet d’un diptyque sur la bataille d’Iwo Jima, dont le second sortira début 2007, la bataille étant cette fois abordée du point de vue… japonais !


Filmographie de Clint Eastwood sur Allocine
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Bio (résumée) de Clint Eastwood chez Systool

 

Ma chronique de Lettres d'Iwo Jima

 

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