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23 mars 2007 5 23 /03 /mars /2007 00:38

Electro             03/2007 - Ninja Tune *****

 

Un peu moribonde, l'électro, ces derniers temps. Les artistes novateurs du label Warp (Aphex Twin, Plaid, Squarepusher) se sont en 2006 reposés sur leurs acquis. Rien de bien nouveau en 2005 non plus, malgré un très bon album de Boards of Canada (The Campfire headphase), et The Chaos Theory d'Amon Tobin, bon lui aussi, mais plus bourrin qu'à l'habitude et un peu en-dessous de ses précédents chefs-d'oeuvre. Faut dire que c'était un album un peu particulier, la bande-son d'un jeu vidéo (Splinter Cell), et la première fois qu'un éditeur de jeu faisait appel à une vraie "pointure" en s'offrant le "magicien des sons" anglo-brésilien. Moribonde, disais-je avec un peu de sévérité, mais il y a de tels artistes passionnants dans l'électro qu'on est en droit d'attendre plus régulièrement des albums qui expérimentent de nouvelles voies.

 

Avec Foley Room, Amon Tobin place à nouveau la barre très haut. J'écrivais il y a peu sur ce 5 mars étonnant par la densité d'albums de qualité sortis ce jour-là... mais l'ironie de l'histoire, c'est que deux des albums les plus attendus de l'année souffrent la comparaison avec deux autres sortis plus "discrètement" le même jour. Le dandy Nick Cave, avec Grinderman, donne une leçon de hargne à ceux qui ont si longtemps incarné au mieux la sauvagerie du rock, les Stooges, et Amon Tobin met une belle claque à Air, plutôt décevants avec leur mollasson Pocket Symphony.   

 

Très instructif et bienvenu, le DVD accompagnant le CD de Foley Room montre Amon Tobin se livrant à des expérimentations électro-acoustiques, délaissant les samples pour recueillir des sons à l'extérieur (grognements de tigres, bruits de la rue etc...) ou travaillant les sons en studio (la "foley room" est la pièce où sont enregistrés les bruitages de film). Sa démarche tient plus de la musique "concrète" que de la techno, mais il ne crée pas pour autant des oeuvres aussi froides et cérébrales que celles de la musique concrète, et n'a pas renoncé aux machines et sons électros. 

 

Comme il l'a toujours fait, Amon Tobin nous transporte avec Foley Room dans un formidable voyage sonore, à la fois sensuel, intelligent, ludique, musical, foisonnant. Un album envoûtant, mais aussi exigeant car il demande une véritable attention (une écoute au casque ou à un volume sonore assez fort sur du bon matériel change tout). Il est d'une telle richesse dans les détails et textures sonores qu'on perd beaucoup à ne pas lui prêter l'écoute qu'il mérite. C'était déjà le cas sur ses précédents albums, quoique ceux-ci bénéficiaient de mélodies et rythmes plus efficaces et faciles d'accès (sans êtres simples ou simplistes non plus). Ainsi, Foley Room n'est sans doute pas le meilleur moyen pour rentrer dans l'oeuvre d'Amon Tobin. Les exceptionnels Out From, Out Where, Permutation et Bricolage sont plus judicieux pour le découvrir et s'aventurer dans ses paysages sonores hors du commun. Mais si l'électro et l'expérimentation vous sont familières, jetez-vous sans tarder sur ce génial Foley Room.   

 

A écouter :

 

Amon Tobin - Keep Your Distance

 

L'album en écoute sur grooveshark

 

Trailer du DVD :

 

 

Amon Tobin - Foley Room    

  1. Bloodstone [feat. Kronos Quartet]
  2. Esther's
  3. Keep Your Distance
  4. The Killer's Vanilla
  5. Kitchen Sink
  6. Horsefish
  7. Foley Room
  8. Big Furry Head
  9. Ever Falling
  10. Always
  11. Straight Psyche
  12. At The End Of The Day

Précédent article sur Amon Tobin : Permutation

 

La fiche d'Amon Tobin (avec tous ses albums en écoute)

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18 mars 2007 7 18 /03 /mars /2007 22:55

Lettres d'Iwo Jima de Clint Eastwood, sortie 21 février 2007



Faut imaginer Clint Eastwood débarquant dans les studios hollywoodiens pour "vendre" son projet sur la bataille d'Iwo Jima :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Deux films de guerre qui se suivent ? C'est un projet ambitieux, Clint, va falloir mettre le paquet ! Le premier doit être choc et spectaculaire, pour donner envie aux spectateurs d'aller voir le second.

- En fait, le premier sera plutôt mélancolique, assez lent, peu de scènes de guerres.

- Pas terrible, ça... bon, on verra donc le quotidien des soldats sur le champ de bataille, ça peut intéresser...

- En fait, ce sera en grande partie le quotidien de trois soldats retournés en Amérique pour récolter des fonds.

- Mmmm, pas génial... bon, si tu veux, on va faire un grand film patriotique où la nation entière se sacrifie pour aider les héros partis sur le champ de bataille. Pas très vendeur pour l'étranger, mais ça peut attirer du monde chez nous. Avec une musique grandiose composée par John Williams...

- Pour la musique, pas de John Williams. Je la ferai moi-même pour le premier, mon fils s'occupera de celle du second. Ce sera très simple, quelques notes de guitare acoustique et de piano. Et pas de gloriole dans le film, tout cela sera présenté comme une vaste mascarade.

- Un film engagé, à charge, une critique virulente du système... à la limite, ça peut susciter la polémique ce qui nous fera de la pub.

- Non, ce ne sera pas manichéen. Et je me focalise surtout sur les doutes et les émotions des personnages. 

- Là, on est mal. Le seul truc qui peut nous sauver, c'est un casting d'enfer. Tu penses à qui ? Brad Pitt, Matt Damon, Clooney, Tom Hanks ? 

- Plutôt des acteurs peu connus...

- On court à la catastrophe. Dis toujours, pour le deuxième film, qu'on voit s'il peut attirer les foules et compenser les pertes du premier. Il est impératif qu'il soit plus attractif et accrocheur. Un film alléchant et séduisant.

- Je pensais à une lumière assez terne, limite noir et blanc pour le second. Alors pour "allécher", c'est mal barré. 

- Limite noir et blanc ? Tu veux nous ruiner ? Il sera truffé de vraies grandes scènes de batailles, au moins, avec cette fois de vrais héros ?

- Pas vraiment. Je privilégie encore les doutes de soldats un peu "paumés" au milieu d'une guerre qui les dépasse.

- On est foutu. Notre seule chance, c'est qu'il puisse bien se vendre aux télés. Pour ça, tu connais la règle, une grande scène spectaculaire au tout début du film, que le spectateur reste scotché dans son fauteuil et ne zappe pas pour jeter un oeil aux programmes qui commencent sur les autres chaines

- Toute la première partie du film, ce seront exclusivement des dialogues. La première scène de bataille n'arrive que vers le milieu du film.

- Plus de doutes, tu veux nous couler. Mais pour ce deuxième volet, t'as tout de même prévu quelques stars !

- Les acteurs seront encore moins connus que les acteurs très peu connus du premier.

_ ????

- Ils seront tous japonais

- Quoi ? Tu plaisantes...

- Non, j'ai pas le choix, la guerre sera présentée du point de vue japonais

- Ah, OK, tu me fais marcher... rassure-moi, tu n'es pas sérieux ?

- Si ! Et, dernière petite chose... il sera en japonais sous-titré.

 

Difficile de trouver un projet moins vendeur (surtout pour les Etats-Unis) que celui d'Eastwood. Et pourtant, cela a donné deux films absolument magnifiques, le deuxième est peut-être encore meilleur que le premier. Du très grand cinéma, intelligent, émouvant, remarquablement réalisé. C'est aussi ça, ce qui distingue les grands réalisateurs des autres. Ils peuvent se lancer dans le projet le plus casse-gueule, ne pas hésiter à prendre tous les risques, et en faire une oeuvre formidable et accessible. Bien sûr, beaucoup de spectateurs ont les a priori du "producteur-type" caricaturé ci-dessus et craindront bêtement de s'enuyer. Tant pis pour eux, ils iront perdre leur temps devant Taxi 4 et rateront un vrai grand film.


Précédemment : ma chronique sur Mémoires de nos pères


Bio (résumée) de Clint Eastwood chez Systool

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16 mars 2007 5 16 /03 /mars /2007 16:35

   Bientôt 50 ans qu'Elvis est parti à l'armée et que les puristes ont annoncé et décrété la mort du rock (décidément, je ne me détache pas des dates ces temps-ci). Mort depuis 50 ans, le rock n'en reste pas moins en grande forme, comme le prouve l'excellente vidéo ci-dessous d'un titre des Desert Sessions vol. 9 et 10 de Josh Homme (décidément, je ne me détache pas de Queens of the Stone Age non plus).

Une cadillac rouge dans laquelle un mec aux faux airs d'Elvis (Josh Homme) tente de chopper une fille en mini-jupe (PJ Harvey), le tout sur fond de gros riff bluesy accrocheur... difficile de respecter les codes de base et l'esprit du rock mieux qu'ils ne le font. Pourtant, pas de doutes, on est loin d'un "revival rock'n'roll", mais bien au XXIè siècle : 

PJ Harvey et Josh Homme, début des années 90, ont chacun de leur côté réhabilité les bons vieux riffs bluesy, mais en accentuant leur tension, leur lourdeur, leur noirceur et leur rugosité. Si le riff de Crawl Home est bluesy, impossible de se tromper d'époque, c'est pas du Chuck Berry, et encore moins du B.B. King.

On aurait imaginé que le "colosse" Josh Homme ne ferait qu'une bouchée de la frêle PJ. Mais la suprématie masculine 50's est de l'histoire ancienne. Elle chante d'une voix puissante, quand lui est dans son registre le plus aiguë. C'est elle qui s'affirme (son chant est basé principalement sur deux notes qui montent) et lui qui finit par s'écraser (sa ligne mélodique est plutôt descendante). C'est elle qui tient les rênes et le fouet, et qui ordonne à Josh : "Crawl Homme" ! 

De ce point de vue, on est dans l'exact opposé du duo Isobell Campbell - Mark Lanegan (membre occasionnel de Queens of the Stone Age et grand pote de Josh Homme), tel que je l'avais décrit ici.

...

PJ Harvey & Josh Homme - Crawl Home    

 

 

 

Et pour vous convaincre définitivement que le rock bluesy, sauvage et mal élevé est toujours d'actualité, ne manquez pas le dernier Nick Cave (Grinderman). Vous pouvez en lire une chronique chez Jazz Blues & co, et la mienne ne tardera pas trop.

 

Nick Cave, PJ harvey, Josh Homme... ils ont en commun ce cocktail détonnant de blues rêche et de classe. Et ça, c'est la très grande classe.

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