Rock 2004 - Mute ****
Nick Cave a réussi à maintenir depuis près de 20 ans un tel niveau de qualité dans ses albums… qu’on finit par trouver ça normal, ne pas s’y attarder ni leur donner la visibilité qu’ils méritent. C’est d’ailleurs un peu la même situation pour Tom Waits. En quelques années (2001 à 2004), Nick Cave a sorti trois albums formidables: No more shall we part, Nocturama et le double Abattoir blues / The Lyre of Orpheus. Trois albums qui resteront comme des grands de la décennie. La presse rock, toujours en quête de chair fraîche, préfère s’extasier sur la première bande de post-ados venue… ou des anciennes gloires faisant un retour remarqué après une longue traversée du désert. Pas vendeur de balancer tous les deux ans des couvertures avec en titre " Le nouvel album de Nick Cave : superbe, comme toujours ". Mieux vaut tirer au hasard le nom d’un nouveau groupe et titrer " Machin : La sensation rock du moment ". Impossible de faire sa une avec " le grand retour de Nick Cave ", puisqu’il n’est jamais parti… De plus, il est trop sombre, exigeant et " sauvage " pour le grand public, trop " adulte " et lettré pour les gamins… bref, il ne fait pas grand chose pour attirer les projecteurs sur lui…
Et pourtant… ce magnifique double album est sans doute ce qu’il a fait de plus accessible (mais sans aller vers la facilité, ni vendre son âme au démon du show business…). Le premier CD est un retour à un rock intense, incantatoire et rageur, moins torturé malgré tout que ses premiers albums. Abattoir blues est très riche et diversifié, alternant allègrement des passages survoltés et d’autres plus apaisés, et Nick Cave passe admirablement de l’ombre à la lumière, parvenant à être successivement et parfois simultanément teigneux et radieux, sombre et jubilatoire. Cette dimension " jubilatoire " vient en partie du gospel, très sensible sur les deux disques (notamment par la présence de la chorale du London Community Gospel Choir). Il " ose " même un titre carrément pop, Nature Boy, que l’on aurait plutôt imaginé chez Bowie.
Le 2° CD est lui majoritairement composé de ballades dans la lignée de celles qui constituent l’essentiel de sa discographie depuis les années 90. Deux titres plus nerveux tout de même : The Lyre of Orpheus et Supernaturally, et un particulièrement entraînant et positif, le très agréable Breathless, modèle de chanson folk populaire (malgré ses flûtes joyeusement dissonantes), séduisante, accrocheuse sans mièvrerie… mais le niveau est actuellement tellement bas que les programmateurs radios la considèreraient comme pas assez fédératrice. Un mot aussi sur Easy Money, qui pourrait légitimement figurer parmi les 10 plus belles ballades de la décennie. Mais entre celles de No more shall we part, Nocturama et de ce double-là, y en auraient-ils d’autres que celles de Nick Cave dans cet hypothétique top 10 ? Sans doute… mais pas tant que ça.
Pour en savoir plus sur les indispensables albums de Nick Cave, voir sa discographie commentée sur labels.tm.fr
4. Messiah ward
| 5. There she goes, my beautiful world 6. Nature boy
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2. Breathless 4. Easy money | 6. Spell 7. Carry me 8. O children
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