Dmitri Chostakovitch – Symphonie n°11 en sol mineur : L’année 1905
Créée en 1957
Après la 7° symphonie de Sibelius, dont la forme en un mouvement est celle du Poème Symphonique, mais qui n’en est pas un puisqu’elle n’a pas de « programme descriptif », en voilà une qui a bien la forme traditionnelle de la symphonie en 4 mouvements, mais qui a un programme (la révolution de 1905). Malgré ce programme, ce n’est pas là non plus un Poème symphonique, mais une symphonie, ou plus précisément une « symphonie à programme ». La différence entre Poème Symphonique et symphonie à programme est simple : le premier est en un seul mouvement, le second a le découpage en plusieurs mouvements des symphonies (normalement 4, mais il peut y en avoir plus ou moins, les premières symphonies en avaient 3, et deux des plus célèbres symphonies dites « à programme » en ont 5 : la Symphonie n°6 « Pastorale » de Beethoven, et la symphonie fantastique de Berlioz).
En résumé :
Poème symphonique : 1 Mouvement + programme (illustration musicale d’un poème, d’une peinture, d’un roman, d’un événement historique etc.)
Symphonie : Plusieurs mouvements (malgré quelques rares exceptions comme la 7° de Sibelius en 1 mouvement), le plus souvent 4, et pas de programme (il peut y avoir un titre évocateur, mais le compositeur n’a pas cherché à raconter une histoire qui se déroulerait tout au long des différents mouvements).
Symphonie à programme : Plusieurs mouvements + programme.
Avant de détailler dans un futur article les musiques de 1957, il me fallait mettre en valeur l’œuvre la plus impressionnante de cette année, la 11° symphonie de Chostakovitch. Peut-être sa meilleure après la 10°. Les 4 mouvements sont exceptionnels, je peux vous conseiller, comme première approche, le 3° mouvement, le plus beau, poignant et accessible de la symphonie :
Si vous ne craignez pas les sensations fortes et les aventures musicales extrêmes, ne passez surtout pas à côté du 2° mouvement. Je ne me lasse pas de combattre régulièrement ici ce cliché tenace d’une musique classique qui serait sage / BCBG / bourgeoise, alors que le rock serait, lui, intense et rageur… Mais en 1957, la « bonne société américaine » qui s’offusquait de la violence du rock et lui opposait la beauté de la musique classique aurait mieux fait de revoir ses « classiques », et les dernières œuvres de l’époque, il y a plus de folie, de noirceur et de violence dans le 2° mouvement de la 11° Symphonie de Chostakovitch que dans tout le rock de l’époque, qui passe à côté pour un sage et sympathique divertissement (d’un point de vue strictement musical bien sûr).
Ce 2° mouvement a pour titre « The 9th of january », car le 9 janvier 1905, une manifestation a été très sévèrement réprimée par la police, qui a tiré sur la foule. Un jour que l’on a appelé « Dimanche rouge » ou « Bloody sunday »… rien à voir avec U2, son Sunday Bloody Sunday parle de la répression d’une manifestation de 1972 en Irlande, répression qui a fait 7 morts et une vingtaine de blessés. Une broutille, en quelque sorte, face au « Bloody Sunday » russe de 1905, avec 96 morts et 333 blessés… selon les chiffres officiels… mais d’autres avançaient des chiffres faisant état de milliers de manifestants exécutés ce jour-là par la police. Sur une échelle quelque peu macabre, il est finalement cohérent que U2 joue une musique 100 fois moins sombre et violente pour cette répression irlandaise de 1972 que Chostakovitch dans son 2° mouvement de la 11° symphonie… (je m’égare un peu, mais tous les moyens de taper sur U2 sont bons à prendre).
Sur wikipedia : la Révolution russe de 1905
La première partie du 2° mouvement évoque la marche des manifestants vers le palais du Tsar, puis, après un moment de calme inquiétant, la caisse claire annonce l’arrivée de la police et la fusillade. La musique devient alors implacable, violente et « monstrueuse », comme l'a été cette tragédie.
Une vidéo de la symphonie en entier, calez-là à 22 minutes pour le début du 2° mouvement, qui dure jusqu'à 40'55… pour vivre au mieux cette expérience musicale et symphonique, je vous conseille de mettre le volume assez fort, et de passer en plein écran et en HD (choisir 1080p dans les paramètres). Sensations fortes garanties :
Autre interprétation de grande qualité du 2° mouvement :
La 11° de Chostakovitch est une symphonie typiquement russe, avec des thèmes empruntés au folklore russe (ou des harmonies et mélodies caractéristiques), des contrastes saisissants, du souffle, du lyrisme, de la puissance et de la noirceur, des parties mystérieuses et contemplatives (presque oniriques), et, bien entendu, ce formidable sens du rythme qui caractérise les musiciens et compositeurs russes…
La symphonie dans son intégralité, sur grooveshark :
Sur wikipedia : la 11° symphonie de Chostakovitch.
Mon précédent article sur Chostakovitch – qui date tout de même de 2006, j’écris finalement peu sur la plupart de mes compositeurs favoris :