11/2010 Ici D'ailleurs
Le problème des musiques hypnotiques... c'est qu'elles ont le pouvoir d'hypnotiser suffisamment l'auditeur pour qu'il ne prenne pas toute la mesure de leur richesse (ou leur pauvreté). Et dans le cas présent, c'est bien la richesse de ce dernier album de Matt Elliott qui risque d'échapper à certains. The Dark a beau être un album "atmosphérique", il perd beaucoup à ne servir que de fond sonore d'ambiance. Ecouté distraitement, il peut sembler répétitif, monotone... mais il vaut bien mieux que cela lorsqu'on accepte de s'y abandonner réellement. Là, c'est un univers sonore riche et foisonnant qui s'ouvre à vous. Une oeuvre organique, remarquable de cohérence, de fluidité et de musicalité. Ce n'est pas un album avec une suite plus ou moins homogène de morceaux, mais une véritable symphonie électro répétitive...
The Dark pourrait laisser sur le bord de la route ceux qui ont découvert Matt Elliott avec ses chansons (plus accessibles) de la "trilogie des songs"... même s'il est clair que ce nouveau Third Eye Foundation s’enrichit du travail effectué par Matt Elliott sur ses derniers albums. Il y a les artistes qui cherchent à se renouveler un peu n’importe comment, en suivant les nouveaux sons du moment, en expérimentant au petit bonheur la chance… il y a ceux qui se renouvellent naturellement parce qu’ils ont, eux, une véritable âme d’artiste. Mettre de côté l’électro de Third Eye Foundation pour sa trilogie des songs (et son premier album sous son propre nom, The Mess we made), puis y revenir en intégrant et en adaptant avec intelligence et musicalité des éléments explorés sur ses derniers albums, tout cela semble couler de source pour Matt Elliott. Cohérence de l’album, cohérence de la démarche artistique qui est la sienne depuis plus d’une décennie.
A tous les points de vue, il faut se plonger dans cet album. S’y plonger pour saisir la richesse de toutes ses variations, ses strates, ses « touches sonores » qui viennent se greffer à la trame principale… autant l’auditeur distrait peut avoir l’impression qu’il ne se passe pas grand chose, autant l’auditeur attentif ne s’ennuiera pas une seconde. Une musique exigeante dans le meilleur sens du terme, qui révèle ses trésors à ceux qui acceptent de lui prêter l’attention qu’elle mérite. S’y plonger, aussi, car Matt Elliott nous entraîne dans de tels abîmes de mélancolie (comme sur sa trilogie des songs) qu’il sera compliqué pour certains de s’y abandonner totalement. Elliott semble nous dire « Sombrez avec moi, ou passez votre chemin… » Et si l’on ne craint pas de sombrer dans une telle mélancolie, cet album est un régal…
S’il fallait définir le style de Matt Elliott en deux mots, « mélancolique – fantomatique » me semble le plus indiqué. Pas étonnant, d’ailleurs, que son deuxième album s’intitule « Ghost », sa musique est hantée par les fantômes. Entrelacs vaporeux de sonorités, voix désincarnées, chœurs livides, mélodies envoûtantes, rythmes qui traînent et vagabondent…
J’aime beaucoup l’image de Mmarsup, très pertinente, du « bateau ivre » pour qualifier cet album… Et s’il fallait préciser, je dirais : « un vaisseau fantôme ivre dérivant sur des vagues de mélancolie ». A vous de voir si la balade vous tente…
Si oui, embarquement immédiat, sur deezer (je l’y ai écouté plusieurs fois, il n’a jamais été coupé par de la pub… la moindre des choses, c’est une œuvre qui ne peut se couper).
(Si vous avez le mal de mer, attention aux risques de secousse en toute fin de voyage, sur le bien nommé : If you treat all like Terrorists, We will become Terrorists)
L'album en écoute intégrale sur deezer :
The Third Eye Foundation - The Dark
La chronique de Nyko
Celle de Mmarsup
Celle de Thom
Un autre album électro de cette année que je vous conseille, qui, comme ce Third Eye Foundation, est plutôt atmosphérique et répétitif mais beaucoup plus riche qu'on pourrait le penser : Future Sound of London - Environments 3
Précédentes chroniques d'albums de Matt Elliott :