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10 janvier 2009 6 10 /01 /janvier /2009 09:16
2008  -     Ici d'ailleurs

L'excellente chronique du nouveau Matt Elliott publiée par Thom m'a fait dire qu'il n'était pas la peine que j'en rajoute... mais voilà, c'est tout de même Matt Elliott, un de mes artistes favoris, impossible de ne pas dire un mot de son nouvel album. D'autant plus que j'ai fait la chronique des deux précédents (Drinking Songs et Failing Songs), je n'allais pas laisser tomber le dernier de la "trilogie des Songs". 

Pour en savoir plus sur ce magnifique disque, n'hésitez pas à aller lire Thom, je vais me contenter de répondre à cette question que personne ne semble se poser (ça, c'est de l'accroche)... quelle est l'esthétique de Matt Elliott, et en quoi est-elle pertinente...  

Il existe 3 types d'artistes... ceux qui se contentent de s'inscrire dans un style, ceux qui apportent quelque chose de nouveau à ce style, et ceux qui, comme Matt Elliott, s'en inventent un. Bien sûr, on peut parfaitement s'inscrire dans un style en ayant une "signature" tout à fait personnelle... tout comme on peut inventer un style sans aucun intérêt. Suffit pas de faire du neuf en mélangeant divers vieux éléments pour créer une musique qui mérite l'attention. Encore faut-il que ce style soit convaincant et pertinent. Sinon, ce serait trop facile... il est à la portée de n'importe quel crétin de créer du neuf. Par exemple, je prends une grille de blues, je la joue au clavecin, je greffe par dessus des mélodies pop avec quelques solos de cornemuses et j'accompagne tout ça d'une rythmique techno... certes, ce sera "original"... mais quel intérêt ? Tout ce que ce mélange risque de donner, c'est une musique totalement grotesque.

Matt Elliott, lui, a véritablement réussi à créer un style très personnel et cohérent, fait à base d'influences tziganes, voix traînantes et fantômatiques, atmosphères comateuses, belles mélodies, gravité et profonde mélancolie. En quoi ce style serait-il alors "pertinent" ? 

La différence entre un artiste et un artisan, c'est que l'artiste ne se contente pas de faire du "bel ouvrage", il a cette sensibilité particulière qui lui permet - consciemment ou pas - de nous "dire" quelque chose du monde, quelque chose qu'on ne voit généralement pas, où que l'on tente de masquer. Une des grandes fonctions de l'art, c'est de révéler ce que la société dans laquelle il s'inscrit cherche à cacher. Non pas à la manière "brute" d'un journaliste qui balance un scoop et relate des faits, mais en traduisant cela sous une autre forme, une forme "artistique".

L'auditeur distrait, après quelques écoutes des albums de Matt Elliott pourrait se dire "mouais, c'est du folk/tzigane, c'est joli, émouvant, certes, mais ce n'est en rien moderne..." Au contraire.
Nous vivons dans une époque frénétique, où tout va très vite, où le web a transformé les habitudes de communication et de consommation, où tout le monde avec une simple connection dispose d'un accès libre, immédiat et considérable à la culture, au divertissement, à la connaissance et peut s'exprimer assez facilement. Mais les tubes pop/r'n'b' hédonistes et entraînants aux prods luxuriantes matraqués par les radios ne sont que de l'évasion... ils ne dévoilent pas la réalité, ils contribuent à la voiler par ce nouvel "opium du peuple". Car sous cette apparente frénésie, cette abondance, le monde actuel est terriblement pesant. Perte de la foi en l'avenir, perte des repères, des valeurs, des croyances (ou renfermement dans l'esprit "communautaire"), désastre écologique, cynisme, fébrilité, traumatisme du 11 septembre... d'une certaine manière, cette pesanteur moderne, Matt Elliott la sublime.

Ces voix fantômatiques, celles d'une génération dont l'existence est de plus en plus virtuelle, ces morceaux qui commencent par de belles mélodies mélancoliques et se terminent sur des guitares rêches, hypnotiques et chaotiques (que l'on ne retrouvait que peu dans les deux albums précédents et qui durcissent le ton de la musique de Matt Elliott dans Howling Songs), comme si l'on ne pouvait faire autrement que de s'enfoncer toujours plus... Bien sûr, il ne suffit pas de faire une musique "pesante" pour qu'elle soit intéressante, moderne et pertinente d'un point de vue esthétique... après, il y a le style et tout le travail de l'artiste... qui arrive à faire passer avec élégance et subtilité toute cette lourdeur. Il est à la portée de n'importe quel musicien de faire de la musique "sombre et lourde", mais il est beaucoup plus complexe - et artistique - d'être capable de véhiculer sans compromissions cette noirceur et cette gravité avec élégance, finesse et beauté. Il y a chez Matt Elliott, une parfaite alchimie, la beauté mélodique ne vient pas amoindrir la saisissante noirceur de l'ensemble, c'est la noirceur qui en devient encore plus sensible et fascinante...

Mettre la pesanteur en musique, c'est comme filmer l'ennui... tout le monde peut le faire. Mais ce qui différencie les vrais artistes des autres, c'est qu'ils sont capables de filmer l'ennui sans être ennuyeux, et, comme le fait ici Matt Elliott, de mettre la pesanteur en musique sans être lourd. 

Trois morceaux en extrait :    


Découvrez Matt Elliott!


L'album en écoute intégrale sur Jiwa

Matt Elliott - Howling Songs

1/ The Kübler-Ross Model (11:32)

2/ Something About Ghosts (6:54)

3/ How Much In Blood ? (1:47)

4/ A Broken Flamenco (5:17)

5/ Berlin & Bisenthal (3:00)

6/ I Name This Ship Tragedy, Bless Her & All Who Sail With Her (6:32)

7/ The Howling Songs (4:43)

8/ Songs For A Failed Relationship (2:17)

9/ Bomb The Stock Exchange (4:22)

Matt Elliott sur Myspace 


La chronique de Thom

Mes précédents billets sur Matt Elliott :

Failing Songs
Drinking Songs
     
Howling Songs dans les
meilleurs albums 2008
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commentaires

G
<br /> PIETRO : Il est très bon, comme toujours, preuve en est qu'il est actuellement n°1 du CDB :<br /> <br /> <br /> http://classementdesblogueurs.fr/WordPress3/2012/03/15/cdb-2012-episode-4/<br />
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P
<br /> Salut G.T,<br /> <br /> <br /> Que vaut le dernier Matt Elliott?<br />
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G
SYST : merci pour l'info, je vais mettre le lien à la fin de l'article...
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S
L'album en écoute intégrale sur Jiwa pour ceux que ça intéresse ;-)Syst
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G
SKA : Dans le mien non plus... et pourtant, ce sont des gens qui placent Third plus haut qu'Elliott (Humble, Nyko, et... moi)  qui ont contribué à faire chuter Portishead dans le CDB en mettant chacun 9 à Elliott (enfin, Third vient de repasser devant, mais d'un rien, il est à 8,57 alors qu'Elliott est à 8,56^^) 
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S
À force de lire sur ledit album dans le CDB, je commence par écouter ces trois morceaux. Très beaux. Je ne connaissais pas du tout. Son groupe précédent non plus. L'album, je ne sais pas encore, mais je vais tacher de l'écouter. Enfin, bon, dans mon panthéon personnel, Third n'est guère menacé...
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G
MB : Whats wrong est en effet sur Drinking Songs... mais le bruit des doigts qui glissent sur le manche n'est pas omniprésent sur l'album^^ De plus, il y a beaucoup d'instruments sur Drinking Songs (Elliiott est multi-instrumentiste), Drinking Songs est même plus riche dans l'orchestration que Howling Songs... Mais commande Howling Songs, ne te prive surtout pas ! ^^Drinking Songs est particulier, tout de même, il est vraiment très "vaporeux"...HUMBLE : Allons, tu ne vas pas te décourager d'écrire sur Elliott pour si peu^^(heureux de voir que tu as aussi été captivé par la musique de Matt Elliott... et merci!)
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H
comme souvent je n'ai rien à rajouter à ton article, je voulais juste te remercier d'avoir parlé de Matt Elliott au détour d'un commentaire il y a quelques semaines : je ne décroche pas de Howling songs et je découvre peu à peu les albums précédents, y compris deux de The third eye foundation.j'avais même un peu envie d'écrire un petit quelque chose sur Howling songs, mais tu m'as découragé ;)
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M
J'en ai eu... on devrais toujours se relire, lol.
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M
Les autres albums sont plus accoustique vous voulez dire ? Parceque Howling Songs a une orchestration particulièrement luxuriante (certes, pas exactement très gai, lol.) que je trouve originale et qui change un peu de ce que j'ai l'habitude d'écouter.  Le Folk Lo-Fi je n'ai eu ma dose avec Devendra Banhart.  Je n'ai trouver que What's Wrong (c'est du Drinking Songs?) sur Deezer et il y a deux choses qui me gène : j'ai l'impression d'avoir entendu déjà la mélodie dans un morçeaux que vous avez mis en écoute de Howling Songs et puis le bruit des doigts qui glisse sur les cordes de la guitare est assez insupportable...  Je pense que je vai commander Howling Songs...
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G
MB : Non, en fait, je veux juste dire que Failing Songs et Drinking Songs sont les plus accessibles, les deux albums par lesquels il faut mieux commencer... sauf si on aime particulièrement les musiques plus tourmentées et torturées, là, on peut accrocher plus vite à Howling Songs... mais ce n'est pas nécessaire non plus ! :-)
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M
"Je conseillerai peut-être plutôt de commencer par les envoûtants Failing Songs ou Drinking Songs, ce Howling Songs est tout de même plus apre, noir et chaotique (enfin, comme le disait Thom, pour un rockeur fan du Velvet et Sonic Youth, mieux vaut peut-être commencer par ce dernier...)" J'ai pas trop compris, lol.  J'aime bien les trois morçeaux que vous avez mis en écoute, c'est representatif de l'album ? Il faut aimer Velvet/Sonic Youth pour aimer Howling Songs ?  
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G
YOSEMITE : je suis d'accord sur ces "maëlstroms hypnotiques", toujours présent maintenant qu'il a délaissé l'électro, et plus encore dans Howling Songs que dans les précédents (si l'on excepte l'interminable déluge sonore à la fin de Drinking Songs)(par contre, j'ai cru entendre dire qu'il referait un nouvel album de Third Eye Foundation...)(bien sûr qu'il faut le rajouter à ta liste)(et bon concert !)
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Y
je crois que cette pesanteur et toute cette matière en suspens étaient déjà très présentes dans les albums de Third Eye Foundation qui sont autant d'hypnotiques maelströms angoissants de la musique électrnoniques (écouter ses remixes, de Tiersen entre autre) que le sont ses albums sous son nom à la musique "folk", bien sûr toute sauf tsigane.A Lyon incessament avec Thee Stranded Horse, un joli plateau quoi !(tiens, encore un album de 2008 que j'ai acquis juste ce vendredi... faut que je le rajoute à ma liste ou bien ?)
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G
MB : merci beaucoup, et très heureux que Matt Elliott te plaise... s'il y a un artiste que j'aime défendre et qui le mérite vraiment - parce qu'on ne peut pas dire qu'il bénéficie d'une grosse couverture média - c'est lui !Je conseillerai peut-être plutôt de commencer par les envoûtants Failing Songs ou Drinking Songs, ce Howling Songs est tout de même plus apre, noir et chaotique (enfin, comme le disait Thom, pour un rockeur fan du Velvet et Sonic Youth, mieux vaut peut-être commencer par ce dernier...) 
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M
Excellent article sur un artiste que je ne connais pas et qui donne envie (et la principale raison que je visite des blogs, dans l'espoir de découvrir des disques).  Musique vraiment très très bien faite ! :D
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