Thrill Jockey 02/2011
A moins d’être monomaniaque ou de verser dans le fétichisme musical, chacun recherche en musique des atmosphères / émotions / sonorités diverses et variées, comme cela était discuté ici. Pourtant, on a tous nos préférences, voire nos obsessions ; des types d’émotions particulières que l’on tente de retrouver, revivre en musique, car elles nous fascinent plus que d’autres. Des émotions pas aussi simples que « la joie » ou « la tristesse », mais qui donnent, justement, toute sa force à la musique, l’art qui surpasse les autres lorsqu’il s’agit de « communiquer l’indicible », dire ce que les mots, les représentations visuelles ne peuvent exprimer. Non pas qu’il soit capable de suggérer telle ou telle émotion complexe avec une précision scientifique, au contraire, son abstraction laisse une véritable liberté d’interprétation permettant à chacun d’y greffer les émotions qu’il ne peut définir (dans un cadre qui a tout de même ses limites, évidemment)…
Il n’est donc pas toujours facile de décrire quel type d’émotion on y recherche en priorité, car, souvent… on ne le sait pas vraiment. C’est bien pour cette raison que l’on a tant besoin de musique et que l’on a parfois du mal à exprimer l’effet qu’elle peut avoir sur nous, elle nous permet de dire et toucher des choses plus ou moins enfouies que l’on ne cerne pas clairement et que l’on ne saurait dire avec des mots. La musique comme « révélateur de l’inconscient »…
Que peut bien vouloir signifier l’association atmosphères sombres et envoûtantes / rythmique tribale / rock sauvage de The Skull Defekts ? Que signifie-t-elle plus particulièrement pour moi ? Je ne le sais pas précisément. Mais ce que je sais, c’est que j’en suis particulièrement friand. Cette association représente même mon « idéal rock ». Ca ne m’empêche pas d’aimer – voire de vénérer - des groupes qui ne jouent pas sur ces éléments (des Beatles à Radiohead), mais là, j’ai l’impression d’être comme un poisson dans l’eau. C’est aussi la limite de la critique musicale, aussi argumentée, objective et réfléchie qu’elle prétende l’être ; lorsqu’on touche vos points sensibles, difficile (impossible ?) de garder la distance nécessaire. Certains trouveront que je surestime ce Peer Amid, l’album de l’année pour le moment à mon sens, ils ont sans doute raison, mais je ne peux rien y faire, cet obscur groupe suédois a su trouver ce que je considère comme « l’alchimie rock parfaite ». Les petits derniers d’une lignée rock qui m’est chère : Doors - Stooges – Joy Division – PIL - Sonic Youth – Nick Cave - Liars – Queens of the Stone Age (celui de Lullabies…) – Grails – Apse…
Après un bon premier album en 2007, Blood Spirits & Drums Are Singing, les Skull Defekts sont montés d’un cran en 2009 avec l’excellent The Temple, et parviennent à faire encore mieux avec Peer Amid. Un peu moins « tribal » que le précédent, malheureusement, mais plus efficace, et, surtout, la venue au chant de Daniel Higgs (Lungfish) apporte à The Skull Defekts la voix hantée idéale pour leur musique.
Seule véritable réserve, l’album est à la fois un poil trop long et un poil trop court. Un poil trop long parce qu’il comporte deux titres plus anecdotiques que les autres, un poil trop court parce qu’avec ses 8 titres seulement, les deux morceaux dispensables reviennent trop souvent lorsqu’on l’écoute en boucle (ce qui est mon cas depuis 4-5 jours). Pas de quoi faire la fine bouche, ce ne sont après tout que deux respirations dans un album dense, intense, incantatoire et noir, très noir. Une messe noire rock’n’roll venue du Suède… mais loin de celles, grand-guignolesques, des groupes de black metal scandinaves. Ici, pas de gras, de barnum satanico-fantastique pour ados complexés qui se rêvent en « maîtres du mal » ou « démons de l’enfer », juste du rock, et du bon, qui cogne, qui vous veut du mal et qui fait du bien…
Après les norvégiens de The Low Frequency in Stereo en 2009, l’islandais Bjarnasson en 2010, voilà les suédois de The Skull Efekts… ces trois dernières années, la plupart de mes découvertes les plus marquantes (je dois celle-là à Dahu) sont venues du froid. L’occasion, très prochainement, d’un article sur les musiques scandinaves.
A lire en complément, les chroniques de :
Ecoutes :
Peer Amid sur Grooveshark
Leurs précédents albums :
Blood Spirits and Drums are singing
Peer Amid dans mon classement des albums 2011
Peer Amid dans le CDB 2011