Si vous êtes allé au cinéma dernièrement, il y a de fortes chances que vous soyez tombés sur cette bande-annonce… sinon, petite séance de rattrapage, c'est à ne surtout pas louper (la bande-annonce, hein, pas le film) :
Des bandes-annonces débiles, on en voit toute l’année. Mais je ne me souviens pas avoir été autant consterné auparavant par l’une d’elles. Entre le fou rire et l’incrédulité. Abraham Lincoln chasseur de Vampires ! Tout est dans le titre. S’il avait été question d’un film de série Z, décalé et foutraque, pas de problème, l’idée, dans ce cas précis, aurait même été plutôt réjouissante. Mais non. Aucun humour dans cette bande-annonce, tout nous indique qu’il s’agit d’un film « sérieux », épique, pas d’une farce décalée malgré la présence de Tim Burton à la production.
Ce film est certes tiré d’un roman américain à succès, mais dans quel esprit malade et puéril a pu germer cette idée de faire un grand film d’action sérieux où Abraham Lincoln ferait du karaté la nuit contre des hordes de vampires, et signerait l’abolition de l’esclavage le jour ?
Du très grand n’importe quoi. C’est un peu comme si l'on se lançait dans un « Pompidou chasseur de loups-garou ». Ou « Charles de Gaulle contre les zombies ». Nous verrions le grand Charles, quelques heures après la signature des accords d’Evian, s’en aller dans la nuit pour défoncer des zombies à grands coups de pelle. Un chef-d’œuvre cinématographique, pour sûr…
Ce genre de crossover grotesque est, heureusement, pas vraiment dans les mœurs françaises, il est plus hérité d’une culture « comics » propre aux américains. Si un super-héros de cinéma (Schwarzy) peut devenir homme politique aux Etats-Unis, pourquoi pas l’inverse ? Mais ça n’excuse pas la débilité du sujet, et, surtout de son traitement. Quelle sera la prochaine étape… Kennedy chasseur de démons ? Où l’on apprendrait que Kennedy a organisé son attentat, un faux pour faire croire à sa mort et pouvoir ensuite, en toute discrétion, purger la mafia et la CIA des démons qui possédaient leurs chefs ? A l’aide d’incantations ésotériques et de son fidèle nunchaku ?
George Washington face aux extra-terrestres ? Le jour, il repoussait les anglais, et la nuit, les invasions extra-terrestres ?
George W. Bush et les zombies mutants irakiens ? N’accablez pas W. sur la guerre en Irak. Des armes de destruction massive, il y en avait vraiment, mais pas celles que l’on imagine. Saddam créait une armée de zombies mutants à l’aide de produits chimiques qu’il déversait dans les canalisations, ce qui est resté secret pour ne pas affoler la population mondiale, et George Bush Jr. himself, dans le plus grand secret, enfilait chaque soir son costume moulant en lycra siglé d’un W pour combattre héroïquement ces armées de zombies mutants.
Tout cela rejoint ce que je disais déjà dans Cinéma dépotoir, on a l’impression, plus que jamais, que le cinéma mélange et recycle n’importe quoi. Il l’a toujours un peu fait, mais ce qui est assez effrayant, c’est que ces films qui n’auraient pu être autre chose que de sympathiques et décalés films de série Z pour un public d’amateurs deviennent maintenant de « grands films d’action» qui se prennent très au sérieux. Comme si le peuple était trop con pour s’apercevoir de la crétinerie totale du sujet. Rassurez-moi, vous avez bien tous éclaté de rire en voyant cette bande-annonce ?
Jusqu’où ira-t-on… j’en frémis rien que d’y penser. Jules César contre les Transformers ? Bill Clinton et Cléopâtre ? (le grand mélo de l’été 2016, la momification de Cléopâtre a permis d’en garder des traces d’ADN, on pourra la cloner et elle vivra une grande et belle histoire d’amour avec Bill) et sa fameuse suite (pour automne 2018) Hillary vs Cléopâtre ? Mitterrand et l’attaque des grands requins blancs ? Churchill chevalier Jedi ? Hitler contre Goldorak ? François Ier et les robots martiens ? Roosevelt, Kung-Fu master ?
Toutes ces idées-là, on les a normalement au cours de soirées très très arrosées. Mais le lendemain, on se réveille en disant « putain, qu’est-ce que j’ai pu raconter comme conneries », pas « ça y est, je la tiens l’idée géniale pour faire un grand film ». A moins de n’avoir pas évolué depuis ses 12 ans… ce qui semble être le cas depuis un moment pour un peu trop de réalisateurs… En même temps, de la part d'une industrie qui a été capable de donner le nom du génial Ludwig à un stupide clébard, plus rien ne m'étonne vraiment...