Semaine "spéciale Xavier"... ou plutôt semaine Hello Darkness. Après leur sélection de disque dans le Classement des Blogueurs, voilà l'histoire d'une de leurs chansons. Xavier m'a piraté, il prend possession de mes blogs... et parvient même à mettre ici à l'honneur les Smashing Pumpkins, c'est dire... mais bon, je veux bien accepter ce compromis, sa chanson, comme son texte d'explication, valent vraiment le détour :
Hello Darkness - Shame, par Xavier (Blinkinglights)
Au commencement étaient les Smashing Pumpkins. Il y avait eu des trucs avant bien sur, mais c’est à l’écoute intensive du Mellon Collie and the Infinite Sadness que je su qu’il était impossible que je continue mon existence sans savoir jouer de la guitare. Au moins « Tonight Tonight ». Ainsi fut fait, ainsi m’usais je les doigts sur une Yamaha Pacifica débranchée, ainsi mes compositions sont elles irrémédiablement marquées par l’ombre du grand frère Billy (comme beaucoup de groupes actuels d’ailleurs, même si ceux qui se bouchaient les oreilles à l’époque en entendant la voix de Corgan ou ses chiffres de vente ne s’en rendent pas du tout compte).
“Tonight, Tonight” – the SMASHING PUMPKINS
Mon « premier disque », enregistré bien longtemps après, est imprégné de nombreuses autres influences (1), en particulier Mogwai et Arab Strap qui sont devenus deux de mes groupes favoris et qui ont en commun d’utiliser régulièrement des arpèges, technique que j’adore depuis ce fameux « Tonight Tonight ». Beaucoup de mes compositions ont été créées dans l’objectif avoué de sonner comme Arab Strap (2), ce que je ne suis jamais parvenu à faire, notamment parce que les titres du groupe écossais sont beaucoup plus complexes qu’il n’y parait (Malcolm Middleton est d’ailleurs l’un de mes guitaristes préférés aujourd’hui).
« not quite a yes » - ARAB STRAP
Puisqu’il faut choisir un titre pour cet article, prenons « Shame ». C’est une des plus anciennes compos figurant sur …to sleep is to die…, et - il y a souvent corrélation - l’une des meilleures, en tout cas l’une de celles qui a résisté au temps. Musicalement, on reconnait facilement une progression d’arpèges à la « Tonight Tonight », pas mal de mélodie avec une deuxième guitare en arpèges, un solo pas trop pesant et une « intensification » finale, toutes choses que j’apprécie chez mes artistes favoris. On notera en étant attentif que certaines parties de la deuxième guitare ont été « copiées-collées » au mixage, sans doute n’ai-je pas su effectuer une prise complète correcte compte tenue du tempo relativement rapide, mais finalement loin de desservir l’enregistrement je trouve que cela donne une petite dynamique supplémentaire indéfinissable. Pour le chant j’avais dans l’idée quelque chose de grave, et je pensais (naïvement) imiter Ian Curtis, ce qui évidemment s’est révélé impossible. Ma femme (vraie chanteuse) m’a d’ailleurs dit que la chanson était trop grave pour ma tessiture (je suis nettement plus tenor que basse…)
Concernant le thème de la chanson, il est à la fois universel et personnel. Tout le monde a déjà été confronté à la honte, l’un des plus puissants et dévastateurs sentiments humains. Suivant les caractères, on peut y être plus ou moins exposé : pour diverses raisons, et pour résumer, j’ai pendant très longtemps eu honte de tout. Je suis à peu près guéri mais sujet ad vitam aeternam à une véritable plaie dont parle en fait la chanson : la honte rétrospective (en gros je me rends compte après coup qu’une discussion ou action était malvenue et revis la honte que j’aurai du ressentir sur le coup sans avoir aucun moyen de l’atténuer). C’est le plus souvent une petite dizaine de scènes, pour la plupart ayant eu lieu il y a des lustres avec des gens qui m’ont oublié depuis presque aussi longtemps, qui viennent à tour de rôle m’envahir la tête à l’improviste, engendrant un comportement absurde à la limite du syndrome de Tourette. Bref, ca fait partie des trucs bien désagréables de ma vie. Je suis assez peu doué pour les textes de chansons : je suis une buse en anglais, trop pudique pour écrire en français, et de toutes manières aucunement assez littéraire pour exprimer joliment mes idées, quand bien même j’en aurai eu quelques unes intéressantes. Le texte de « Shame » fait partie je pense de mes réussites : il est simple, ni trop explicite, ni trop obscur, le refrain est immédiat, et comme on l’a vu, il sent le vécu…
J’ai choisi de présenter « Shame » parce que c’est un titre qui a évolué au fil de mon parcours musical. Avant même son enregistrement, je l’avais travaillé avec Damien, que j’avais rencontré via petite annonce à la médiathèque. On jouait toute les semaines en acoustique dans son appartement, deux guitares/deux voix, tout en discutant beaucoup et en buvant de la bière (comme maintenant en fait…). La version captée lors d’une de ces sessions est très lente, je ne la propose pas en écoute… Après avoir arrêté notre collaboration faute de salle de répète, je m’attelais à l’enregistrement de la chanson qui connu une petite dizaine de versions et j’en sélectionnais une pour la placer sur l’album. Puis mes efforts furent récompensés par la création d’un groupe autour du disque fraichement enregistré, avec Damien et une nouvelle recrue, Julien, guitariste lui aussi. Au début, le line up changeait quasiment sur chaque titre : sur « Shame », Damien tenait la guitare principale, Julien la deuxième guitare, j’officiais juste au chant, et l’on avait rajouté une piste de batterie électronique qui tournait en boucle sur ordinateur (un truc sur lequel Arab Strap m’avait complètement décomplexé). Cette version a été enregistrée pour le « EP#1» qu’on a sorti en trio.
SHAME V2
Au moment de renouveler le répertoire, je présentai aux autres une nouvelle manière de jouer les arpèges de la chanson, qui les inspira : Julien réinventai complètement la deuxième guitare avec des petits soli complexes et Damien passait à la batterie, puis nous ajoutions un pont avec des réponses de guitares pour casser un peu la linéarité du morceau. Ainsi rafraichie, « Shame » resta dans le répertoire, et c’est aujourd’hui le seul morceau où je ne suis pas à la batterie. Lorsque Seb intégra le groupe, il rajouta facilement une ligne de basse (le jour même il me semble, tant le titre est simple). En dernier lieu, l’acquisition de « fagots » (rods) au lieu des balais permis à Damien d’accélérer son tempo et d’améliorer notre interprétation du titre en quatuor (3). En voici la version qu’on a donnée dernièrement au Bar des Capucins.
SHAME V3
Après le dernier concert de la saison, il est temps de refondre notre setlist. « Shame » fait partie de nos valeurs sures, appréciée du public, et en même temps cela fait des années qu’on la joue. Nous verrons donc si elle figure encore au programme des prochaines répétitions….
(1) pour ceux que ca intéresse, j’en cite quelques unes sur mon blog où j’ai fait un court descriptif de chacun des titres de …to sleep is to die…
(2) le nom du groupe Hello Darkness est d’ailleurs une référence à la chanson « Hello Daylight » d’Arab Strap.
(3) Un bon exemple de l’importance des détails et du matériel sur la qualité d’une chanson, chose que j’ai beaucoup trop négligée pour le moment, et sur laquelle je vais me pencher plus sérieusement (dans la limite de mes moyens financiers, malheureusement…)