8 janvier 2010
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L'effet Obama ? Après une année 2008 "black", cette année 2009 aura été (du moins pour ce qui me concerne) placée sous le signe du groove.
L'année a commencé fort, avec les excellents albums d'Anthony Joseph et Dälek, puis, de la très bonne surprise qu'a été le Wu-Tang au dernier Q-Tip en passant par les Mulatu Astatke, Anti-pop Consortium, Lee Fields et autres Kill the Vultures, n'a cessé de nous gâter en excellents disques "groove". Et du groove pour tous les goûts :
Le mélange détonnant et jubilatoire, sur Bird Head Son d'Anthony Joseph & the Spasm Band, de funk, afro-beat, jazz, hip-hop, spoken word... bref, ce sont un peu toutes les musiques noires qui sont conviées chez lui et se sont rarement toutes retrouvées à pareille fête. Un modèle du genre et un incontournable pour tout amateur de groove qui se respecte.
Le groove sombre et crépusculaire du Wu-Tang, pour un retour discret mais néanmoins remarquable (Chamber Music).
Le groove glauque (oui, ça existe), expérimental et post-apocalyptique de Dälek. Après les indispensables Absence et Abandoned Language, Dälek parvient sur Gutter Tactics à maintenir un même niveau de qualité et à s'imposer encore un peu plus comme un des groupes les plus passionnants de la décennie.
Le groove robotique (oui, ça existe aussi) des précurseurs de l'abstract hip-hop, Anti-Pop Consortium, pour un retour (que l'on n'attendait pas) en très grande forme avec ce Fluorescent Black intense, efficace et inventif.
La soul accrocheuse, très plaisante et remarquablement bien ficelée de Lee Fields & the Expressions (My Word).
Celle, plus roots, rugueuse et "Jamesbrownienne" de Black Joe Lewis & the Honeybears (Tell'em what your name is).
Le groove hip-hop / soul / funk, festif, lumineux et aéré de Brother Ali (Us).
Le groove envoûtant du roi de l'ethio-jazz, Mulatu Astatke (Inspiration Information), qui n'avait rien enregistré depuis 20 ans, accompagné ici du groupe anglais The Heliocentrics. Et la rencontre est de très haut niveau...
Le groove mélancolique et atmosphérique - qui lorgne vers le trip-hop - d'une des figures de l'abstract hip-hop, DJ Signify (Of Cities). Pas l'album le plus novateur, excitant ou spectaculaire de l'année, mais un bel album...
Le groove électro de Bike for Three (More Heart than Brains), nouveau projet de Buck 65, qui revient en très grande forme après avoir un peu baissé de niveau ces dernières années. Une très bonne surprise.
Le groove classieux, jazzy, à la fois élégant et catchy de Q-Tip qui, avec son Kamaal & the Abstract, nous livre un des albums les plus agréables et réussis de l'année. Dans le genre "hip-hop jazzy cool et séduisant", je retiens aussi Stop. Think. Run d'US3.
Toujours dans un registre hip-hop / jazz, mais en bien plus sombre, rêche et exigeant ; le superbe Ecce Beast de Kill the Vultures.
Le mélange rock bluesy / hip-hop de "Blakroc", projet des excellents Black Keys (en plus du très bon album solo de Dan Auerbach, Keep it Hid), avec un casting de haute-volée (Q-Tip, RZA, Mos Def, Raekwon...)
Le groove "horrifique" de MF Doom (Born into this), ou ludico-horrifique de Ghostown (Reflectionz), dont les albums sont clairement influencés par le cinéma, notamment le cinéma d'horreur.
Une de mes découvertes de l'année, le petit label hip-hop de Los Angeles A.M.P. Entertainment, qui laisse ses musiques en téléchargement gratuit sur Jamendo (cf. la compil Stand Up vol.1)
Enfin, notons aussi les retours de quelques grosses pointures hip-hop; Raekwon, Mos Def et Eminem, avec des albums très honorables, même s'ils n'auront pas égalés leurs chefs-d'oeuvre.
Par contre, je crains qu'on ait définitivement perdu Jay-Z, avec son médiocre The Blueprint 3... c'est là "l'effet pervers Obama", deux des musiciens qui l'ont le plus soutenu pendant sa campagne (Springsteen et Jay-Z) sont revenus avec des albums vraiment mauvais, niais, hébétés et creux comme on peut l'être un lendemain de fête.
Et dans les déceptions hip-hop de l'année, 50 cent ne s'en sort pas mieux que Jay-Z, mais on le voit baisser de niveau depuis un moment déjà, donc rien de très surprenant... non, une vraie déception, c'est le dernier Dizzee Rascal, indigne de lui.
Malgré cela, 2009 aura été une très bonne année "groove"... peut-être l'effet de la crise, plus que "l'effet Obama", quand on n'a plus grand chose, il reste au moins le groove pour ne pas sombrer... c'est là toute l'histoire des musiques afro-américaines, des negro spirituals au hip-hop en passant par le blues, le jazz et la soul.
La plus grosse superstar noire des musiques populaires est morte cette année... celui qui n'a pas hésité à "blanchir sa musique" et sacrifier une part de ce groove consubstantiel aux musiques noires pour séduire un public blanc toujours plus vaste n'est plus, mais le groove, lui, se porte comme un charme, et c'est bien là l'essentiel.
Mes chroniques des albums cités :
Wu-Tang Clan - Wu-Tang Chamber Music
Anthony Joseph & The Spasm Band - Bird Head Son
Dälek - Gutter Tactics
Anti-Pop Consortium - Fluorescent Black
Lee Fields & The Expressions - My World
DJ Signify - Of Cities
Radio 2009
Mon classement des albums de l'année (avec liens pour écouter quasiment tous les albums dont il a été question dans l'article... et bien d'autres...)