(Black) Metal Relapse Records 07/06/2011
Il est facile de se moquer du black metal. Très. Je suis bien placé pour en parler, moi qui ne loupe jamais une occasion d’ironiser sur le genre. Alors quand sort un bon album apparenté au black (et même un très bon), la moindre des choses est de le mettre en évidence.
J’ai une technique simple et rapide pour juger d’un album de metal, et de black metal en particulier. Si je me marre pendant l’écoute (ou si je soupire d’ennui, ce qui arrive aussi fréquemment), poubelle. Du coup, je dépasse assez rarement le premier titre. C’est tout de même le comble, pour un genre marginal sensé être violent et flippant, que d’être aussi facilement risible et grotesque. Il y a clairement tromperie sur la marchandise…
Mais on ne rit pas en écoutant Path of Totality. Bien au contraire. Voilà un album de metal qui tient vraiment ses promesses, qui, à aucun moment, ne tente d’aller chercher l’auditeur moyen par de la joliesse ou des prouesses techniques, mais l’entraîne toujours plus profond dans des abîmes de noirceur, de violence et de désespoir. D’une certaine manière, Path of Totality reprend les choses là où l’illustre Reign in Blood les avait laissées, il y a maintenant plus de 30 ans… au pur concentré de haine et de violence qu’était Reign in Blood, Path of Totality ajoute à cette palette d’émotions noires le désespoir. Pourquoi diable n’a-t-on pas eu un album de cet acabit pour prendre la suite de Reign in Blood, et montrer la voie aux blacks métalleux ? Cela nous aurait évité les pathétiques dérives du genre, le grand-guignol, les boursouflures héroïc-fantasy, les solos de guitar-heroes et plans pseudo-classiques éculés à la Malmsteen/Friedman, les vocaux qui alternent entre cris de hyènes en rut et beuglements divers… Pas de ça ici, le but est de faire mal avec un maximum d’efficacité, pas d’amuser la galerie ni racoler les kids.
Path of Totality est ce que devrait être tout bon album de metal : une déflagration sonore rageuse, sombre, violente et apocalyptique. Mais pour faire tout ce raffut (mention spéciale à l’impressionnant mur de guitares), ils ne sont que trois. Tombs est un trio de Brooklyn composé de Mike Ellis (chant et guitare) Carson Daniel James (basse) et Justin Ennis (batterie). Trois types capables de vous réconcilier avec le black metal, au moins l’espace d’un album. Et rien que pour ça, ils mériteraient de figurer au panthéon, pourtant déjà bien fourni, des grands groupes new-yorkais.
Mais Tombs, est-ce vraiment du black metal ? Les puristes ne manqueront pas de se poser la question, et de répondre par la négative, le groupe étant plutôt dans une lignée « sludge » même si ce dernier album est clairement tourné vers le black. De toute façon, le black metal est un genre trop casse-gueule pour le laisser aux black metalleux…
Black, doom, death, sludge, thrash, metalcore, stoner, grindcore et compagnie ; le metal raffole des sous-genres, il en crée pour chaque petite déclinaison… mais peu importe ce à quoi rattacher Tombs, l’essentiel pour un groupe metal, c’est que ça cogne. Et de ce point de vue, Tombs n’a aucun complexe à avoir. Mieux encore, le groupe parvient à apporter au genre une sobriété, une profondeur et une crédibilité qui lui font souvent défaut. Pas au point de conquérir un vaste public - leur musique reste trop extrême et radicale pour cela - mais au moins de convaincre des amateurs de musique qui n’ont rien contre une bonne dose de violence et d’extrême noirceur. Alors si c’est votre cas, ne passez pas à côté…
Si vous ne deviez en écouter qu’un titre (ce que je peux comprendre…), je vous recommande le fascinant To Cross the Land. Un des tous meilleurs titres de metal extrême qu’il m’ait été donné d’écouter, un vrai chef-d’œuvre du genre :
Pour voir le groupe Bloodletters (le son est excellent) :
L’album est en écoute intégrale sur Bandcamp