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4 juin 2013 2 04 /06 /juin /2013 22:26

Le 4° des Moments Musicaux (en mi mineur, Op. 16, composé en 1896) de Sergueï Rachmaninov est un exercice de haute volée. Non pas pour sa virtuosité, aussi spectaculaire soit-elle, mais parce que Rachmaninov touche ici à l’extrême du romantisme et de la virtuosité, sans ne jamais tomber dans leurs excès :

A la main gauche : un tourbillon ininterrompu (ou presque) de sextolets. Œuvre virtuose pour la main gauche, mais qui n’a pas une note en trop. On connait les dérives de la virtuosité, trop souvent employée comme poudre aux yeux, comme moyen de masquer un manque d’idées musicales et de musicalité. Mais ici, la virtuosité est au service de l’œuvre, pas l’inverse. Elle n’est pas un artifice, bien au contraire, elle nous entraîne toujours plus profond, et avec une remarquable intensité, dans cet abîme de tourments et de fièvre romantique.  

A la main droite : un thème romantique, poignant sans verser dans le sentimentalisme sirupeux ; affirmé voire héroïque, mais en aucun cas pompier. Un thème qui sait rester digne. Digne comme le sont toujours les interprétations de l’excellent Nikolaï Lugansky, incontournable lorsqu’il est question de Rachmaninov :  

 

Les 6 moments musicaux de Rachmaninov sont en écoute sur Grooveshark (voir aussi leur page wikipedia) 

Comment parvenir à faire aimer des œuvres classiques à un public qui connaît peu ou mal cette musique, ou qui reste conditionné par quelques clichés (musique aristocratique, guindée, poussiéreuse, ennuyeuse, trop complexe, trop sérieuse et tout ce genre de conneries…) Une question que je me pose à chaque fois. Je pourrais aller au plus simple, parler de mon expérience très personnelle de cette musique, vous dire par exemple que cette pièce de Rachmaninov est une des plus belles et captivantes que je connaisse. Elle fait partie des quelques œuvres qui ont fait naître ma passion pour le classique (et pour la musique russe). C’est ce Moment Musical n°4 qui m’a vraiment permis de comprendre ce que devait être la virtuosité. Guitariste débutant à l’époque, j’étais, comme à peu près tout musicien débutant, fasciné par la virtuosité. Il m’a fallu la découverte de cette pièce pour enfin réaliser que la virtuosité n’avait de sens qu’entièrement au service de l’œuvre, jamais pour elle-même.

Cependant, la question que je me pose en partageant cette œuvre ici est moins « comment vous la faire aimer » que « comment ne pas l’aimer » ? J’ai beaucoup de mal à imaginer qu’on puisse rester insensible face à une telle œuvre. Une prof de piano qui vous martyrisait quand vous étiez petit ? Une allergie à la musique classique ? La mafia russe a massacré un de vos proches ? Trop psychorigide pour accepter de plonger dans les émotions et tourments romantiques ? Bref, si ce moment musical n°4 vous laisse de marbre, n’hésitez pas à me le dire, voire m’en donner les raisons…

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commentaires

G
<br /> BOUSSIF : Merci à toi, ça fait toujours plaisir de croiser des gens qui ont la même fascination pour des oeuvres qui nous<br /> touchent particulièrement... <br />
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B
<br /> Comment ne pas être submergé par un morceau d'une telle intensité ?<br /> <br /> <br /> Je comprends parfaitement que la virtuosité soit ici un moyen et pas une fin, l'oeuvre a besoin de cette virtuosité pour exprimer pleinement les tourments qu'elle évoque.<br /> <br /> <br /> J'avoue que c'est un de mes morceaux préférés, où l'on peut vraiment vivre des émotions qui mêlent tristesse, désespoir mais aussi apaisement. La main gauche ne masque pas du tout la main droite,<br /> au contraire, elle la maxime, la souligne et permet d'en apprécier toute sa subtilité.<br /> <br /> <br /> Cette oeuvre semble être le récit d'une vie qui ne me laisse pas indifférent et qui m'as profondément marqué par sa profondeur... J'ai l'impression de comprendre exactement ce que Rachmaninov<br /> voulait transmettre. Tout m'apparait vraiment avec une évidence étonnante, avec une clarté singulière. Je pense que j'ai vraiment de la chance d'avoir compris ce morceau quasiment du premier<br /> coup, mais je vais continuer à l'écouter encore et encore car l'oeuvre de Rachmaninov est d'une richesse infinie, qui j'en suis sûr, ne me livrera jamais toutes ses subtilités.<br /> <br /> <br /> Je vous remercie beaucoup de mettre en avant cette musique, que beaucoup ignore, et qui je l'espère (et j'en suis convaincu) ne tombera jamais dans l'oubli.<br />
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G
<br /> FAB : Oui, et avec un enregistrement studio où les notes sont plus "nettes"^^ (même si je trouve la qualité sonore de cette<br /> version live de Lugansky vraiment pas mal pour une vidéo youtube...)<br />
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F
<br /> Je retenterai l'expérience plus tard. Rien n'est perdu ;)<br />
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G
<br /> FAB : Merci pour ce commentaire, très intéressant, même si, bien entendu, je ne partage pas cette perception... pour moi, ce<br /> "tourbillon" nous attire vers l'intérieur (de l'oeuvre, de soi-même), il nous submerge, notamment par sa formidable intensité (qui n'est pas seulement due à la rapidité, mais aussi aux<br /> tensions chromatiques omniprésentes, et répétées...)<br />
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F
<br /> Le meilleur moyen de transmettre l'intérêt de cette musique, c'est de pouvoir ressentir ton point de vue et la manière dont ces émotions naissent en toi. Et je pense que tu le fais plutôt bien !<br /> Maintenant, même si ton témoignage m'a aidé à apprécier d'avantage cette pièce, je n'en suis pas très sensible même si je reconnais le talent.<br /> <br /> <br /> Pourquoi ? La qualité sonore médiocre assez mono de l'enregistrement, et le "trop plein" de notes, je m'explique :<br /> <br /> <br /> En y réflechissant, j'ai ce même problème avec d'autres musiques virtuoses, qu'importe le genre. Je pense qu'à remplir l'espace, on n'en laisse aucun pour l'auditeur. On noie l'émotion. A<br /> l'extrème opposé Arvo Part disait par exemple que dieu se trouve dans le silence entre les notes. C'est un point de vue intéressant je trouve. Depuis quelques temps, j'en suis arrivé à l'idée<br /> qu'une musique pleinement appréciable crée un "espace" où peuvent jaillir les émotions en toute liberté. J'ai eu cette réflexion en écoutant The Dark Side of The Moon au casque, je ne sais pas<br /> très bien comment l'expliquer. <br /> <br /> <br /> Quand j'ai écouté cette musique de Rachmaninov, j'ai senti l'émotion du morceau plus intellectuellement que physiquement. Je le sens comme une tempête, mais aussi une tempête qui masquerait<br /> l'émotion suggérée par le jeu de la main droite. D'une certaine façon, je trouve ce morceau très cinématographique, il porte une sorte de récit ténébreux, romantique et changeant, oui. Mais je ne<br /> m'y sens pas inclus, je voudrais vivre cette aventure en 3D, en 5.1, mais je ne la sens qu'en 2D. Pas la temps de sentir les émotions naitrent en soi, elles sont déjà balayées par un vent de face<br /> et de multiples bourasques. Si ce mec jouait dans mon salon, j'aurais l'impression qu'il aspire l'espace vers lui, l'attention serait porté sur lui et sa musique, et ça ne me toucherait pas plus<br /> que ça à part lui dire à la fin "wah t'es un grand fou bravo ! clap clap clap". Je préfère le sens inverse, où la musique se propage vers l'extérieur et habite l'espace à notre insu pour mieux<br /> nous manipuler.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> PS : je pratique la musique et la composition<br />
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