1 |
Gone Girl |
David Fincher |
9,5 |
|
2 |
Whiplash |
Damien Chazelle |
9 |
|
3 |
The Raid 2 |
Gareth Evans |
9 |
|
4 |
Young Ones |
Jake Paltrow |
8,5 |
|
5 |
Nightcrawler (Night Call) |
Dan Gilroy |
8,5 |
|
6 |
Fury |
David Ayer |
8,5 |
|
7 |
Joe |
David Gordon Green |
8,5 |
|
8 |
12 years a Slave |
Steve McQueen (II) |
8,5 |
|
9 |
Bethléem |
Yuval Adler |
8 |
|
10 |
Black Coal |
Yi'nan Diao |
8 |
|
11 |
Maps to the Stars |
David Cronenberg |
8 |
|
12 |
Edge of Tomorrow |
Doug Liman |
8 |
|
13 |
X-men : Days of Future Past |
Bryan Singer |
|
|
14 |
Interstellar |
Christopher Nolan |
8 |
|
15 |
Locke |
Steven Knight |
7,5 |
|
16 |
‘71 |
Yann Demange |
7,5 |
|
17 |
Non Stop |
Jaume Collet-Serra |
7,5 |
|
18 |
Les Gardiens de la Galaxie |
James Gunn (II) |
7,5 |
|
19 |
Noé |
Darren Aronofsky |
7,5 |
|
20 |
The Amazing Spiderman 2 |
Marc Webb |
7,5 |
|
21 |
L’Enlèvement de Michel Houellebecq |
Guillaume Nicloux |
7 |
|
22 |
The Canyons |
Paul Schrader |
7 |
|
23 |
The Rover |
David Michôd |
7 |
|
24 |
La Planète des Singes : L'Affrontement |
Matt Reeves |
7 |
|
25 |
Blue Ruin |
Jeremy Saulnier |
6,5 |
|
26 |
Detective Dee 2 |
Tsui Hark |
6,5 |
|
27 |
300 : Naissance d’un Empire |
Noam Murro |
6 |
|
28 |
Exodus : Gods and Kings |
Ridley Scott |
6 |
|
29 |
John Wick |
David Leitch, Chad Stahelski |
6 |
|
30 |
Under the Skin |
Jonathan Glazer |
5 |
|
31 |
The Ryan Initiative |
Kenneth Branagh |
4 |
|
32 |
Dracula Untold |
Gary Shore |
4 |
|
Eloge de la technique
Ce ne sont pas la technique et la virtuosité qui font la qualité d’une œuvre. Je pense avoir suffisamment défendu ce point de vue par ici (point de vue qui n’a rien de très original, c’est communément admis), pour ne pas qu’on m’accuse de juger les œuvres par le prisme de la technique.
Mais si la mise en valeur de la virtuosité a conduit nombre de dérives chez pas mal d’artistes, il ne faut pas pour autant tomber dans la dérive inverse, celle, assez ancrée dans notre époque, qui consisterait à penser que l’art ne serait qu’émotion et inspiration. A contre-courant de cette vision un peu niaise, les 3 meilleurs films de l’année, à mon sens, ont su pertinemment redorer le blason de la technique.
En tout premier lieu, Whiplash, puisque la perfection technique est l’enjeu au cœur de cette confrontation entre un prof et son élève. Les critiques ont été globalement très positives pour ce premier film remarquablement maîtrisé, mais il a aussi son lot de détracteurs, qui l’ont attaqué avec virulence sur la soi-disant idéologie qui le sous-tendrait, une idéologie qui ferait l’apologie de la compétition, de la souffrance dans l’apprentissage, de la technique au détriment de l’émotion etc… Balivernes ! Personnellement, ce que j’aime dans le jazz, c’est son swing, sa musicalité, son expressivité, sa subtilité, sa richesse harmonique, sûrement pas les démonstrations virtuoses de petits blancs (et petits noirs, aussi), fraîchement diplômés de prestigieuses écoles de jazz. Et pourtant, j’ai adoré Whiplash ! Où les détracteurs de Whiplash ont-ils vu que le film imposait une vision totalitaire de la musique, du jazz ou de son apprentissage ? Je n’arriverai jamais à me faire à ces lectures idéologiques des œuvres, lectures paranoïaques qui se refusent à voir les histoires que nous racontent les œuvres avant tout comme des trajectoires individuelles (à moins que le film soit clairement un film à thèse, ce que Whiplash n’est en aucun cas). Whiplash, c’est la confrontation entre un jeune batteur ambitieux et un prof excessivement dur et exigeant. Une confrontation singulière, pas une dissertation sur « comment enseigner la musique », ni un traité pédagogique sur la seule manière de devenir un bon musicien. Et si le film ne prétend absolument pas nous dire ce qu’est le jazz, il est assez juste sur le haut-niveau d’exigence demandé et l’apprentissage dans la douleur. On ne devient pas Coltrane, Parker, Roach ou Monk en travaillant son instrument en dilettante. Pour arriver à cette impression de facilité, de naturel et de fluidité, les grands noms du jazz (et les plus petits aussi) ont bossé comme des malades, ils ne savent que trop bien ce que sont les sacrifices, la souffrance et l’abnégation…
Autre type de maîtrise technique et de manière de repousser les limites du corps : les arts martiaux, dans le jubilatoire The Raid 2. Tout critique normalement constitué vous dira que de bonnes scènes de combats, aussi spectaculaires et plaisantes soient-elles, ne suffisent pas à faire un bon film. Il faut une histoire, un contexte, des personnages intéressants, de l’émotion… mais The Raid 2 réussit l’exploit de remettre en question cette évidence. Non pas que l’histoire ou les personnages soient mauvais ou ratés, loin de là, mais les scènes de combats sont tellement fascinantes que le reste importe finalement assez peu. On n’a à ma connaissance jamais vu de combats aussi bien chorégraphiés. Spectaculaires et d’une intensité rare, ces combats sont aussi beaux et inventifs que violents et brutaux.
De technique, il n’en est pas directement question dans mon film de l’année, Gone Girl de David Fincher. Avec son histoire intimiste et glauque dans une banale petite banlieue, ce n’est pas de prime abord un film que l’on qualifierait de « virtuose »… mais il témoigne bien d’une maîtrise exceptionnelle à tous les niveaux, dans les dialogues, la direction d’acteur, la narration et la réalisation. Et s’il y a une critique – assez injustifiée à mon sens – qui revient régulièrement sur le réalisateur, c’est qu’il serait un très bon « faiseur », pas un véritable auteur. Un technicien et touche-à-tout particulièrement doué (donc agaçant), réalisateur de films à succès aussi différents que Seven, Alien 3, Fight Club, L’Etrange Histoire de Benjamin Button, Zodiac ou The Social Network… mais critique assez injustifiée, car il y a tout de même des obsessions et thèmes forts qui traversent l’œuvre de Fincher. En premier lieu, l’enfermement, et le danger de l’enfermement, que Fincher ne cesse de décliner. Enfermement dans une prison (Alien 3), dans la schizophrénie (Fight Club), dans un jeu (The Game), dans une maison, et même la « Panic Room » à l’intérieur d’une maison (Panic Room, donc), dans les méandres d’une enquête qui s’étale sur des années sans ne jamais sembler trouver de porte de sortie (Zodiac), dans un corps qui ne correspond pas à la réalité de son âge (L’Etrange histoire de Benjamin Button), dans une froide petite bourgade et dans de lourds secrets (Millenium)… Gone Girl va particulièrement loin dans l’exploration de l’enfermement, c’est d’abord l’enfermement dans la vie de couple, qui entraîne l’enfermement dans la routine, la médiocrité du quotidien, les mensonges… Le cinéma de Fincher met ainsi en scène l’enfermement sous toutes ses formes, qu’il soit dans un lieu, dans l’esprit, le corps, ou la relation aux autres.
Les films de David Fincher sont souvent de gros succès, mais ce ne sont pas des films lisses ou consensuels, ils ont une noirceur peu commune pour des blockbusters. Non pas une noirceur de façade, mais une plongée dans des zones très sombres, parfois malsaines, et un regard souvent noir et désespéré sur l’humanité. Je vais peut-être faire hurler quelques puristes, mais il y a du Kubrick chez Fincher. Une vision sombre et cynique de l’humain qui ne les empêche pourtant pas de séduire un public assez large, la capacité de passer par des univers très différents dans chacun de leurs films, le soin tout particulier accordé au visuel… et si Kubrick est maintenant unanimement considéré comme un des plus grands réalisateurs de l’histoire (voire le plus grand), il ne faut pas oublier que plusieurs de ses chefs-d’œuvre ont été à l’époque descendus par la critique… Je n’irais pas jusqu’à mettre Fincher au même niveau que Kubrick, mais il est pour moi un des tous meilleurs réalisateurs de ces 20 dernières années, et Gone Girl est un de ses chefs-d’œuvre.
Si l’enfermement est une des grandes obsessions du cinéma de Fincher (sa crainte de se laisser enfermer dans un univers très « personnel », contrairement à beaucoup de grands réalisateurs, peut expliquer la relative diversité de ses films), il se retrouve aussi au cœur de beaucoup de films de 2014. Il y a 2 ans, j’avais été marqué par le thème du « cocon » dans les films de l’année, ce désir de se replonger dans le cocon pour fuir le monde et ses souffrances. Mais en 2014, la thématique est inversée, l’enfermement est un danger et une souffrance, il s’agit avant tout de s’évader…
Toutes les formes d’emprisonnement, ou presque, parcourent la plupart des films de l’année. Prisonnier d’une vie de couple aliénante (Gone Girl), de l’esclavage (12 Years a Slave), d’une relation maître-élève où le maître abuse en permanence de son autorité, et tient plus du tortionnaire que du pédagogue (Whiplash), d’une faille spatio-temporelle et d’une journée qui se répète sans fin (Edge of Tomorrow), de la violence et de l’absurdité de la guerre, dans un tank qui est moins un cocon rassurant qu’un tombeau roulant en première ligne (Fury, dans la lignée des grands films de guerre), prisonnier d’un conflit destructeur, de liens familiaux comme d’alliances imposées (Bethléem), d’une famille néfaste (Joe), ou d’une dont le nouveau « chef de famille » est l’ennemi (Young Ones), prisonnier de la mécanique de la vengeance (Blue Ruin), enfermé dans un avion où sévit un terroriste et prisonnier de la douleur de la perte d’une enfant (Non-Stop), enfermé tout au long du film dans une voiture et prisonnier d’une situation inextricable (Locke), prisonnier de la cage dorée hollywoodienne et d’un travail de bonne à tout faire d’une actrice tyrannique (Maps to the Stars), seul et blessé dans une zone ennemie (’71, sur les émeutes de l’époque en Irlande), prisonnier d’un futur apocalyptique qu’il s’agit de fuir en retournant dans le passé pour l’empêcher d’advenir (enfin une bonne adaptation des X-Men), prisonnier d’une arche et de l’autorité d’un patriarche prêt à tuer sa propre descendance si telle est la volonté de Dieu (Noé), prisonnier, tout simplement (L’enlèvement de Michel Houellebecq)… et, last but not least, Interstellar où notre bonne vieille terre est présentée comme une prison qui nous mènera à notre fin si nous ne trouvons pas un moyen de la fuir (ce qui est tout à fait juste d’un point de vue scientifique, mais très « politiquement incorrect »).
Interstellar, parlons-en… un film assez inégal qui n'est pas vraiment à la hauteur de ses ambitions métaphysiques, scientifiques et poétiques. Il souffre de quelques passages un peu niais (la tirade sur la puissance de l'amour...) mais bon, il a au moins le mérite d'essayer, de viser haut, et d'esquisser quelques grandes questions pas si fréquentes dans les œuvres actuelles, notamment une, cruciale s'il en est : la survie de l'humanité dans l'univers tel que nous le connaissons. Désastre écologique ou pas, la Terre est quoi qu'il en soit condamnée, et, comme le dit l’accroche du film, ce n'est pas parce que nous sommes nés sur Terre que nous devons y mourir... les trous de ver qui sont au centre du film sont, en l’état de nos connaissances scientifiques, sans doute notre seule chance de survie après à la mort programmée de la terre et de notre système solaire, et c'est très bien qu'un film "grand public" aborde ce sujet... mais, comme Gravity l’an dernier, trop de pathos, malheureusement… dommage, car il y a aussi de très bonnes choses dans Interstellar, qui n’était pas loin d’être un grand film…
Petite déception, donc, la plus grosse cette année étant pour moi Under the Skin. Je ne partage pas du tout l’enthousiasme autour du film et les critiques dithyrambiques qu’il a pu susciter (notamment de plusieurs de mes camarades blogueurs). Une énième variation sur le thème de la vamp, le film est très répétitif, et plus soporifique qu’atmosphérique (putain ce que c’est lent !) Scarlett en voiture, Scarlett à la plage, Scarlett en boîte de nuit, Scarlett prend le bus, Scarlett dans la forêt, Scarlett à poil… elle est certes toujours agréable à regarder, mais est-ce suffisant pour en faire un film ? Non. Quelques images marquantes, mais plombées par beaucoup trop de longueurs. Si vous aimez les films lents et visuellement remarquables, je vous conseille plutôt le très bon film chinois Black Coal…
Travail oblige, et films qui ne restent pas assez longtemps à l’affiche par chez moi, j’ai malheureusement raté cette année plusieurs films qui m'intéressaient vraiment :
Quand vient la Nuit, The Grand Budapest Hotel, Only Lovers left Alive, American Bluff, Wrong Cops, Cold in July, White Bird, Leviathan et Dallas Buyers Club.
Matthew McConaughey, justement, était très présent dans mes films favoris de ces dernières années : Killer Joe, Mud, Le Loup de Wall Street… petite baisse de régime en 2014, avec le légèrement décevant Interstellar ? Bien au contraire, il est toujours là, non pas dans un film mais dans le chef-d’œuvre de l’année à mon goût, la saison 1 de True Detective. Qui rentre direct dans mon panthéon des meilleures séries. Comment pouvait-il en être autrement, avec ne serait-ce que le génial final de l’épisode 4 : un incroyable plan-séquence de 6 minutes (et pas sur 2 mecs qui discutent dans le désert, hein, mais un braquage et une fuite, caméra à l’épaule), qui commence avec le Wu-Tang et se termine avec Nick Cave (Grinderman). True Detective, un formidable condensé de tout ce qui me plaît dans la fiction… à croire qu’elle a été faite spécialement pour moi (je ne suis pas mégalo, mais quand même…) Pour en revenir à Matthew McConaughey, ce n’est pas tant qu’il bénéficie d’un effet de mode ou d’un simple meilleur choix de rôles que par le passé, il s’est révélé être un des grands acteurs de l’époque et, de Killer Joe à True Detective en passant par Mud, ses interprétations jouent évidemment beaucoup dans la qualité des œuvres auxquelles il participe.
Gone Girl et True Detective… Ben Affleck et Matthew McConaughey… soit deux acteurs qui ont cumulé les mauvais films pendant une bonne partie des années 2000, habitués aux rôles de beaux gosses fades dans d’insipides comédies romantiques, ou aux rôles de héros lisses dans de gros navets… qui aurait imaginé en ces temps-là qu’ils deviendraient quelques années plus tard deux des artistes les plus passionnants du cinéma américain ? L’un, Ben Affleck, parce qu’il a su se prendre en main, et réaliser lui-même les bons films auxquels il ne semblait pas avoir accès, l’autre, McConaughey, par la force de ses interprétations. Deux des acteurs qui incarnaient le pire d’Hollywood au début des années 2000 en incarnent maintenant le meilleur… partir du plus bas pour arriver au plus haut, une histoire typiquement hollywoodienne…