Electro 03/2007 - Ninja Tune *****
Un peu moribonde, l'électro, ces derniers temps. Les artistes novateurs du label Warp (Aphex Twin, Plaid, Squarepusher) se sont en 2006 reposés sur leurs acquis. Rien de bien nouveau en 2005 non plus, malgré un très bon album de Boards of Canada (The Campfire headphase), et The Chaos Theory d'Amon Tobin, bon lui aussi, mais plus bourrin qu'à l'habitude et un peu en-dessous de ses précédents chefs-d'oeuvre. Faut dire que c'était un album un peu particulier, la bande-son d'un jeu vidéo (Splinter Cell), et la première fois qu'un éditeur de jeu faisait appel à une vraie "pointure" en s'offrant le "magicien des sons" anglo-brésilien. Moribonde, disais-je avec un peu de sévérité, mais il y a de tels artistes passionnants dans l'électro qu'on est en droit d'attendre plus régulièrement des albums qui expérimentent de nouvelles voies.
Avec Foley Room, Amon Tobin place à nouveau la barre très haut. J'écrivais il y a peu sur ce 5 mars étonnant par la densité d'albums de qualité sortis ce jour-là... mais l'ironie de l'histoire, c'est que deux des albums les plus attendus de l'année souffrent la comparaison avec deux autres sortis plus "discrètement" le même jour. Le dandy Nick Cave, avec Grinderman, donne une leçon de hargne à ceux qui ont si longtemps incarné au mieux la sauvagerie du rock, les Stooges, et Amon Tobin met une belle claque à Air, plutôt décevants avec leur mollasson Pocket Symphony.
Très instructif et bienvenu, le DVD accompagnant le CD de Foley Room montre Amon Tobin se livrant à des expérimentations électro-acoustiques, délaissant les samples pour recueillir des sons à l'extérieur (grognements de tigres, bruits de la rue etc...) ou travaillant les sons en studio (la "foley room" est la pièce où sont enregistrés les bruitages de film). Sa démarche tient plus de la musique "concrète" que de la techno, mais il ne crée pas pour autant des oeuvres aussi froides et cérébrales que celles de la musique concrète, et n'a pas renoncé aux machines et sons électros.
Comme il l'a toujours fait, Amon Tobin nous transporte avec Foley Room dans un formidable voyage sonore, à la fois sensuel, intelligent, ludique, musical, foisonnant. Un album envoûtant, mais aussi exigeant car il demande une véritable attention (une écoute au casque ou à un volume sonore assez fort sur du bon matériel change tout). Il est d'une telle richesse dans les détails et textures sonores qu'on perd beaucoup à ne pas lui prêter l'écoute qu'il mérite. C'était déjà le cas sur ses précédents albums, quoique ceux-ci bénéficiaient de mélodies et rythmes plus efficaces et faciles d'accès (sans êtres simples ou simplistes non plus). Ainsi, Foley Room n'est sans doute pas le meilleur moyen pour rentrer dans l'oeuvre d'Amon Tobin. Les exceptionnels Out From, Out Where, Permutation et Bricolage sont plus judicieux pour le découvrir et s'aventurer dans ses paysages sonores hors du commun. Mais si l'électro et l'expérimentation vous sont familières, jetez-vous sans tarder sur ce génial Foley Room.
A écouter :
Amon Tobin - Keep Your Distance
L'album en écoute sur grooveshark
Trailer du DVD :
Amon Tobin - Foley Room
- Bloodstone [feat. Kronos Quartet]
- Esther's
- Keep Your Distance
- The Killer's Vanilla
- Kitchen Sink
- Horsefish
- Foley Room
- Big Furry Head
- Ever Falling
- Always
- Straight Psyche
- At The End Of The Day
Précédent article sur Amon Tobin : Permutation
La fiche d'Amon Tobin (avec tous ses albums en écoute)