Rock 03/2007 - Mute ****
Nick Cave, contrairement à ce que laissent penser les apparences, est un sacré farceur. 34 ans que les amateurs de rock sauvage et furieux attendent un nouvel album des icônes du genre, les Stooges, et le jour de sa sortie, Nick Cave vient leur griller la politesse et leur donner une belle leçon de hargne avec Grinderman, son nouveau groupe (enfin, nouveau, faut le dire vite, ce sont tous des membres des bad Seeds). Et une leçon de hargne donnée par un "dandy", romancier, poète à ses heures, auteur ces derniers-temps de sublimes ballades (l'exceptionnel No More Shall We Part en 2001) et d'une B.O. rêveuse, subtile et mélancolique (The Proposition), c'est d'autant plus ironique. Mais ce n'est pas qu'aux Stooges qu'il vient mettre une bonne claque, c'est aux jeunes groupes du moment pour lesquels Pete Doherty est le type le plus rock'n'roll de l'époque. Les frasques, l'alcool, les drogues (et même les overdoses), Nick Cave a connu ça quand Pete Doherty jouait encore aux billes dans la cour de récré, et je ne parle pas de la musique... les chansons de Pete Doherty sont à celles de Grinderman ce que le sirop de fraise est au whisky...
Les "vieux" rockeurs sont décidément en très grande forme ces temps-ci (cf. 2006 : la revanche des vieux). Scott Walker a sorti un des albums les plus étonnants que l'on ait entendu depuis très longtemps (en fait, depuis 10 ans et son précédent album), Springsteen un des albums les plus jubilatoires de l'année, et Tom Waits un ambitieux et magnifique triple album. Nick Cave n'allait pas se contenter de tenir la chandelle, il revient donc en ce début d'année avec un excellent album rêche et revêche, proche, dans l'esprit, du blues-punk rageur de ses débuts.
Pourtant, comme le notait Thierry dans son article sur Grinderman (chez Jazz Blues & Co), Grinderman n'est pas, dans son ensemble, la "saleté poilue dégoulinante de crasse et de noirceur" annoncée. En effet, il faut mettre deux bémols à l'idée largement reprise par les critiques selon laquelle Grinderman serait le "grand retour" de Nick Cave à un rock violent et sauvage.
1. L'album commence et finit en trombe, mais il comporte plusieurs morceaux beaucoup plus calmes au milieu.
2. Nick Cave a dernièrement déjà renoué avec le rock intense et sauvage, dans quelques morceaux de Nocturama (2003), et dans la première partie de son excellent double-album Abattoir Blues / The Lyre of Orpheus (2005).
Mais ces deux nuances sont elles-mêmes... à nuancer, car :
1. Les morceaux plus "calmes" de Grinderman ne sont pas de jolies ballades, mais restent bien dans la tonalité de l'album, sombre et tendue.
2. Sur Abattoir Blues, les titres les plus énergiques étaient assez lumineux, entraînants, sous influence gospel, alors qu'ils tiennent ici beaucoup plus du blues teigneux, sec et rageur.
Je terminerais bien par : cet album est du "très bon Nick Cave"... mais a-t-il jamais sorti un album médiocre ? Donc, tout ce qu'il y a à en dire, c'est "cet album est du très bon Nick Cave, comme d'habitude".
Interview de Grinderman pour la BBC :
Pas moins de 4 titres en écoute dans la chronique de l'album chez Jazz Blues & co !
Grinderman : Nick Cave, Warren Ellis, Martyn P. Casey et Jim Sclavunos
Grinderman - Grinderman
- Get It On
- No Pussy Blues
- Electric Alice
- Grinderman
- Depth Charge Ethel
- Go Tell The Women
- I Don't Need You (To Set Me Free)
- Honey Bee (Let's Fly To Mars)
- Man In The Moon
- When My Love Comes Down
- Love Bomb
Paroles de Nick Cave. Musique par Grinderman.
L'album sur priceminister