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Classements d'albums

29 juin 2009 1 29 /06 /juin /2009 22:05
Lorsque Guic' m'a proposé de faire un "mini best-of 5 titres" des Doors, j'ai bien entendu accepté avec enthousiasme... avant de le maudire (comme pour les playlists de 80 minutes). Cinq titres... alors qu'il y en a six qui sont pour moi absolument indispensables, incontournables, essentiels etc... 

Un mini best-of 5 titres des Doors, c'est en apparence très simple. Break on Through, Light my Fire, The End et Riders on the Storm s'imposent d'eux-mêmes, et pour le dernier, on optera pour People are Strange si on est plus pop, et L.A. Woman ou Roadhouse Blues si on est plus blues-rock. L'affaire est pliée, pas de quoi se prendre la tête.
Seulement... je n'ai jamais vraiment aimé Light my Fire. Un best-of sans la plus célèbre chanson du groupe, c'est un peu n'importe quoi diront certains...  peu importe, ces best-of ne sont pas destinés à l'industrie du disque, le problème n'est pas la rentabilité et le besoin d'accrocher le public avec ce qu'il connaît le mieux, mais de choisir les 5 meilleurs titres du groupe. Et à mon sens, Light my Fire n'en fait pas partie...

Venons-en donc à la sélection :

Break on Through (to the Other Side)

Un premier album souvent cité comme un des meilleurs premiers albums de l'histoire du rock (voire "le")... et dans la catégorie "premier morceau d'un premier album", difficile de faire mieux que Break on Through.
Certains y ont vu aussi le premier titre "pré-punk"... discutable, mais ce qui ne l'est pas, c'est que cette chanson est vraiment saisissante pour l'époque. Aux adeptes du flower power qui proposent de "passer de l'autre côté" dans une douce béatitude, les Doors préfèrent le passage en force. Contraste entre les couplets, chaloupés, et les refrains furieux... et une remarquable montée en tension et dramatisation sur la fin. Sur un mini best-of 5 titres consacré au rock en général, Break on Through aurait largement sa place, impossible alors de passer à côté ici...

Love me two Times

Un riff de blues imparable, une grille qui est à peu près la grille traditionnelle de blues... et pourtant, c'est un blues qui n'en est pas un... sans être pour autant de ces pseudo-blues de certains rockeurs qui font honte au genre. C'est clair, non ? 
D'un côté la coolitude du blues, un mélange de décontraction et d'intensité, de l'autre, des "éléments étrangers", comme le clavier de Manzarek, certaines cadences et breaks. Mais, surtout, il y a cette remarquable montée en intensité sur la fin. Difficile de marier véritablement la coolitude avec le lyrisme et l'intensité... surtout depuis l'arrivée du prog, du hard et plus encore du metal, qui ont viré cet élément pourtant fondamental du rock qu'est le "cool". Un élément typiquement américain, et ce n'est pas pour rien que prog, hard et metal ont été initiés par des anglais, qui ont "perverti" ensuite bon nombre de groupes US. Pas étonnant non plus que Queens of the Stone Age plaise souvent aux amateurs de rock qui généralement rejettent le hard et le metal, car eux ont su retrouver la "formule magique" des Doors, celle qui permet de mélanger coolitude, intensité et lyrisme. Les Doors ne sont bien entendu pas le premier groupe auquel on pense lorsqu'on écoute QOTSA, leurs musiques sont assez éloignées... pourtant, elles se rejoignent dans cette alchimie qui est une des caractéristiques les plus fortes de la musique des Doors.
       
Not to touch the Earth

Le génie de ce morceau, c'est d'être bien plus novateur que ceux de tant de groupes qui se disent "expérimentaux", tout en restant un vrai morceau de rock. Un accompagnement ovni pour l'époque, dissonant, hypnotique, obsessionnel... et la voix de Morrison, majestueuse, qui passe à la perfection de la gravité à la déclamation incantatoire exaltée. Et là encore, une formidable montée en intensité... 
 
Riders on the Storm

La ballade, c'est en général le morceau à zapper sur les albums rock. Geignardise, guimauve, lyrisme d'ado pleurnichard... le mauvais goût n'a plus de limites (et je ne parle même pas des ballades hard et metal). Riders on the Storm en est l'exact oppposé. L'un des morceaux les plus classes de l'histoire du rock. Pas un gramme de mièvrerie ni de déballage émotionnel grotesque, tout est dans la finesse, l'ambiance... et la coolitude, encore une fois. On n'y déballe pas ses tripes ou son "petit coeur meurtri", on suggère avec élégance. Groove subtil, retenue, chant apaisé et envoûtant de Morrison... la classe américaine, la vraie...   

The End

Un ovni musical bien plus encore que Not to touch the Earth. Une chanson qui fait partie du club très fermé des quelques grandes chansons vraiment originales, et qui aurait même sa place dans un "mini best of 5 titres" de la catégorie. Qu'y a-t-il eu de comparable avant ? Rien.
Une longueur totalement inhabituelle à l'époque pour un morceau de rock, des modes orientaux intégrés et utilisés avec bien plus de musicalité et d'intelligence que ne l'ont fait les Beatles (et pas de sitar pour faire "couleur locale"), une rythmique géniale, et la voix fascinante de Morrison, entre chant et déclamation... Jamais le rock n'avait atteint une telle dimension hypnotique. Si tant est qu'on puisse ranger ce morceau exceptionnel dans un genre musical défini...

La playlist :



Pendant longtemps, les Doors n'étaient pas particulièrement mon groupe favori... ils le sont devenus le jour où, en me demandant quelles étaient vraiment les chansons que je préférais, celles qui m'avaient le plus marqué... il y avait 6 morceaux des Doors sur 10 (et L.A. Woman, juste après les 10). Le fameux 6° morceau pour lequel je maudis Guic', donc, est... Take it as it comes. Puisqu'il ne pouvait être intégré dans la playlist, je lui laisse une place de choix :



Enfin, ceux qui me lisent régulièrement savent que faire court n'est pas ma plus grande qualité... autant pour les articles que les playlists. Une playlist 5 titres, c'est beaucoup trop frustrant, il y a trop de titres des Doors que j'adore, et je n'ai pas pu m'empêcher de faire une playlist regroupant tous ces titres... le best-of version longue :



L'article et la sélection de
Guic'

    
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27 avril 2009 1 27 /04 /avril /2009 16:43

04/2009  Rune Grammofon



Du rock norvégien, ça vous tente ? Ne fuyez pas, il ne s'agit pas d'un groupe black metal beuglant des incantations sataniques dans des costumes ridicules... les musiciens ne se font pas appeler Azgaroth, Belzethor, Putrefaction, Goremaster ou Rüznael, mais répondent aux doux noms de Ørjan Haaland, Per Steinar Lie, Hanne Andersen, Njål Clementsen et Linn Frøkedal.

Une mise en garde somme toute inutile, personne ne peut imaginer qu'un groupe de black metal ait choisi comme nom "The Low Frequency in Stereo". Loin de la lourdeur du metal, The Low Frequency in Stereo, c'est Sonic Youth qui jouerait du Stereolab et du Notwist après avoir écouté les Doors.
Voilà bien le genre de phrases qu'on trouve fréquemment chez les rock-critics, phrases qui suscitent l'intérêt du lecteur, mais tiennent très rarement leurs promesses. On invoque Sonic Youth lorsqu'il y a des guitares dissonantes, Stereolab pour les boucles hypnotiques, les Doors pour le côté sombre et incantatoire ou les plages d'orgues psyché... mais tout ça ne nous dit pas grand chose de la qualité et de l'intérêt du disque ; il est à la portée de n'importe quel groupe de faire ce type de mélange. Sans considérer que The Low Frequency in Stereo est à la hauteur de ces références, le groupe n'a pas à avoir de complexes, Futuro est un excellent album. Bien au-dessus du tout-venant des cargaisons d'albums d'indie rock qui sortent chaque semaine.
A défaut de révolutionner le rock - ce qui, convenons-en, n'arrive pas tous les jours - The Low Frequency in Stereo a trouvé une formule qui fonctionne à merveille, à base de rock psyché, post-rock, shoegaze, pop stereolabienne... le tout saupoudré de quelques pincées de stoner.
Non seulement ils mélangent ces différents styles avec intelligence et goût, mais ils parviennent aussi à un équilibre remarquable entre :
- Accessibilité pop (mélodies et voix séduisantes - particulièrement la voix féminine) et chemins plus aventureux (l'instrumental qui ouvre l'album, le post-rock Mt. Pinatubo et le dernier morceau, le jubilatoire Solar System de 10 minutes) 
-  Intensité rock, groove et voyage musical hypnotique

Des mélodies suffisamment pop pour accrocher l'auditeur mais jamais putassières, des passages plus expérimentaux qui restent toujours cohérents et audibles (ils ne tombent pas dans la facilité d'un "grand n'importe quoi foutraque"), un travail sur les atmosphères (Mt Pinatubo et Solar System en particulier) qui n'a rien de soporifique, des rythmiques répétitives non dénuées de groove... The Low Frequency in Stereo sont de parfaits alchimistes. A chaque morceau son dosage, on passe de titres orientés "pop 60's orientalisante" comme le single Starstruck (avec l'accord de The End en intro) à d'autres plus modernes (Sparkle Drive, qui sonne comme du très bon Notwist... ce qui n'était pas le cas des morceaux du dernier album dispensable des allemands)...  

Plutôt que de se perdre dans l'impasse du revival poli et appliqué, The Low Frequency a trouvé une alternative nettement plus intéressante : adapter les 60's au XXI° siècle...

L'album ne comporte que 8 titres, mais ils sont tous réussis. Six des huit sont en écoute sur myspace, malheureusement, il n'y a pas le "morceau de bravoure" de l'album, Solar System, 10 minutes de trip cosmico-psychédélique digne des meilleurs Gong sur une basse à la Whole Lotta Love... un des 2-3 meilleurs morceaux depuis le début de l'année à mon sens (si ce n'est le meilleur...)  

L'album en écoute (les 6 premiers titres) :
Myspace


The Low Frequency in Stereo :

Per Steinar Lie: bass, organ, voice, guitars
Ørjan Haaland: drums, percussion, organ, voice
Hanne Andersen: organ, percussion, trumpet, voice, guitars
Njål Clementsen: guitars, organ, piano, voice
Linn Frøkedal: organ, voice

Futuro

1 - Turnpike
2 - Texas Fox
3 - Geordie La Forge
4 - Mt.Pinatubo
5 - Starstruck
6 - Sparkle Drive
7 - End Is The End
8 - Solar System



STARSTRUCK

 

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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 11:24
Oui, pourquoi ? Voilà bien une question que pourrait se poser un jeune fan de rock qui, après 2-3 écoutes, ne comprendrait pas le culte et la vénération des rockeurs pour Joy Division... Il a entendu parler du film Control, du "mythe" qu'est devenu Ian Curtis, il s'attend à une grande voix... et là, premier choc et première grosse désillusion, la voix est peu assurée, semble forcée dans le grave, pas de souffle, pas de beau timbre... bref, une voix glauque et déplaisante, une voix de "blatte malade" comme le disait Klak. Quant au groupe, il joue raide, sec... pas de groove, pas de riff imparable, pas de mélodie accrocheuse, tout est... froid et poisseux. Et s'il fait les choses dans l'ordre et commence par leur premier album, il trouvera aussi la prise de son un peu trop vieillie et terne... Ian Curtis serait un de ces chanteurs fous, barges, rock'n'roll, qui font l'histoire du genre par leur personnalité extravertie et leurs frasques multiples ? Même pas, c'était un type en général sociable, poli, sympathique, marié à 19 ans, qui n'abusait pas de drogues...  

Le jeune fan de rock se dit alors que la fascination pour le groupe n'est pas plus liée à leur musique qu'à leur attitude, elle doit être dans le message qu'il porte... et se rend compte très vite que le nom du groupe renvoie au nazisme (les "Divisions de la joie" étaient ces femmes déportées utilisées pour satisfaire les envies sexuelles de militaires allemands et du personnel des camps), puis il découvre que la pochette de leur premier EP (sous le nom de Warsaw) est une illustration des jeunesses hitlériennes (EP qui contient aussi des photos du ghetto de Varsovie), que le chant de Ian Curtis ne débute pas sur Warsaw par 1,2,3,4... mais 3,5,0,1,2,5... le numéro de matricule de Rudolf Hess... après la mort de Curtis, les 3 autres choisiront pour nom "New Order"... là, le jeune fan de rock est pris de vertige... voix désagréable + musique aride et morbide + références nazies... ce n'est pas pour lui un des plus grands groupes de rock, mais le pire. Il en vient à se demander si le rock n'est pas un milieu crypto-nazi pour qu'un groupe tel que Joy Division soit l'objet d'une telle vénération...
Plus tard, il comprendra que les références nazies ont fait partie de la provocation punk (Sid Vicious, Siouxsie) et rock de l'époque en Angleterre (Bowie, perdu à ce moment dans la mégalo, la parano, des délires nietzschéens... et si Joy Division s'est appelé d'abord Warsaw, c'est 
Warszawa de Bowie qui les a inspiré). Mais c'est un peu facile, aussi, de n'y voir que de la provoc', ou une "critique" comme l'ont plus tard dit les membres de Joy Division... il y a chez Ian Curtis et Joy Division une incontestable fascination pour la noirceur, le morbide... ce n'étaient pas plus des crétins punks incultes que des artistes très engagés politiquement (d'autant plus que dénoncer le régime nazi fin des années 70 en Grande-Bretagne n'avait rien de brûlant, courageux ou polémique).



Tout cela participe aussi du rejet radical des idéaux hippies par les punks, qui, à l'ancien et naïf "flower power" opposent pour la plupart rage, révolte, violence, chaos. Pas étonnant que Ian Curtis ait été fan de Jim Morrison, il y a une filiation évidente entre les deux... aucune fascination pour le nazisme chez Morrison, mais pour Nietzsche, le Moyen Age, l'Antiquité, le romantisme sombre, l'ésotérisme, la manipulation des masses... son univers (comme je l'ai expliqué ici) est par bien des côtés à l'exact opposé de l'univers hippie (même si on ne peut négliger sa passion pour le blues, Elvis, Dylan et les poètes de la beat generation). Ca me pendait au nez, un article sur Joy Division et je me mets à parler de Morrison... revenons-en au sujet... 

Pourquoi Joy Division, donc, après un tableau aussi sombre...

1. Histoire

Qu'on le veuille ou non, le rock, ce n'est jamais "que de la musique", c'est aussi une histoire, une attitude... et celle de Joy Division - et Ian Curtis en particulier - a de quoi forcer l'admiration. Bernard Sumner (guitare) et Peter Hook (basse) décident de monter un groupe après avoir vu un des premiers concerts des Sex Pistols, ils embauchent Ian Curtis lors d'un autre concert des Pistols... c'est tout de même autre chose sur un CV rock que de se rencontrer sur myspace ou à un concert de U2...
Un premier album qui marque déjà la naissance d'une nouvelle esthétique post-punk, un chanteur atteint d'épilepsie qui danse d'une manière très surprenante (de mauvaises langues diraient : Ian Curtis a inventé la tecktonik 25 ans avant tout le monde...) et se suicide juste avant leur première tournée américaine et la sortie du second album. Rien de tel qu'une mort violente (suicide, overdose, accident) et précoce pour entrer au panthéon du rock (Curtis, mort à 23 ans, fait mieux que le "club des 27" : Morrison/Hendrix/Joplin/Brian Jones/Cobain).



2. Esthétique et musique

Unknown Pleasures, le premier Joy Division (1979), n'est pas le premier album post-punk... il y a eu les indispensables First Issue de P.I.L. et The Scream de Siouxsie (tous deux sortis en 78). Mais il n'en reste pas moins que Unknown Pleasures et Closer sont deux pierres angulaires de la musique rock... le rock a été jusque-là festif, engagé, sophistiqué, enragé, soft, hypnotique, foutraque, violent, consensuel, provocateur, sérieux, parodique, joyeux, triste, élitiste, plouc, expérimental, planant, bourrin, décadent etc... bref, on pensait qu'il avait à peu près tout connu et qu'il ne lui restait plus d'émotions à explorer... mais Joy Division saura apporter une nouvelle couleur à la palette du rock : jamais le rock n'avait été aussi sombre, glauque et déprimant. Si l'on excepte leur "tube", qui ne figure de toute façon pas sur leurs deux albums (Love Will Tear us Apart, la seule mauvaise chanson de Joy Division à mon goût - je vais me faire taper dessus pour ce blasphème, mais j'y peux rien, j'ai toujours trouvé sa mélodie effroyablement niaise), il n'y a absolument rien chez Joy Division qui puisse séduire l'auditeur lambda (à la limite, Decades...). On trouve beaucoup de jolies ballades chez le Velvet, une énergie et une intensité rock'n'roll "entraînantes" chez les Stooges et Sex Pistols... mais pas chez Joy Division. Ils restent dans un cadre "chanson rock", mais des chansons rock débarrassées de toute "joliesse". Auparavant, tous les groupes rock allaient un minimum chercher l'auditeur... que ce soit par des mélodies accrocheuses, des riffs efficaces, du groove, une originalité surprenante, une intensité rare, une voix sexy, de la spontanéité... Joy Division, non. Ce n'est pas à Joy Division de chercher l'auditeur, c'est à lui d'accepter de rentrer dans leur univers froid, glauque et dépressif, à lui d'accepter la voix de Ian Curtis qui semble dire "je ne suis pas là pour te plaire, te bercer, te faire rêver, t'enchanter... mais te plonger sans artifice dans les abimes de la dépression." Avis aux amateurs... 

Le rock haranguait les foules, s'amusait à les choquer, les interpeller.... avec Joy Division, on passe à quelque chose de véritablement nouveau, une rage rentrée, une musique de la frustration et de la dépression, une musique qui semble, après l'explosion punk, nous dire que tout ça ne sert à rien, qu'il n'y a aucun espoir, qu'il ne reste plus qu'à se laisser crever (ce que Ian Curtis a parfaitement mis en pratique...) "No future" disait Johnny Rotten... personne ne l'a aussi bien compris, intégré et incarné que Joy Division.  

Le plus fort chez Joy Division, c'est qu'il est le premier groupe de rock qui semble avoir abandonné toute idée de frime et de spectacle. Sans mauvais jeux de mots, il est le premier groupe qui n'ait pas de "hook" (qui désigne chez les rappeurs le passage "accrocheur" du morceau, le refrain), autrement dit, le premier groupe qui n'ait rien qui vienne aguicher le public. Chez tous les grands qui ont jusqu'alors contribué à rendre le rock plus sérieux, ambitieux, radical ou profond... il y a toujours eu un truc sexy, cool, second degré, excentrique ou virtuose, toujours un truc qui nous rappelait qu'on était en "représentation". Le "rock'n'roll circus", c'est de ça dont il s'agissait. D'Elvis à Bowie, tous ont fait - avec talent et génie parfois - leur numéro. Cela n'empêchait pas la sincérité, la profondeur, les grandes ambitions, le sérieux... particulièrement chez Can, Patti Smith... pourtant, même chez eux, il y a une dimension "spectaculaire", et cette volonté d'aller chercher l'auditeur, de l'interpeller, le transporter.

La vidéo ci-dessous est éloquente. S'il y a bien une chose à laquelle ne ressemble pas Ian Curtis, c'est à un chanteur de rock... et s'il y a bien trois choses qu'il ne sait pas faire, c'est :
1. Chanter
2. Danser
3. Créer un lien avec le spectateur

Joy Division - Shadowplay



Pas de frime, de spectacle, de clin d'oeil, de second degré, tout semble ici grave, terriblement grave, désespérément grave. 
On ne vient donc pas à Joy Division comme on vient à n'importe quel autre groupe de rock. On n'y vient pas pour se divertir, s'amuser, danser, être séduit, bercé, charmé, excité. Pour répondre à la question initiale, on vient à Joy Division pour deux raisons essentielles :

1. Parce qu'on estime que l'esthétique prime. Peu importent les références douteuses, la voix de vautour déprimé de Ian Curtis... toutes les barrières qui semblent se mettre entre un auditeur lambda et Joy Division sont autant d'obstacles destinés à réduire l'accès à un groupe qui se mérite. Et lorsqu'on a su les franchir, on découvre les trésors que sont les morceaux fascinants de Joy Division. Revendiquer Joy Division, c'est dire quelque chose de soi... non pas "je suis un nazi dépressif", mais "l'esthétique est pour moi primordiale"... 

2. Le rock, c'est la rébellion, le miroir de l'adolescence... 
Il a jusqu'à Joy Division exprimé la plupart des phases de l'adolescence :
Besoin de liberté, de s'éclater (Elvis, Chuck Berry)
Prise de conscience du monde qui nous entoure, engagement, contestation (Dylan)
Imagination, créativité débridée, audace, insouciance... tout semble facile et possible (Beatles)
Jouer les mauvais garçons, être cool (Stones)
Quête d'absolu (Hendrix, Led Zep, Pink Floyd), de transcendance et de mysticisme (Doors, Hendrix)
Provocation, transgression (Doors, Velvet) noirceur (Doors, Velvet, Magma, Pink Floyd, Black Sabbath)
Energie, appétit de vie, révolte (Who, Led Zep) 
Décadence, ambivalence, ambiguïté (Velvet, Bowie)
Expérimentation (Beatles, Soft Machine, Pink Floyd, Zappa, Captain Beefheart, Can...)
Rage, hargne, fureur (MC5, Stooges, Sex Pistols)   

Mais aucun groupe n'avait encore illustré l'état le plus flippant et extrême de l'adolescence, celui où l'on ne joue plus, où l'on ne cherche plus, où l'on n'essaie même plus d'agir sur le monde, de se présenter ou se représenter, celui où l'on s'enferme complètement sur soi-même, où tout est froid, désespéré, vide de sens, celui où, le nazisme ou autre chose, peu importe, on voudrait juste que tout s'arrête...   

Unknown Pleasures ou Closer ? 

Les deux sont indispensables... et en écoute intégrale sur jiwa (dans leur version remasterisée)  :

Unknown Pleasures
Closer 

J'ai une petite préférence pour Closer, plus abouti... et je vous ai concocté une playlist des titres qui sont à mon sens les meilleurs de Joy Division... playlist qui ne sert pas à grand chose, autant écouter leurs deux chefs-d'oeuvre en entier... 






Joy Division :

Ian Curtis (chant)
Bernard Sumner (guitare)
Peter Hook (basse)
Stephen Morris (batterie) 




Chronique de Closer sur le Golb
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