Liste des sorties d'albums, copiée surconcerts.fr, afin de me repérer dans les albums les plus anciens pour les sélections du classement des blogueurs.
Malice en la Demeure Rock Date de sortie : 16/05/2008 Artistes : Kwak
Mega Breakfast Pop Date de sortie : 14/05/2008The Chap
Suis-Je Le Gardien De Mon Frère? Rap Hip-Hop Date de sortie : 14/05/2008 Artistes : Sefyu
Santogold Electro Date de sortie : 13/05/2008 Artistes : Santogold
Warchild Rap Hip-Hop Date de sortie : 13/05/2008 Artistes : Emmanuel Jal
Bric à brac Date de sortie : 12/05/2008 Artistes : Rit
Afrikya Date de sortie : 06/05/2008 Artistes : Dub Incorporation
Shine Rap Hip-Hop Date de sortie : 05/05/2008 Artistes : Estelle
Jim Soul Date de sortie : 29/04/2008 Artistes : Jamie Lidell
Une collaboration Mark Lanegan - Greg Dulli (Afghan Whigs), voilà de quoi intéresser le monde du rock. Et pourtant, il ne me semble pas que cet album fasse beaucoup parler de lui. C'est pourquoi je fais une légère entorse à la règle que je m'étais fixé (ne chroniquer que des albums qui me semblent exceptionnels) pour donner à mon humble niveau un peu plus de visibilité à cet album qui n'a pas l'écho qu'il mérite.
Certes, ce n'est pas l'album du siècle, mais vraiment un bon album rock, avec quelques très solides arguments. Le premier... c'est bien sûr Mark Lanegan. Qui est à l'honneur en ce premier semestre 2008, en collaboration avec Dulli ici, ou de retour avec Isobel Campbell sur un très bel album, Sunday at Devil Dirt, digne successeur de leur magnifique Ballad of The Broken seas. Sa voix a la capacité de transcender la plus médiocre des chansons. Et c'est d'autant mieux quand, comme sur ce Saturnalia, les chansons ne sont pas médiocres. Par contre, ce qui est un peu dommage... c'est que Greg Dulli chante aussi. Et sa voix fait, à mon sens, parfois pâle figure à côté de celle de Lanegan. Personnellement, j'ai un peu de mal avec son petit côté "pleureuse" (n'est pas Thom Yorke qui veut...) Mais ce qui est intéressant, c'est que la conjugaison de leurs deux voix est parfaitement raccord avec le style de l'album, un rock à la fois dur et mélancolique. Un côté roots, bluesy, sous testostérone comme l'est la voix grave, rocailleuse et virile de Lanegan, et un autre plus lyrique, fragile et mélancolique à l'image de la voix de Dulli. Ce n'est pas que le rock dur soit plus estimable que le rock mélancolique (il ne viendrait à personne disposant de deux oreilles en bon état de marche l'idée de placer Nickelback au-dessus de Radiohead...), mais sur cet album en particulier, c'est cette facette-là qui est la plus convaincante. Après, tout cela est à nuancer, il y a quelques beaux passages émouvants, et d'autres de rock dur un peu patauds. Mais pas autant que ceux, pour le coup, vraiment lourdingues de Nickelback et consorts, de ce courant de rock US testostéroné auquel on ne rattachera pas ce Saturnalia, bien plus fin et intéressant. Un des albums rock à écouter en ce début d'année, qui a sa place à côté de ceux de Black Mountain et des Raconteurs.
Pour vous en faire une idée, ils ont laissé pas moins de six titres de l'album sur myspace. Si vous ne deviez écouter qu'un titre... je vous conseille l'excellent Idle Hands.
En résumé...
Originalité (6/10) Pas révolutionnaire, mais de bonnes idées, dans l'instrumentation notamment.
Ambiances (8/10) Une recherche d'atmosphères qui n'est pas monnaie courante dans ce style, et plutôt pas mal fait ici.
Orchestrations (8/10) Un vrai travail a été effectué à ce niveau. Lanegan et Dulli ne se sont pas contentés d'une instrumentation rock basique (cela dépend aussi des titres), des choses intéressantes dans certaines rythmiques et accompagnements. Il y a même des petits passages électros, surprenants ici, mais qui fonctionnent assez bien.
Mélodies (7/10) Plutôt réussies et accrocheuses, même si quelques-unes sont un peu clichés.
Intensité (6/10) Ce qu'ils gagnent en atmosphère, ils le perdent en intensité. Et, comme je l'expliquais plus haut, quelques passages "patauds". Mais cela dépend aussi des morceaux...
Accessibilité (7/10) Intéressant, car il peut fédérer des fans de rock indé autant que de rock "bien lourd", de rock à tendance prog comme de blues-rock.
Nik Cohn - Triksta Un écrivain blanc chez les rappeurs de la Nouvelle-Orléans 2006, Editions de l'Olivier
Nik Cohn est le type le plus rock'n'roll du monde. Affirmation qui peut sembler quelque peu déplacée au sujet d'un écrivain de 60 ans qui ne s'intéresse plus au rock depuis longtemps. Et ce n'est sûrement pas le fait qu'il soit considéré comme "le père de la critique-rock" et qu'il ait écrit le premier bouquin de l'histoire sur le rock qui va jouer en sa faveur. Si écrire des livres n'est déjà pas très rock'n'roll, écrire des livres sur le rock l'est encore moins (vous auriez imaginé une "histoire du rock" ou un "dictionnaire du rock" écrit par Elvis ? Sid Vicious ? Jim Morrison ?) A priori, Nik Cohn serait plutôt en lice pour le titre de "type le moins rock'n'roll du monde". Car quand on est rock'n'roll :
1. On aime le rock 2. On n'écrit pas de livres 3. A 60 ans... on est déjà mort depuis longtemps...
Alors pourquoi le présenter comme "le type le plus rock'n'roll du monde" ? Parce qu'à un âge où la plupart comptent leurs points retraite, passent leurs week-end en pantoufles devant la télé, Nik Cohn part s'installer dans les ghettos de la Nouvelle-Orléans, là où - comme il l'explique - on tue pour une poignée de dollars. Il ne part pas en touriste, ni en "aventurier inconscient qui veut jouer à se faire peur"... d'ailleurs, il fait preuve de beaucoup de dérision et de sincérité, bien conscient de n'être pas vraiment à sa place, d'avoir l'air d'un pathétique "petit blanc" qui cherche à s'encanailler et se retrouve dans de nombreuses occasions tétanisé par la peur. Mais voilà, sa passion pour le rap est telle qu'il dépasse ses doutes et appréhensions, et bossera avec plusieurs rappeurs du coin qu'il essayera de produire, pour le meilleur et pour le pire (surtout le pire).
Nik Cohn n'a rien du critique-rock qui veut lui aussi sa part de luxe, stupre et bling-bling en s'acoquinant avec des stars du rap, ni, à l'inverse, d'un "petit blanc" qui s'imagine investi d'une mission humanitaire pour aider les populations défavorisées. Il est bien loin d'un sociologue de gauche qui tiendrait à "faire remonter la parole des exclus", ou d'un idéaliste qui prend à son compte leur combat contre l'injustice sociale. Ce qui d'ailleurs ne serait pas très rock'n'roll... non, il est là pour une seule raison, la bounce, ce rap très "physique et sexuel" de la Nouvelle-Orleans. Si Nik Cohn s'est désintéressé du rock et s'est tourné vers le rap, c'est parce qu'il ne retrouvait plus dans le rock ce qui était son essence même : une musique brute, sauvage, une musique de l'urgence, faite de rythme, sang, sexe et sueur, une musique qui parle uniquement aux tripes et au bas-ventre. Dans son "historique" premier livre sur le rock (Awopbopaloobop Alopbamboom), il regrette déjà l'âge d'or du rock, celui des années 50, et voit d'un très mauvais oeil ces Dylan, Beatles et Doors qui "intellectualisent" le rock. Pour lui, le rock perd sa force lorsqu'il se pare d'ambitions métaphysico-philosophiques, d'intelligence ou de sophistication. Il l'explique d'ailleurs de façon très sarcastique dans Triksta (p.126-127) :
Pendant les années soixante-dix, à l'époque de mon installation en Amérique, j'avais complètement cessé de m'intéresser aux vieillards cacochymes qui torturaient une guitare. L'hypothèse centrale du rock d'alors, pré-punk, était que la musique pouvait changer le monde. Je n'y croyais pas, pas plus qu'en un nirvana acide de karma instantané. Je ne croyais pas que l'amour est tout ce dont nous avons besoin, ni que les réponses nous sont apportées par le vent, et je pensais qu'"Imagine" est plus ou moins le morceau le plus cruche jamais écrit. La musique qui me touche ne se préoccupe pas de métaphysique de pacotille; elle est dure et coriace, et elle est l'écho des lieux d'où elle vient, du bruit des rues. Le moment où quelque chose de nouveau surgit d'en bas en bouillonant, plein de sexe et de fureur, juste avant que l'industrie de la musique l'enchaîne et en fasse une marchandise - de ça, je ne me suis jamais lassé.
On ne s'étonnera donc pas que les Who soient un des derniers groupes de rock qui ait passionné Nik Cohn. Il a pas mal traîné avec eux (il raconte son premier voyage à la Nouvelle-Orléans lorsqu'il accompagnait les Who en tournée), et, fan de flipper, il a inspiré Townshend qui a écrit Pinball Wizard et intégré le thème du flipper dans Tommy en son honneur. Certes, les Who se sont lancés dans des albums concepts, et Townshend était loin d'un "crétin rock'n'roll". Mais la musique des Who avait cette puissance rythmique, cette spontanéité qui ne pouvait que plaire à Nik Cohn.
Si la lecture des écrits de Nik Cohn est indispensable à tout fan de rock, c'est parce qu'il nous ramène à nos fondamentaux, et va à contre-courant des 9/10° des critiques-rock et goûts de la majorité des passionnés de rock. Nous tous qui encensons des Beatles, Dylan, Doors, Velvet, Radiohead, Pink Floyd, Cure ou autres Smiths, ne devons pas oublier que le rock est à l'origine un truc qui prend aux tripes, accroche et frappe fort. Une musique de défoulement faite pour générer de la sueur, pas de grandes réflexions. Jailhouse Rock, Sweet Little Sixteen, Rock around the Clock, Tutti Frutti, c'est pas de la poésie, et encore moins de la philosophie...
Au premier abord, Triksta peut en rebuter beaucoup... ceux qui imaginent qu'il faut être fan de rap pour apprécier le bouquin, sachant, de plus, qu'il n'est même pas question de grands noms du rap, mais de rappeurs quasi-inconnus dès qu'on sort de la Nouvelle-Orléans. Tant pis pour ceux qui s'arrêteront à ce préjugé, ils louperont un excellent bouquin, vif, drôle, très ironique, intelligent, et parfois même émouvant. L'épilogue, par exemple, où il est question des ravages de Katrina. Nik Cohn était parti de la Nouvelle-Orléans à ce moment, mais il reprend contact avec quelques amis rappeurs du coin, qui lui livreront des témoignages rageurs et poignants de ce désastre et du scandale du laisser-aller des autorités.
Un rappeur qu'a fréquenté Nik Cohn, 5th ward Weebie, dans un titre libérateur de circonstance : "Fuck Katrina" :
Un des "tubes" de la bounce, par Choppa, autre rappeur avec lequel collaborera Nik Cohn : Choppa Style.
Pour terminer... à tout seigneur tout honneur, un petit passage assez réjouissant du bouquin qui, j'en suis sûr, saura donner envie à certains d'en lire plus :
La critique principale, chez les Noirs comme chez les Blancs, était que le rap n'était pas de la musique. On aurait pu penser qu'une industrie qui s'engraissait avec Olivia Newton-John et les Bay City Rollers se serait gardée de porter des jugements esthétiques. Toutefois, l'ironie n'a jamais été la qualité principale de l'industrie du disque. Tout au long de son histoire, chaque fois que quelque chose de nouveau et de stimulant surgit, elle hurle au meurtre et proclame la mort de la vraie musique. Quand la menace venait du rock'n'roll, la vraie musique était représentée par Frank Sinatra et Perry Como. Sous l'effet des assauts du rap, elle l'était maintenant par Paul Simon et Billy Joel. (...) Ces paniques ne sont pas tant provoquées par l'amour de l'art pour l'art que par une paresse crasse. Il n'existe pas de secteur professionnel plus parasitique que l'industrie du disque. (...) Tout ce qui faisait du rap une chose neuve et stimulante était considéré comme une menace. A l'écoute, le fait que le rap ait mis à la poubelle la forme pop classique - la chanson de trente-deux mesures définie par l'industrie du disque - était un immense progrès. Qu'y a-t-il de si merveilleux à régurgiter les mêmes suites d'accords et les mêmes progressions harmoniques jusqu'à plus soif ? Il se trouve que nous vivons dans une époque électronique. Mieux vaut une machine, utilisée avec inventivité, que des milliers de ballades sentimentales décervelées. Sacrilège, hurlaient les vétérans de l'industrie du disque; les machines n'ont pas d'âme. Davantage d'âme que Michael Bolton, selon moi. (p.138)
PS : Cet article a beau concerner un livre qui parle de musique... il ne fait en rien partie du crossover de Thom. J'avais commencé cette chronique il y a... 5 mois, l'ai laissé tomber, vient juste d'y revenir... Mon article pour le crossover sera publié dans une ou deux semaines...