Electro 2002 - Ninja Tune
Voilà un album qui mériterait l'appellation de "grande musique". Grande, parce qu'elle est d'une richesse peu commune (ce qui est, par contre, commun chez Amon Tobin, cf. ma chronique de Permutation). Grande, parce qu'on est très loin des musiques autistes/intimistes. Du souffle, de la hauteur, de la puissance, de l'ambition, de l'ampleur... Out from out where, c'est un peu l'anti-Carla Bruni (je ne recule devant aucune facilité pour inciter le lecteur à se plonger dans l'œuvre d'Amon Tobin...), elle qui n'aime rien tant que les petites choses : petites musiques, petite voix, petite guitare douceâtre, petit... je m'égare dans le trivial, et c'est faire injure à Amon Tobin... Grande, surtout, parce qu'on s'y affranchit des pesanteurs terrestres et des limites temporelles pour un formidable voyage en pleine science-fiction ; Out from out where est le plus futuriste des albums de Tobin. Pas de la SF bas de gamme, on est plus proche ici de l'univers des 2K (K.Dick et Kubrick - ce dernier n'est bien entendu pas un "cinéaste de SF", mais 2001 est l'incontestable chef-d'oeuvre du genre) que de Stargate.
Il peut sembler totalement arbitraire de rapprocher cette musique instrumentale (qui n'a donc pas de sens apparent) de la meilleure science-fiction, plutôt que de n'importe quelle autre œuvre du genre. Si l'on met de côté l'exceptionnelle qualité de l'album (ce qui n'est tout de même pas rien), quoi de commun entre la musique d'Out from out where, 2001 et les univers de K.Dick ? Tout simplement le fait que cette musique est intelligente, adulte... de la grandeur, mais pas de thème héroïco-pétaradant à la Star Wars (enfin, je parle ici de la fameuse - et ultra-pompeuse - ouverture, il y a plein d'excellentes choses dans la partition de John Williams). Un univers sombre, tourmenté, oppressant... sans être glauque ni dépressif. Une énergie irrésistible, de la puissance, de la force (du côté obscur), du groove... et surtout, une profusion d'idées. Ce n'est pas de l'électro dark planante avec une idée par morceaux, mais plutôt une idée par seconde (j'exagère à peine, écoutez attentivement, vous verrez...) Pas de bidouillage électro sans queue ni tête, mais un sens de la construction, de la cohérence, de la narration, qui fait tout le génie d'Amon Tobin.
Si Out from out where est le plus "futuriste" des albums de Tobin, c'est aussi parce qu'il délaisse ses influences jazz (sans parler de ses influences bossa - il est anglo-brésilien - assez nettes lors de ses premiers albums sous le nom de Cujo), au profit d'ambiances électro-SF inquiétantes, martiales, et post-apocalyptiques. Pas de swing jazz ou bossa, donc, mais, parmi les rares choses qui dans cet album nous rattachent à cette vieille terre, des motifs orientalisants mystérieux (Searchers, Proper Hoodidge, El Wraith). L'album, qui date de 2002, a un indéniable côté post 9/11, ce n'est pas un hasard si certains de ses morceaux ont été très fréquemment employés pour illustrer des reportages sur les réseaux terroristes en Orient. Mais il serait bien trop réducteur d'enfermer l'album dans ce cadre-là, il nous entraîne beaucoup plus loin, et beaucoup plus haut.
Le premier morceau s'intitule Back from Space... pertinent, dans le sens où l'on a vraiment l'impression durant tout l'album qu'Amon Tobin en revient pour nous présenter les sons et musiques les plus passionnants qu'il y ait découvert... mais, du coup, c'est l'effet inverse qui se produit chez l'auditeur, qui, lui, décolle pour un des trips SF les plus fascinants qui soit.
Si vous voulez être de ce voyage, c'est simple, il suffit de cliquer sur le lecteur suivant (puis d'acheter l'album qui mérite d'être écouté avec le meilleur son possible, au casque ou sur une bonne chaîne hi-fi). Si vous n'avez pas le temps, je vous recommande particulièrement Chronic Tronic, Searchers et El Wraith.
Chroniques d'Out From Out Where sur :
Trip-hop.net
Newforms
Fast'n'Bulbous
Amon Tobin - Out from out where
1. Back from space
2. Verbal ft. Mc Decimal R.
3. Chronic tronic
4. Searchers
5. Hey blondie
6. Rosies
7. Cosmo retro intro outro
8. Triple science
9. El wraith
10. Proper hoodidge
11. Mighty micro people
Précédentes chroniques sur Amon Tobin : Permutation et Foley Room
Les meilleurs albums de 2002
La fiche d'Amon Tobin (avec tous ses albums en écoute)