1 juillet 2008
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Une oeuvre importante par son sujet... mais aussi d'un pur point de vue esthétique. Un parfait équilibre entre fond et forme, car tous les deux sont ici à leur sommet. Pourtant, on imagine sans peine que certains puissent hésiter à aller le voir, dubitatifs face à quelques extraits qu'ils ont pu en voir ou bribes d'infos récoltées (même si toutes les critiques sont - à juste raison - élogieuses).
Un documentaire ? un peu ennuyeux... ou trop intello pour moi, je risque d'être largué... j'attendrais qu'il passe à la télé. Grossière erreur. Ari Folman réussit une oeuvre incroyable, d'une originalité surprenante. Un documentaire qui est aussi une véritable oeuvre d'art. "Documentaire - oeuvre d'art", ça peut en effrayer certains. Ils auraient tort. Car Folman parle d'un sujet grave et complexe, mais sait admirablement le rendre captivant et accessible à tous. Le tout avec des images d'une beauté somptueuse, à voir absolument sur grand écran.
Un documentaire en images animés ? C'est pas bien sérieux. C'est un documentaire pour enfants ? Un documentaire "fun" ou superficiel, pour la "génération manga" ? Loin de là... rarement documentaire aura été aussi fort et profond. Ari Folman prouve qu'il n'est pas besoin d'être terne et poussiéreux pour être grave, sérieux, et réaliste. Ce choix est d'ailleurs justifié par une remarquable métaphore dans le film, une mise en abyme qui touche à la fois le fond et la forme : un photographe de guerre étonnait son entourage parce qu'il semblait insensible à toute la cruauté et les massacres auxquels il était confronté. Celui-ci expliquait que pour se protéger, il arrivait à se convaincre que les images dans son objectif n'étaient pas réelles, mais un spectacle hallucinant. Cela marchait... jusqu'à ce que son appareil se casse... et là, au milieu de cette barbarie qui soudainement devenait réelle, il est devenu fou.
Un film poétique, esthétique, sur un épisode tragique et douloureux de l'histoire... un peu tendancieux, non ? On en revient à des films qui prétendent dénoncer la violence et, au final, la stylise...
Non... car esthétique et esthétisant, ce n'est pas la même chose. Pas de complaisance, ici, ni de souci d'un "réalisme brut". La beauté et la poésie du film sont, encore une fois, parfaitement justifiées, la forme épouse le fond, puisqu'il est question de mémoire et de déni de la réalité.
Des films intelligents, poétiques, émouvants, profonds, captivants, il y en a d'autres. Mais des films aussi intelligents, poétiques, émouvants, profonds et captivants que Valse avec Bachir, il y en a très peu.
Il est tout de même consternant de réaliser que ce chef-d'oeuvre n'a pas eu le moindre prix à Cannes. Surtout avec un jury présidé par Sean Penn, qui avait déclaré prendre en compte l'importance politique des films. Cela a étonné de nombreux critiques, qui ne comprennent pas non plus comment un film aussi important, original et maîtrisé puisse repartir bredouille de Cannes... certains disent que la présence de Marjane Satrapi dans le jury, qui a pu voir une concurrence "directe" dans le film de Folman ait joué... rumeur, espérons-le... que je contribue finalement à propager... mais bon, on a déjà du mal à imaginer qu'il n'ait pas eu la palme d'or, alors qu'il n'ait pas eu de prix du tout, c'est carrément incompréhensible.
Un mot sur la bande-son, elle aussi remarquable. Très belle musique de Max Richter, et excellent choix de morceaux. Qui me touche d'autant plus qu'on y trouve à la fois un de mes "tubes rock favoris", This is not a Love Song de P.I.L., et une des oeuvres les plus géniales que je connaisse, tirée d'une sonate pour piano de Schubert (mais réarrangée), dont je vais parler bientôt...
Enfin... que la plupart des petits films indépendants et pointus ne touchent pas le grand public, on peut le comprendre. Mais pas le chef-d'oeuvre indispensable qu'est Valse avec Bachir.
Que "la grande famille du cinéma" se félicite du succès "sympathique" mais surtout démesuré de Bienvenue chez les Ch'tis, pourquoi pas... sauf qu'elle ferait mieux de se désoler et trouver absurde que Valse avec Bachir recueille moins d'entrées dans les salles. 20 millions de personnes en France, ce serait encore trop peu...
Alors précipitez-vous pour ne pas rater un film de cette qualité. Et, par là même occasion, allez voir Bons Baisers de Bruges (In Bruges)... ces deux films, c'est satisfait ou remboursé, je vous le certifie. Sauf que je ne vous rembourserai pas si vous me dites que vous vous êtes ennuyés, puisque c'est inconcevable...
L'avis de Yohan
Celui de Laiezza