2005 - Ici d'ailleurs/discograph
Le meilleur album de 2005. C’est mon avis et je le partage. Un album qui, comble de l’élégance, est foncièrement original sans ne jamais donner l’impression d’expérimenter pour expérimenter. Un OVNI (ou OMNI) qui s’aventure dans des chemins inexplorés mais parvient à nous les présenter comme s’ils avaient toujours été là, comme s’il n’y avait rien de plus naturel que de les emprunter. On n’est pas ici dans le genre de disque " expérimental " où l'on jurerait entendre toutes les 10 secondes le musicien nous dire " regardez comme je suis original, vous n’auriez pas pu imaginer une telle coupure à ce moment précis, et cet accord, vous ne vous attendiez pas à ce qu’il arrive maintenant, non ? "
Pas de ça chez Matt Elliott. C’est l’expérimentation au service de la musique, pas l’inverse. Ses compositions sont suffisamment sensibles, émouvantes, évidentes pour qu’on se laisse emporter et toucher sans focaliser sur leur originalité rare. On peut certes retrouver un petit côté cabaret, tzigane ou chanson traditionnelle dans certaines harmonies et mélodies, pourtant, impossible de les classifier et réduire de la sorte. Si les mélodies sont magnifiques et intemporelles, elles se déploient dans un cadre particulièrement singulier :
- Les structures sont à mille lieux des formats habituels. Le schéma intro / couplet / refrain / couplet / refrain / pont / refrain, Matt Elliott n’a pas du en entendre parler. Et c’est tant mieux.
- Un traitement de la voix hors du commun. Des chœurs, souvent à l’unisson… mais qui sont aux chœurs de l’armée rouge ce qu’un Nocturne de Chopin est aux trompettes d’Aïda de Verdi.
- Des instruments qui prennent leur temps, se répondent et se s’entremêlent admirablement, sans démonstrations mais avec grâce. Des boucles envoûtantes avec guitares, piano, claviers divers, basse, bandonéon, cordes etc... Mais le multi-instrumentiste Matt Elliott ne sait pas tout faire, puisqu’il est accompagné d’un violoncelliste et d’un trompettiste. Avant de sortir des albums sous son nom (Drinking songs est le 2°), il officiait brillamment dans le monde de l’electronica, sous le pseudo de Third eye Foundation. Il n’a pas rejeté tout son passé, puisque l’album se termine sur un hallucinant déluge électro, dans un long crescendo de 20 minutes, qui vient se greffer sur une mélodie de piano touchante, submergée de partout, mais qui tient bon...
Pour se faire une idée plus précise de ses "Drinking songs", il faut imaginer, un soir d’hiver, dans un petit bar enfumé, au fond de la salle, après avoir vidés la réserve :
- Nick Cave , l’œil perdu dans son dernier verre de whisky et les doigts se baladant nonchalamment sur un piano.
- Le fantôme de Nick Drake égrenant quelques arpèges sur sa guitare
- Tom Waits, livide, avachi sur une banquette en compagnie de Robert Wyatt et Neil Hannon.
Et tous les 5, dans un état plus que second, accompagnés de quelques musiciens de passage, entonnent des hymnes beaux à pleurer de marins dépressifs.
Deux dernières petites choses :
1. Seule contre-indication : si vous êtes définitivement allergique à la mélancolie, si le moindre chromatisme ou accord mineur vous hérisse le poil, vous pouvez vous en dispenser.
2. La mélodie de The guilty party (qui a quelques accents de celle du " parrain ") est à mon sens une des plus belles de ses dernières années.
Allez sur son site :
http://www.thirdeyefoundation.com/
Dans la catégorie Media, cliquez sur Sounds, allez en bas de page et vous pourrez écouter The Guilty party en entier. 4 autres morceaux de Drinking songs sont disponibles, ainsi que beaucoup de titres de ses précédents albums (notamment ceux de Third Eye Foundation)
Drinking songs
01 C.F. Bundy
02 Trying to explain
03 The guilty party
04 whats wrong
05 The kursk
06 What the fuck I am doing on the battlefield
07 A waste of Blood
08 The maid we messed
Chroniques suivantes sur Matt Elliott :
Matt Elliott - Failing Songs
Matt Elliott - Howling Songs