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16 mai 2006 2 16 /05 /mai /2006 11:09

B.O. (Folk-rock)                 2006 - Mute ****

Après avoir sorti son album le plus accrocheur et accessible, l’excellent double Abattoir Blues / The Lyre of Orpheus, Nick Cave vire de bord avec the Proposition, une de ses œuvres les plus difficiles (mais aussi une de ses plus remarquables). Non pas qu’il soit revenu à la sauvagerie post-punk et au blues rageur de ses débuts, bien au contraire. Il a opté cette fois pour la sobriété et le minimalisme. Difficile, donc, pour les auditeurs incapables de prendre leur temps, de se laisser emporter et de s’abandonner aux musiques les moins tapageuses. Le précédent était particulièrement festif, jubilatoire, foisonnant… celui-ci est d’une lenteur hypnotique, épuré, mélancolique.

Nick Cave chante peu, l’album est en majorité instrumental, faisant la part belle au violon plaintif et aérien de Warren Ellis (membre des Bad Seeds), aux longues notes et accords tenus ainsi qu’aux basses plombantes. Nick Cave déploie un univers assez particulier fait de ballades irlandaises dépouillées, de folk léthargique, glauque et rêveur. La plupart des titres sont assez courts, mais les mêmes thèmes entêtants et les mêmes éléments reviennent tout au long de l’album.

The proposition est la bande-son idéale d’un été narcotique. Si vous avez pour projet de passer vos vacances au soleil et sous opium (sait-on jamais…), cet album est fait pour vous. Quoi que… ça ferait " doublon ", ce serait de la gourmandise. Oubliez l’opium, l’effet combiné du soleil écrasant et de la musique de the Proposition vous procurera les mêmes sensations !

En écoute : Queenie's suite

(le son n'est peut-être pas génial...)

Il est apparemment peu probable que le film sorte en France, c’est un petit western britannique et australien (Nick Cave est australien), réalisé par John Hillcoat, avec Guy Pearce, Emily Watson, Ray Winstone, John Hurt (plutôt pas mal comme casting pour un petit film)… et le scénario est de Nick Cave himself !

Il n’a pas joué dans le film, mais, pour l’anecdote, s’est fait pousser une moustache de circonstance… Le dandy sombre s’est métamorphosé en " Bill the Butcher " (le personnage joué par Daniel Day-Lewis dans Gangs of New-York) :

Avant                                              

        

Après...

                 

 

 

 

 

Site officiel de Nick Cave :

http://www.nickcaveandthebadseeds.com/

 

 

Nick Cave and Warren Ellis – The Proposition (B.O.)

1. Happy Land
2. Proposition #1
3. Road To Banyon
4. Down To The Valley
5. Moan Thing
6. Rider #1
7. Martha's Dream
8. Gun Thing
9. Queenie's Suite
10. Rider #2
11. Proposition #2
12. Sad Violin Thing
13. Rider #3
14. Proposition #3
15. Rider Song
16. Clean Hands, Dirty Hands

Article sur son album précédent.

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4 mai 2006 4 04 /05 /mai /2006 21:24

09/05/2004 - 4AD  *****

Un chef-d’œuvre. Le genre de disques qui vous oblige à faire une chronique ridicule. Soit parce qu’on tente de retranscrire l’incroyable fascination qu’il provoque, son exceptionnelle puissance expressive – ce qui entraîne une débauche de superlatifs pompeux et boursouflés. Soit parce qu’on essaie d’être modéré, de ne pas se laisser emporter, ce qui crée un décalage absurde entre le génie de l’œuvre et la platitude du commentaire... comme si un type, ayant enfin un rendez-vous avec la fille de ses rêves, celle dont le moindre geste le charme et l’ensorcèle au plus haut point, n’arrivait qu’à lui parler… des fonctionnalités de son téléphone portable.

Parler d’un disque qu’on adore, c’est toujours un peu comme déclarer sa flamme. Ne pas être trop expansif, ne pas gueuler " Je t’aimeuh ! " ou "  Que je t’aimeuh ! " comme les 2 autres pénibles lourdauds, sans non plus faire preuve de trop de pudeur ou de retenue.

Pourtant, j’admets qu’il est possible de ne pas aimer ce disque. Il est tellement sombre, expérimental, fou, la voix de Scott Walker est si particulière… possible de ne pas l’aimer, mais impossible d’y être insensible, de ne pas remarquer ses qualités extraordinaires et de ne pas s’incliner devant un tel génie. Le mot est lancé. Mot que j’ai toujours du mal à employer pour le rock ou la pop, difficile de désigner par le même terme un groupe de rock et les indiscutables génies que sont De Vinci, Michel-Ange, Shakespeare, Bach, Mozart, Beethoven etc… Mais Scott Walker a droit à une dérogation. Un album aussi intelligent, inventif et saisissant… Quand on passe les ¾ de son temps dans la musique, qu’on entend des tas de bons, très bons et d’excellents albums et qu’on se retrouve assommé par un OVNI qui vous fait dire toutes les deux secondes " hallucinant ! ", on n’a plus le moindre scrupule à utiliser les qualificatifs les plus élevés. Et à se prosterner religieusement… tant pis pour la retenue…

Tous les titres sont exceptionnels. Pas des pop-songs de 3-4 mn avec 1 ou 2 idées, mais des morceaux riches, denses, intenses, captivants et complexes, dépassant les 6 mn pour la plupart et allant jusqu’à 10 et 12 mn. Scott Walker déborde de créativité. A un point que c’en est insultant pour les tacherons, les groupes honnêtes, et même les très bons. Orchestrations, harmonies, chant, rythme, structures, ambiances… il est hors du commun à tous les niveaux.

Scott Walker avait déjà frappé un grand coup avec le génial Tilt (son précédent album, sorti il y a plus de 10 ans), il récidive avec un album encore plus abouti. Tilt n’était donc pas indépassable. Mais ce ne sont pas ses seules réussites. Je recommande chaudement, pour découvrir sa première période, moins expérimentale et néanmoins remarquable, l’excellent best-of 1967-1970 truffé de perles pops inoubliables.

 

En conclusion… The Drift est déjà le disque de l’année… voire du siècle si la concurrence ne se démène pas sérieusement.

Clip de Jesse sur le minisite consacré à The Drift (allez sur video, en bas de la page).

Article consacré à Scott Walker - plus particulièrement à l'album Climate of Hunter - sur l'excellent blog Chants éthérés. Vous y trouverez aussi un lien vers des retranscriptions (textes + accords) de bon nombre de ses meilleurs titres.

Longue interview (en anglais) accordée à Wire, ici

L'album en écoute intégrale sur deezer.

Scott Walker – The Drift

  1. Cossacks Are
  2. Clara
  3. Jesse
  4. Joson and Jones
  5. Cue
  6. Audience
  7. Buzzers
  8. Psoriatic
  9. The Escape
  10. A lover loves

 

 

 

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24 avril 2006 1 24 /04 /avril /2006 13:44

Rock            04/2006 - Closed for private party records

Comme cela [était] écrit dans la colonne de gauche, je me suis donné pour but de ne pas ici faire la promo de nouveaux artistes sympas mais dispensables, de ne pas crier au génie au moindre groupe britannique à franges et guitares. Mais celui dont je vais vous parler n’est pas " dispensable ". Et je ne dis pas ça parce que c’est un ami. D’ailleurs, la première fois que je l’ai rencontré - c’était il y a près de 10 ans dans un bar ou il jouait – je me suis pris une grande claque. Fasciné autant par son jeu de piano que sa voix incroyable (le rejeton d'un ménage à trois détonnant : Elvis, Janis Joplin et Tom Waits). Pour vous dire s’il est bon… car à l’époque, le rock des années 50 et le gospel n’étaient vraiment pas mon truc. J’étais insensible à ces genres, voire carrément hostile. Mais ses interprétations de morceaux blues, rock, country ou gospel ont été une… révélation ! Un jeune français blanc qui jouait totalement décomplexé et avec une telle vista ces musiques, comme s’il avait toujours baigné dedans et pouvait se permettre d’en faire ce qu’il voulait… vraiment pas banal.

 

L’album est exclusivement composé de reprises - à part un instrumental morriconien – reprises très… personnelles. Mais son prochain album, déjà en préparation, comportera beaucoup plus de compos.

En schématisant, on pourrait distinguer 4 manières de faire des reprises :

- L’hommage poli, à la note près, ou l’interprète s’efface derrière l’œuvre… qui consiste finalement plus à enterrer qu’à faire revivre.

- L’adaptation " au goût du jour ", parfois pertinente… souvent opportuniste.

- La parodie : marrant, mais anecdotique et vite lassant.

- Retrouver l’esprit et l’essence du genre, sans se laisser écraser par le poids du passé. La plus intéressante à mon sens et, vous l’aurez deviné, celle dont il est ici question.

Privilégier la rugosité à la joliesse, l’amateurisme foutraque et spontané au professionnalisme lissé et léché, l’expressivité et l’intensité aux bonnes manières, l’urgence et la sensation à la réflexion… tels sont les parti-pris de ce South of hell, France et telles sont les raisons qui font de ce disque un " vrai " disque rock. On est loin ici des groupes de bal soporifiques et proprets qui jouent du rock des années 50 avec l’entrain d’un Vincent Delerm sous tranxène, loin du gospel sans aspérité de l’insupportable Pagny massacrant happy days (avant de massacrer l’opéra), loin du blues light et inoffensif… à ce propos, je lui demandais s’il avait vraiment joué de tous les instruments sur l’album, voilà ce qu’il m’a répondu par mail :

 

J'ai bien joué de tous les instruments avec mon super 8 pistes anti-moderne et mes amplis pourris. J'en ai discuté pas mal de temps avec le gars du label, et ce qui lui a plu justement, c'est cette ambiance 'live' pas très éloignée des enregistrements de groupes 'garage' dans les 60's voir des premiers bluesmen (avant que le blues ne devienne une musique pour médecins généralistes), bref un peu crade, un peu trash avouons-le…

 

Si vous hésitez encore à acheter cet album, si le seul fait qu’il soit très bon ne vous suffit pas… ajoutons quelques arguments imparables :

Tout d’abord… le prix ! 7 euros, frais de port compris, c’est vraiment pas grand chose. D’autant plus que l’argent ne va pas dans les poches de cyniques businessmen et directeurs marketings de grosses majors, mais pour moitié dans la sienne, et l’autre dans celle du producteur.

C’est aussi l’occasion de supporter une façon bien plus équitable et moderne de distribuer et produire la musique. Le "Révérend Frost" a son propre blog (Spread the Good Word, destiné à faire connaître des titres de rock – essentiellement des années 50 - piochés dans sa discothèque bien fournie). Il a laissé il y a un certain temps une de ses reprises en écoute et un New-Yorkais, qui songeait à créer un label, a été tellement emballé qu'il a décidé de se lancer et de le produire ! Pas de campagne de pub ruineuse ni de matraquage médiatique, pas d’intermédiaires inutiles et de pros du marketing… ils comptent juste sur le bouche à oreille (ou le blog à oreilles).

Ensuite, South of Hell, France n’est sûrement pas le dernier mot du Révérend Frost, qui a encore beaucoup à dire et faire. C’est un " premier jet " très prometteur, fait seul, avec très peu de moyens dans un laps de temps très court. Son univers musical de prédilection est le blues et le rock des années 50… mais il a une culture musicale très éclectique (comme il le dit lui-même, il écoute de tout, de Abba à Zappa… sauf Abba)

Enfin… parce qu’il faut le voir " en live " ! Habité, fracassant… avec une bonne dose d’humour et de dérision. Mais pour que tous aient la chance de le voir en concert, il faut qu’il puisse tourner en-dehors du sud de la France, et donc que son disque se vende ! Si vous êtes dans le coin et voulez juger par vous-même, il joue ce samedi (29/04) à Marseille au " Cosmic’up ", (à côté de l’espace Julien).

 

Quand on l’entend, on pense beaucoup à Tom Waits… Voix rauque, grave, chaleureuse et puissante, même goût pour les sons rugueux, les musiques populaires américaines traditionnelles et les adaptations très personnelles. Mais puisqu’il n’a aucun complexe, il va jusqu’à reprendre un titre de Tom Waits, et déconstruire lui-même ce morceau du roi de la déconstruction (si vous connaissez l’original… vous pourrez mesurer la différence). En écoute :

Way down in the hole

Un autre titre à écouter sur  Closed for Private Party Records, le site du label avec le lien pour acheter l’album !

 

Rev Tom Frost - South of hell, France (Spread the good word, vol.I)

1. Deep River (Trad.)

2. I Walked the Line (Johnny Cash)

3. All the Way Home (St Hubbins/Tunnel)

4. White Lightning (Wooley)

5. Sway (Gimbel/Ruiz)

6. I Saw the Light (Hank Williams)

7. Way Down in the Hole (Tom Waits)

8. Desert Song (Tom Birnbacher)

9. Mercedes Benz (Janis Joplin)

10. You belong to me (King/Stewart/Price)

 

 

Un dernier mot : marrant que cet album sorte à la même période que le film Jean-Philippe. Car l'idée d'un monde sans Johnny... on signe tout de suite, surtout si le "Révérend" Tom Frost peut prendre sa place ! Ainsi, les américains arrêteront de croire qu'on est incapable de faire du rock en France !  

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