Avec l'arrivée du net et du téléchargement, les amateurs de musique sont devenus beaucoup plus boulimiques, passent d'un album à l'autre rapidement, et prennent beaucoup moins de temps pour les écouter... Voilà une constatation assez peu discutable sur les nouvelles habitudes de consommation de musique, et, pourtant, à nuancer. J'ai ainsi passé deux heures à écouter ce Bandoliers tiré de l'album de Them Crooked Vultures (Josh Homme, John Paul Jones, Dave Grohl, rien que ça...) Non pas deux heures disséminées à droite à gauche, mais bien deux heures d'affilée, avant-hier. Puis j'ai réécouté ce même morceau une bonne vingtaine de fois depuis. Comme quoi, même un fou de musique qui écoute plus de 200 nouveaux albums chaque année peut toujours être vraiment accroché par une chanson. Pourquoi cette fascination pour ce morceau ? J'en sais trop rien. Mais j'ai bien une hypothèse, sans doute que j'y retrouve ce que j'aime tant chez Queens of the Stone Age et que j'ai tant aimé chez Led Zep dans ma jeunesse, du rock qui a de l'ampleur, du lyrisme, mais avec ici ce groove et cette coolitude qui l'empêche de tomber dans le pompeux ou la niaiserie. Tout comme Led Zep qui, malgré les constructions alambiquées et la virtuosité avait suffisamment d'intensité et de groove pour éviter cet écueil.
Entre Josh Homme (leader de Queens of the Stone Age, précision pour ceux qui n'auraient pas écouté de rock ces 10 dernières années), Dave Grohl (batteur de Nirvana, pour ceux qui n'auraient pas écouté de rock ces 20 dernières années) et John Paul Jones (bassiste de Led Zeppelin, pour ceux qui n'auraient pas écouté de rock ces 40 dernières années), on a donc un membre de Led Zep et deux fans du groupe qui lui doivent énormément. Bien sûr, Bandoliers ne sonne pas comme le Led Zep des 70's, c'est bien du rock "actuel"... mais ce rock assez "lyrique", groovy, qui évolue intelligemment et emporte l'auditeur est dans une pure lignée zeppelinienne. Le passage instrumental au milieu du morceau avec rythme martial de batterie et mélodie orientalisante a d'ailleurs un petit quelque chose de l'illustre Kashmir.
Un mot, aussi, sur l'excellente partie de batterie de Dave Grohl, qui vaut à elle-seule l'écoute du morceau... il faudrait vraiment que quelqu'un se décide un jour à dire à Dave de rester derrière les fûts et ne plus en bouger, et de renoncer ainsi aux conneries du genre Foo Fighters. La partie de basse de John Paul Jones comme les guitares et le chant de Homme sont tout autant remarquables : pas de démonstration, juste de formidables musiciens rock très inspirés sur ce titre.
Comme Era Vulgaris, je trouve l'album un peu décevant - pas honteux ni catastrophique, loin de là, il y a plusieurs très bons morceaux -, pas à la hauteur de ce qu'a pu faire Homme jusqu'à l'excellent Lullabies to Paralyse... mais avec chaque fois un morceau qui m'obsède totalement et que je ne peux m'empêcher d'écouter et réécouter, c'était River on the Road sur Era Vulgaris, c'est Bandoliers ici.
Them Crooked Vultures - Bandoliers
Peut-être aussi que les chansons actuelles sont moins marquantes, ce qui explique - en-dehors de la boulimie liée à la facilité du téléchargement et l'âge adulte qui fait que les morceaux nous touchent moins profondément que lorsqu'on les découvre ado - que l'on s'y attache moins. Ces trois derniers mois, deux morceaux m'ont obsédé, Liar's Ink du dernier Black Heart Procession, et celui-ci. Mais il faut sans doute remonter à Threads de Portishead, l'année dernière, pour que je retrouve une autre chanson qui ait exercé sur moi un tel pouvoir d'attraction. Alors je serais très curieux de savoir si vous aussi, vous avez été récemment, comme dans votre jeunesse, obsédé par une chanson... et si oui, laquelle...
L'album de Them Crooked Vultures en écoute sur musicme.
Photos de leur concert à Rock en Seine chez Ska.
La chronique de l'album sur Le Bal des Vauriens, et sur dans le mur... du son