On ne dira jamais assez tout le mal qu'a pu faire Johnny Clegg aux musiques africaines. Il m'aura fallu plus d'une dizaine d'années et une écoute intensive de blues et de jazz pour, du bout des oreilles, commencer à m'intéresser aux musiques d'Afrique, après avoir été sévèrement refroidi, dans ma jeunesse par les gros tubes de Johnny Clegg. Car lorsque vous étiez ado dans les 80's, les seules musiques aux couleurs africaines diffusées par la radio étaient celles de Johnny Clegg, Kassav', la Compagnie Créole... bref, de quoi vous en dégoûter pendant longtemps.
On ne dira jamais assez tout ce que les musiques populaires occidentales doivent aux musiques africaines. Via le blues et le jazz, notamment, et moins par les sonorités, mélodies et harmonies que le rythme, le groove, la répétition, les riffs, le grain et l'expressivité du chant, la transe etc...
Ces derniers temps, folk et rock semblent revenir vers l'Afrique, à travers quelques groupes et artistes notables... les plus hype et les moins intéressants étant Vampire Weekend, et les plus convaincants Fool's Gold, BLK JKS et Stanley Brinks.
Stanley Brinks - Hoots
Stanley Brinks est le nouveau pseudo d'André des frères Herman Düne, qui livre ici un des tous meilleurs albums de ce début d'année (bien parti pour rester un bon moment dans le groupe de tête du classement des blogueurs).
Partant d'une base "ethio-jazz", Stanley Brinks se réapproprie le genre pour en faire quelque chose de très personnel et passionnant, de l'ethio-jazz-folk éthéré, hypnotique et envoûtant, porté par sa voix haut-perchée et délicate... une excellente surprise.
L'article d'Arbobo.
L'album en écoute intégrale et gratuite ici, sur le site du label
BLK JKS - After Robots
Quatre musiciens sud-africains lancés dans un mélange détonant de rock et musiques africaines. Dommage que l'album, qui part sur un rythme effréné, faiblisse un peu sur la fin. Passé un peu inaperçu en fin d'année dernière, il mérite largement qu'on y prête attention...
L'album en écoute intégrale sur musicme
Fool's Gold vs Vampire Weekend
Oubliez l'afro-pop, lisse, gentillette voire niaise du dernier album de Vampire Weekend, et préférez celle, beaucoup plus intense, chaleureuse et énergique du collectif californien Fool's Gold. Un album remarquable, d'une efficacité redoutable de bout en bout, tout simplement parfait dans son genre.
L'article de Klak
L'album en écoute intégrale sur deezer
Pourquoi cet intérêt de groupes pop et rock pour l'Afrique ? Chacun aura ses propres raisons, mais il est normal que, par périodes, la musique pop en revienne aux musiques africaines (vous noterez qu'à ce stade de l'article, j'ai réussi à ne pas avoir cité encore le nom des Talking Heads)... une manière, notamment, de proposer une alternative à la musique pop formatée, surproduite et hyper-artificielle de nos sociétés. Car, dans l'inconscient collectif, l'Afrique reste liée à la nature, au rythme, à la spontanéité, à l'authenticité, à une certaine simplicité "terrienne" (il y a même quelques plaisantins, paraît-il, qui pensent que l'Afrique n'est pas encore entrée dans l'histoire...) Puiser dans l'Afrique - berceau de l'humanité comme de la musique pop américaine - c'est une manière d'éviter le versant trop intello, esthète, élitiste et pitchforkien de l'époque ; comme celui, à l'opposé, industriel, lisse et factice calibré pour les radios commerciales. Un idéal de musique populaire physique, terrienne, festive, immédiate et entraînante...
C'est l'occasion, aussi, de vous faire écouter un peu de "vraies" musiques africaines actuelles... De l'afro-beat avec Tony Allen, l'ex-batteur historique de Fela Kuti qui, l'année dernière, a sorti deux très bons albums, Secret Agent et, avec Jimi Tenor, Inspiration information 4 (l'article de Nyko, l'album en écoute sur grooveshark)
De l'ethio-jazz, avec le retour l'année dernière du pape du genre, Mulatu Astatke, pour une collaboration avec les Heliocentrics qui a donné en 2009 un excellent album, après plusieurs décennies de silence discographique... et bien parti sur sa lancée, Mulatu Astatke a un nouvel album prévu pour la fin du mois.
Mais la musique africaine, ce n'est pas que du rythme, de la transe et la fête... elle peut tout aussi bien être calme et contemplative, comme le bel album sorti il y a peu d'Ali Farka Touré et Toumani Diabaté, intitulé simplement Ali & Toumani. Si vous n'êtes pas un habitué des musiques africaines, vous pourriez le trouver un peu trop répétitif et monotone... mais si vous n'avez rien contre, ne vous en privez pas...
L'article de Thierry
Pour un dossier plus détaillé, cf. Arbobo : Une Afrique... des musiques