Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

Playlist 2020

Classements d'albums

28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 19:38

05/02/2013

 

clipping-midcity.jpgL’album qui m’a le plus captivé en ce début d’année n’est pas le dernier Nick Cave, mais bien ce Midcity de Clipping (d’obscurs rappeurs bruitistes – non, ne fuyez pas). Pourtant, il est très réussi, le Push the Sky Away du grand Nick. Un album qui s’écoute en boucle avec plaisir, rien à redire sur les mélodies, les instrumentations, le chant, c’est du bel ouvrage à tous les niveaux…  il était même jusqu’à la semaine dernière mon album préféré de ce début d’année. Mais il a beau être plein de qualités, il y manque tout de même un petit quelque chose… un grain de folie, peut-être. Ce qui fait basculer un album de la catégorie « très bon album » à « grand album » : le fait qu’il vous mette une grande claque. Et, au hasard de recherches sur bandcamp, j’ai découvert ce formidable album de Clipping qui m’en aura mis, lui, une belle.

Du rap sur des instrus bruitistes…  une alchimie qui fonctionne ici à merveille. Il y a deux types d’alchimie en musique, celle, stylistique, qui consiste à mélanger des éléments de styles divers, et l’autre, que l’on pourrait définir comme la « musicalité », l’art de faire de ce mélange quelque chose qui va fonctionner plus ou moins bien. L’alchimie stylistique de cet album est particulièrement efficace et pertinente, car on a plus que jamais besoin, lorsque le hip-hop se fait un peu trop lisse et consensuel, de rappeurs qui se radicalisent pour continuer à porter haut le flambeau d’un rap insoumis et original. Pour autant, le « bruitisme », ce n’est pas nouveau… il y a tout juste un siècle, en mars 1913, Luigi Russolo publiait L’art des Bruits, manifeste du mouvement futuriste italien. Parler sur des musiques non tonales et agressives, c’est encore un peu plus ancien, il faut remonter quelques années avant, avec Schönberg (« Sprechgesang » (parler-chanté) et musique expressionniste). Mais, bien entendu, la comparaison avec Clipping s’arrête là, il s’agit de deux époques et deux univers musicaux très différents. Précisons aussi que Clipping ne sont pas non plus les tous premiers à faire du rap bruitiste… mais eux le font particulièrement bien.

La 2° forme d’alchimie musicale… peut se diviser en deux. En premier lieu, la manière d’agencer des sonorités / styles / éléments musicaux, ce qui est encore remarquable chez Clipping, car il ne s’agit pas de « rap bruitiste » où les textes seraient hurlés sur un déluge de bruits, c’est bien plus subtil et « musical », puisque la voix est claire, c’est du vrai rap, avec un excellent flow, du groove, une scansion incantatoire et accrocheuse, le tout ponctué par de brèves et intenses instrus bruitistes. Enfin, dernier stade de cette alchimie, le plus subjectif mais aussi le plus important, le fait que tout cela fonctionne ou pas. Le plus important, car après tout, n’importe quel abruti peut faire du rap sur du bruit… ça ne devient véritablement intéressant que si les compositions et l’interprétation sont bien foutues et convaincantes, ce qui est le cas ici. Je suis souvent sceptique face aux musiques dites expérimentales ou bruitistes, car le geste artistique qui consiste à faire des musiques purement dissonantes n’est, depuis longtemps, plus une fin en soi. La musique atonale existe depuis plus d’un siècle, elle était un geste radical, surprenant, dérangeant…  mais en 2013, elle n’a plus rien de novateur. Le bruit pour le bruit, la dissonance pour la dissonance (ce qui n’était déjà pas le cas chez Schönberg, dont la musique très riche et complexe ne peut se réduire à cela), on connaît, et il n’est pas plus possible de s’en contenter maintenant que de se contenter actuellement du caractère « abstrait » d’un tableau pour s’extasier.

D’une certaine manière, Clipping me fait penser à Sonic Youth… la même intelligence musicale qui leur permet d’intégrer des éléments de musiques atonales en général inaudibles pour le grand public, sans pour autant « trahir » le genre auquel ils appartiennent et sans pour autant négliger de faire de vrais bons morceaux. Sonic Youth, ça reste avant tout du rock, intense et accrocheur, comme Clipping fait du rap, tout aussi intense et accrocheur… Alors certes, pas plus que Sonic Youth ne pourrait séduire le premier fan de U2 venu, Clipping ne saurait séduire le premier fan de Kanye West venu. Mais pour peu que l’on soit ouvert à de nouvelles expériences musicales et qu’on n’ait pas l’oreille trop fragile ni frileuse, même sans être un inconditionnel de musiques expérimentales, on peut sans problème être captivé par ce grand album.

Pour terminer sur un point plus anecdotique, il est assez surprenant et amusant de constater que Clipping vient de L.A., bastion du gangsta-rap funky et cool, pas le genre d’endroit où l’on s’attend à trouver ce genre de hip-hop…

L’album en écoute :

 

(Vous noterez aussi, dès le morceau d’intro, la virtuosité du flow…)

Une excellente vidéo du groupe en studio :

 

Laissons-leur la parole en guise de conclusion, voilà comment ils se définissent sur facebook, et c’est plutôt bien vu :

Clipping: make party music for the club you wish you hadn't gone to, the car you don't remember getting in, and the streets you don't feel safe on.

 

Le site web de Clipping

 

Partager cet article
Repost0
2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 20:56

Contrairement à l'an dernier, 2012 aura été à mon sens une meilleure année pour le rap que pour le rock. Quatre albums se détachent du lot : ceux de DJ Format, Apollo Brown, La Coka Nostra et Aesop Rock, quatre albums que j'ai du mal à départager, ils sont chacun remarquables dans leur genre.

 

Pas de Wu-tang cette année sur le podium, leurs deux principaux albums sortis ces derniers mois sont trop inégaux... et pourtant - chassez le naturel - mon morceau rap favori de l'année, d'un cheveu devant l'excellent Zero Dark Thirty d'Aesop Rock, est tout de même estampillé Wu-Tang : The Archer, par Killa Sin (prod. F. Dukes) sur la BO du film de RZA, The Man with the Iron Fists. Les anciens ont toujours de beaux restes, Get Up stand Up de Public Enemy n'est pas loin derrière... je vais peut-être en faire hurler certains (à défaut de les étonner s'ils me lisent régulièrement), mais je préfère de loin le Get Up Stand Up de Public Enemy à celui de Bob Marley (ce morceau de Public Enemy n'est pas une reprise, mais bien un original)...

 

Une playlist de rap sombre et tourmenté pour bien commencer l'année, vous en rêviez, Music Lodge l'a fait...

 

Les meilleurs morceaux rap de 2012 : 

  

 

 

 

Les titres de la playlist :

 

DJ Format - Spaceship Earth (feat. Edan)

Aesop Rock - Zero Dark Thirty 

Lute - That's how it goes (dirty)

Apollo Brown & OC - Disclaimer

La Coka Nostra - The Story goes on

yU - Delay (feat. Diamond District)

Killa Sin - The Archer

Kendrick Lamar - Good Kid

Killer Mike - Don't Die

Lil Wayne - I don't Like

Urthboy - Cleopatra

Public Enemy - Get Up Stand Up (feat. brother Ali)

 

Les 15 meilleurs albums rap de l'année :  

 

1. DJ Format - Statement of Intent (8,5)

2. La Coka Nostra - Masters of the Dark Arts (8,5)

3. Apollo Brown & OC – Trophies (8,5)

4. Aesop Rock – Skelethon (8,5)

5. yU - The Earn (8)

6. Quakers - Quakers (8)

7. Lute - West1996 (8)

8. I Self Devine - Reports from the field : In the Trenches (8)

9. RZA - The Man with the Iron Fists (7,5)

10. Killer Mike - R.A.P. Music (7,5)

11. Flying Lotus - Until the Quiet Comes (7,5)

12. Public Enemy – Most of my Heroes still don’t appear on no Stamp (7,5)

13. Odd Future - Of Tape Vol. 2 (7,5)

14. Serengeti - C.A.R. (7,5)

15. Kendrick Lamar – Good Kid, M.A.A.D City (7)

 

A suivre, le best-of folk de l'année... 

Partager cet article
Repost0
10 août 2011 3 10 /08 /août /2011 16:20

Le rap a beau exister depuis une trentaine d'années, il reste toujours pas mal de gens pour penser que "le rap, c'est facile, suffit juste de parler sur des samples". C'est à eux que je dédie ce Worldwide Choppers de Tech N9ne (et donc pas à mes lecteurs habituels qui, je l'espère, ne tomberaient pas un tel cliché), une rencontre au sommet entre quelques-uns des plus grands virtuoses du rap. Tech N9ne, bien sûr, et, par ordre d'apparition : Ceza, Tech N9ne, JL, USO, Yelawolf, Twista, Busta Rhymes, D-Loc et Twisted Insane. Mention spéciale à Busta Rhymes ; ils sont tous impressionnants, mais lui est encore un cran au-dessus, sa partie (de 3'50 à 4'40) mérite de rentrer au panthéon de l'art du flow (et pas uniquement pour une question de vitesse d'exécution).      

 

Dommage tout de même que le refrain soit un peu lourd (il pourrait faire penser à du Metallica période Black Album ou du System of a Down), et gâche un peu ce morceau de bravoure : 

 

 

 

Je vous vois venir avec vos gros sabots : "pourquoi fais-tu l'apologie de la virtuosité dans le rap, alors que tu tapes régulièrement sur celle du prog et du metal ? Deux poids deux mesures ?"

Absolument pas. La virtuosité n'est pas une tare en soi, tout dépend de ce pourquoi on l'utilise. Le gros problème de bon nombre de groupes prog et metal qui se vautrent dans la virtuosité, c'est qu'ils laissent la désagréable impression de "premiers de la classe". Du genre "j'ai bien appris mes gammes et mes exercices de tapping et sweeping, je vais vous les jouer à 200 à l'heure pour le prouver". Aucune espèce d'intérêt. Qu'on leur donne des prix dans des concours, pourquoi pas, mais de là à les laisser enregistrer des albums... 

 

Dans la musique classique, art majeur qui revendique richesse et complexité, la virtuosité est assez naturelle. Mais elle est toujours un moyen, jamais une fin, elle doit uniquement servir l'oeuvre et non l'inverse. L'étalage de virtuosité pour en mettre plein la vue n'est pas mieux considéré dans le classique que le prog ne l'a été dans le rock.

La virtuosité jazz a une double légitimité, d'abord celle du rapport à l'Afrique et à la transe, ensuite celle de la révolution be-bop, cette volonté de ne plus "charmer" le grand public comme le faisaient les grands orchestres swing des années 30, mais de privilégier l'expression individuelle. Un cri de révolte, une manière de défouler ses frustrations (celles des noirs américains), même s'il est vrai que le jazz tombe aussi parfois dans la démonstration.

 

Voilà pourquoi Hendrix est un des rares virtuoses de la guitare rock qui a su convaincre au-delà de petits cercles de techniciens. La virtuosité d'Hendrix n'a rien d'un travail de "premier de la classe", bien au contraire, c'est, un peu comme l'a été le jazz, l'expression débridée d'une aspiration à la liberté et à la transcendance.

 

Autre élément à prendre en considération : le groove. Qui permet à la virtuosité jazz comme à celle d'Hendrix de ne pas donner l'impression mécanique de suites de gammes un peu scolaires. 

 

Mais revenons-en à ce Worldwide Choppers... la virtuosité fonctionne ici (comme c'est en général le cas dans le rap) parce qu'elle est dans cette même tradition musicale noire de recherche d'intensité et ce besoin, pour des individus issus de minorités de s'exprimer d'une manière "frappante". Il n'est pas question que de vitesse, la qualité des rappeurs qui se succèdent sur ce morceau ne se limite pas au débit rapide (voire ultra-rapide), mais au travail du "flow", du placement rythmique, particulièrement efficace ici.

 

Sorti il y a peu, le dernier album de Tech N9ne, All 6's and 7's, est à l'image de son morceau de bravoure, Worldwide Choppers... efficace et brillant dans la plupart des couplets, mais malheureusement parfois plombé par des refrains un peu lourds, ou quelque peu racoleurs... le syndrome Eminem, en quelque sorte.

 

L'album en écoute sur Grooveshark.

 

Si vous ne connaissez pas Busta Rhymes, je vous conseille, dans un registre plus léger, sur une prod typique de Dr. Dre, cet autre grand moment de virtuosité rap, le single Break ya Neck.  

 

Partager cet article
Repost0