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Classements d'albums

24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 18:46

Vous comptiez passer un dimanche peinard à surfer sur le net pour vous vider la tête ? Vous avez cliqué sur la mauvaise page... 

 

Pour permettre à ceux qui ne connaissent pas l'harmonie de comprendre certains articles à venir, il me faut passer par une tentative d'explication de quelques fondements de la théorie de la musique. Il est normal que certaines choses vous échappent, essayez au moins de saisir, en gros, de quoi il s'agit...

 

Commençons par une petite question... quelle mélodie ressemble le plus à "do ré mi ré mi" ?

do mi ré mi ré ou fa# sol# la# sol# la# ?

 

Si vous êtes tenté de répondre la première (do mi ré mi ré), parce que vous y trouvez les notes les plus proches de la mélodie de base... c'est tout d'abord que vous n'êtes pas très malin, le piège est évident, et, surtout, que vous ne connaissez pas le monde mystérieux de la théorie musicale.

Do ré mi ré mi et fa# sol# la# sol# la#, c'est la même mélodie (plus grave ou plus aiguë selon le fa# de départ). Ce qui compte, ce ne sont pas tant les notes que leurs intervalles, la distance qui les sépare. C'est pourquoi on peut transposer un morceau (le jouer dans une autre tonalité), et donner l'impression que c'est toujours la même chanson. Pourquoi transposer, alors ? Pour permettre, par exemple, de la chanter dans une tessiture qui correspond à la sienne (en gros, qu'elle ne soit pas trop aiguë ou trop grave pour sa voix). 

 

Un exemple avec une des reprises les plus célèbres, The Man Who Sold the World, écoutez le début de la version de Bowie puis la reprise de Nirvana, vous retrouverez le même riff, mais pas à la même hauteur (il est un demi-ton plus bas chez Nirvana) :

 

The Man who Sold the World :

 

 

  

 

Transposer dans une autre tonalité peut se faire au sein d'une même chanson. Il existe d'ailleurs un procédé assez cliché dans la chanson populaire, qui consiste à monter la tonalité d'un demi-ton (vous êtes dans une tonalité de Do, vous passez au Do#) à la fin de la chanson. On monte donc tous les accords et la mélodie d'un demi-ton, une manière de dire "allez, on se lève de sa chaise, on gonfle les poumons et on reprend joyeusement tous en choeur", courant dans les chansons festives... N'ayant aucune envie de vous faire écouter du Patrick Sébastien ou des morceaux de l'Eurovision  pour le montrer, je vais plutôt vous inciter à écouter un de mes morceaux favoris des 60's, The Seventh Seal de Scott Walker, qui utilise cette montée mais dans un tout autre esprit. Il ne s'agit pas d'aller "chercher'" le public en fin de chanson, mais de monter plusieurs fois d'un demi-ton pendant la chanson, ce qui permet de lui donner plus d'ampleur et de lyrisme :

 

Scott Walker - The Seventh Seal

 

 

Toujours la même suite d'accord et la même mélodie dans cette chanson, mais on passe dans des tonalités différentes. Tonalité de sol mineur du début à 1'43, la bémol mineur de 1'43 à 3'10, puis la mineur de 3'10 à la fin.

La suite d'accord de base est, dans la tonalité de sol mineur (Gm) : 

II: Gm - F :II Gm II (x2) II: Eb  -  F :II Cm II

Après l'avoir fait tourner plusieurs fois, on passe en la bémol mineur (Abm), puis en la mineur (Am) 

II: Abm - Gb :II Abm II (x2) II: E-Gb :II Dbm II 

II: Am -   G   :II A m II (x2) II: F- G :II Dm II

 

(Les "II" sont les barres de mesure, les ":" indiquent que l'on reprend une 2° fois ce qui est à l'intérieur de ces barres, et le (x2) indique que l'on joue deux fois ce qui précède sur la même ligne.) 

 

Changer de tonalité ne change pas le morceau, c'est juste une manière de le jouer plus haut ou plus bas, on change la hauteur, mais pas les intervalles entre les notes. Mais comment fonctionnent au juste gammes, tonalités et accords ? 

 

Pour faire simple, au départ, il y a la gamme. Une gamme est une "échelle"... il n'y a pas de différence (sinon de hauteur) entre deux gammes majeures, elles ont les mêmes intervalles. C'est pourquoi l'on peut transposer un morceau de l'une à l'autre. Il existe bien sûr d'autres échelles que la gamme majeure : les gammes mineures, les gammes pentatoniques (5 notes), les modes anciens ou extra-européens... ils ont chacun leur "structure", qui leur donne une couleur particulière. Si, en écoutant une musique, vous trouvez qu'elle sonne oriental, asiatique, flamenco, blues ou moyenâgeux, c'est parce que la gamme utilisée (le mode) lui donnera l'une ou l'autre de ces couleurs. Autrement dit, les gammes de Do Majeur et Ré Majeur sonnent pareil (l'une sera juste plus grave ou plus aiguë), par contre les gammes de Do Majeur, de Do mineur ou une gamme pentatonique en Do auront chacune une couleur différente. Elles partent d'une même note, mais après, les intervalles diffèrent. 

 

On va se focaliser sur les gammes et tonalités les plus courantes, les tonalités majeures et mineures occidentales; les modes, eux, feront l'objet d'un autre article. 

 

Au départ, donc, il y a la gamme. Un ensemble de 7 notes qui "sonneront" bien ensemble. A partir de ces notes, on forme des accords (un accord est, à la base, un ensemble de 3 notes, mais il peut y en avoir plus, on parle alors d'accords "enrichis"). Et à partir de ces accords, une tonalité. Pour qu'un accord soit dans une tonalité bien précise, il faut que les notes qui le composent soient dans la gamme de départ. Par exemple, si je pars de la gamme la plus simple, la gamme de Do, j'ai les notes suivantes :   

Do ré mi fa sol la si do

 

Tous les accords de la tonalité de do majeur devront ainsi comporter 3 de ces notes. Une explication un peu plus technique, pour ceux qui veulent comprendre dans le détail  : Un accord, c'est un "empilement de tierces". Pour faire un accord de do, vous devez prendre sa tierce, le mi (le ré est la seconde, le mi est la tierce de do), puis la tierce de mi, qui est un sol. Un accord de Do contient donc les notes Do Mi et Sol. Entre do et ré, il y a un ton, et entre ré et mi, un autre ton. Donc, de do à mi, vous avez 2 tons, intervalle qui est celui de tierce majeure. On a ainsi un accord de Do majeur... dans la gamme de do majeur. Ce qui est somme toute logique. Si vous voulez un accord de ré qui appartienne à cette gamme (ou tonalité), même principe, vous prenez la tierce de ré, le fa, puis la tierce de fa, le la. Un accord de ré, dans la gamme/tonalité de do majeur a donc les 3 notes Ré Fa La. Il y a un ton entre ré et mi, mais seulement 1/2 ton entre mi et fa. Donc entre, ré et fa, vous avez non plus 2 tons comme pour l'accord de Do majeur, mais 1,5 ton, c'est une tierce plus petite, une tierce mineure. L'accord de ré qui appartient à cette gamme est alors un accord de ré mineur. Si vous voulez construire un accord de ré majeur, il faut monter la tierce d'1/2 ton, ce qui donne Ré  Majeur = Ré Fa# La. Un accord dissonant dans la tonalité de do, puisqu'il y a une note qui ne lui appartient pas, le fa#. Par contre, à partir des gammes de Sol Majeur ou Ré majeur qui comportent un fa#, on peut construire un accord de Ré majeur.  

 

Vous n'avez rien pigé à l'explication précédente ? Pas grave, ce qui importe, c'est de comprendre qu'une gamme, c'est un ensemble de notes avec des intervalles bien précis, que l'on construit ensuite des accords à partir de ces notes, et votre morceau qui contient ces notes et accords sera dans la tonalité de la gamme de départ.

Par exemple, les accords construits à partir des notes de la gamme de do majeur sont la "charpente", vous jouez par-dessus une mélodie qui utilise les notes de cette gamme de do majeur, et vous avez donc votre morceau dans une tonalité de do majeur. Bien entendu, on introduit parfois des notes étrangères à la gamme, ce qui donne un peu de "piquant"... encore faut-il savoir le faire. Une fausse note, c'est une note qui n'appartient pas à la gamme de départ. Vous jouez en do majeur sur votre guitare, et si vous vous trompez de case et jouez un fa# à la place d'un fa, ça sonnera faux. A moins de connaître l'harmonie et de savoir amener ce fa# subtilement (ou, en tâtonnant, de trouver une manière de le faire). 

 

Revenons au morceau de Scott Walker... imaginons qu'il le joue en concert, qu'il n'ait aucun retour des autres instruments, n'entende que sa voix, la batterie et le public... si, lorsque les musiciens, montent leurs accords dans la tonalité au demi-ton supérieur, il continuait à chanter dans la tonalité de départ, ça sonnerait atrocement faux (il chanterait en sol mineur sur des accords en lab mineur, deux tonalités qui n'ont aucune note commune). Même chose si les musiciens oubliaient de monter pendant que lui le fait. Pourtant, c'est toujours la même mélodie, toujours le même type de suite d'accords, mais il suffit que les tonalités ne soient pas les mêmes pour que tout sonne faux.

 

Ce qui est nécessaire, c'est de bien comprendre que l'important en musique, ce sont ces échelles, structures, à partir desquelles tout le système se construit.

Dans la gamme de do majeur, vous avez les notes Do ré mi fa sol la si do. A partir de chacune de ces notes, vous allez construire un accord, ce qui vous donne :

 

Accords de la tonalité de Do Majeur (M est pour Majeur - mais souvent, on ne le précise pas, on écrit juste Do au lieu de Do M - et m pour mineur):

Do M

ré m

mi m

Fa M   

Sol M

la m

si m5b (le cas de l'accord basé sur la 7° note de la gamme est un peu particulier, il a une quinte bémol, sonne un peu bizarrement et on ne l'utilise pas en général)

 

Puisque les intervalles entre toutes les notes des gammes majeures sont les mêmes, on va retrouver dans chaque tonalité une même structure, la même "suite" d'accords. On parle alors de degrés, car ce qui compte, ce n'est pas de savoir que l'on joue un accord de Do ou de Sol, mais quel est son degré dans la tonalité. On note les degrés en chiffres romains :

 

Tonalité de Do Majeur   Tonalité de Sol Majeur    Tonalité de Ré Majeur

I Do M                                    I Sol M                                   I Ré M

II ré m                                     II la m                                     II mi m

III mi m                                   III si m                                    III fa# m

IV Fa M                                  IV Do M                                IV Sol M

V  Sol M                                 V  Ré M                                 V La M

VI la m                                    VI mi m                                  VI si m

VII si m5b                               VII fa# m5b                            VII do# m5b

 

 

Si vous voulez transposer un morceau qui est à l'origine en Do Majeur dans une tonalité de Sol Majeur, et si la suite d'accord est, par exemple :

Do Fa ré m Sol

vous obtiendrez :

Sol Do la m Ré

L'important, ce sont les degrés, ici : I IV II V

 

Le blues en 12 mesures (comme une bonne partie du rock 50's) a pour suite d'accords :

I     I      I    I

IV   IV   I    I

V   IV    I   V

 

A l'aide du tableau précédent, vous pouvez  jouer cette suite en Do, en Sol ou en Ré, suffit juste de remplacer les degrés par les accords correspondants dans chaque tonalité (et on peut évidemment le faire dans toutes les autres tonalités). Jouer un blues en Do, Sol ou Ré, peu importe, ça ne change que la hauteur, mais ça reste la même grille d'accords, "la même musique". 

 

Un accord de Do Majeur, donc, ne signifie pas grand-chose... tout dépend de sa place dans la tonalité, sa "fonction". Dans une tonalité de Do majeur, au milieu des notes do ré mi fa sol la si do, il est "l'accord fondamental", la base, l'accord sur lequel on se repose. Dans une tonalité de Sol Majeur, il n'est plus le premier degré, mais le IV°, sa fonction est différente... et dans la tonalité de Ré Majeur... il n'existe pas, on a à la place un do#m 5b.

 

La musique occidentale tonale (Haydn, Mozart... jusqu'à n'importe quelle chanson pop) se base sur cette structure, où chaque degré à une fonction précise. Le plus important, c'est le premier degré. Ensuite, le V° degré, qui est celui qui amène le plus de "tension". Puis le IV°. Les 3 accords de base, dans une tonalité majeure, sont justement les 3 accords majeurs de la tonalité (les degrés I, IV et V). Après, vous avez les 3 accords mineurs II, III et VI... moins importants, on peut s'en passer (comme dans la grille de blues, très rudimentaire, qui ne se joue que sur les accords I IV et V), mais ils permettent tout de même de varier les plaisirs, d'adoucir, de nuancer. Et enfin, le paria, le VII° degré, que tout le monde rejette (sauf les jazzmen, friands de dissonances), parce qu'il est pas foutu d'avoir une belle quinte juste, le con (sa quinte est diminuée). 

 

Comment faire comprendre tonalités et degrés à ceux qui ne connaissent pas l'harmonie... j'ai longtemps cherché une métaphore facile à saisir, puis j'ai repensé à une discussion avec Guic', où je lui disais que la musique fonctionnait un peu comme une enquête policière, avec un système de tensions et détente... et au fond, les tonalités sont comme des séries policières basiques, où les degrés sont les différents personnages qui la composent. Je m'explique...

 

Les tonalités ont toutes la même structure, et les accords qui les composent fonctionnent de la même manière. Tout comme les séries policières suivent un même schéma, avec des personnages qui ont chaque fois le même type de fonction. Le premier degré est l'accord "fondamental", celui que l'on retrouve le plus souvent, celui sur lequel les autres reposent, et celui qui va permettre de "résoudre" le morceau à la fin. Il est le héros, l'enquêteur, le fil conducteur, celui auquel le spectateur s'identifie... Mais s'il n'y a pas d'autre personnage que lui, on s'emmerde ferme, il ne se passe rien... le 2° personnage le plus important, c'est donc le "criminel", le "coupable"... soit le V° degré, l'accord qui crée le plus de tension dans la tonalité, le plus "marquant" après le premier. On peut composer un morceau juste avec ces deux accords, créer une intrigue avec ces deux personnages... mais ce serait tout de même très dépouillé. Le 3° accord important, c'est le IV° degré. Il est celui qui "donne la réplique au premier"... par exemple l'adjoint, le(s) compagnon(s), une victime qui demande protection... Ces 3 accords, I, IV et V sont les piliers de l'histoire. I et IV se donnent la réplique, et quand le V apparaît, c'est pour créer une tension... Mais avec ces 3 types de personnages, on peut avoir l'impression de tourner un peu en rond, il faut donc des personnages secondaires, des personnages... "mineurs", les 3 accords mineurs, II, III et VI. Ils ne sont pas indispensables au déroulement de l'intrigue, mais ils lui donnent plus de saveur, détournent légèrement l'attention, permettent de varier. Ce sont par exemple de "faux-coupables", des témoins, des collègues du héros qui n'ont qu'un petit rôle à jouer, ou encore une veuve éplorée.

 

Distribution des rôles dans ce "polar musical", par ordre d'importance :

I : Le flic héros de la série

V : Le criminel

IV : L'adjoint du héros

VI : Un flic avec un rôle secondaire

II : La veuve éplorée

III : Un faux-coupable (après tout, le III° degré a deux notes communes avec le V°, on pourrait prendre l'un pour l'autre...)

(et le VII, c'est le type qui joue mal, qui "sonne faux", et qu'on a coupé au montage)

 

En fait, un accord de Sol Majeur, c'est un acteur... s'il se trouve parmi les notes de la tonalité de Sol Majeur, il sera le "héros" de sa propre série. Et s'il se trouve dans une tonalité de Do, il sera le V° degré, le coupable. Quand vous voyez débarquer Sol Majeur dans sa série, vous l'identifiez tout de suite comme le héros. Mais si vous voyez ce même acteur dans une autre série (autre tonalité), vous n'allez pas vous dire "tiens, voilà ce bon vieux Sol Majeur, il va résoudre l'énigme et arrêter le coupable..." Non, vous savez bien que ce n'est qu'un acteur, qui jouera un coupable ou personnage secondaire dans une autre série. Selon la tonalité/série où on le place, un même accord/acteur va sonner/jouer différemment et être perçu d'une autre manière par l'auditeur/spectateur.  

 

On a donc dans une série policière basique/tonalité toujours les mêmes personnages, qui ont toujours la même fonction... c'est le "cadre", mais après, il y a heureusement le travail du créateur, qui fait qu'avec un même matériau, on n'a jamais la même histoire / la même musique. Chaque accord / personnage a sa fonction, mais, selon la série, on peut mettre plus en valeur le criminel ou tel personnage secondaire, avoir un héros omniprésent ou plus discret, créer des liens particuliers entre tel ou tel personnage, changer l'ordre d'apparition des protagonistes... et s'ils ont la même fonction dans le déroulement de l'intrigue / de la musique, ils peuvent avoir leur propre personnalité, "sonner différemment"... que ce soit en leur ajoutant une note (en plus de la fondamentale, de la tierce et de la quinte, une 7°, une 9°, une 11° ou une 13°), en changeant l'instrumentation, varier son caractère par l'attaque (chaque accord / personnage peut être soit vigoureux, tendre, sec, brutal, calme, nerveux, selon la façon dont on le plaque). Bref, il existe une infinité de possibilités, et l'on est encore loin d'épuiser la musique tonale comme les histoires policières... les accords ont beau garder la même fonction, il y a aussi cette "petite musique", la mélodie, qui va lier tous ces personnages, et qui, chaque fois différente (selon le rythme, l'agencement des notes qui la composent, l'introduction de petites notes étrangères) crée l'identité du morceau / de la série ou de l'épisode, et donne l'impression qu'on nous raconte chaque fois une histoire différente...         

 

 

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18 avril 2010 7 18 /04 /avril /2010 16:24

Pour des chroniques, billets d'actualité, infos sur un thème, journaux intimes, le blog est le support idéal. Mais pour ce que je fais ici et ce que je ferai à l'avenir, il ne me satisfait pas totalement... un classement des blogueurs, suivi d'un dossier plus fouillé, une playlist, une chronique... tout cela mis à la suite systématiquement est un peu trop bordélique. Il y a des articles que j'ai envie de mettre en évidence et ne pas voir disparaître dans les archives au bout d'une ou deux semaines, à l'inverse des mini-chroniques que j'aimerais faire plus souvent, mais auxquelles je renonce parce que les voir en tête du blog à la place d'un article à mon sens plus "important" ne me plaît pas trop... Par exemple, même si je sais qu'une bonne partie des habitués de mon blog ne seront pas vraiment intéressés par l'album - pourtant exceptionnel - de Bjarnason, et ne liront qu'en diagonale (voire pas du tout) la chronique, je tiens à la laisser en tête du blog plusieurs jours, parce que c'est un album qui compte pour moi, et j'ai envie de pousser mes lecteurs à l'écouter. Mais pendant ces quelques jours où je le laisse en tête, je découvre d'autres albums, certains dont je voudrais dire 2-3 mots, mais je ne le fais pas pour ne pas "déloger" Bjarnason...

Je n'ai ni les compétences ni les moyens pour transformer ce blog en véritable "site", mais j'aimerais qu'il s'approche plus de ce type de format. Le plus simple serait une page d'accueil, un peu dans l'idée de ce qu'on trouve sur PlanetGong et chez Arbobo, sauf qu'au lieu de liens vers les derniers articles, il y aurait les liens vers des catégories : CDB, playlists, chroniques, dossiers etc...

L'avantage du format actuel et "traditionnel" du blog, c'est que les visiteurs réguliers voient chaque jour (ou tous les 2-3 jours, ou chaque semaine selon leur fréquentation) les derniers articles. Le problème de cette page d'accueil avec les différentes catégories, c'est qu'elle incitera sans doute moins à débattre sur tel article ou tout simplement à lire chaque nouveau billet. Mais en pesant le pour et le contre, il me semble tout de même préférable de m'orienter vers quelque chose qui ressemble plus à un "site" qu'à un "blog".  

Pourquoi est-ce que je vous déballe toute cette petite cuisine interne ? Parce que j'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous tenez au format actuel, et, surtout, pour ceux qui ont un blog sur Over-Blog, si vous avez une idée de comment mettre cela en place. Est-ce qu'un compte premium permettrait d'avoir accès à des fonctionnalités qui faciliterait cette nouvelle mise en page, est-ce qu'il y a des choses à trafiquer dans le CSS ? Je peux me contenter d'une simple page avec les noms des catégories, mais si vous avez des conseils sur comment faire quelque chose d'un peu plus chiadé (comme PlanetGong et Arbobo), je prends...

(Non, je ne me suis pas trompé de lieu en postant ce message sur mon blog plutôt que sur le forum d'OB, je le fais parce que j'aimerais avoir l'avis de ceux qui me lisent, et de ceux qui ont un blog musical et se sont posés ce type de question ou connaissent des trucs pour changer la mise en page)   

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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 09:06

De sa conception à sa consommation, il en va de la musique comme de l'art culinaire... car pour faire de la bonne musique, il faut de bons ingrédients, de la précision, du goût et du talent. Et pour l'apprécier comme il se doit, il faut un palais / des oreilles capables d'en saisir les saveurs avec subtilité...

 

La formation du goût

Faites goûter un quintette de Schumann à un gamin, et il vous dira "beurk", ce con. Si vous laissez vos gamins décider de chaque repas, si vous les laissez manger uniquement ce qu'ils préfèrent... il y a  des chances qu'ils ne se nourrissent que de frites, hamburgers, pizzas, gâteaux et sucreries en tous genres. Et, plus tard, ils auront du mal à s'habituer à une cuisine plus saine, plus fine, et de meilleure qualité. C'est un peu ce qui se passe en musique... à force de proclamer que "tous les goûts se valent", on finit par ne plus avoir de goût du tout, ou renoncer à éduquer les oreilles/palais. Il ne s'agit pas vraiment de "forcer" les goûts car, en musique comme en cuisine, vous avez de grandes chances de susciter ainsi une réaction de rejet, de dégoût, mais plutôt de savoir orienter vers des nourritures plus saines, ou du moins d'apprendre à manger/écouter. Tout n'est que question de conditionnement (pas toujours évident, par exemple, d'aimer les musiques/plats traditionnels exotiques quand on n'a pas l'habitude de ces saveurs). Difficile d'apprécier les qualités gustatives et saveurs de produits sains, bios, du terroir, lorsqu'on est habitué à engloutir des sandwichs steak/frites/ketchup et de la junk food, plus facile et attractive au premier abord. On ne savoure pas les produits plus sains comme on "dévore" de la junk food... Dévorez sans prendre le temps de saisir les saveurs, nourrissez-vous chez McDo et de pizzas, tartes, plats surgelés et industriels... vous risquez de trouver "fades" ou peu agréables des produits plus naturels et de bien meilleure qualité nutritionnelle. Mais si vous faites cet effort, si vous avez un peu d'ouverture d'esprit, si vous savez écouter vos sens et êtes capables d'apprendre à manger plus intelligemment et subtilement, c'est la junk food qui finira par vous sembler plutôt fade, voire indigeste. Un quatuor à cordes d'un grand compositeur, ça ne semble pas aussi bon qu'un gros tube pop, mais si vous apprenez à le goûter, vous verrez que le tube pop semblera à côté trop peu "nourrissant" et bêtement bourratif...  Bien sûr, comme dans tout, il faut savoir être mesuré, et il n'y a aucun problème, une fois de temps en temps, à se faire un bon gros steak frites ketchup, manger quelques sucreries... le problème, c'est qu'en musique comme en cuisine, dans nos sociétés de loisir, de plaisir "immédiat" sans grande conscience, c'est en général l'inverse qui se produit, junk food et junk music dominent et conditionnent les citoyens. Résultat : des oreilles et des palais grossiers, incapables de goûter pleinement les finesses de nombre de saveurs gustatives et auditives.  

Le bon dosage

Le sucre, c'est bon, mais à trop forte dose, ça peut vite être écoeurant... une mélodie douceureuse, avec de trop grandes rasades de violons sirupeux et une production trop lisse, ça ne peut plaire qu'aux accros au sucre. C'est comme mettre du nutella sur une meringue déjà remplie de confiture. Ce qui revient à ce que je disais sur ce très beau morceau d'Amalia Rodrigues, rendu écoeurant pour toute personne ayant un minimum de goût, dans la version d'Hélène Ségara. Un morceau dont la mélodie est déjà suffisamment charmante pour ne pas rajouter des tonnes de sucre.

Ce qui est valable pour le sucre l'est aussi pour le sel et les épices. Il en faut, pour titiller les papilles, amener du piquant, interpeller... mais si on  en fout trop, on ne sent plus que ça. Tous les grands génies de la musique ont parfaitement su saupoudrer de suffisamment de sel et d'épices leur musique pour exciter le goût des auditeurs, mais ils n'en ont pas pour autant négligé les ingrédients de base. Le sel et les épices, ce sont, par exemple, ces "dissonances piquantes"... et je vous vois venir, non, la musique atonale de Schoenberg, Berg et Webern n'est pas que "sel et épices", il y a derrière des ingrédients de base (orchestration, formes, genres), parfaitement maîtrisés... mais il s'agit là d'une cuisine expérimentale qui s'adresse à de fins gastronomes déjà bien habitués aux épices wagnériennes, et qui pouvaient en supporter plus. Rien à voir avec des groupes, par exemple, qui imaginent que de ne balancer que des dissonances, c'est forcément de la "grande cuisine", alors qu'il n'y a pas de vraie matière, juste un mélange indigeste de sel et d'épices...
  
Même principe pour la sauce... si elle permet de relever un plat, il faut éviter de le noyer dans la sauce. Ou alors, c'est parce que le plat n'est pas terrible, trop fade, dans ce cas, on tente de le masquer sous la sauce. Ce qui arrive avec des albums sans "matière", sans chansons intéressantes, albums surproduits pour tenter d'accrocher l'auditeur par le son... ce qui peut toujours tromper ceux qui ont peu de goût, mais pas les gastronomes.

Le mélange des saveurs

Le sucré et le salé peuvent se mélanger, mais savoir le faire, c'est tout un art, et ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Pour prendre un exemple qui me tient à coeur, arrêtons-nous sur le mélange pop/rock et musique classique. Il fallait le talent des Beatles et l'apport d'un expert cuistot comme George Martin pour parvenir à distiller quelques éléments classiques dans la pop des Fab 4. Le problème, c'est qu'après ça, des tas d'apprentis ont cru que pop et classique pouvaient se mélanger n'importe comment... d'où les plats indigestes de nombre de groupes rock-prog, jusqu'aux pitoyables
Muse. Rien à voir avec le subtil sacré-salé des Beatles, on est plus proche ici de l'aberration d'un risotto à la milanaise balancé dans une mousse au chocolat... avis aux amateurs.

Le rôle du critique

Le critique musical comme le critique gastronomique a développé son goût plus que les autres, et peut ainsi orienter le public vers les cuisines/musiques les plus intéressantes, savoureuses et de qualité.
Il n'y a pas de vérité absolue dans les goûts culinaires comme dans les goûts musicaux, tel critique va aimer particulièrement tel type de plats et tels ingrédients, avoir sa conception de la cuisine (préférer la sobriété ou le raffinement, les saveurs délicates ou les saveurs très relevées, la cuisine innovante ou traditionnelle etc...) et chercher à la défendre. Pour autant, tout ne se vaut pas, et on ne peut pas plus mettre sur un même plan la bouffe de chez McDo et les plats des plus grands chefs que la musique pop facile et celle des véritables grands artistes. 

Correspondances avec les styles musicaux

Les produits du terroir, les plats traditionnels, populaires, ce sont les musiques folkloriques, le blues... pas forcément très raffinés, mais naturels. Ils sont la "base" de toutes les cuisines/musique.  

La variétoche, la pop commerciale, ce sont les plats industriels, la malbouffe, McDo, tous ces produits formatés, bourrés d'additifs et colorants, qui n'ont pas "l'âme" et les saveurs des véritables musiques/plats populaires. Bref, en général, c'est de la merde...

La grande cuisine, celle inventive, riche, subtile, complexe que créent les meilleurs chefs à l'aide des ingrédients et produits de la meilleure qualité, c'est la musique classique.  

La musique contemporaine "savante", c'est la cuisine plus "expérimentale" de chefs qui, parfois, décontenancent le public avec des créations originales, des mélanges audacieux... peu accessibles à tous les palais / toutes les oreilles. 

Les meilleurs artistes des musiques populaires modernes sont un peu comme ces restaurants qui ne rivalisent peut-être pas avec la cuisine des plus grands chefs, mais n'en sont pas moins capables de proposer d'excellents plats. De la bonne bouffe, avec des produits frais (pas des conserves ni du réchauffé) et un cuistot qui a un certain talent pour les préparer.  

Le jazz, c'est cette capacité des grands chefs à partir de mêmes recettes (standards) pour livrer des plats finalement très diversifiés, où la touche personnelle fait toute la différence.

Il faudrait aussi parler de quelques mauvais produits périmés que l'on continue de manière scandaleuse à vendre au public... regardez bien sur le couvercle des Johnny, Sardou, Julien Clerc & cie, la date de péremption est dépassée depuis bien longtemps. Dans la pop, ce n'est pas forcément dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures surtout quand, à l'origine, ces vieux pots n'étaient pas d'une grande qualité. C'est aussi le cas pour quelques vieux pots au départ de belle facture, mais que le temps a sacrément détériorié (Stones, Pink Floyd...)


Les métaphores culinaires se prêtent particulièrement bien à la musique... car elle est, d'une certaine manière, une "nourriture spirituelle". Il faut savoir varier les plaisirs (manger toujours la même chose ne permet pas à votre corps de récupérer tous les éléments dont il a besoin), goûter avec finesse plutôt que d'engloutir bêtement afin d'apprécier un aliment à sa juste valeur et faciliter la digestion. Mais la musique n'est pas que du "spirituel" ou de "l'immatériel"... ce sont des vibrations qui agissent sur votre corps comme sur votre esprit. Alors des sucreries pop, comme du chocolat de temps en temps, peuvent avoir un effet positif ; mais s'en gaver quotidiennement n'est pas ce qu'il y a de mieux, la gourmandise est un vilain défaut, paraît-il...

Pourtant, il existe une différence de taille entre la cuisine et la musique : en musique, les meilleurs produits, les meilleurs plats, eux, ne valent pas plus chers que la junk food... alors pourquoi s'en priver ? Pourquoi ne pas faire l'effort d'affiner ses sens et ainsi apprécier ce qu'il y a de meilleur ?      

En guise de conclusion et d'illustration de ce petit voyage musiculinaire, j'ai choisi de vous servir un plat délicieux, de la vraie grande cuisine, un régal pour les oreilles les plus fines (mais accessible à toutes celles qui sont un minimum... ouvertes) Le 3° mouvement du premier quatuor de Brahms... bon appétit !
 


     

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