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Classements d'albums

16 décembre 2012 7 16 /12 /décembre /2012 17:44

Pourquoi m’emmerder à faire un bilan musique et un bilan cinéma comme les années précédentes, alors qu’un seul morceau me permet de regrouper les deux, puisque le morceau que je vous propose aujourd’hui est celui qui m’a le plus fasciné cette année, et qu’il est tiré de mon film favori de 2012, Bullhead (Rundskop) de Michael R. Roskamp. Pratique.

Ce qui n’est pas banal non plus, c’est que pour moi, le meilleur film et la meilleure musique de l’année sont donc belges.

The End rentre directement dans mon panthéon des meilleures musiques de films. Parce qu’elle est sublime - ce qui est déjà beaucoup -, mais aussi parce qu’elle accompagne avec génie - n’ayons pas peur des mots - la scène finale de Bullhead.

 

 

A écouter au casque ou relativement fort, pour bien se plonger dans la beauté des harmonies…

Pendant les trois premières minutes, elle illustre parfaitement la mise en scène. Lente, nocturne, grave, triste, solennelle… dans un registre qui est en musique celui d’une lamentation et d’une marche funèbre : ton mineur, lenteur, les 2 temps d’une marche funèbre sont bien marqués par la rythmique (contrebasses puis coups de timbales). Mais si l’on a bien les deux temps d’une marche funèbre, l’originalité est que la décomposition du temps est ternaire (pour le saisir, ce n’est pas très compliqué… tapez les deux temps , sur un rythme relativement lent, en suivant la note grave aux contrebasses, puis les coups de timbales quand ils arrivent… et entre ces deux temps, dîtes : 1-2-3, 1-2-3, 1-2-3 etc.) Normalement, pas de ternaire dans une marche funèbre, le ternaire est en général plutôt caractéristique des danses, notamment de la valse. On semble donc ici avoir affaire à une forme de valse funèbre. Ou une danse macabre…

Cordes, rythme lent, deux temps marqués avec pulsation ternaire et pizzicati (cordes pincées)… c’est le procédé que l’on retrouve dans une autre célèbre musique de films, celle d’In The Mood for Love (à écouter ici). Pas de plagiat ou de citation évidente, les thèmes sont très différents, et la musique de Bullhead est beaucoup plus sombre. Dans In the Mood for Love, c’est la pulsation ternaire qui est mise en évidence, dans Bullhead, le 2 temps de marche funèbre… Mais il y a un petit quelque chose qui les relie, peut-être parce que même si le héros de Bullhead est aussi « fruste » que celui d’In The Mood for Love est raffiné, on retrouve une forme assez proche de pudeur amoureuse… un éleveur de bœufs shooté lui-même aux hormones peut bien être, au fond, aussi sentimental et timide face à l’être aimé que les héros sophistiqués et distingués d’In The Mood for Love

Mais c’est après, au bout de 3 minutes environ, que le rapport entre l’image et le son deviennent les plus fascinants. Crescendo, montée dans les aigus (des cordes qui n’en finissent pas de monter.. une longue montée douloureuse, sur de petits intervalles essentiellement, beaucoup de demi-tons sur du mineur harmonique), pendant que le film s’emballe… rien de plus naturel, me direz-vous. Sauf qu’à ce moment, la musique et l’image semblent nous raconter deux histoires différentes, voire contradictoires. La musique monte, les personnages descendent (scène de l’ascenseur). La musique donne l’impression d’ouvrir l’espace, alors qu’on se retrouve dans un espace confiné. Et, surtout, la musique se fait de plus en plus lyrique, somptueuse et touchante (tout en restant très lente), alors que l’action change subitement : on passe à une scène particulièrement brutale, nerveuse et rapide. Comment expliquer que, malgré cette apparente dichotomie, tout fonctionne à merveille dans l’adéquation image/musique de cette scène ? Cela peut donner l’impression que la musique et l’action dramatique, après avoir été en phase pendant les 3 premières minutes de cette pièce, se mettent chacune à suivre leur propre logique. Comme si le compositeur, emporté par sa musique, ne tenait plus du tout compte du film qu’il est censé accompagner, et partait dans des envolées lyriques de cordes alors que le film passe, lui, à une scène brutale. La musique ne suit pas vraiment l’action… ni même, l’autre possibilité traditionnelle dans la musique de films, l’émotion ressentie par le héros à ce moment-là. Ce que le héros fait ici, il ne le fait pas pour de nobles ou héroïques raisons, il ne le fait pas par amour ou pour se dépasser, il le fait comme si sa nature « bestiale » le condamnait à le faire.

Mon interprétation… c’est que la musique ici, ne nous parle pas de l’action, de l’ambiance ni même des émotions du personnage, mais de la progression dramatique et du tragique inéluctable - et donc particulièrement poignant - de l’histoire. Les personnages de Bullhead sont des anti-héros, tous relativement médiocres, pris dans une histoire de trafics elle-même peu spectaculaire… on est apparemment très loin des grandes tragédies. Et pourtant, comme dans les grandes tragédies, une logique dramatique cruelle et implacable nous conduit à cette scène finale. C’est cette logique dramatique qui dépasse tous les protagonistes de l’histoire, et qui, remarquablement amenée, notamment par la musique, transcende le film et en fait une grande tragédie.

Ce final est le seul morceau du film ou la musique se fait vraiment lyrique… jusqu’alors, elle était beaucoup plus grave et contemplative, avec une touche post-romantique et une grande mélancolie. C’est elle qui ne cessait de se nous suggérer que se joue ici quelque chose qui dépasse les personnages, et c’est ainsi qu’elle est capable, dans le final, de « s’envoler » et mener à cette transcendance dramatique. Une montée douloureuse, tourbillonnante, en spirale, comme la spirale infernale de la progression dramatique du film...  

On a beaucoup parlé de la performance d’acteur de Matthias Schoenaerts dans Bullhead, et c’est parfaitement justifié, il est en effet plus que parfait dans le rôle-titre. On a aussi beaucoup parlé du réalisateur, Michael R. Roskam, qui le mérite tout autant, pour un premier film, c’est un coup de maître. Mais on n’a que trop peu parlé du compositeur Raf Keunen, à qui le film doit aussi beaucoup. Et à qui je dois ma plus belle émotion musicale de l’année avec ce morceau qui risque de continuer à me hanter encore très longtemps...

La BO complète : 

 

 

 

Précédents articles sur des BO de films ou séries :

  

Angelo Badalamenti - Twin Peaks
Nick Cave and Warren Ellis - The Proposition (B.O.)
Ennio Morricone - B.O. Sacco & Vanzetti
Howard Shore - BO Crash

Drive (film et B.O.)

Zimmer / Newton Howard - The Dark Knight 

  

  

 

 

 

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5 août 2012 7 05 /08 /août /2012 13:30

the-dark-knight-ost.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

Si je ne devais retenir que trois choses de la trilogie de Nolan, ce seraient les suivantes :

1.      La volonté de revisiter l’univers de Batman en s’adressant à un public mature. Un public, notamment, qui n’est pas prêt à accepter comme allant de soi qu’un milliardaire mette un costume de chauve-souris la nuit pour aller traquer les criminels à l’aide de gadgets et de ses capacités physiques hors-norme. Dès le premier film de la trilogie, tout est mis en place pour nous rendre cet univers cohérent, de la psychologie du héros à ses capacités physiques en passant par son arsenal et ses ennemis. Une trilogie parfaitement en phase avec son héros, super-héros plus « crédible » et humain que l’essentiel des autres personnages de comics (car lui n’a pas de pouvoirs surnaturels). Et un Christian Bale impeccable dans le rôle.

 

2.      La prestation d’Heath Ledger dans The Dark Knight. « Plus le méchant est réussi, plus le film l’est aussi », disait Hitchcock à Truffaut. Et peu de films ont eu des méchants aussi fascinants que le Joker de The Dark Knight. Loin du cabotinage grand-guignolesque de Jack Nicholson (amusant, certes, mais un peu fatiguant à la longue) dans le premier Batman de Tim Burton ; chez Nolan, Heath Ledger campe un joker aussi crédible que barré, jubilatoire que flippant, chaotique que machiavélique.

 

3.      La musique. L’élément sur lequel, sans surprise, je vais m’attarder ici. Et si The Dark Knight est le meilleur de la trilogie, ce n’est pas seulement grâce à l'interprétation d'Heath Ledger, mais aussi à la musique de Hans Zimmer / James Newton Howard et à son utilisation (dans la continuité du premier, Batman Begins, par ses thèmes et son orchestration, mais c’est dans le 2 où elle est le mieux exploitée et développée).  

 

Les BO de blockbusters, faut bien l’avouer, c’est souvent chiant. Trop emphatique, trop naïf, trop pompier. A l’image des blockbusters eux-mêmes, et en particulier des films de super-héros. Le secret, pour qu’une œuvre fonctionne, réside toujours dans l’alchimie et l’équilibre. Et tout comme Nolan a su trouver le bon équilibre entre film spectaculaire et divertissant d’un côté, tragédie intense et poignante de l’autre, la musique parvient elle-même à éviter de tomber dans l’emphase héroïco-pompière habituelle par une noirceur peu commune, ainsi qu’une cohérence et une fluidité assez remarquables. Suffisamment d’ampleur, de lyrisme et de puissance pour donner le souffle nécessaire à ce genre de films, et suffisamment de noirceur et de profondeur pour que le film soit plus proche d’une tragédie que d’un bête pop-corn movie héroïque.

Les deux éléments qui, à mon sens, caractérisent le mieux la musique de The Dark Knight, qui lui donnent toute sa cohérence et parviennent à créer une véritable atmosphère sont d’un côté les motifs d’accompagnement répétitifs, plutôt dans l’aigu et souvent aux violons. De l’autre, ses thèmes amples et sombres (aux cordes graves en général). Traditionnellement, on accompagne plutôt avec les basses, et les thèmes sont plus aigus, ici, c’est fréquemment l’inverse. Les motifs d’accompagnement dans l’aigu ont un effet obsédant et tendu, les thèmes et motifs principaux dans le grave baignent le film dans une noirceur envoûtante.

 

Les premières minutes de « I’m not a Hero » illustrent parfaitement la musique que l’on retrouve tout au long du film :

 

 

La musique proposée dans The Dark Knight par Zimmer et Howard se situe quelque part entre la musique romantique et la musique minimaliste. Romantique par ses thèmes amples et sombres, sa richesse harmonique, ses chromatismes ; minimaliste par ses motifs d’accompagnements répétitifs qui donnent l’impression de vagues musicales obstinées. Le tout enrobé de quelques éléments électro et électriques.

 

La musique de The Dark Knight (ainsi que celle des 2 autres de la trilogie), comme toute bonne musique de film, demande à être appréciée avec le film, où elle prend toute sa dimension, mais elle peut aussi s’écouter « pour elle-même », elle a suffisamment de richesse, de musicalité et d’intérêt pour cela. Quelques-uns de ses thèmes sont vraiment somptueux, fascinants, et m’obsèdent depuis la sortie du film il y a pourtant déjà 4 ans.

Si vous ne deviez écouter qu’un autre titre de la BO, en plus du « I’m Not a Hero » ci-dessus, je vous recommande le plus long, qui clôture la BO « A Dark Knight » :

 

 

 

 

Les BO des trois films à écouter en intégralité :

 

La BO de Batman Begins

 

La BO de The Dark Knight

 

La BO de The Dark Knight Rises

 

 

Un dernier mot sur The Dark Knight Rises, qui vient de sortir… le film divise, mais je fais partie de ceux qui le trouve digne des 2 précédents, en particulier pour ses dimensions symboliques et psychologiques, plus développées encore. Mais il a des longueurs et reste en-dessous de The Dark Knight. La musique est toujours fascinante et de grande qualité, même si elle est un petit peu moins bien exploitée là aussi que dans le précédent volet...

 

L'article suivant sur la BO de The Dark Knight, avec un thème de Zimmer / Newton Howard bien pompé sur Debussy

 

Article sur la BO chez Raw Power Mag 

 

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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 13:49

Si vous êtes allé au cinéma dernièrement, il y a  de fortes chances que vous soyez tombés sur cette bande-annonce… sinon, petite séance de rattrapage, c'est à ne surtout pas louper (la bande-annonce, hein, pas le film) :

 

Des bandes-annonces débiles, on en voit toute l’année. Mais je ne me souviens pas avoir été autant consterné auparavant par l’une d’elles. Entre le fou rire et l’incrédulité. Abraham Lincoln chasseur de Vampires ! Tout est dans le titre. S’il avait été question d’un film de série Z, décalé et foutraque, pas de problème, l’idée, dans ce cas précis, aurait même été plutôt réjouissante. Mais non. Aucun humour dans cette bande-annonce, tout nous indique qu’il s’agit d’un film « sérieux », épique, pas d’une farce décalée malgré la présence de Tim Burton à la production.

Ce film est certes tiré d’un roman américain à succès, mais dans quel esprit malade et puéril a pu germer cette idée de faire un grand film d’action sérieux où Abraham Lincoln ferait du karaté la nuit contre des hordes de vampires, et signerait l’abolition de l’esclavage le jour ?

Du très grand n’importe quoi. C’est un peu comme si l'on se lançait dans un « Pompidou chasseur de loups-garou ». Ou « Charles de Gaulle contre les zombies ». Nous verrions le grand Charles, quelques heures après la signature des accords d’Evian, s’en aller dans la nuit pour défoncer des zombies à grands coups de pelle. Un chef-d’œuvre cinématographique, pour sûr…

Ce genre de crossover grotesque est, heureusement, pas vraiment dans les mœurs françaises, il est plus hérité d’une culture « comics » propre aux américains. Si un super-héros de cinéma (Schwarzy) peut devenir homme politique aux Etats-Unis, pourquoi pas l’inverse ? Mais ça n’excuse pas la débilité du sujet, et, surtout de son traitement. Quelle sera la prochaine étape… Kennedy chasseur de démons ? Où l’on apprendrait que Kennedy a organisé son attentat, un faux pour faire croire à sa mort et pouvoir ensuite, en toute discrétion, purger la mafia et la CIA des démons qui possédaient leurs chefs ? A l’aide d’incantations ésotériques et de son fidèle nunchaku ?

George Washington face aux extra-terrestres ? Le jour, il repoussait les anglais, et la nuit, les invasions extra-terrestres ?

George W. Bush et les zombies mutants irakiens ? N’accablez pas W. sur la guerre en Irak. Des armes de destruction massive, il y en avait vraiment, mais pas celles que l’on imagine. Saddam créait une armée de zombies mutants à l’aide de produits chimiques qu’il déversait dans les canalisations, ce qui est resté secret pour ne pas affoler la population mondiale, et George Bush Jr. himself, dans le plus grand secret, enfilait chaque soir son costume moulant en lycra siglé d’un W pour combattre héroïquement ces armées de zombies mutants.

Tout cela rejoint ce que je disais déjà dans Cinéma dépotoir, on a l’impression, plus que jamais, que le cinéma mélange et recycle n’importe quoi. Il l’a toujours un peu fait, mais ce qui est assez effrayant, c’est que ces films qui n’auraient pu être autre chose que de sympathiques et décalés films de série Z pour un public d’amateurs deviennent maintenant de « grands films d’action» qui se prennent très au sérieux. Comme si le peuple était trop con pour s’apercevoir de la crétinerie totale du sujet. Rassurez-moi, vous avez bien tous éclaté de rire en voyant cette bande-annonce ?

Jusqu’où ira-t-on… j’en frémis rien que d’y penser. Jules César contre les Transformers ? Bill Clinton et Cléopâtre ? (le grand mélo de l’été 2016, la momification de Cléopâtre a permis d’en garder des traces d’ADN, on pourra la cloner et elle vivra une grande et belle histoire d’amour avec Bill) et sa fameuse suite (pour automne 2018) Hillary vs Cléopâtre ? Mitterrand et l’attaque des grands requins blancs ? Churchill chevalier Jedi ? Hitler contre Goldorak ? François Ier et les robots martiensRoosevelt, Kung-Fu master ?

Toutes ces idées-là, on les a normalement au cours de soirées très très arrosées. Mais le lendemain, on se réveille en disant « putain, qu’est-ce que j’ai pu raconter comme conneries », pas « ça y est, je la tiens l’idée géniale pour faire un grand film ». A moins de n’avoir pas évolué depuis ses 12 ans… ce qui semble être le cas depuis un moment pour un peu trop de réalisateurs… En même temps, de la part d'une industrie qui a été capable de donner le nom du génial Ludwig à un stupide clébard, plus rien ne m'étonne vraiment... 

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