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Classements d'albums

3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 19:43

Thrill Jockey 02/2011

    

skull-defekts-peer-amid.jpgA moins d’être monomaniaque ou de verser dans le fétichisme musical, chacun recherche en musique des atmosphères / émotions / sonorités diverses et variées, comme cela était discuté ici. Pourtant, on a tous nos préférences, voire nos obsessions ; des types d’émotions particulières que l’on tente de retrouver, revivre en musique, car elles nous fascinent plus que d’autres. Des émotions pas aussi simples que « la joie » ou « la tristesse », mais qui donnent, justement, toute sa force à la musique, l’art qui surpasse les autres lorsqu’il s’agit de « communiquer l’indicible », dire ce que les mots, les représentations visuelles ne peuvent exprimer. Non pas qu’il soit capable de suggérer telle ou telle émotion complexe avec une précision scientifique, au contraire, son abstraction laisse une véritable liberté d’interprétation permettant à chacun d’y greffer les émotions qu’il ne peut définir (dans un cadre qui a tout de même ses limites, évidemment)…

 

Il n’est donc pas toujours facile de décrire quel type d’émotion on y recherche en priorité, car, souvent… on ne le sait pas vraiment. C’est bien pour cette raison que l’on a tant besoin de musique et que l’on a parfois du mal à exprimer l’effet qu’elle peut avoir sur nous, elle nous permet de dire et toucher des choses plus ou moins enfouies que l’on ne cerne pas clairement et que l’on ne saurait dire avec des mots. La musique comme « révélateur de l’inconscient »…

 

Que peut bien vouloir signifier l’association atmosphères sombres et envoûtantes / rythmique tribale / rock sauvage de The Skull Defekts ? Que signifie-t-elle plus particulièrement pour moi ? Je ne le sais pas précisément. Mais ce que je sais, c’est que j’en suis particulièrement friand. Cette association représente même mon « idéal rock ». Ca ne m’empêche pas d’aimer – voire de vénérer - des groupes qui ne jouent pas sur ces éléments (des Beatles à Radiohead), mais là, j’ai l’impression d’être comme un poisson dans l’eau. C’est aussi la limite de la critique musicale, aussi argumentée, objective et réfléchie qu’elle prétende l’être ; lorsqu’on touche vos points sensibles, difficile (impossible ?) de garder la distance nécessaire. Certains trouveront que je surestime ce Peer Amid, l’album de l’année pour le moment à mon sens, ils ont sans doute raison, mais je ne peux rien y faire, cet obscur groupe suédois a su trouver ce que je considère comme « l’alchimie rock parfaite ». Les petits derniers d’une lignée rock qui m’est chère : Doors - Stooges – Joy Division – PIL - Sonic Youth – Nick Cave - Liars – Queens of the Stone Age (celui de Lullabies…) – Grails – Apse…

 

Après un bon premier album en 2007, Blood Spirits & Drums Are Singing, les Skull Defekts sont montés d’un cran en 2009 avec l’excellent The Temple, et parviennent à faire encore mieux avec Peer Amid. Un peu moins « tribal » que le précédent, malheureusement, mais plus efficace, et, surtout, la venue au chant de Daniel Higgs (Lungfish) apporte à The Skull Defekts la voix hantée idéale pour leur musique.

 

Seule véritable réserve, l’album est à la fois un poil trop long et un poil trop court. Un poil trop long parce qu’il comporte deux titres plus anecdotiques que les autres, un poil trop court parce qu’avec ses 8 titres seulement, les deux morceaux dispensables reviennent trop souvent lorsqu’on l’écoute en boucle (ce qui est mon cas depuis 4-5 jours). Pas de quoi faire la fine bouche, ce ne sont après tout que deux respirations dans un album dense, intense, incantatoire et noir, très noir. Une messe noire rock’n’roll venue du Suède… mais loin de celles, grand-guignolesques, des groupes de black metal scandinaves. Ici, pas de gras, de barnum satanico-fantastique pour ados complexés qui se rêvent en « maîtres du mal » ou « démons de l’enfer », juste du rock, et du bon, qui cogne, qui vous veut du mal et qui fait du bien…

 

Après les norvégiens de The Low Frequency in Stereo en 2009, l’islandais Bjarnasson en 2010, voilà les suédois de The Skull Efekts… ces trois dernières années, la plupart de mes découvertes les plus marquantes (je dois celle-là à Dahu) sont venues du froid. L’occasion, très prochainement, d’un article sur les musiques scandinaves.

 

  

A lire en complément, les chroniques de :

 

Playlist Society

 

Core and Co

 

Heavy Mental

 

  

Ecoutes :

  

Peer Amid sur Grooveshark

 

Leurs précédents albums :

 

The Temple 

  

Blood Spirits and Drums are singing  

 

Peer Amid dans mon classement des albums 2011

 

Peer Amid dans le CDB 2011

 

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 20:59

Dans l’évolution des blogs musicaux ces 5 dernières années, ce qui me semble le plus frappant, c’est le passage de discussions autour de « grandes références » du rock à celles, maintenant, sur les toutes dernières nouveautés. De quoi parlait-on principalement sur les blogs rock il y a 5 ans ? Du Velvet, des Who, des Doors, des Beatles, de Led Zep, des Sex Pistols, des Clash, de Joy Division, des Cure etc… mais la donne a changé, on y parle actuellement surtout des sorties les plus récentes, et de nouveaux groupes inconnus de la très grande majorité de la population.

La raison est assez évidente : avec la démocratisation des blogs, leur prise en main relativement simple, beaucoup des grands amateurs de musique se sont tournés vers ce format entre 2004 et 2007 pour partager leur passion. Au début, ils se sont focalisés sur leurs artistes favoris, mais une fois qu’ils ont fait le tour des principaux, ils se sont orientés assez naturellement vers les nouveautés.

 

Pourtant – et heureusement – les blogs musicaux restent assez diversifiés, ce qui m’a amené à réfléchir à une petite typologie, non exhaustive. Ce n’est pas une étude sociologique, ce qui compte n’est pas de savoir qui sont les blogueurs (âge, sexe, profession, niveau d’études, on s’en fout ici), mais comment ils utilisent les blogs.

 

Le rapport à la nouveauté :

 

- Le défricheur. Son blog est essentiellement composé de chroniques de nouveaux albums, et surtout d’albums confidentiels sortis sur de petits labels. Pointu, réservé à d’autres défricheurs et amateurs de musiques hors des sentiers battus, mais pas facile à suivre pour le grand public. Un exemple : Little reviews      

 

- Le gardien du temple. Quasiment à l’opposé du défricheur, lui ne s’attarde que peu sur les toutes dernières sorties et les groupes obscurs, ce qui l’intéresse, ce sont les grandes références. Chroniques d’albums phares de l’histoire du rock, articles sur les grands noms du jazz ou les chefs-d’œuvre du classique, selon son genre de prédilection. Après tout, pourquoi s’arrêter sur des centaines de nouveautés qui seront oubliées dans 3 mois (si ce n’est dans une semaine) alors que le White Album peut s’écouter et se réécouter sans lassitude ?

 

 -  Le blogueur hype. Ce qui l’intéresse, c’est ce qui intéresse. Ce dont tout le monde parle ou, surtout, ce dont tout le monde parlera dans quelques temps. Le nouveau groupe qui monte, le dernier clip qui crée le buzz, les dernières news musicales, voilà ce qui alimente son blog.

 

 -  Le prescripteur de nouveautés. La différence avec le défricheur, c’est qu’il se limite moins aux albums confidentiels, il parle volontiers des groupes plus célèbres et d’albums en vue.   

 

 -  Le polyvalent. Il peut passer de grandes références à des groupes pointus, parler des dernières sorties comme de vieux disques, au gré de ses envies, sans privilégier l’un ou l’autre.     

 

La manière de parler musique :

 

 -  Le subjectif. Il ne prétend pas vous dire ce qui est bien ou pas, mais juste ce qu’il aime. Il utilise volontiers le « je », et n’hésite pas à évoquer des souvenirs personnels liés à telle ou telle musique ou concert. Une démarche que l’on pourrait tout autant considérer comme humble (il ne se prend pas vraiment pour un critique, un journaliste), ou égocentrique (après tout, à travers ses disques, il parle pas mal de lui).

 

 -  Le critique. En général, il publie surtout des chroniques d’albums, dans le style de celles des journalistes (je garde toujours en tête ce que disait justement Ska il y a un moment déjà : il  est un peu dommage que tant de blogs fassent des chroniques comme celles des mags de musique, on a là un format nouveau, pas la peine de l’utiliser pour refaire la même chose que la presse). Mais on peut aussi avoir un point de vue plus critique que personnel sans pour autant imiter les chroniques des magazines…

 

 (La plupart des blogueurs se situent à mon sens dans cet entre-deux, entre le critique et le subjectif)  

 

Types de contenus :

 

- Le multimédia. Les blogs permettent d’intégrer de la musique, des vidéos, autant en profiter ! Playlists, clips, liens streaming… son blog donne souvent plus à écouter qu’à lire.

 

- L’écrivain. A l’inverse, il privilégie le texte. Les liens audio ou vidéo sont plutôt anecdotiques sur son blog, une fois de temps en temps, comme illustration.

 

Sociabilité :

 

- L’individualiste. Il parle de ce qui l’intéresse, qui l’aime le suive. Il passe de temps en temps commenter chez les autres, mais ne cherche pas à créer des « activités de groupe » et peu à y participer.  

 

- Le sociable. Il passe beaucoup de temps à commenter les articles des autres, participe parfois à des blogs collectifs et / ou lance fréquemment des activités communes, jeux, concours… 

 

Fréquence de publication :

 

 -  Le pro. A-t-il une vie à côté, un autre boulot ? On peut se poser la question, tant il alimente son blog. Un article par jour ou presque.

 

 -  Le régulier. Au moins 2 ou 3 articles par semaine.

 

 -  L’hebdo. Environ 1 article par semaine.

 

 -  L’irrégulier. Capable de publier 3 articles en une semaine, puis rien pendant un mois.

 

  -  Le dilettante. Bloguer n’est vraiment pas une de ses activités principales, il publie un billet une fois de temps en temps, en général moins d’un toutes les deux semaines. 

 

Thémes abordés :

 

- Le spécialiste. Il ne se concentre que sur un genre musical, ou une thématique. Voire une thématique dans un genre particulier… Mais un « spécialiste » peut aussi brasser plusieurs genres, par exemple un blogueur qui ne parlerait que d’artistes d’une scène bien délimitée (mettons la scène new-yorkaise, qu’elle soit rock, jazz ou électro).

 

- Le généraliste. Il touche à de nombreux genres musicaux, et, souvent, ne se limite pas à la musique (il traite par exemple aussi de films, séries, livres…)

 

 

J’ai mis un exemple dans la première catégorie… puis j’ai arrêté. Parce que les blogueurs sont susceptibles, j’en aurais forcément oublié, donc je me dis que le mieux serait que chacun le fasse pour lui, que l’on puisse lister ici tous les blogs musicaux qui le souhaitent. En face de chacun de vos blogs, on mettra les caractéristiques (que vous me donnerez dans les commentaires). Quel est le but ? Dégager les grandes tendances du fonctionnement des blogs musicaux.

 

Vous pouvez bien entendu appartenir à plusieurs catégories pour chaque type,  mais essayez d’aller au plus clair et au plus simple (si vous voulez expliquer, argumenter, donnez d’abord les tendances principales, et détaillez dans la suite du commentaire), voici, en exemple, les caractéristiques principales du mien : 

 

Music Lodge : Plutôt polyvalent, mais à dominante gardien du temple / Plutôt critique, mais avec régulièrement du subjectif / Plutôt écrivain, mais avec une bonne dose de multimédia / Sociable / Régulier / Généraliste.

 

Mes confrères (et soeurs) : 

 

 

Tasca Potosina Prescripteur de nouveautés (mais tend à devenir polyvalent) / Critique subjectif / Ecrivain, mais ne résiste pas à l'envie d'intégrer des videos, playlists etc... / Plutôt sociable / A eu une fréquence pro, actuellement hebdomadaire, qui se stabilisera certainement dans le régulier / Généraliste.

 

Blinkinglights : Polyvalent / subjectif / écrivain (mais faisant un effort dès qu'il s'agit de diffuser sa propre musique) / individualiste ne perdant pas la moindre occasion d'être sociable / hebdo régulier / mégagénéraliste spécialiste en Smashing Pumpkins.

 

Jazz, Blues & Co : Polyvalent / subjectif / multimédia / plutôt individualiste / régulier / généraliste

 

Arbobo :  Dominante défricheur / critique / sociable / régulier / plutôt écrivain mais avec une bonne part de multimédia / généraliste.

 

Le Bal des Vauriens : Polyvalent qui prescrit plus qu'il ne défriche / pas assez subjectif / écrivain niveau BEPC et une vidéo, une playlist de temps à autres / discrètement sociable, n'aime pas débattre / hebdo / généraliste

 

Pyroxlehargneu : Polyvalent subjectif, à tendance sociable. Appelé aussi le généraliste dillettante.

 

Little reviews : Défricheur polyvalent - Généraliste de la "pop music" / Critique, débordé par sa subjectivité / Communicateur multimedia / Sociable qui aime et recherche la communication personnalisée / Résolument Pro.

 

Sunalee : Plus ou moins défricheur (avec une tendance prescripteur de nouveautés) / subjectif (je ne parle que des disques que j'aime) / écrivain minimaliste (avec quelques liens audio) / individualiste (mais qui aime boire un verre en compagnie de temps en temps) / hebdomadaire (à tendances irrégulières par moments) / spécialiste (la seule catégorie où je n'ai pas hésité !)

 

Libellus : Gardien du Temple assez polyvalent / plutôt critique / écrivain autant que multimédia / plutôt individualiste / assez régulier / généraliste.

 

Nom de Zeus, fabuleux ! (Sophie) : Totalement polyvalente et ultra subjective (moi ce que j'aime c'est les anecdotes autour de la musique, comment chacun vit la musique) / Multimédia et écrivain le pourcentage de l'un ou de l'autre varie suivant le sujet / Individualiste qui aimerait être plus sociable mais manque de temps / Irrégulière depuis le CP / et généraliste of course. J'écris au gré de mes envies !  

 

 

 

 

 

A vous de jouer !

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 21:00

Ludwig van Beethoven – Sonate n° 23 en fa mineur, « Appassionata » (op. 57)

 

Si je ne devais garder qu’un article sur Music Lodge ce serait celui-là. Non pas qu’il soit particulièrement réussi, bien écrit ou pertinent, mais parce que le but premier de mon blog est de vous faire découvrir des œuvres qui me touchent et que j’estime nettement supérieur à la moyenne (ce qui est en fait le but de l'essentiel des blogs musicaux). Et je ne pourrais jamais trouver mieux que la sonate Appassionata. Un chef-d’œuvre absolu, et mon œuvre favorite.

 

Dans l'article sur la V° symphonie (1808), je disais qu’en terme de puissance expressive, celle-ci ne saura être dépassée par aucune autre symphonie du XIX° (voire par aucune symphonie tout court). Il  en va de même pour le piano avec la sonate Appassionata (un nom qui n’est pas de Beethoven, comme la plupart de ceux que l’on a donné à ses sonates), composée quelques années plus tôt (et dans laquelle apparaît déjà une première version du célébrissime thème martelé de la V°). Le piano est l’instrument roi des romantiques, mais avant même que la musique ne devienne « romantique », Beethoven atteint déjà des sommets de tension, d’audace, de puissance et de dramatisme. La musique n’est pas un sport de compétition mais, pour se lancer dans une métaphore triviale, c’est un peu comme si lors d’une compétition sportive un athlète écrasait déjà le record du monde à l’échauffement. Que faire après ça ?          

Beethoven considérait cette sonate comme sa plus grande, et Berlioz, un des rares compositeurs romantiques qui n’aimait que peu la musique pour piano disait en 1860 de l’Appassionata « Œuvre plus grande que ses plus grandes symphonies, plus grande que tout ce qu’il a fait, supérieure en conséquence à tout ce que l’art musical a jamais produit ». Ce n’est pas moi qui contredirais Berlioz sur ce point…

 

Des chefs-d’œuvre pour piano, on en trouve déjà chez Mozart. Mais avec Beethoven, on passe un nouveau cap. Lui n’a pas a vécu le passage du clavecin au piano, il a grandi avec l’instrument, et saura utiliser pleinement son potentiel. « Piano » est l’abréviation de piano-forte, car ce qui caractérise l’instrument et le distingue de l’orgue et du clavecin, c’est son touché dynamique (les nuances selon la manière d’appuyer sur une touche, qui permettent de plaquer « brutalement » un accord ou d’effleurer délicatement le clavier et de créer ainsi des contrastes d’intensité). Une évolution technique taillée pour Beethoven et les romantiques, le moyen idéal pour exprimer la palette d’émotions la plus riche possible : des sentiments les plus intimes et délicats aux plus violents et tourmentés.

 

Mais le génie de l’Appassionata va au-delà de ça, il est dans l’importance inédite que Beethoven accorde au sonore. Non pas que le « son » n’intéressait pas les compositeurs qui le précédaient : lorsque Mozart écrit un passage pour clarinette dans une symphonie, c’est bien parce qu’il veut entendre le son d'une clarinette à cet endroit, pas celui d’une flûte ou d’un hautbois (alors que dans la musique baroque, les instruments sont souvent interchangeables). Mais avec l’Appassionata, Beethoven va beaucoup plus loin, il fait s’émanciper le timbre de l’instrument, il « sculpte dans le bloc sonore » comme j’ai pu l’entendre dire très justement (en particulier dans le dantesque premier mouvement de la sonate). C’est là une des raisons qui font de Beethoven un visionnaire hors du commun, il avait bien un siècle d’avance puisque ce n’est qu’au XX° que le son deviendra un paramètre aussi prépondérant dans l’écriture musicale que la mélodie, l’harmonie et le rythme. 

  

Beethoven a révolutionné la musique et, plus anecdotique, l’Appassionata a révolutionné ma conception de la musique. Avant de la découvrir (à 18 ans si mes souvenirs sont bons), j’écoutais un peu de classique, du Mozart, Bach, Vivaldi, Schubert et je pensais - comme beaucoup trop de monde – que la musique classique était une musique « agréable et sérieuse », de bon goût, subtile, une musique « bourgeoise » destinée à des gens trop vieux pour l’intensité électrique du rock. Bref, les clichés stupides sur la musique classique qu’ont la plupart des jeunes. Et puis je suis tombé sur l’Appassionata. Une claque énorme, qui a totalement bouleversé ma conception du classique. La sonate entière, mais surtout ce 3° mouvement dont, après des centaines et des centaines d’écoute, je ne me lasse toujours pas. A côté, le rock m’a tout à coup semblé… bien fade. Incapable de m’emporter aussi loin, de me procurer des sensations aussi fortes. Et dire que Chuck Berry a osé écrire « Roll Over Beethoven ». Non, Chuck, Roll over qui tu veux, mais pas Beethoven… Qui continue, après 200 ans, à faire passer les rockeurs pour d'aimables fantaisistes.

 

Pas besoin d’aller chercher bien loin le pourquoi de mon rejet du prog et du metal. Tout ce que je pouvais chercher à l’époque dans ces musiques (lyrisme, noirceur, tension, folie, complexité, sensations fortes) était déjà présent dans l’Appassionata, puissance 10. Avec tellement plus d’intelligence dans l’écriture, de richesse, de profondeur que le prog et le metal avaient l’air particulièrement pathétiques et risibles à côté. Ou, au mieux, touchant par leur naïveté enfantine. Il ne restait alors pour moi plus au rock que le côté « brut, simple, efficace et spontané »… pour le reste, mieux valait écouter le génial Ludwig.

 

Si j’ai tant tardé à parler ici de mon œuvre favorite, c’est pour une raison toute bête : j’attendais d’en trouver une version idéale sur youtube (parce que ce 3° mouvement est aussi un régal à regarder joué). Mais ce n’est toujours pas le cas. J'ai finalement renoncé, et peux me satisfaire des interprétations très correctes de la pianiste ukrainienne Valentina Lisitsa.

 

Par exemple celle-ci : Valentina Lisitsa – Appassionata 3° mvt 

 

Presque parfaite, sauf qu’elle a un défaut de taille à mon goût, la prise de son, très claire, manque cruellement de grave. Et pour ce tourbillon sonore et orageux, il faut des graves. Voilà pourquoi je vous recommande plutôt la suivante, bien qu’elle comporte quelques petites fautes (mais rien de rédhibitoire) et n’a pas de son pendant les 12 premières secondes… peu importe, l’essentiel, c’est que la folie, la puissance, la tension et la noirceur exceptionnelles de la pièce y sont mieux mises en valeur :

 

  

 

Un chef-d’œuvre pareil, ça se savoure, ça se respecte. Ne comptez pas le passer en fond sonore et lire vos mails en même temps, il faut vous immerger complètement pour en saisir la force et la beauté. Sinon, c’est du gâchis, comme jeter un coup d’œil rapide à un tableau de maître…

   

Une fois que vous avez visionné cette version, ne vous arrêtez pas en si bon chemin, c’est une pièce qui demande à être écoutée et réécoutée. Pour la curiosité, vous pouvez regarder cette version "démente" du pianiste turc Fazil Say, qui la joue à une vitesse supersonique (un peu trop, tout de même) :

 

 

Mais ne vous privez pas surtout de la version qui est à mon sens la plus géniale de ce 3° mouvement, celle du grand Richter (audio seulement). Personne mieux que lui n'a su magnifier la folie et l’intensité de cette œuvre ô combien tourmentée :

 

 

Enfin, pour écouter la sonate en intégralité, je vous recommande par exemple la version de Maria Joao Pires :

 

Découvrez la playlist Appassionata avec Maria-João Pires

 

Si, après tout ça, vous pensez toujours que le classique n’est qu’une musique bourgeoise et sans aspérités qui s’écoute mollement en digérant son repas du soir (vous devez sans doute confondre avec le dernier Radiohead), je vous bannis ad vitam de ce blog…

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