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7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 00:06

 

Super-8-J_J_-Abrams.jpgFait surprenant dans le cinéma à grand spectacle actuel, J J Abrams a tenté un pari un peu fou… écrire une histoire et créer des personnages. Oui, vous ne rêvez pas,  vous avez bien lu, dans cette nouvelle superproduction, pas de recyclage de super-héros en costume lycra, pas de grosse saga tirée de livres pour enfants, pas d’adaptation de dessin animé, bd, série, jeux vidéo ou vieux films,  et, je vous le garantis, malgré le « 8 » du titre,  ceci n’est pas une suite.

 

Comme je le déplorais ici, depuis l’entrée dans ce nouveau millénaire le cinéma populaire n’invente plus grand-chose et recycle tout ce qui bouge… et même tout ce qui ne bouge plus depuis 20 ans et qu’on pensait mort et enterré. C’est toujours le cas en ce moment, il suffit de voir les blockbusters en salle depuis cet été : un énième épisode (le dernier, enfin !) du sorcier binoclard, Cars 2, Transformers 3, Kung-Fu Panda 2, les schtroumps 3D (et le nouveau X-men un peu auparavant)… et qu’est-il prévu pour la fin de l’été ? La Planète des Singes, Green Lantern ( !),  Captain America (!!), et le remake de Conan le Barbare ( !!!).

 

En ces temps moroses où l’achat de franchises s’est substitué à l’inspiration, reconnaissons à Abrams l’audace étonnante d’avoir voulu raconter une histoire sortie de son imagination, pas d’un vieux comic-book. D’autant plus qu’il a vraiment écrit seul le scénario, pas entouré d’une armée de scénaristes comme cela se fait à Hollywood depuis un moment... du cinéma d'auteur, donc. Faut dire aussi que son précédent film, un énième Star Trek (désolé pour les geeks qui me lisent, mais déjà qu’en série, c’était chiant…) sans grand intérêt, avait de quoi le pousser à ne pas continuer dans cette voie.

 

L'ironie de l’histoire est que ce blockbuster a beau être une « création originale »… l’hommage à Spielberg (producteur du film) est évident. Abrams ne recycle pas une franchise et des personnages, mais plutôt un « genre » de cinéma, typique des années 80. Enfin, on a tellement tellement perdu l’habitude de films à grand spectacle qui soient des créations originales qu’on s’en contentera, c’est toujours beaucoup mieux que rien.

 

Cependant, autant le dire clairement dès maintenant quitte à enfoncer une porte grande ouverte : Super 8, à l’image des films de Spielberg des années 80, n’est sûrement pas un chef-d’œuvre impérissable du 7° art. Juste un divertissement efficace, honnête et sympathique. Ce qui est déjà énorme dans le contexte actuel. Enfin un vrai film « pour tous » (exceptés de trop jeunes enfants) – aller voir Harry Potter à 40 ou même 30 balais (sans mauvais jeu de mots) franchement, ça craint… Enfin un film sans jargon, background particulier ou gros clin d’œil qui vous fait sentir quelque peu exclu si vous ne connaissez pas « l’œuvre » originale. Enfin un film à grand spectacle sans cette horrible 3D artificielle qui vous donne l’impression d’être coincé dans un mauvais jeu vidéo. Enfin un blockbuster spectaculaire sans héros dotés de pouvoirs mutants, magiques, cosmiques, chimiques, technologiques etc. C’est aussi ça qui donne au film sa fraîcheur, pas « d’élu » aux pouvoirs surnaturels comme en débarquent chaque semaine sur les écrans, juste des humains, normaux, attachants, face à une situation exceptionnelle. Et cette fraîcheur se retrouve dans le casting :  aucune star, pas de visages vus et revus , pas de gravures de mode, mais des acteurs au physique tout à fait banal.

 

Pour toutes ces raisons, Super 8 fait l'effet bon bol d’air frais, alors même qu’on aurait pu craindre qu’il sente la naphtaline. Rien de révolutionnaire, certes, mais rien de honteux non plus, bien au contraire, Super 8 est un film à voir en vacances pour passer un bon moment sans se prendre la tête ni avoir la désagréable sensation d’être pris pour un demeuré.

 

Le côté rafraîchissant de Super 8, cette manière de faire du neuf avec du vieux, on ne les doit pas à des prouesses technologiques, mais à une vraie bonne idée : celle du film des enfants. Pas besoin d'une débauche d'effets spéciaux dernier cri pour donner l'illusion d'une nouvelle jeunesse à ce genre, le simple fait de voir ces gamins se consacrer avec tant de simplicité et d'enthousiasme à leur film de zombie imprègne le spectateur qui a ainsi l'impression d'assister à un film fait avec la même énergie. Même sans grande originalité (à l'image du film des enfants, qui accumule les clichés comme le font souvent les enfants...), Super 8 n'est pas un film poussiéreux, plutôt un bain de jouvence.     

 

Le paradoxe, qui en dit long sur la baisse de niveau du cinéma grand public depuis la fin des années 70, c’est que les grosses productions de Spielberg des années 80, malgré d'indéniables qualités, contribuaient plutôt à tirer le cinéma vers le bas, n’en déplaisent aux trentenaires nostalgiques de E.T. et compagnie.  Et pourtant, avec ce film aux airs de « revival », Abrams remonte très nettement le niveau des films grand public actuels. Il faut dire aussi, quitte à me faire encore plus haïr des trentenaires nostalgiques de E.T., que Super 8, à mon sens, est mieux foutu que la plupart des Spielberg des 80’s. Là où Spielberg tombait un peu trop souvent dans le mielleux, Abrams parvient à garder un meilleur équilibre, entre l’action et l’émotion, l’intime et le spectaculaire, la tension et la légèreté,  l’effroi et l’humour. Le film d’Abrams n’est pas un « film pour enfant » comme on pouvait parfois le reprocher à Spielberg, juste un film « avec des enfants ».

 

Les critiques font systématiquement référence au cinéma de Spielberg, ce qui est indiscutable dans le final de Super 8 (les dernières minutes sont les plus référencées et les moins intéressantes… par contre, il ne faut pas louper le générique de fin, certains sont sortis un peu trop vite de la salle, tant pis pour eux)…  mais les 2/3 du film me semblent au fond plus proches de Stephen King. Une petite ville américaine, des personnages assez simples, touchants, pas forcément lisses mais qui ont en général un bon fond, des gamins crédibles, et, bien sûr, un phénomène étrange particulièrement flippant.  

 

Enfin, le meilleur pour la fin : le film dans le film. La mise en abyme biographique est assez évidente (on imagine Abrams se revoir, enfant, faire des films comme il peut… une création « originale » mais sans grande originalité non plus , comme tous les gamins, il s’inspire à la limite du copiage de films qui l’ont marqué, sans star, le tout avec beaucoup de détermination et de sincérité…) mais il y en a une autre, plus intéressante, sur l’évolution du cinéma grand public :

 

Le cinéma des 80’s auquel Abrams rend hommage est un cinéma de « grands enfants », un cinéma populaire qui avait certes des prétentions commerciales, mais surtout une volonté de raconter des histoires faites « pour le cinéma », avec des héros et situations sortis le plus souvent de l’imagination de l’auteur…  Ces grands enfants rêvant de faire du cinéma ont été remplacés par des financiers se disputant des franchises. Un phénomène qui a d’ailleurs commencé à se développer dans les années 80, mais on était loin de ce qui se fait actuellement. Les enfants de Super 8 qui veulent faire des films « comme les grands », et y arrivent plus ou moins maladroitement, voilà une bonne métaphore de ce qu’a pu être le cinéma à grand spectacle des années 80. Une naïveté assez enfantine, mais une envie de partager son univers et ses histoires. Maintenant, c’est l’inverse, des adultes qui, avec très peu d’imagination mais beaucoup de pognon et de cynisme, courent après les franchises les plus rentables pour faire des films puérils, des films d’enfants trop gâtés, des films d’enfants tellement gâtés qu’avec un chapeau et un bout de ficelle, ils ne pourront plus inventer un Indiana Jones, mais, les yeux rivés devant des jeux vidéos ultra-chiadés où rien n’est laissé à l’imagination, ne savent plus que reproduire et adapter. 

 

Loin de moi l’idée qu’un film doit forcément être une création originale, beaucoup des chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma sont tirés de romans, et beaucoup des pires navets sont des créations originales. Le problème n’est pas d’adapter et copier, il est que le cinéma populaire ne se repose quasiment plus que sur ça.

 

Pour transposer cela dans l’univers musical, faire des reprises n’est pas un problème en soi. Mieux vaut évidemment une bonne reprise qu’une mauvaise compo, ça tombe sous le sens. Mais si tout le monde ou presque ne composait plus rien et se contentait de faire des reprises, il y aurait vraiment de quoi s’inquiéter, non ? Si on en arrivait là, Super 8 serait l’équivalent d’un bon album pop de compos originales dans un monde de reprises, un album très plaisant qui, certes, ne révolutionne pas le genre, mais tout en s’inspirant de tubes pas trop ringards des 80’s (si si, il y en a quelques-uns), arriverait à proposer des chansons tout à fait honorables et écoutables… et c’est déjà pas mal du tout.

 

  

A lire en complément : cinéma dépotoir 

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28 juillet 2011 4 28 /07 /juillet /2011 12:18

bristol.jpgDans le cadre des Playlist around the World (je vous incite d'ailleurs tous à y participer), voilà enfin la mienne... Une playlist d'une quarantaine de titres, c'est beaucoup, je sais, mais ce n'est pas grand chose face à tout ce que j'ai pu écouter, et face à la centaine de morceaux que j'avais sélectionné au départ. J'ai essayé tant bien que mal de trouver le bon équilibre entre quantité (Bristol est une ville passionnante d'un point de vue musical) et qualité (j'ai écouté de nombreux albums de la plupart des groupes afin de ne garder que le titre le plus représentatif et/ou réussi). Un seul titre par groupe, c'est la règle de base pour les Playlist around the world (sinon, vous me connaissez, je n'aurais pu m'empêcher de mettre une dizaine de titres de Massive Attack et Portishead).

 

Existe-t-il des éléments qui caractérisent vraiment la musique de Bristol ? Le "Bristol sound", c'est le trip-hop, évidemment. Sa ville de naissance, et celle dont viennent tous les grands noms du genre (Massive Attack, les fondateurs, puis Tricky, Portishead, Earthling, Smith & Mighty...) Mais Bristol, ce n'est pas que le trip-hop...

Punk, hardcore, cold-wave, dub, reggae, drum'n'bass, électro, les genres musicaux "rebelles" ont trouvé un bon terreau pour se développer à Bristol (bon, pas le black metal mais... non, j'ai dit que j'arrêtais de taper sur le black). S'il fallait trouver une constante dans la musique made in Bristol, je pencherais pour la froideur. Des musiques le plus souvent froides, planantes, mélancoliques. Pas étonnant que le trip-hop soit né à Bristol. Ni que le tube le plus célèbre de la ville, avant le Glory Box de Portishead (j'oublie volontairement ceux de Nik Kershaw, j'espère que vous ne m'en voudrez pas) soit la ballade aux fameuses nappes de synthés, Everybody's got to learn sometimes des Korgis.

 

J'ai tenté de faire en sorte qu'il y en ait vraiment pour tous les goûts dans cette playlist. Les grands du trip-hop, le punk/hardcore de Disorder, Vice Squad ou Chaos UK, la drum'n'bass de Roni Size et DJ Krust, l'électro de Third Eye Foundation ou Fuck Buttons, le stoner de The Heads, le post-punk de The Pop Group, le très "Morissey" Spiders & Flies de Strangelove, l'indie-rock des excellents Gravenhurst, le psychobilly des Sting-Rays, le génial Robert Wyatt, et quelques curiosités, notamment ce Saturday Nite at the Duck-Pond (1963) des Cougars, qui revisitent le Lac des Cygnes de Tchaïkovsky sur fond de surf music et rock instrumental à la Shadows. Un titre qui fût censuré par la BBC, on ne rigolait pas tant que ça à l'époque. 

Deux grands oubliés dans cette playlist, le reggae, et Tears for Fears. Je veux bien être éclectique, mais on ne peut pas aller non plus contre sa nature...   

 

Maintenant, à vous de me dire ce que vous en pensez, et bonne écoute ! (enfin, pour les courageux ou les oisifs qui sont prêts à s'envoyer une playlist d'une quarantaine de titres...) 

 

 

 

 

Les titres :  

 

Massive Attack - Risingson (1998)

Gravenhurst - She dances (2007)

Vice Squad - Gutterchild (1982)

Earthling - Human Dust (1997)

The Heads - Return of the Bemmie (2005)

Flying Saucer Attack - The Season is ours (1993)

The Third Eye Foundation - Pareidolia (2010)

Monk and Canatella - Roughead (1996)

Dragons -Trust (2007)

Strangelove - Spiders & Flies (1996)

Bronnt Industries Kapital - Threnody for the Victims of Lucio Fulci (2009)

Roni Size & Reprazent - Who Told You (2000)

Portishead - Threads (2008)

Chikinki - Delivery 25 (2001)

Glaxo Babies - This is your Life (1979)

Disorder - Complete Disorder (1981)

Breakbeat Era - Animal Machine (1999)

Lupine Howl - Tired (2000)

The Cougars - Saturday Nite at the Duck-Pond (1963)

The Pop Group - She is beyond Good & Evil (1979)

Tricky - Overcome (1995)

More Rockers - Dub Plate (1995)

The Blue Aeroplanes - Scared (1995)

Up, Bustle and Out - Compared to What (1997)

Allflaws - Head Spider (2007)

Way out West - Apollo (2004)

Matt Elliott - The Guilty Party (2005)

Chaos UK - No Security (1983)

Electric Guitars - Wolfman Tap (1983)

Fuck Butons - Surf Solar (2009)

Sneaky Bats Machine - Kiss the Bats (1999)

Beth Gibbons & Rustin Man - Spider Monkey (2002)

The Undead - Undead (1982)

DJ Die - Clear Skyz (2001)

Kosheen - Hide U (2001)

Korgis - Everybody's got to learn Sometimes (1980)

Robert Wyatt - Alife (1974)

Smith & Mighty - Maybe for Dub (1995)

Stackridge - Hey Good Looking (1976)

Crescent - Light will pour from our Eyes (1996)

Stanton Warriors - Beaut Mot Plage/Isobeats (2001)

The Sting-Rays - Don't Break Down (1985)

Mark Stewart - Learning to cope with cowardice (1983)

Jane Taylor - Cracks (2009)

Maximum Joy - Searching for a Feeling (1982)

DJ Krust - Burning (1994) 

  

 

 

  

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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 15:10

roni-size-In-The-Mode.jpgL'air de rien, il y a une certaine cohérence sur ce blog... si je vous ai parlé des bases du rythme, c'est pour mieux comprendre ce Who Told You de Roni Size, et si je consacre un article à cet excellent morceau, c'est parce que je ne pouvais le balancer dans ma "Bristol Playlist" à venir sans m'arrêter sur son originalité. 

 

Lorsque je l'ai découvert, Who Told You m'a mis une grande claque. Le genre de claques musicales qu'on ne rencontre pas si souvent. A un point tel que je pensais vraiment qu'un nouveau style musical pouvait découler de ce seul titre. On était en 2000, et c'était en cette première année du nouveau millénaire la proposition la plus convaincante d'entrée dans une nouvelle ère musicale pour les musiques populaires modernes. La musique du futur, en quelque sorte...

Qu'y a-t-il de si marquant dans ce morceau ? Son rythme. Et du jazz à la techno en passant par le rock et le rap, les "musiques populaires rebelles" ont avant tout frappé les esprits par leur nouvelle donne rythmique. Ce n'est bien sûr pas le seul élément, mais il a un rôle déterminant dans le clivage entre les générations : 

 

C'est principalement l'arrivée de la batterie et ces nouveaux rythmes noirs américains qui ont catalogué le jazz à ses débuts comme "musique de sauvages".

Dans les années 50, les rythmiques rapides et très marquées du rock ont fait dire aux anciennes générations que c'était une musique abrutissante, voire satanique pour les plus puritains. De tels tempos martelés à la batterie entraînaient une accélération des battements de coeur et mettaient l'auditeur dans des états malsains de tension, de violence et de nervosité selon eux.

Le rap, lui, a carrément délaissé la sacro-sainte mélodie du chant pour se focaliser sur la scansion, la rythmicité des paroles. Et a ainsi eu à subir de la part d'auditeurs réacs le fameux "c'est pas d'la musique, y a pas de mélodie". 

Enfin, la techno a, comme le rock a ses débuts, été considérée comme abrutissante à cause de ce beat répétitif très appuyé sur chaque temps.

 

Dans les années 90, le trip-hop a aussi introduit une nouvelle conception rythmique, comme la drum'n'bass, genre dont Roni Size est un des plus illustres représentants. Mais Who Told You n'est pas un titre drum'n'bass comme les autres. Pas de boucles rythmiques groovy typiques du genre, mais un rythme aussi original et surprenant qu'efficace. Et c'est bien là que se trouve toute la force de ce titre : une musique suffisamment entraînante, puissante, accessible pour toucher la jeunesse, et suffisamment novatrice d'un point de vue rythmique pour ouvrir de nouvelles voies. Avant Roni Size, le math rock ou l'electronica en général et Aphex Twin en particulier ont amené de nouvelles manières de jouer avec le rythme. Mesures complexes pour le math rock, déconstructions rythmiques pour l'electronica. Mais ce sont des musiques trop pointues pour embraser la jeunesse comme ont pu le faire jazz, rock, rap ou techno à leurs débuts. Alors que Who Told You n'a rien d'élitiste : une voix rap, des synthés répétitifs froids, planants et futuristes (très "made in Bristol"), et une rythmique infernale qui emporte tout sur son passage.

  

Sans rentrer dans des détails techniques, comment saisir la nouveauté rythmique de ce morceau ? C'est très simple. Prenez quasiment n'importe quel morceau dans les musiques populaires, tapez du pied, et vous suivrez sans trop de problème la pulsation, ça vient naturellement. Mais ici (je vais y revenir pour vous indiquer comment faire), on a la curieuse sensation que le rythme s'affranchit de la pulsation. L'inverse de la techno. Un morceau qui semble idéal pour la danse - comme le suggèrerait le clip - mais qui est en fait très déstabilisant d'un point de vue rythmique. Comme si l'on ne cherchait pas à suivre une pulsation, que ce soit pour la marquer ou la contourner avec swing, mais à "cogner" le rythme. En ce sens-là, il est très éloigné du courant drum'n'bass auquel Roni Size est affilié. Un rythme très syncopé, mais débarrassé de la chaleur du groove. C'est froid, martial, puissant et déroutant. La "révolution rythmique" sur Who Told You, c'est de nous dire "les temps, on s'en fout, on est là pour frapper fort".

Une des caractéristiques des grands compositeurs, c'est d'arriver à utiliser des procédés qui "sonnent mal" habituellement, qui sont "interdits" ou fortement déconseillés, et d'en tirer quelque chose de nouveau et de fascinant. A son niveau, c'est aussi ce que fait Roni Size ici. Un batteur en herbe qui n'a aucune conception du rythme pourrait taper quelque chose d'assez proche dans l'idée, mais, évidemment, chez lui, ce serait un manque de maîtrise du rythme, ça ne sonnerait pas et tomberait à plat à chaque fois. Même chose pour la ligne de basse, qui rentre en suivant le rythme de la voix (ce qu'on appelle homorythmie : deux parties qui suivent le même rythme). A part sur certains types de breaks, une ligne de basse doit éviter de copier celle du chant, c'est en général lourd, ça ne fonctionne pas... mais ici, c'est d'une efficacité redoutable.

 

Ce que fait Rony Size sur Who Told You aurait vraiment pu faire école - et pourrait toujours, d'ailleurs -, une musique du futur, robotique, froide, martiale qui renonce au balancement rythmique traditionnel mais pas à la puissance, l'intensité, la hargne et l'efficacité.

 

Pour comprendre de manière pratique l'originalité de ce titre, cliquez sur la vidéo ci-dessous, mettez le son à fond, tapez du pied ou hochez la tête pour marquer la pulsation. C'est très facile au tout début, puisque les temps sont sur les premiers mots. Sur "Who", sur "Told", puis sur "You"... un peu après, le contretemps sur "This" est assez frappant, et indique bien que les contretemps joueront ici un rôle crucial. Aucun problème, donc, pour sentir la pulsation au début... mais lorsque rentre la rythmique, vous verrez qu'il vous sera particulièrement difficile de garder une pulsation régulière, vous aurez fortement envie de suivre les contretemps inhabituels de la rythmique. Et si vous n'avez pas l'habitude de marquer les pulsations, vous risquez vraiment de vous perdre en vous laissant aller, alors que partout ailleurs dans la musique populaire, c'est en se laissant aller qu'on marque le mieux les pulsations (à moins d'avoir des problèmes de rythme). Une fois ceci essayé, ne vous focalisez pas des plombes sur cette pulsation, ce serait du gâchis, remettez le morceau, suivez attentivement la rythmique et la scansion de la voix, une inépuisable et peu banale source de fascination rythmique :    

            

Roni Size & Reprazent - Who Told You

 

 

 

 

L'album, In the Mode, en écoute sur Grooveshark.

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