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Classements d'albums

10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 23:10

Les années 80, c’est Patrick Bateman qui en est la meilleure métaphore. Le héros du American Psycho de Bret Easton Ellis est un trader tellement obsédé par son apparence, ses gadgets, ses possessions, son plaisir, qu’il en a perdu toute âme. Aussi séducteur et creux qu’une chanson de Madonna, aussi malsain qu’un riff de Slayer, aussi froid qu’un son de synthé de Depeche Mode…

Les années 80 sont celles de l’hédonisme froid. Le règne de l’image. Peu importe la chanson, pourvu qu’on ait le clip. Plus que la sensualité, le plaisir et la jouissance, c’est l’image de la jouissance qui compte. Publicitaires qui se prennent pour des artistes, artistes rabaissés au rang de produits. Le divertissement est plus que jamais la propriété d’une industrie sans âme. Les studios reprennent la main à Hollywood, renvoyant dans les cordes les grands auteurs-réalisateurs des années 70. Exit le Parrain, bonjour Crocodile Dundee. Les mots « artistes » et « musiciens » ont-ils encore un sens pour l’industrie du disque des années 80 ? Non pas que l’industrie de la musique ait été auparavant respectable et vertueuse, mais dans les années 80, on descend encore d’un cran dans la médiocrité et le mépris de la musique. Tout le travail était fait en amont pour trouver la fille aux bonnes mensurations – la voix, peu importe, le playback, c’est pas fait pour les chiens –, puis plancher sur son look, séances-photos, gros travail autour du clip, choisir le bon réal, une histoire simple et un visuel surchargé de couleurs, auditionner les danseurs, les figurants … merde, manque la musique… un coup de boîte à rythmes, une petite mélodie de synthé sur 3-4 notes, une ou deux boucles de sons électroniques, emballez c’est pesé ! C'est très cliché, me direz-vous, mais pas autant que la musique au kilomètre que vomissait la bande FM.

La plastique d’une chanteuse plutôt que sa voix, le clip plutôt que la musique, le look plutôt que le sens… Certes, dans la musique pop, le look a toujours été important. Mais il avait du sens, il faisait souffler un vent de liberté et de transgression. Look débraillé et cheveux longs des années 60, looks glam et punk provocateurs des années 70… dans les années 80, le look n’est plus un moyen, il n’est plus l’expression d’une revendication, il devient une fin. Chic et toc. La provocation n’est plus sulfureuse, dérangeante, audacieuse ; elle est calculée, marketée et racoleuse. Madonna en est le meilleur exemple, et rien ne dit mieux, à mon sens, le basculement de la musique pop dans les années 80 que la comparaison entre Bowie et Madonna (elle qui le considère comme son modèle). Madonna a retenu de Bowie les changements de looks, mais laissé de côté l'exigence et l’évolution musicale. A l’audace stylistique d’un Bowie, elle a préféré la provoc sexe. Tellement plus simple et vendeur. Elle n’est pas le « Bowie des années 80 », juste une copie de Blondie. On ne peut lui retirer l’efficacité de ses tubes, le fait qu’elle soit une figure incontournable de la culture pop… mais musicalement, elle n’est même pas l’ombre de l’ombre du chien d’un Bowie, d’un Lennon ou d’un McCartney. A la limite, l’ombre de l’ombre d’un poux du chien de Bowie. Et j’ai l’originalité de penser qu’en musique, le plus important, c’est… la musique.

Autre parfaite illustration de ce qui peut différencier la pop des 60’s et 70’s de celle des 80’s (regarder ces deux clips en dit plus long que de grands discours) :

Shocking Blue - Venus (1969) 

 

La vidéo promo de la chanson originale de Shocking Blue. Des musiciens dont le travail est de composer et jouer des chansons, pas de poser devant une caméra, c’est assez flagrant. Une bonne chanson pop, agréable et entraînante, qui se suffit à elle-même.

Bananarama - Venus (1986) 

 

La reprise par Bananarama, produite par les infâmes Stock, Aitken & Waterman. Zéro subtilité, zéro musicalité, les trois chantent à l’unisson, des sons électroniques lourdingues et putassiers… rien dans la musique, tout est dans le clip. Mais un clip kitsch comme c’est pas permis. L’esthétique visuelle et sonore des années 80 dans toute sa laideur.  

Mais s’il y a bien un domaine qui représente la spécificité de l’esthétique 80’s, c’est la danse. Dans les années 60, le rock a « libéré » les corps. Les musiciens comme le public bougeaient au rythme de la musique, comme ils l’entendaient. Ils se laissaient aller à une danse de l’instantanée. A l’écoute des sons et de leurs sensations. La danse au son des musiques des années 60-70 libérait les corps, celle des années 80 les emprisonnent dans des chorégraphies robotiques, insipides et millimétrées (Madonna, Mylène Farmer & co). On mouline les bras, on fait un pas de côté, on re-mouline les bras en faisant un pas de côté… le jeune spectateur que j’étais regardais ça, consterné devant sa télé, se disant que puisque c’était laid, c’est qu’il devait y avoir un sens caché… mais non. L’aérobic, expression artistique ? On tombait toujours de plus en plus bas. Il y avait bien un Michael Jackson et ses chorégraphies originales, mais il était plutôt l’exception. Les danses et chorégraphies des musiques mainstream de l’industrie étaient aussi ridicules que leurs chansons (ça devait être ça, le concept). Reconnaissons qu'il y a tout de même eu le hip-hop, on ne s’étonnera pas que les danses intéressantes et créatives viennent, dans les années 80, du peuple et de la rue, pas de l’industrie du divertissement.

Les années 80, c’est aussi l’avènement des concerts-spectacles. Venir écouter et voir des musiciens ne suffit plus, il faut tout un spectacle, lights-shows, danseurs, vidéos… ne manquait plus que les trapézistes et les éléphants. Le Velvet ou le Pink Floyd avaient bien cherché à la fin des années 60 à mêler le visuel et la musique dans leurs concerts, mais il y avait derrière toute une esthétique, une vraie recherche d’atmosphère. Les années 80, c’est le spectacle dans toute sa superficialité, le but n’est pas de créer une œuvre « totale » cohérente, mais d’en mettre plein les yeux. Le visuel n’est pas là pour rajouter du sens, mais pour distraire toujours plus le public.

S’il y a un groupe des années 80 dont le nom illustre à merveille l’esthétique de l’époque, c’est… Fake. Groupe suédois connu pour un tube, Another Brick. Le fake est partout… faux artistes, faux chanteurs, fausses icônes, danse artificielle, faux groove (les innombrables rythmiques synthétiques pseudo-funk), faux rock (rock FM, rock mainstream), pubs qui se prennent pour autre chose que de la réclame, clip privilégié à la chanson, l’image sans le fond. Même le son devient fake. Un batteur, pour quoi faire, lorsqu’on dispose d’une boîte à rythmes ? Les sons de cuivres au synthé sont pauvres et laids ? Aucune importance, on vise le grand public à moitié sourd, pas les mélomanes. Il y avait de l’humain, avant, dans le son. Le touché d’un guitariste, le souffle d’un saxophoniste, le swing d’un batteur… mais l’humain est remplacé par la machine. Les sons chaleureux et riches en harmoniques laissent la place à des sons froids et mécaniques. Les nuances, le swing et la souplesse des rythmes joués par de vrais batteurs et contrebassistes s’effacent au profit de rythmes électroniques rigides. Lorsqu’un groupe pop débarquait sur les écrans, on ne savait ni s’ils chantaient en playback, ni s’ils étaient le « vrai groupe » avec le « vrai chanteur », ni même si ce qu’on entendait était à l’origine joué sur des instruments ou programmés sur des machines. Il y avait bien eu des cas de fake dans la musique des années précédentes, mais on n’en était pas à ce point.

Les sons électroniques sont-ils pour autant une régression ? Non, bien entendu, ce n’est pas le passionné (et compositeur à ses heures) de musique électronique que je suis qui pourrait défendre une telle idée. Aucun outil n’est par nature mauvais en art, tout dépend de ce que l’on en fait. Considérer que la musique pop des années 80 est moins bonne que celle des années 60 ou 70 parce que les instruments sont remplacés par de l’électronique est, au mieux, réactionnaire, au pire, stupide. L’électronique n’est pas le problème, c’est son utilisation qui l’est. Elle est passionnante comme nouveau territoire sonore à explorer, comme moyen de redéfinir la musique pop… mais pas comme « substitut cheap » à de vrais instruments, ni comme moyen de lisser et d’uniformiser encore plus la musique populaire. Je ne vous ferais pas l’injure de vous dire quelle voie a privilégié l’industrie du disque. Mais heureusement, certains artistes ont véritablement su s’approprier de manière créative ces nouvelles technologies (ce qui, après tout, est le moins que l’on puisse demander à des artistes). Les précurseurs de la techno à Detroit, les rappeurs, et quelques groupes synthpop plus aventureux que les autres, au premier rang desquels figurait Depeche Mode.

Le portrait que je viens de dresser de la musique des années 80 est assez dur. Et pourtant, je n’ai même pas parlé de la –énième – mort du rock, obligé de se terrer dans l’underground s’il ne répondait pas au lissage général (à quelques rares exceptions près), du charity business avec ses vieux rockeurs jouant les Mère Thérèsa en cuir, du hard FM... ni même de la France, car là, on touchait le fond du fond. Mieux vaut éviter le sujet, sinon je risque d’être grossier… à côté de la musique française squattant les radios FM et le top 50, Madonna, c’était la grande classe.

Un portrait à charge, mais les années 80 le méritent, et il faut bien que quelqu’un se charge du sale boulot (en même temps, je ne suis pas le premier)… Il y a évidemment eu plein de bonnes choses dans les années 80 (on va y venir), les artistes n’ont pas tous perdu l’inspiration le 31 décembre 1979, pour la retrouver le 31 décembre 1989. Et la musique populaire n’a pas attendu les années 80 pour se vautrer dans le racolage et la mièvrerie. Mais il y a deux raisons majeures qui font des années 80 une période particulièrement sombre pour la musique populaire :

-          Dans les années 80, la pop commerciale et le rock lisse occupent quasiment toute la place dans les médias. Les années 80 marquent plus que jamais auparavant dans la musique pop la rupture entre le grand public et les meilleurs artistes. Quelques snobs du rock ont pu s’en réjouir, j’ai plutôt tendance à le déplorer. Ceux qui ont traversé les années 60 ou 70, à moins de s’être réfugiés chez les mormons, ont entendu les Beatles, Stones, Hendrix, Dylan, Doors, Led Zep, Neil Young, Bowie, Pink Floyd, Sex Pistols, Clash & co. Enfant et adolescent, j’étais déjà un boulimique de musique qui voulait tout écouter, je passais un temps fou à parcourir la bande FM, mais il a fallu que j’attende les années 90 pour découvrir Joy Division, Tom Waits, Nick Cave, Sonic Youth, N.W.A., Pixies, Talking Heads, Smiths et la plupart des artistes considérés maintenant comme les plus intéressants de ces années-là. Il n’y a pas eu ensuite de véritable « hausse de niveau » de la musique populaire, l’industrie a toujours su tomber chaque fois plus bas (la grande mode des boys-band 90’s, puis la Star Academy et la télé-réalité musicale… que trouveront-ils de pire cette décennie ?) mais les gamins de maintenant ont, en quelques secondes et quelques clicks – et ce malgré les stratégies de l’industrie - la possibilité d’écouter quand ils le souhaitent le meilleur de la musique de toutes les périodes.   

-          L’esthétique dominante des années 80 est quasi-indéfendable. Pour toutes les raisons évoquées ci-avant, mais aussi parce qu’elle n’est au fond qu’une resucée de l’esthétique 60’s… en beaucoup moins bien. La musique pop un peu niaise, colorée, légère, sexy, insouciante, « bubblegum », les 60’s nous avaient déjà fait le coup. Mais à l’époque, c’était nouveau, on ne pouvait lui enlever une certaine fraîcheur. La musique dominante des 80’s, c’est la musique des 60’s en boîte. A échelle industrielle. Même s’il existe plein de tubes pop anecdotiques des années 80 qui ont leur charme - et qui ne sont pas beaucoup plus honteux que ceux des décennies précédentes - même si tout n’était pas à jeter, loin de là, y compris chez certaines têtes de gondole de l’industrie du disque, c’est l’esthétique dominante des 80’s qui tire l’art et la musique populaire vers le bas. Ceux qui ont résisté à cette régression n’en ont que plus de mérite… En contrepoids à cette esthétique grotesque, d'autres, beaucoup plus intéressantes ont, de manière plus ou moins underground, parcouru les 80's : coldwave, post-punk (toutes deux apparues fin des 70's), rap, indie rock, indus, noise rock, techno de Detroit.  

Pourquoi tant de haine contre la musique 80's ? Parce que je suis tombé dedans quand j'étais petit. Mais, que je le veuille ou non, cette musique, c’est « ma » culture, ou, du moins, ma culture de base. C’est durant cette décennie que j’ai découvert la musique et ressenti, forcément, les émotions musicales les plus fortes et durables. On n’oublie jamais la musique de son enfance et son adolescence, ce qui explique en partie que j'en veuille autant à l’industrie du disque et aux diffuseurs, la bande-son de ma jeunesse, celle qui compte le plus dans nos vies, celle qui accompagne nos plus grandes émotions et qui nous construisent, n’était vraiment pas terrible… quand je pense à toutes les merdes que j’ai dû subir – succombant parfois à certaines – si j’osais, je leur intenterais un procès pour « pollution d’oreilles et enfance musicale en partie gâchée ». Mais voilà aussi pourquoi j’ai parfois, contrairement à ce que peut laisser penser cet article, une certaine tendresse et complaisance vis-à-vis de la musique de ces années-là. Pas au point de certains restés incapables de différencier l’esthétique et le ressenti, tels ceux qui, sous les best-of et hits pourris 80’s que l’on trouve sur Youtube, écrivent en nombre « Ah, ça c’était de la vraie musique, la meilleure, pas comme les merdes de maintenant… »

Je me suis creusé la tête pour essayer de trouver le tube pop qui soit à la fois le plus représentatif possible de ce qu’on pouvait entendre dans les années 80, qui ne soit pas trop insupportable et pour lequel j’ai une certaine affection nostalgique, et j'ai opté pour Number One de Chaz Jankel (ex-claviériste et guitariste de Ian Dury). Inévitablement, on retrouve sous la vidéo le commentaire suivant : « de la pure balle, ce morceau ! du soleil qui donne envie de vivre, pas comme ces musiques de lourdeaux sataniques et autres rappeux de m....qui parrasitent nos ondes, avec leur bruit ».

Chaz Jankel - Number One (1984)  

 

Pas de la grande musique, c’est sûr, mais un tube pop léger très représentatif de l'époque, et un peu moins mauvais que la plupart des autres… (et vous pourrez admirer la qualité de l'effet spécial...) 

S’il ne fallait garder qu’une chanson des années 80, ce ne serait sûrement pas ce « Number One »… mais, à mon sens, Behind the Wheel de Depeche Mode. Pour plusieurs raisons :

- Une vraie chanson des 80’s. Inimaginable les décennies précédentes. Il y a beau avoir eu un Kraftwerk la décennie précédente, impossible de la confondre avec du Kraftwerk (contrairement à certains des premiers morceaux de Depeche Mode).

- Une chanson qui est parvenue à toucher le public (pas autant que les plus gros vendeurs, mais elle passait régulièrement en radio et a pu rentrer dans les charts), sans pour autant tomber dans le racolage de rigueur cette décennie. Une chanson qui n’a pas été créée pour les radios FM (intro de 1’20, pas de véritable refrain accrocheur, beaucoup de dureté, de raideur et de froideur)… De la « Music for the Masses », mais sans mièvrerie. Et la preuve que le grand public n’écoutait pas non plus que de la merde.

- A la fois complètement 80’s (et parfaite illustration d’un hédonisme froid), et complètement à contre-courant de la musique dominante. Depeche Mode a su contribuer à apporter à la musique pop une froideur, une dureté et une gravité qui semblent aller à l’encontre de l’essence de la pop, et qui pourtant fonctionnaient à merveille chez eux. Et Behind the Wheel est sans nul doute une de leurs meilleures réussites dans le genre.

Depeche Mode - Behind the Wheel (1987) 

 

Rien que pour ça, les années 80, c’était bien…

J’aurais aussi pu choisir A Forest des Cure, qui a elle aussi cette froideur et cette gravité nouvelles (et je ne m'en lasse toujours pas après l’avoir découverte au milieu des 80’s, la fascination qu’elle exerce sur moi est intacte), mais il me fallait une chanson aux sons électroniques pour marquer la spécificité du son 80’s. (A noter pour les musiciens, A Forest et Behind the Wheel ont une ligne de basse très proche... on part de la fondamentale, puis on monte d'une tierce mineure, on descend ensuite une tierce majeure en dessous de la fondamentale... la dernière note est différente, chez Depeche Mode elle est 1/2 ton sous la fondamentale, chez les Cure une quarte au dessus... et on n'est pas dans la même tonalité ni sur le même rythme)  

The Cure - A Forest (1980)


The Cure - A forest par cladstrife

 

Ayons une pensée émue pour ceux qui ont découvert ce clip en 1980, et ont pensé "La musique pop évolue encore de manière intéressante, fini les conneries disco, la pop va rentrer dans un nouvel âge d'or, plus mature et profond... une grande décennie s'annonce !" Mais si cet espoir s'est transformé en cauchemar chaque fois qu'ils allumaient leurs radios ou télés les 10 années suivantes, les 80's ne sont pas pour autant un no man's land musical.  

 

10 albums indispensables des années 80 :

joy-division-closer.jpg

Joy Division – Closer (1980)

Talking-Heads--Remain-in-Light.jpg

Talking Heads –Remain in Light (1980)

The-Cure---Pornography.jpg

The Cure – Pornography (1982)

Tom-Waits---Rain-Dogs.jpg

Tom Waits – Rain Dogs (1985)

slayer_reign-in-blood.jpg 

 Slayer – Reign in Blood (1986)

 Depeche-Mode---Music-for-the-Masses.jpg

Depeche Mode – Music for the Masses (1987)

sonic-youth_Daydream-nation.jpg 

Sonic Youth – Daydream Nation (1988)

Public-Enemy---It-Takes-Nations-of-Millions-to-hold-Us-Ba.jpg

Public Enemy – It Takes Nations of Millions to hold Us Back (1988)

N.W.A---Straight-outta-Compton.jpg

N.W.A – Straight outta Compton (1988)

Pixies---Doolittle.jpg

Pixies – Doolittle (1989)

 

10, c’est peu…  et difficile d’ignorer les albums suivants :

Motörhead – Ace of Spades (1980)

The Gun Club - Fire of Love (1981) 

Bruce Springsteen – Nebraska (1982)

Nick Cave – From Her to Eternity (1984)

Cocteau Twins – Treasure (1984)

Echo & the Bunnymen – Ocean Rain (1984)  

The Smiths – The Queen is Dead (1986)

Guns N’ Roses – Appetite for Destruction (1987)

Swans - Children of God (1987) 

Talk Talk – Spirit of Eden (1988)

Beastie Boys – Paul’s Boutique (1989)

Faith No More - The Real Thing (1989)

Si les sons électroniques sont incontestablement « le » son des années 80, il est amusant de constater que la très grande majorité des albums considérés comme les plus importants et réussis de ces années n’en utilisent quasiment pas…

Mon top 10 des années 80 :  

1. Sonic Youth – Daydream Nation (1988)  

2. Tom Waits – Rain Dogs (1985)

3. The Cure – Pornography (1982)

4. Joy Division – Closer (1980)

5. Swans - Children of God (1987)

6. Public Enemy – It Takes Nations of Millions to hold Us Back (1988)  

7. Slayer – Reign in Blood (1986)  

8. Dead Can Dance - Spleen and Ideal (1985)

 9. Nick Cave – From Her to Eternity (1984)

10. The Sound - From the Lions Mouth (1981)

 

Je me suis dans cet article limité à la musique "pop", tant le jazz ou la musique contemporaine étaient invisibles dans les 80's (et ce n'était sûrement pas leur meilleure période), mais ils ont bien évidemment donné naissance à quelques oeuvres importantes, l'occasion d'un futur article...  

Enfin, rien de tel pour terminer un long article… qu’une longue playlist. La "bande-son idéale des années 80". Sans la plupart des conneries que vous trouvez sur toutes les compils et playlists habituelles consacrées à ces années. Il ne s’agit pas pour autant d’une playlist élitiste composée de morceaux underground (j’ai dû me résoudre à retirer Einsturzende Neubauten), même s’il y a quelques chansons peu connues, mais une playlist qui regroupe le meilleur de la musique populaire de ces années-là. Les chansons les plus marquantes, emblématiques, réussies, originales et/ou représentatives de la décennie. Une manière de se réconcilier - au moins un peu - avec ces foutues années 80...

La bande-son des 80’s

 

 

1980

Visage – Fade to Grey

Joy Division – Heart and Soul

The Cure – A Forest

Talking Heads – Born Under Punches

Motorhead – Ace of Spades

1981

The Sound - The Fire

The Specials – Ghost Town

The Gun Club - Fire Spirit 

1982

Joe Jackson – Steppin Out

Sonic Youth – I dreamed I dream

Grandmaster Flash – The Message

The Chameleons – In Shreds

Afrika Bambaataa – Planet Rock

Michael Jackson – Billie Jean

Cybotron – Cosmic Cars

1983

PIL – This is not a Love Song

Bowie – Let’s dance

Killing Joke – Dominator

Run–D.M.C – It’s like that

Franky Goes to Hollywood – Relax

The Stranglers – Midnight Summer Dream

New Order – Blue Monday

Herbie Hancock - Rockit

1984

Section 25 – Looking from a Hilltop

This Mortal Coil – Song to the Siren

Echo & The Bunnymen – The Killing Moon

Fad Gadget – Collapsing New People

Minutemen - Spillage 

Nick Cave – From Her to Eternity

Anne Clarke – Our Darkness

Prince – When Doves Cry

1985

Depeche Mode – Shake the Disease

The Legendary Pink Dots – Curious Guy

Propaganda – P-Machinery

Front 242 – No Shuffle

Tom Waits – Rain Dogs

Faith No More - We Care a Lot 

1986

The Cramps – What’s inside a Girl

Slayer - Postmortem

1987

Dead Can Dance - Cantara

The Smiths – Stop me if you think you’ve heard this one before

Eric B. & Rakim – I know you got Soul

M/A/R/S/S – Pump up the Volume

Guns n’ Roses – You’re Crazy

Swans - Children of God 

1988

Public Enemy – Bring the Noise

Bomb the Bass – Beat Dis

N.W.A. – Fuck Tha Police

1989

Nine Inch Nails - Sin

De La Soul – Say no Go

Pixies – Gouge Away

Beastie Boys - Shadrach 

 

A lire, chez Arbobo : Pourquoi les années 80, c'était bien 

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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 17:08

Pour ouvrir cette série d'articles "dans la tête d'un compositeur", j'ai demandé à Enzo de Blue Chill de s'y coller, ne serait-ce que pour le remercier d'avoir fait un second mastering de mon album... Du copinage ? Oui, mais du bon... c'est le web musical tel que je le conçois, des passionnés qui débattent, sympathisent, s'entraident et partagent leurs connaissances / découvertes / créations / techniques / conceptions... en dehors des circuits traditionnels, et sans le biais d'attachés de presse.

 

Si vous aussi vous désirez écrire un article sur l'histoire d'une de vos compos, c'est avec plaisir que je le publierai (voir ici pour plus de détails). En attendant, la parole est à Enzo, pour ce texte qui, j'en suis sûr, saura vous convaincre que l'exercice vaut le détour... 

 

Blue Chill - It's You, par Enzo

 

   

1. Mojo Pin, le déclic

Ce morceau est né d'un bout de la version live de "Mojo Pin" qui se trouve dans l'un des différents albums live du grand Jeff Buckley ("Mystery White Boy"). A 4'19 commence exactement le passage en question. 

Les "it's you" répétés par Jeff m'ont marqué. Les petites notes de guitare électrique avec une réverb profonde aussi. Je ne me lassais pas de ce passage. C'était comme une drogue. Tous ces détails assemblés avaient réussi à concevoir physiquement, par le son, mon image émotionnelle. Mais il n'était quand même pas très sérieux de vouloir passer en boucle ces 20-30 secondes. J'ai donc voulu développer l'idée que ce passage m'inspirait. Evidemment, ma représentation émotionnelle de ce bout de "Mojo Pin" étant réduite à mon profil psychologique personnel, mon histoire, ma culture et donc mes goûts, il n'était pas souhaitable de vouloir faire un autre "Mojo Pin", un "Mojo Pin 2". Cette perspective m'aurait bridé dans ma créativité, et je n'aurais jamais pu être fier du résultat. Je ne veux pas être un disciple de mes idoles pendant toute ma vie. Je voulais être moi, travailler mes différentes influences et conceptions esthétiques pour essayer d'en faire à la fois un hommage à ce morceau de Jeff, mais aussi quelque chose de personnel.


2. La première version, seul

 

J'avais enregistré une version quelques jours avant le nouvel an 2008, que je voulais intégrer dans l'album que j'enregistrais seul chez moi depuis quelques mois. A la manière de Jeff, j'ai mis mon capo assez haut sur mon manche de guitare électrique Cort premier prix (pas sûr que Jeff utilisait beaucoup cette marque), et j'ai tenté des arpèges. Bien sûr, je savais jouer sa version d' "Hallelujah" et il était hors de question d'en repomper l'arpège. Sonner à la manière de Jeff, ce n'est pas mentir et camoufler quelque chose qu'il a déjà fait et se l'approprier. L'intro est clairement un clin d'œil à ce que Jeff aimait faire en concert, entre deux morceaux souvent. C'est un petit jeu mignon et naïvement joli. Pas péjorativement naïf. Peut-être que le mot "pur" convient plus.

Une première version sur Jamendo

 

C'était une période de ma vie assez difficile à gérer et j'ai fondu en larmes à la fin de la session d'enregistrement. J'avais le micro dans ma main et j'ai laissé tourner l'enregistrement. Je ne sais pas vraiment pourquoi, j'ai décidé de garder ces sanglots au mixage final. Peut-être par pure provoc. Peut-être pour exprimer de la manière la plus brutale qui soit mon ras-le-bol émotionnel. A cette période, il était clair que je voulais enregistrer un album qui soit mon testament. Je voulais laisser une trace et ensuite mourir. Voilà, c'est dit. Mais je ne me suis pas suicidé, pour deux raisons. Avoir accouché d'un album de 18 titres, enregistré presque intégralement seul, c'est quand même un sacré soulagement, une grande fierté. Et puis les gens ont eu des réactions très positives globalement. Je pouvais donc recycler ce morceau et le proposer aux répétitions du groupe dont un line up fixe s'était constitué entre temps.

3. La version en groupe, à l'épreuve des concerts

Dans l'esprit, le morceau d'origine était assez "folkisant". L'ayant fait muter en quelque chose de plus électrique, il a fallu modifier la fin. Je ne pouvais pas me permettre de pleurnicher à chaque fois qu'on la jouait en concert. Cette fin n'était plus vraiment assumée, en plus. On l'a donc développée, en rendant un hommage encore plus conforme à ce passage de "Mojo Pin" qui me hantait. 

 

 

Et puis, suivant les idées du groupe, on a progressivement glissé vers une esthétique "shoegaze"/"post rock". Et on a remplacé les pathétiques sanglots mous et défaitistes par un glorieux mur du son, fortement influencé par le morceau "Glosoli" de Sigur Ros.

 

Sigur Ros - Glosoli

 

 

4. La transition

Quelques aspects de solfège méritent d'être abordés. Ou, s'ils ne le méritent pas, moi j'ai envie d'en parler. Dans la version EP du morceau, ci-dessous, on distingue clairement une première partie, qui est une série d'arpèges hypnotisants, et une deuxième partie, où il y a quatre "vulgaires" accords joués toujours dans le même ordre. J'annonce la fin de la première partie avec une dissonance à 2'40. Ces petites notes, fausses, sont le prodrome d'une apocalypse sonore imminente, funeste flashforward présentant le narrateur-chanteur baignant dans son propre sang, une main tremblante tendue en direction d'un ciel constellé d'éclairs avides de mort et de destruction. Bref, la vraie transition commence à 2'51, avec des accords qui accompagnent les "you" que je chante, et on peut même entendre un léger coup de cymbale en même temps. Ces descentes simples de guitare électrique arrivent sur les premiers temps des deux premières mesures de cette partie puis sur les troisièmes temps des deux suivantes.

It's (YOU) 2 3 4

(YOU) 2 3 4

1 2 (YOU) 4

1 2 (YOU) 4

5. La déconstruction de la symétrie

Je voulais épaissir le son, pour faire une jolie envolée de fin de morceau (logiquement ça aurait dû durer une minute de plus, ou deux... on s'est un peu emballé). J'ai immédiatement pensé à jouer des accords pendant que mon fidèle guitariste soliste pédalait l'arpège. J'ai trouvé des accords qui correspondaient aux notes de l'arpège. Je devais m'affranchir de cette logique d'arpège avec toutes ces notes partout qui commençaient à devenir un peu saoûlantes. Mais je n'avais pas les accords, j'avais juste composé l'arpège. J'ai donc décidé de découper mathématiquement la séquence de l'arpège en quatre temps: SOL MIm RE SIm. Mais ça faisait trop lourd de jouer ces quatre accords consécutivement. Je voulais temporiser un peu, pour laisser la résonance tapisser paisiblement le "motif arpégé". Jouer un accord sur deux, deux fois de suite les mêmes, aurait gravement manqué de profondeur. J'ai donc décidé (oui, c'était moi qui décidais dans le groupe) de les jouer tous les quatre, mais avec comme solution de jouer le premier et le troisième accord, puis le deuxième et le quatrième, sans modifier leur position d'origine. La conséquence, c'est que l'échelle de temps de la mélodie est alors doublée, puisque pour avoir les quatre accords, il faut deux cycles du motif arpégé. Et finalement les accords sur les 3èmes temps ont été repositionnés sur le premier temps de leurs mesures respectives.

6. Assumer le joli et le facile

Dans l'ordre, on se retrouve donc avec SOL RE MIm SIm. Cette séquence est assez bateau en "pop". C'est du bonbon, facile à jouer, facile à "composer" (tant est qu'on puisse réinventer la brouette, bref) et facile à écouter surtout. Pourquoi facile à écouter ? Parce qu'elle répond à une logique mathématique, une symétrie qui flatte l'oreille de l'Européen doté d'une culture pop "télévisuelle" (les grands médias, le Mal, tout ça). Je crois que GT a un jour abordé le sujet des gammes relatives. Si ce n'est pas le cas, il devrait, allez, au boulot. Pour faire super court, un Do majeur et un La mineur sont interchangeables sans que tout l'habillage ne soit gâché. L'accord mineur relatif du Sol, c'est Mim. L'accord mineur relatif du Ré, c'est Sim. Oh tiens, on a Sol et Ré d'abord, puis leurs mineures relatives respectives Mim et Sim. Ce qui explique pourquoi l'arpège peut être joué deux fois en même temps que chacune de ces paires d'accords. Etant interchangeables, la différence entre ces accords est donc qu'il y en a deux qui sont majeurs (lumineux) et deux qui sont mineurs (sombres). Voilà, on a notre recette mathématique qui explique que ces quatre accords, enchaînés dans cet ordre-là, sont du bonbon pour les oreilles de Monsieur Tout-le-monde. Et même nous, aux exigences pointues. On a donc profité de ce boulevard de bonbon pour y mettre des nuances, y ajouter des détails, travailler les arrangements avec un peu plus de rigueur que si la suite des accords avait été singulièrement géniale.

7. Le boulevard à remplir

Ce boulevard sonore était notre aire de jeux, notre aire de liberté. Comme quand on avait dix ans et qu'on avait des légos (c'est un nom commun maintenant, non?) éparpillés sur notre moquette. On est libre de faire ce qu'on veut. Blue Chill a toujours été une machine expérimentale, mais on aime faire du joli aussi. On a donc cherché les trucs les plus jolis (selon nos modestes subjectivités) à y mettre. A chaque concert, la fin était différente. A force d'improviser, de prendre des risques, il y a des choses que l'on a gardées. J'ai repris les petites notes avec de la reverb qu'on entend à 4'19 dans la version live de "Mojo Pin" ci-dessus. On peut les entendre à 5'43, à peine altérées.

Au départ, c'était une simple envolée de fin de morceau. Puis on a mis un break (à 3'35), pour s'amuser à piéger l'auditeur. Le fameux coup du "oh c'est fini... WAAAH NON" et ça explose juste après. Et puis on a mis un second break (à 4'49), pour casser cette explosion après le premier break, et exploser encore plus fort après. On s'est un peu inspiré de Sigur Ros dans le choix des nuances.

Le but c'était d'en garder sous le pied avec une première explosion contrôlée puis une seconde complétement débridée. Je pense que la ligne éditoriale de Blue Chill, ce qui résume notre philosophie, et dont j'assume très fièrement la paternité, c'est "aucune limite". Jouer un morceau parfaitement comme il a été composé, ça ne nous a jamais intéressés. Il faut jouir auditivement, émotionnellement. La musique, c'est comme du sexe: il faut être dans l'exploration perpétuelle pour continuer de se sentir grisé. Sinon, c'est pas la peine, autant rester seul chez soi pour se masturber minablement. Moi, j'ai fait le choix. 

La dernière version, sur le EP Leglag :

 

 

Blue Chill - Leglag, en écoute sur Bandcamp 

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 20:56

33 morceaux pour les 3 premiers mois de 2013... j'aime les chiffres cohérents, comme les longues playlists. Je n'irai pourtant pas jusqu'à mettre 2013 morceaux dans cette playlist, mais je vise au moins les 103, 113 ou 133.

 

Si vous êtes un habitué, vous connaissez le fonctionnement : une playlist qui va s'enrichir au fil des semaines et des mois, j'y intègre tous les morceaux de l'année qui me semblent dignes d'intérêt. En fonction, bien sûr, de leur disponibilité sur Grooveshark, voilà pourquoi vous n'y trouverez malheureusement pas de morceaux de l'excellent Midcity de Clipping, le seul album qui m'ait vraiment marqué ce premier trimestre.

 

2013 commence plutôt doucement, malgré quelques bons albums et quelques bonnes chansons. Espérons que les prochains mois soient plus riches en surprises et découvertes. En attendant, reste une trentaine de morceaux qui valent qu'on y jettent une oreille ou deux :

 

[Edit : 165 titres, à l'heure actuelle, sur spotify :

 

La playlist complète 2013 sur spotify

 

 

 

 

Le classement des albums de l'année 

 

 

  

 

 

 

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