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25 mars 2009 3 25 /03 /mars /2009 00:46

Gran Torino - Clint Eastwood            2009



Je ne comptais pas forcément parler de Gran Torino, qui a un beau succès public et critique et n'a pas besoin que j'y aille aussi de mes louanges... mais voilà, via le blog de Ska, je suis tombé sur un article des inrocks qui m'a consterné. Que l'on n'aime pas le film, qu'on lui trouve des défauts, pourquoi pas... encore faudrait-il que l'attaque soit justifiée et pas de la pure mauvaise foi comme c'est le cas dans l'
article de Jean-Baptiste Morain.
Si vous n'avez pas vu le film, je vous déconseille d'aller lire cet article où Morain dévoile la fin... ni le mien, car même si je ne dis rien du dénouement et ne reprends pas le passage de Morain le concernant, je livre pas mal d'éléments qu'il est préférable de découvrir dans le film. Parce qu'il faut aller voir ce film magnifique, peut-être même le meilleur de Clint Eastwood (et je ne dis pas ça juste parce que le titre du film a de très belles initiales...)

Morain dit :  Il n’est pas du tout évident que le metteur en scène Eastwood traite mieux les voisins asiatiques de Kowalski que ce dernier ne le fait au début du film. Il suffit de regarder les rares scènes où Eastwood acteur n’apparaît pas pour se rendre compte qu’elles sont faiblardes, assez mal filmées, sans rythme et surtout mal jouées [ce n'est pas du tout mon avis, je les ai trouvées très justes]. Dans les scènes qu’il partage avec certains d’entre eux, on constate tout de suite qu’Eastwood le cabotin a bien pris la peine de choisir des acteurs qui n’aient pas son talent naturel, sa présence.  

Tout d'abord... des acteurs qui aient le talent naturel et la présence de Clint Eastwood, qui soient capables de crever l'écran autant que lui... on pourrait attendre longtemps avant d'en trouver. Il aurait fallu demander à De Niro de jouer le rôle d'un ado asiatique ? D'autant plus que pour que le film fonctionne, cet ado doit manquer d'assurance, être introverti, un peu paumé... De Niro aurait pu le faire, sans doute, mais bizarrement, Eastwood a préféré donner le rôle d'un ado asiatique... à un ado asiatique. Quant au personnage de Sue, plus volontaire et dynamique, elle tient parfaitement tête à Eastwood...

Procès d'intention ridicule de Morain, qui veut nous faire croire qu'Eastwood, lorsqu'il fait son casting, a une chose en tête : que les acteurs soient suffisamment ternes pour ne pas lui voler la vedette. Qui sait, peut-être est-ce le cas ? Mais, à mon avis, Morain n'en sait pas plus que n'importe qui d'autre sur ce qui se passe dans la tête d'Eastwood au moment où il choisit ses acteurs...

Voir derrière cela un "racisme" d'Eastwood est particulièrement absurde, car les personnages blancs du film... ne lui volent pas plus la vedette.

 

Quant aux scènes qui montrent ses voisin[s] [ils n'ont personne pour relire les articles aux inrocks ?] Hmong préparer de la nourriture, elles noient tous les personnages en dehors du héros. Pas de réelle individualité : il y a Eastwood l’Américain d’un côté, les « bridés » de l’autre. Ou l’un parmi les autres.

 

On se trouve ici dans une communauté très soudée, normal qu'il y ait cette impression d'un collectif plutôt qu'une somme d'individualités... faire l'inverse aurait été stupide. Et si Eastwood n'est pas "noyé", c'est là aussi parfaitement justifié - en plus d'être inévitable - il fait tâche dans cette communauté, il est l'étranger... Morain ne l'a peut-être pas compris, mais le film n'a jamais prétendu être un documentaire sur la communauté Hmong, ce n'est pas le sujet.

Tous les jaunes se ressemblent, c’est bien connu, et c’est comme cela qu’Eastwood les filme.

Affligeant. Morain n'a pas dû rester longtemps dans la salle... il y a les "jaunes" voyous, le "jaune" introverti et touchant, la jolie jeune fille dont il est amoureux, la grand-mère râleuse, les ados (très différents de leurs parents), le "chaman", Sue, le Dr Chang... dans Gran Torino, "tous les jaunes ne se ressemblent pas", loin de là. Et si, dans la réception, Eastwood ne s'attarde pas sur chacun d'eux... c'est tout simplement parce que son personnage ne le fait pas, il n'est pas du genre à chercher à créer des liens avec chaque personne qu'il rencontre... ce que dit Morain est d'autant plus indéfendable que les blancs sont encore moins bien traités... Dans la réception des Hmong, Kowalski fait preuve d'un minimum de curiosité, alors que dans celle où sa famille et ses amis sont réunis, il râle, ne discute et ne regarde personne...  
D'ailleurs, s'il y a bien un "double" d'Eastwood dans le film, un personnage qui lui ressemble... c'est la grand-mère Hmong. Tous les jaunes ne se ressemblent pas, il y en a même qui sont plus proches de Kowalski que n'importe quel membre de sa propre famille.

Ensuite, il faut préciser que les Hmong du film ne sont pas des Chinois, mais des Laotiens, une ethnie qui a lutté du côté des Américains pendant la guerre du Vietnam après l’avoir fait du côté des Français pendant la guerre d’Indochine, et qui ont dû pour cela soit se cacher dans la jungle, soit se réfugier aux Etats-Unis. Dire donc que Kowalski met de l’eau dans son vin, qu’il se rédime et qu’il choisit l’intérêt de ses voisins étrangers contre celui de ses enfants n’est pas juste. Il accepte ces asiatiques quand il s’aperçoit qu’ils sont de son côté, qu’ils ont combattu du même côté que lui, et qu’il l’ont éprouvé dans leur chair. Ils ne sont pas autres. Ils sont « ses bons Chinois », comme on dit que tout antisémite a « son bon juif » ou son « bon arabe » - l’exception qui confirme la règle. 

Faux, et assez malsain comme analyse. Faux, parce que le personnage de Kowalski ne se met pas à les aider lorsqu'il apprend que les Hmong étaient du côté des américains pendant la guerre, il le fait - alors que rien ne l'y oblige - lorsqu'il aperçoit de sa voiture Sue entourée de voyous (on peut toujours supposer que la première fois où il leur vient en aide, c'est juste pour protéger sa pelouse).
Contrairement à ce que dit Morain, dont l'article à charge est bourré de procès d'intentions, que les Hmong aient aidé les américains est un élément qui vient bousculer et ridiculiser les préjugés racistes de Kowalski... qui aurait préféré voir dans tous les asiatiques des "ennemis".
Reprocher à Eastwood (le réalisateur) de penser que "tous les jaunes sont pareils" et que de "bons chinois" seraient à sortir du lot parce qu'ils ont aidé les américains... on croit rêver face à tant de mauvaise foi. Dans l'essentiel des films américains, dès qu'on voit un asiatique, soit il fait du karaté, soit il est derrière son écran d'ordinateur... pas de karaté ni d'ordinateurs ici. S'il y a bien un réalisateur américain qui, ces dernières années, a donné une place de choix aux asiatiques dans ses films, c'est Eastwood avec Gran Torino et le superbe Lettres d'Iwo Jima. Est-ce que Morain à entendu parler de Lettres d'Iwo Jima ? Eastwood a réalisé un film comme on n'en voit jamais aux EU, un film de guerre qui se situe uniquement dans le camp des "ennemis des américains", où tous les acteurs sont japonais, et où l'on parle japonais du début à la fin (ce qui est très casse-gueule aux EU, d'autres réalisateurs, s'ils avaient eu le courage et l'ouverture d'esprit pour faire un tel film, auraient au moins choisi de les faire parler anglais). Il y a tellement de réalisateurs de gauche à Hollywood... sans parler de la France... mais aucun n'a jamais su rendre un tel hommage aux "ennemis".   

Pour Eastwood, le danger vient des fils, jamais des pères. Les fils sont intéressés, idiots, gros et laids, ne pensent qu’à la respectabilité, là où les pères ne seraient que minceur, loyauté et responsabilité. Comme si, comme tout bon égocentrique qui se respecte, Eastwood ne supportait pas que les fils puissent un jour prendre sa place. 

Si les fils de Kowalski sont ainsi dans Gran Torino... c'est tout ce qu'il y a de plus logique. Face à un père aussi dur, irascible, froid, droit dans ses bottes, intransigeant, les fils ne pouvaient que prendre le chemin inverse. On imagine bien à quel point leur enfance a dû être difficile avec un père pareil, et on comprend parfaitement qu'ils aient cherché le confort d'une petite vie tranquille. Kowalski lui-même reconnaît qu'il a été un mauvais père.
Quant à Kyle Eastwood, le fils de Clint... il a joué, jeune, dans les films de son père, ce père qui lui a transmis sa passion du jazz au point tel qu'il en est devenu musicien... et son père fait, encore une fois dans Gran Torino, appel à lui pour ses B.O.   

 

Alors pourquoi crie-t-on au génie devant un film qui clame que tous les Le Pen du monde peuvent connaître la rédemption ? 

Un "Le Pen" ? Alors toute femme qui parlerait de fraternité serait une "Royal" ? Tout homme préoccupé par le sort de la planète serait un "Mamère" ? Mouais...

Et si l'on crie au génie devant ce film, c'est peut-être parce que tout le monde ne regarde pas un film uniquement avec de petites oeillères idéologiques, et peut se rendre compte que ce film est magistral, émouvant, intelligent, sensible, drôle, juste, fort, humain et parfaitement raconté...

(Gran Torino est un film qui met de bout en bout les rieurs de son côté et leur permet d’exprimer sans remords ni conséquence leur racisme larvé)

Ridicule. Après tous ces procès d'intention faits à Eastwood, voilà qu'il s'attaque aux spectateurs et prétend décrypter ce qu'il se passe derrière les rires. Mais les choses sont bien plus subtiles que cela, lorsqu'on est capable de mettre de côté ses dogmes idéologiques. Les vannes racistes "désamorcent", elles ont - entre Kowalski et le coiffeur italien ou le chef de chantier irlandais - un caractère totalement inoffensif, le rire est même ce qui leur permet de communiquer, de vider de leur potentiel agressif leurs préjugés racistes. Lorsqu'un italien et un polonais sont capables de se chambrer sur leurs origines sans haine et sans se foutre sur la gueule, lorsque ça n'est plus qu'un jeu, l'essentiel du travail d'ouverture à l'autre est déjà fait. Ce ne sont pas les vannes racistes en elles-mêmes qui sont drôles, c'est de voir ces types se balancer des horreurs alors qu'au fond, ils se respectent et s'apprécient.
Quant aux insultes d'Eastwood contre les Hmong... on ne rit pas là encore forcément par "racisme larvé", mais surtout parce que le personnage est drôle, parce qu'au cinéma, un incorrigible vieux bougon qui râle contre tout, qui ose s'adresser de manière aussi cassante à ses interlocuteurs, c'est drôle... on rit à ces insultes comme on rit lorsqu'il envoie balader les membres de sa propre famille... Alors peut-être que certains "rieurs racistes" ont pu se dire pendant le film "ah ah ah, qu'est-ce qu'il leur envoie à ces sales chinetoques..." mais on ne peut rien y faire, ça va à l'encontre du propos du film, et faut être dans un "politiquement correct" extrémiste pour voir le mal dans ce film qui est une ode à la tolérance et à l'ouverture aux autres communautés. Si on va par là, faudrait aussi taper sur le moindre film où un noir se fait descendre, parce qu'un raciste dans la salle pourrait toujours se dire "bien fait pour ta gueule, sale négro"... 

Voilà où mène l'absurdité du politiquement correct extrémiste... si on suivait la logique de Morain et des obsédés du politiquement correct, le film qu'Eastwood aurait dû faire (en partant de l'idée d'un vieux raciste qui va au fur et à mesure apprendre à connaître et apprécier des asiatiques qui s'installent près de chez lui) serait le suivant :
Un vieil homme dont la femme vient de mourir... ses fils sont tous super-cool, histoire de ne pas laisser penser qu'il y ait une "haine des fils"... des asiatiques viennent s'installer près de chez de lui... pas question qu'il sorte des vannes racistes, cela pourrait amuser des fachos dans la salle, mais faut bien montrer qu'il a des préjugés racistes... donc, les quelques fois où il balancera des insultes, son visage se déformera de manière hideuse, avec des violons flippants à la Psychose en fond pour qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté. Pas de "petite fiotte" et d'injures homophobes non plus... le film manque d'ailleurs de gays, il faudrait ajouter un personnage de gay sympathique et pas caricatural...
Lorsque Kowalski sera invité à une fête de la communauté Hmong, elle devra durer près de 35 minutes, il faut qu'il s'intéresse à chacun des personnages... par exemple, Sue les présentera tous à Eastwood... elle ne se contentera pas de donner leur nom et leur profession (sinon, on pourrait imaginer que les individus se réduisent à cela), ils viendront chacun raconter leur histoire et parler de leurs désirs, de leurs rêves, leurs souffrances... 
Le jeune Tao se fait emmerder par des voyous... attention, pas de manichéisme, il ne faut surtout pas laisser à penser que ces voyous le sont parce qu'ils sont naturellement mauvais, mais montrer avec de fréquents flashbacks que leurs tendances délinquantes sont le fruit d'un malaise social, de la pauvreté, de la misère, de leur enfance difficile etc...
Pas question non plus que Kowalski aide trop les asiatiques, ce serait faire croire qu'ils ont besoin des blancs... il ne sera que spectateur, les Hmong se débrouilleront très bien sans lui, et c'est même Sue qui règlera leur compte aux voyous... Kowalski se fera violer par le gang de chinois, et elle ira leur faire la peau, pour montrer qu'une fille peut bien être la "femme de la situation". Penser aussi à prendre des acteurs asiatiques d'1,90 mètres, on ne doit pas avoir l'impression qu'ils sont petits à côté du grand Clint, faut qu'ils lui parlent "d'égal à égal".
Et c'est quoi, ces codes macho, l'obsession pour la bagnole qu'est la Gran Torino, le bricolage, le chantier comme premier job... la transmission du vieux au jeune se fait de manière beaucoup trop phallocratique. Kowalski lui présentera un ami qui tient un institut de beauté, après tout, un homme peut très bien y bosser... plutôt que le bricolage, Kowalski commencera par lui enseigner l'épilation du torse, l'utilisation de crèmes de jour... 
Quant à l'objet du désir et de la transmission, plutôt qu'une bagnole, choisir un téléviseur plasma Samsung ps58a676... ce beau film totalement politiquement correct s'appellera donc Samsung ps58a676.

C'est tout de même un comble de trouver, face à un film déjà très "bien pensant" (puisqu'il est question de montrer que rien n'est jamais perdu, qu'un vieux raciste peut apprendre à s'ouvrir aux autres et revoir ses préjugés), des extrémistes du politiquement correct pour lesquels ce n'est toujours pas assez.

Ce que ne dit pas Morain et qui est bien plus intéressant dans Gran Torino, est cette idée capable de déranger autant les racistes que les adeptes du politiquement correct : les vieux réacs, en fin de compte, sont bien plus proches idéologiquement de bon nombre d'immigrés que de leur propre famille. Une réalité dont on parle assez peu... mais, de manière un peu caricaturale pour un vieux réac, entre son petit-fils, jeune homme "moderne" qui ne veut pas se salir les mains dans un boulot épuisant, qui pense que les couples gays devraient pouvoir se marier et adopter comme les autres, qui a intégré une certaine "indifférenciation des sexes" et pense que l'éducation des enfants et tâches ménagères sont autant le rôle des hommes etc... et un immigré attaché à des valeurs traditionnelles et principes rigides, il est évident que le vieux réac est bien plus proche de l'immigré que de son propre "sang".

Dans GranTorino, Kowalski sent bien qu'il n'a rien à "transmettre" à sa petite-fille pourrie-gâtée, le mur qui existe entre elle et lui est bien plus infranchissable que la barrière qui le sépare de la communauté Hmong...

Pour terminer sur les dernières énormités de Morain : qu’on pardonne tout à Eastwood parce qu’on aime l’aimer (c’est effectivement un grand cinéaste) et parce qu’en France on n’aime pas autant d’Américains que cela (il y a Obama, certes, mais c’est très récent). On peut légitimement se poser la question : est-ce qu'on aimerait autant le film d’Eastwood s'il était français ? Ne lui pardonne-t-on pas tout (son idéologie de beau pépé égotiste) sous prétexte qu'il est américain, et donc naturellement réactionnaire ? Clint Eastwood nous donne bonne conscience. 


- Je me tiens à l'entière disposition de Morain pour lui filer une centaine d'exemples d'américains qu'on aime plutôt bien en France, de Dylan à George Clooney en passant par Scorsese, Tarantino, Woody Allen, Sean Penn, Bret Easton Ellis, Al Pacino... que ce soient dans les films, séries, la musique, la littérature... on les apprécie tout de même pas mal. Il devrait le savoir, il officie dans un magazine où se dit beaucoup de bien de nombreux artistes américains...
- On aimerait Eastwood parce qu'il représente l'américain réac' ? J'ai une explication bien plus simple : on aime Eastwood parce qu'il est un grand réalisateur et un grand acteur. De plus, il a beau être républicain dans un milieu très démocrate, c'est un personnage bien plus complexe que ne le pense Morain, capable de menacer Michael Moore pour avoir piégé Charlton Heston d'un côté, militant anti-chasse, opposé aux armes à feu et fervent écolo de l'autre. Ces quatre dernières années, Eastwood a réalisé un film qui démonte l'héroïsme (Mémoires de nos Pères), un film en japonais qui relate la guerre du point de vue des adversaires des américains (Lettres d'Iwo Jima), un film où un vieux raciste va s'ouvrir aux autres et apprendre la tolérance (Gran Torino)... et le sujet de son prochain film, prévu aussi pour cette année (il est décidément très prolifique) sera... la fin de l'Apartheid (The Human Factor). Je ne vois pas de réalisateurs français ou américains de gauche qui aient, dans de grands films, autant mis à mal les valeurs réactionnaires bushistes et les préjugés racistes qu'Eastwood ces derniers temps...

L'article de Ska : Du "vigilante"... (Gran Torino vs The Watchmen)

L'article de Dr. F : Gran Torino / The Wrestler vs Death Wish 3/ Rocky

 

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23 mars 2009 1 23 /03 /mars /2009 15:39

Les meilleurs albums de 2009, classés d'après la moyenne des votes des blogs musicaux :



1. Dälek - Gutter Tactics 8

2. Byrdy Nam Nam - Manual for Successful Rioting 5,8

3. Antony & the Johnsons - The Crying Light 5,6

4. Animal Collective - Merryweather Post Pavilion 5,4

5. The Puppini Sisters - The Rise and fall of Ruby Woo 3,6


Les blogs qui participent au classement (si je vous ai oublié, signalez-le moi):

Systool  
Alternative Sound 
Le Golb     
7and7is           
Classe ou Crasse 
Guic'the old 
Lyle      
Le Chant de la Sirène   
Le Bal des Vauriens 
Arbobo     
Jazz, Blues & co    
Libellus
Rxqueen
Chroniknroll
Kamunke
Kill Me Sarah

Soundtrack of my Life  
Là où dort le chat noir...
Strategikon
Labosonic
Pop-Hits     
Pyrox
Circus Circus
Tweek
Chtif
Zicdelanmil
Aymeric 
Christian
115th dream
Dr Franknfurter     
The man of Rennes steals our Hearts  
Mange Disque
Yosemitefolksinger
PlanetGong
Sfameyr
Blinkinglights       
Music-is-the-best
Derrière la fenêtre

Et bien entendu les habitués (Crafty, Anne, Olive...)

Les retardataires et les nouveaux peuvent noter tous les albums déjà classés, mais prière de mettre vos notes dans le dernier article du classement (donc celui-ci), pour faciliter mes comptes.
Pour voter, vous devez soit tenir un blog/site musical (et avoir un minimum d'exigence : fans de Céline Dion, Tokio Hotel, Calogero, passez votre chemin, de toute façon, vos albums favoris ne sont pas répertoriés), soit être un habitué du blog, dont j'ai souvent lu les commentaires et que je peux "identifier".
 


 

A noter cette semaine :

DJ Signify - Of Cities (8)

The Phantom Band - Checkmate savage (7,5)

John Frusciante - The Empyrean (7) 

Franz Ferdinand - Tonight (5)

Bruce Springsteen - Working on a Dream (4)

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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 11:24
Oui, pourquoi ? Voilà bien une question que pourrait se poser un jeune fan de rock qui, après 2-3 écoutes, ne comprendrait pas le culte et la vénération des rockeurs pour Joy Division... Il a entendu parler du film Control, du "mythe" qu'est devenu Ian Curtis, il s'attend à une grande voix... et là, premier choc et première grosse désillusion, la voix est peu assurée, semble forcée dans le grave, pas de souffle, pas de beau timbre... bref, une voix glauque et déplaisante, une voix de "blatte malade" comme le disait Klak. Quant au groupe, il joue raide, sec... pas de groove, pas de riff imparable, pas de mélodie accrocheuse, tout est... froid et poisseux. Et s'il fait les choses dans l'ordre et commence par leur premier album, il trouvera aussi la prise de son un peu trop vieillie et terne... Ian Curtis serait un de ces chanteurs fous, barges, rock'n'roll, qui font l'histoire du genre par leur personnalité extravertie et leurs frasques multiples ? Même pas, c'était un type en général sociable, poli, sympathique, marié à 19 ans, qui n'abusait pas de drogues...  

Le jeune fan de rock se dit alors que la fascination pour le groupe n'est pas plus liée à leur musique qu'à leur attitude, elle doit être dans le message qu'il porte... et se rend compte très vite que le nom du groupe renvoie au nazisme (les "Divisions de la joie" étaient ces femmes déportées utilisées pour satisfaire les envies sexuelles de militaires allemands et du personnel des camps), puis il découvre que la pochette de leur premier EP (sous le nom de Warsaw) est une illustration des jeunesses hitlériennes (EP qui contient aussi des photos du ghetto de Varsovie), que le chant de Ian Curtis ne débute pas sur Warsaw par 1,2,3,4... mais 3,5,0,1,2,5... le numéro de matricule de Rudolf Hess... après la mort de Curtis, les 3 autres choisiront pour nom "New Order"... là, le jeune fan de rock est pris de vertige... voix désagréable + musique aride et morbide + références nazies... ce n'est pas pour lui un des plus grands groupes de rock, mais le pire. Il en vient à se demander si le rock n'est pas un milieu crypto-nazi pour qu'un groupe tel que Joy Division soit l'objet d'une telle vénération...
Plus tard, il comprendra que les références nazies ont fait partie de la provocation punk (Sid Vicious, Siouxsie) et rock de l'époque en Angleterre (Bowie, perdu à ce moment dans la mégalo, la parano, des délires nietzschéens... et si Joy Division s'est appelé d'abord Warsaw, c'est 
Warszawa de Bowie qui les a inspiré). Mais c'est un peu facile, aussi, de n'y voir que de la provoc', ou une "critique" comme l'ont plus tard dit les membres de Joy Division... il y a chez Ian Curtis et Joy Division une incontestable fascination pour la noirceur, le morbide... ce n'étaient pas plus des crétins punks incultes que des artistes très engagés politiquement (d'autant plus que dénoncer le régime nazi fin des années 70 en Grande-Bretagne n'avait rien de brûlant, courageux ou polémique).



Tout cela participe aussi du rejet radical des idéaux hippies par les punks, qui, à l'ancien et naïf "flower power" opposent pour la plupart rage, révolte, violence, chaos. Pas étonnant que Ian Curtis ait été fan de Jim Morrison, il y a une filiation évidente entre les deux... aucune fascination pour le nazisme chez Morrison, mais pour Nietzsche, le Moyen Age, l'Antiquité, le romantisme sombre, l'ésotérisme, la manipulation des masses... son univers (comme je l'ai expliqué ici) est par bien des côtés à l'exact opposé de l'univers hippie (même si on ne peut négliger sa passion pour le blues, Elvis, Dylan et les poètes de la beat generation). Ca me pendait au nez, un article sur Joy Division et je me mets à parler de Morrison... revenons-en au sujet... 

Pourquoi Joy Division, donc, après un tableau aussi sombre...

1. Histoire

Qu'on le veuille ou non, le rock, ce n'est jamais "que de la musique", c'est aussi une histoire, une attitude... et celle de Joy Division - et Ian Curtis en particulier - a de quoi forcer l'admiration. Bernard Sumner (guitare) et Peter Hook (basse) décident de monter un groupe après avoir vu un des premiers concerts des Sex Pistols, ils embauchent Ian Curtis lors d'un autre concert des Pistols... c'est tout de même autre chose sur un CV rock que de se rencontrer sur myspace ou à un concert de U2...
Un premier album qui marque déjà la naissance d'une nouvelle esthétique post-punk, un chanteur atteint d'épilepsie qui danse d'une manière très surprenante (de mauvaises langues diraient : Ian Curtis a inventé la tecktonik 25 ans avant tout le monde...) et se suicide juste avant leur première tournée américaine et la sortie du second album. Rien de tel qu'une mort violente (suicide, overdose, accident) et précoce pour entrer au panthéon du rock (Curtis, mort à 23 ans, fait mieux que le "club des 27" : Morrison/Hendrix/Joplin/Brian Jones/Cobain).



2. Esthétique et musique

Unknown Pleasures, le premier Joy Division (1979), n'est pas le premier album post-punk... il y a eu les indispensables First Issue de P.I.L. et The Scream de Siouxsie (tous deux sortis en 78). Mais il n'en reste pas moins que Unknown Pleasures et Closer sont deux pierres angulaires de la musique rock... le rock a été jusque-là festif, engagé, sophistiqué, enragé, soft, hypnotique, foutraque, violent, consensuel, provocateur, sérieux, parodique, joyeux, triste, élitiste, plouc, expérimental, planant, bourrin, décadent etc... bref, on pensait qu'il avait à peu près tout connu et qu'il ne lui restait plus d'émotions à explorer... mais Joy Division saura apporter une nouvelle couleur à la palette du rock : jamais le rock n'avait été aussi sombre, glauque et déprimant. Si l'on excepte leur "tube", qui ne figure de toute façon pas sur leurs deux albums (Love Will Tear us Apart, la seule mauvaise chanson de Joy Division à mon goût - je vais me faire taper dessus pour ce blasphème, mais j'y peux rien, j'ai toujours trouvé sa mélodie effroyablement niaise), il n'y a absolument rien chez Joy Division qui puisse séduire l'auditeur lambda (à la limite, Decades...). On trouve beaucoup de jolies ballades chez le Velvet, une énergie et une intensité rock'n'roll "entraînantes" chez les Stooges et Sex Pistols... mais pas chez Joy Division. Ils restent dans un cadre "chanson rock", mais des chansons rock débarrassées de toute "joliesse". Auparavant, tous les groupes rock allaient un minimum chercher l'auditeur... que ce soit par des mélodies accrocheuses, des riffs efficaces, du groove, une originalité surprenante, une intensité rare, une voix sexy, de la spontanéité... Joy Division, non. Ce n'est pas à Joy Division de chercher l'auditeur, c'est à lui d'accepter de rentrer dans leur univers froid, glauque et dépressif, à lui d'accepter la voix de Ian Curtis qui semble dire "je ne suis pas là pour te plaire, te bercer, te faire rêver, t'enchanter... mais te plonger sans artifice dans les abimes de la dépression." Avis aux amateurs... 

Le rock haranguait les foules, s'amusait à les choquer, les interpeller.... avec Joy Division, on passe à quelque chose de véritablement nouveau, une rage rentrée, une musique de la frustration et de la dépression, une musique qui semble, après l'explosion punk, nous dire que tout ça ne sert à rien, qu'il n'y a aucun espoir, qu'il ne reste plus qu'à se laisser crever (ce que Ian Curtis a parfaitement mis en pratique...) "No future" disait Johnny Rotten... personne ne l'a aussi bien compris, intégré et incarné que Joy Division.  

Le plus fort chez Joy Division, c'est qu'il est le premier groupe de rock qui semble avoir abandonné toute idée de frime et de spectacle. Sans mauvais jeux de mots, il est le premier groupe qui n'ait pas de "hook" (qui désigne chez les rappeurs le passage "accrocheur" du morceau, le refrain), autrement dit, le premier groupe qui n'ait rien qui vienne aguicher le public. Chez tous les grands qui ont jusqu'alors contribué à rendre le rock plus sérieux, ambitieux, radical ou profond... il y a toujours eu un truc sexy, cool, second degré, excentrique ou virtuose, toujours un truc qui nous rappelait qu'on était en "représentation". Le "rock'n'roll circus", c'est de ça dont il s'agissait. D'Elvis à Bowie, tous ont fait - avec talent et génie parfois - leur numéro. Cela n'empêchait pas la sincérité, la profondeur, les grandes ambitions, le sérieux... particulièrement chez Can, Patti Smith... pourtant, même chez eux, il y a une dimension "spectaculaire", et cette volonté d'aller chercher l'auditeur, de l'interpeller, le transporter.

La vidéo ci-dessous est éloquente. S'il y a bien une chose à laquelle ne ressemble pas Ian Curtis, c'est à un chanteur de rock... et s'il y a bien trois choses qu'il ne sait pas faire, c'est :
1. Chanter
2. Danser
3. Créer un lien avec le spectateur

Joy Division - Shadowplay



Pas de frime, de spectacle, de clin d'oeil, de second degré, tout semble ici grave, terriblement grave, désespérément grave. 
On ne vient donc pas à Joy Division comme on vient à n'importe quel autre groupe de rock. On n'y vient pas pour se divertir, s'amuser, danser, être séduit, bercé, charmé, excité. Pour répondre à la question initiale, on vient à Joy Division pour deux raisons essentielles :

1. Parce qu'on estime que l'esthétique prime. Peu importent les références douteuses, la voix de vautour déprimé de Ian Curtis... toutes les barrières qui semblent se mettre entre un auditeur lambda et Joy Division sont autant d'obstacles destinés à réduire l'accès à un groupe qui se mérite. Et lorsqu'on a su les franchir, on découvre les trésors que sont les morceaux fascinants de Joy Division. Revendiquer Joy Division, c'est dire quelque chose de soi... non pas "je suis un nazi dépressif", mais "l'esthétique est pour moi primordiale"... 

2. Le rock, c'est la rébellion, le miroir de l'adolescence... 
Il a jusqu'à Joy Division exprimé la plupart des phases de l'adolescence :
Besoin de liberté, de s'éclater (Elvis, Chuck Berry)
Prise de conscience du monde qui nous entoure, engagement, contestation (Dylan)
Imagination, créativité débridée, audace, insouciance... tout semble facile et possible (Beatles)
Jouer les mauvais garçons, être cool (Stones)
Quête d'absolu (Hendrix, Led Zep, Pink Floyd), de transcendance et de mysticisme (Doors, Hendrix)
Provocation, transgression (Doors, Velvet) noirceur (Doors, Velvet, Magma, Pink Floyd, Black Sabbath)
Energie, appétit de vie, révolte (Who, Led Zep) 
Décadence, ambivalence, ambiguïté (Velvet, Bowie)
Expérimentation (Beatles, Soft Machine, Pink Floyd, Zappa, Captain Beefheart, Can...)
Rage, hargne, fureur (MC5, Stooges, Sex Pistols)   

Mais aucun groupe n'avait encore illustré l'état le plus flippant et extrême de l'adolescence, celui où l'on ne joue plus, où l'on ne cherche plus, où l'on n'essaie même plus d'agir sur le monde, de se présenter ou se représenter, celui où l'on s'enferme complètement sur soi-même, où tout est froid, désespéré, vide de sens, celui où, le nazisme ou autre chose, peu importe, on voudrait juste que tout s'arrête...   

Unknown Pleasures ou Closer ? 

Les deux sont indispensables... et en écoute intégrale sur jiwa (dans leur version remasterisée)  :

Unknown Pleasures
Closer 

J'ai une petite préférence pour Closer, plus abouti... et je vous ai concocté une playlist des titres qui sont à mon sens les meilleurs de Joy Division... playlist qui ne sert pas à grand chose, autant écouter leurs deux chefs-d'oeuvre en entier... 






Joy Division :

Ian Curtis (chant)
Bernard Sumner (guitare)
Peter Hook (basse)
Stephen Morris (batterie) 




Chronique de Closer sur le Golb
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