Encore une chronique d’album du Rev. Tom Frost ? Ce blog en semi-coma ne sera-t-il bientôt plus alimenté que de classements d’albums, nécrologies et chroniques du Reverend ? Pas uniquement, rassurez-vous, je suis en train de préparer un nouveau dossier (ça faisait longtemps). Mais puisque le Reverend est presque aussi rapide à sortir un album que je suis lent ces temps-ci à pondre un article, inévitablement, il est omniprésent dans ces pages… Je pourrais aussi ne pas faire de chroniques de chacun de ses albums, me direz-vous, surtout s’il en sort autant… Mais tous ses albums le méritent bien, et celui-là est carrément son meilleur (je sais, je le dis à chaque fois, mais c'est vrai, et là, il franchit même un nouveau pallier). Le rock rageur et débraillé tel que je l’aime, j’en parle, et lui le fait. Alors plutôt que de continuer à écrire sur ce blog encore de longs discours sur le rock, le blues, ou le blues-rock, mieux vaut vous inciter à écouter la bonne parole du Reverend…
D’ordinaire, lorsqu’on reprend de vieilles chansons, c’est pour les mettre au goût du jour. Un travail d’affinage, de « lissage »… le Reverend, lui, est plutôt dans le « dé-lissage ». Ses quelques reprises donnent plutôt l’impression de tirer ces chansons hors du studio où elles ont été enregistrées pour virer leurs couches de vernis et les ramener dans la cambrousse… le premier titre de l’album, une reprise crépusculaire du Tall Oak Tree de Dorsey Burnette, en est la parfaite illustration.
l’original :
version Rev. Tom Frost :
(Comme d’habitude, il joue de tous les instruments sur l’album, sauf sax et trompette)
Avec ce premier titre, on démarre relativement tranquillement, le voyage ne se fait pas à bord d’une voiture dernier cri, faut un peu de temps que le moteur chauffe… mais une fois lancé, c’est bruyant et ça secoue, sensations fortes assurées. Du 2° au 7° titre, c’est un road-trip sans freins à 100 à l’heure (en miles, pas en km/h), sur une autoroute en plein cœur de l’Amérique. J’ai entendu de bons disques cette année, même de très bons, mais pas grand-chose d’aussi intense (de quoi me faire oublier la déception du mollasson dernier Nick Cave)…
La preuve avec l'excellent Golden Days, Red Hot Night :
A la moitié de l’album, on sort de l’autoroute pour s'aventurer dans un mystérieux bled paumé (le funèbre Dead Fun, une autre de ses compos les plus réussies), quelques rayons de lumière pour réchauffer l’atmosphère (la reprise de That Lucky Old Sun) et souffler un peu (avant le puissant High Love). Balade dans une ville-fantôme (A Stranger Called Dragon), fantôme jusqu'à ce que l’on ouvre la porte du bar de la ville, toute la population y est regroupée dans un état d’ébriété particulièrement avancé.
Hey, Brother, Pour The Wine, version Dean Martin
La reprise du Reverend, où l’on ne lésine pas sur le whisky entre deux verres de vin…
Petite ville d’une Amérique intemporelle et marginale loin de l’Amérique de Trump et de celle de Clinton. Refuge de bikers, bluesmen, bandits en cavale, hiboux maléfiques, preachers avec bible dans une main, colt dans l’autre… Twin Peaks meets Sons of Anarchy dans un épisode co-réalisé par Tim Burton et Georges A. Romero. Mais s’il fallait filer à tout prix la métaphore cinématographique, je dirais que cet album est son plus tarentinien (tarantinesque ? taranteigneux serait plus adéquat…) Non pas qu’il sonne réellement comme une BO de Tarantino, c’est plutôt par l’esprit qu’il en est proche… Nerveux, mal élevé, jubilatoire et complètement décomplexé. Une bonne grosse claque qui fait beaucoup, beaucoup de bien.
Mysteries & Manners, contrairement aux précédents, n’est pas sur spotify. Et pour l'acheter c'est sur son site : Rev. Tom Frost Store (ou sur Itunes, amazon) Vous hésitez ? Réécoutez, à fond, Golden Days, Red Hot Night (3 vidéos plus haut), l'album regorge de titres de cette qualité et de cette intensité...