[Discuter comme nous le faisons si souvent du téléchargement, ça va un temps, mais il s’agit maintenant de se faire entendre. C’est pourquoi je vous propose cette « lettre ouverte », que je compte bien envoyer aux majors, labels et médias. Si vous êtes d’accord avec le contenu de cette lettre, merci de le signaler dans les commentaires. Et si vous avez un blog ou site web, il sera listé à la fin de la lettre. J’espère recueillir un maximum de commentaires, de soutien des blogueurs, et j’aimerais que vous encouragiez vos lecteurs (à la fin de votre prochain article, par exemple), s’ils partagent ce point de vue, à venir ici le dire. L’union fait la force, et l’on sera d’autant plus pris au sérieux que l’on sera nombreux.]
Il en va des débats sur le téléchargement comme du business de la musique : la dernière roue du carrosse, ceux à qui l’on ne prête jamais attention, ce sont les plus fidèles clients des maisons de disques, les passionnés de musique. Je ne prétends pas tous les représenter ici, mais je me fais l’écho de ce qu’une grande majorité de ceux que j’ai pu côtoyer sur le net ou ailleurs pensent de la situation.
Nous, passionnés de musique, rejetons catégoriquement la loi Hadopi et nous opposons fermement aux politiques répressives des maisons de disques à l’encontre des internautes qui téléchargent « illégalement » de la musique. Non pas que nous souhaitons pouvoir assouvir notre passion gratuitement, nous sommes parfaitement disposés à acheter les albums qui nous plaisent - nous l’avons fait, nous le faisons, et nous continuerons à le faire - mais nous estimons qu’une technologie qui permet de diffuser librement et de reproduire à l’infini de la musique, sans coût supplémentaire pour l’artiste ou les producteurs, est un progrès sur lequel on ne pourra revenir.
Depuis de nombreuses décennies, l’industrie du disque n’a eu de cesse de privilégier les acheteurs occasionnels de musique au détriment des passionnés. Logiques de concentration, matraquage des mêmes tubes et mêmes artistes, mise en valeur de best-of et compilations qui rapportent aux éditeurs et héritiers au lieu de valoriser les nouveaux artistes, coups marketing qui supplantent toute démarche artistique, et, dernièrement le « téléchargement légal » de musique. Car ce téléchargement légal que l’on nous présente comme « l’avenir de la musique » et une « alternative au piratage » peut correspondre à des acheteurs de tubes, mais sûrement pas à l’essentiel des passionnés de musique (à moins qu’ils soient riches… mais la musique ne doit pas être réservée aux riches, non ?). Lorsque les musiques que nous aimons sont si peu (voire jamais) diffusées en radio ou en télé, et puisque nous nous intéressons aux albums bien plus qu’aux singles, en quoi le téléchargement légal tel qu’il existe actuellement peut-il nous convenir ? Nous n’allons pas payer 10 euros chaque fois que l’on souhaite juste découvrir un album, rien que pour l’avoir en fichiers dématérialisés…
Les passionnés de musique se faisaient des copies de copies de K7 dans les années 80 puis de CD dans les années 90, copiaient les albums dans les médiathèques… ils s’échangent des mp3 actuellement sur le net. Nous ne pouvons nous payer chaque mois les 10, 20 ou 30 albums qui nous intéressent, il faut bien faire des choix, ne pas être soumis simplement à l’avis de journalistes ou au matraquage publicitaire, et donc écouter tous ces albums pour nous faire notre propre opinion. Et ce n’est pas avec 30 secondes d’extrait ou 2-3 titres que nous pouvons y parvenir réellement. Que vous le vouliez ou non, nous ne sommes pas plus des moutons que des pigeons. Nous n’attendons pas que la musique vienne à nous uniquement par la radio, la télé, les journaux en suivant servilement leurs suggestions, nous allons la chercher ; notre rapport à la musique est bien plus actif que passif. Grâce à internet, nous pouvons maintenant écouter avant d’acheter, et il n’est pas question que nous revenions en arrière, à l’époque où nous devions nous fier simplement à quelques critiques et quelques maigres extraits chez les disquaires. Que l’on ne nous sorte pas la comparaison avec les livres et les films ; écouter plusieurs fois un album ne le gâche pas, ne l’use pas, contrairement à un film ou un livre qui, une fois l’intrigue et le dénouement connus, perdent souvent une partie de leur intérêt.
La seule véritable alternative au téléchargement illégal, ce sont les sites de streaming légaux tels deezer, musicme, jiwa, wormee… (même si l’on est encore loin de pouvoir tout trouver sur ces sites). Mais au lieu de les aider à se développer, les majors retirent leurs catalogues (comme Warner, récemment, de Jiwa) ou les étouffent en leur demandant trop, risquant ainsi de les couler.
Le téléchargement illégal ne s’est pas seulement imposé à cause d’individus qui trouvaient juste là un bon moyen de ne pas payer, mais bien parce que face à une industrie qui met si peu en valeur les artistes plus exigeants, novateurs, passionnants, c’était enfin le moyen rêvé par les amateurs de musique pour découvrir facilement ceux que l’on entend d’ordinaire si peu. Nous pourrions tous ou presque vous citer des dizaines et des dizaines d’artistes découverts par ce biais (et auxquels on n’aurait sans doute jamais eu accès sinon, ni pris le risque d’acheter leurs disques sans savoir à quoi s’attendre véritablement), que l’on a apprécié, et dont on a ensuite acheté les albums, et/ou que l’on est allé voir en concert.
Notre passion pour la musique est telle que, sans ne rien attendre d’autre en retour que le plaisir d’avoir pu faire découvrir un artiste que l’on admire, nous passons beaucoup de temps à tenir des blogs, discuter musique sur des forums… tout un travail de « promotion » d’artistes qui vont hors des sentiers battus que ne font pas suffisamment les maisons de disques. De plus, en sachant très bien les risques encourus, beaucoup d’entre-nous ont non seulement téléchargé « illégalement », mais, aussi, n’ont pas hésité à partager des liens vers des contenus « illégaux » ou les diffuser sur nos blogs. Non pas par méconnaissance des droits d’auteur ou volonté de nuire, simplement parce que le meilleur moyen de faire aimer une musique, ce n’est pas simplement d’en parler, mais - ça tombe sous le sens - de la faire écouter.
Que demandons-nous au juste ?
Nous en avons assez d’être traités de délinquants et criminels par l’industrie du disque. Pourquoi passer tant de temps à écrire des articles, chroniques, sur des albums que nous avons peut-être téléchargés illégalement et achetés ensuite, si les maisons de disques dont nous mettons en valeur les productions nous criminalisent ? Ainsi, nous demandons aux maisons de disques - majors et labels indépendants - de répondre clairement à la simple question suivante :
Considérez-vous que nous, qui achetons bien plus de musique que la moyenne, sommes des délinquants responsables de la crise de l'industrie parce que nous avons le malheur de vouloir écouter des albums avant de nous décider à les acheter ?
Merci de bien vouloir répondre à cette question, que nous puissions voir quelles maisons de disques nous respectent, et lesquelles nous devons ainsi privilégier... et si aucune ne nous respecte, nous nous dirigerons bien plus vers les "musiques libres", artistes en auto-production, et toutes les nouvelles formes de diffusion de la musique. Il va de soi que cette réponse vous engage, vous ne pourrez continuer à défendre cette criminalisation aveugle et systématique si vous répondez à cette question par la négative...
Sites et blogs signataires :
Art-rock