Il peut arriver à tout le monde d'en avoir marre des classements... oui, même à moi. C'est pourquoi, cette année, pas de véritable "classement des meilleurs films de 2009". Il y a une autre raison toute bête : entre Gran Torino et Tetro, je suis incapable d'en mettre un au-dessus de l'autre. Donc, plutôt qu'un classement au sens strict, un petit récapitulatif des films de l'année...
Trois films sur lesquels je n'ai aucune réserve, que j'ai trouvé admirables de bout en bout : Gran Torino d'Eastwood, Tetro de Coppola, et Looking For Eric de Ken Loach.
Gran Torino de Clint Eastwood. Du grand Eastwood, touchant, drôle, intelligent, un de ses tous meilleurs films, et peut-être même son meilleur. Je ne reviendrai pas dessus, j'en ai déjà parlé ici.
Looking For Eric de Ken Loach. Voilà ce que l'on devrait appeler une "comédie populaire". Une vraie. Pas comme les conneries affligeantes que nous vomit le cinéma français si fréquemment et que l'on catégorise ainsi à tort. Très drôle, parfois même hilarant (sans chercher le gros rire gras et bête), Loach se montre parfaitement à son aise dans un registre plus "comique". Mais il n'abandonne pas pour autant ses préoccupations sociales. Et c'est bien là une des spécificités du bon cinéma anglais, savoir parler avec justesse des classes populaires, sans se montrer lourd, pathétique ou ennuyeux...
Tetro de Francis Ford Coppola. L'excellente surprise de la fin d'année. On n'attendait plus grand chose du réalisateur de ces monuments de l'histoire du cinéma que sont Le Parrain et Apocalypse Now... on pensait que sa fille avait pris la relève, qu'elle serait, pendant les années à venir, LA réalisatrice de la famille, poussant papa à la retraite... mais le vieux lion prouve qu'on peut encore compter avec lui... et si le grand film signé Coppola de cette décennie n'était pas le pourtant très bon Lost in Translation de la fille, mais le Tetro du père ? C'est mon avis, et je le partage... un film fort, émouvant, intelligent, et magnifique. Qui vient rappeler à ceux qui l'ont oublié que du très beau cinéma, visuellement, n'a sûrement pas besoin de planètes à la végétation luxuriante et de créatures bleues, le tout en image de synthèse et en 3D, mais peut se faire tout simplement en noir et blanc, avec juste trois magnifiques acteurs (les formidables Vincent Gallo, Alden Ehrenreich, Maribel Verdu) et, derrière la caméra, un type qui a un sens de la réalisation peu commun. Un film intimiste, modeste, mais du grand cinéma...
Pas loin derrière les trois films précédents :
Vincere de Marco Bellochio
Un Prophète de Jacques Audiard.
Sans contestation possible, deux des films les plus marquants de l'année. Des films profonds, saisissants, parfaitement interprétés et maîtrisés (même si je trouve qu'il y a quelques longueurs au milieu de Vincere). Pas besoin non plus que je m'étende sur leurs qualités, la presse les a - justement - encensés.
- Catégorie "Fidèle à lui-même"
L'Imaginarium du Dr. Parnassius. Du Terry Gilliam comme on l'aime (mais si vous n'aimez en général pas son cinéma, très peu de chances que celui-ci vous parle). Un conte foutraque, drôle, inventif et émouvant, avec en prime Tom Waits en satan, et le regretté Heath Ledger, toujours aussi remarquable... que l'on regrette, donc, d'autant plus. Trois acteurs pour le remplacer dans les scènes "derrière le miroir" (Johnny Depp, Jude Law, Colin Farrell) n'étaient pas de trop.
- Catégorie "Bonne surprise"
Trois "films de genre", apparemment sans grandes ambitions, mais pourtant très réussis et bien plus malins qu'on aurait pu le penser :
Démineurs de Kathryn Bigelow. Un des meilleurs films de guerre de ces dernières années. "Film de guerre" n'étant pas ici forcément représentatif, on est loin des clichés du genre, des morceaux de bravoure et passages obligés avec le bruit et la fureur de grandes armées qui se rentrent dedans... dans ce film captivant et réaliste, tout se joue sur l'attente, le suspense, on ne se rue pas sur l'ennemi en mitraillant à tout va, mais on avance centimètres par centimètres pour désamorcer les mines. Tout cela sans temps morts ni sans s'ennuyer une seconde.
District 9 de Neill Blomkamp. Drôle, très sarcastique, réaliste et particulièrement original, le film de SF le plus intéressant de l'année. Faut dire aussi que des films de SF intéressants, originaux et réalistes, ça ne court pas les salles obscures...
Clones de Jonathan Mostow. Il y a des jours, comme ça, où l'on n'a pas envie de "grandes oeuvres", de profondeur, mais de distraction, et où l'on se dit "j'vais pas me prendre la tête, mais me vautrer devant un film de SF avec Bruce Willis"... pourtant, ce "Clones" est bien plus profond qu'il n'y paraît. Certes, ce n'est pas le film du siècle, il remplit son cahier des charges de poursuites, fusillades, retournement de situations parfois un peu convenus... mais le sujet est remarquable. Digne de la vraie bonne SF et des oeuvres de K. Dick, il nous interroge avec pertinence sur ce que nous deviendrons, et sur ce que nous sommes. Parce que dans nos sociétés où la popularisation des jeux vidéos, et, surtout, l'internet tendent de plus en plus à nous faire vivre dans le virtuel, l'évolution logique serait bien que les humains restent cloîtrés chez eux, connectés à un clone à travers lequel ils vivraient et ressentiraient. Des "avatars", en quelque sorte, bien plus intéressants que ceux de Cameron...
Une autre bonne surprise : Les Insurgés de Edward Zwick. L'histoire, tirée de faits réels, de ces 3 frères juifs biélorusses qui vont se réfugier dans la forêt, aider leurs semblables et mener une guérilla contre l'envahisseur nazi est particulièrement émouvante. Ce n'est pas là non plus le film du siècle, rien qui, dans la mise en scène où l'écriture ne mérite de se relever la nuit, mais, au final, un film tout de même fort et très touchant, et c'est déjà beaucoup.
Enfin, un très bon polar sud-coréen : The Chaser de Hong-Jin Na... Prenant, éprouvant et remarquable dans le genre. Seule réserve : le film se complaît un peu trop dans le glauque, surtout à la fin.
- Bons films
L'étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher
Slumdog Millionaire de Danny Boyle
Du bon cinéma, capable de toucher le grand public sans le prendre pour un ramassis de crétins, des films vraiment réussis, avec une bonne réalisation et un bon scénario. Bref, aucune raison de bouder son plaisir.
Dans La Brume Electrique de Bertrand Tavernier. Quelques petites longueurs, mais un bon film, avec une atmosphère très réussie.
Bruno de Larry Charles. Certes, ce n'est pas le film du siècle... mais un film vraiment hilarant, jubilatoire, et assez trash... je ne me souviens pas avoir autant ri au cinéma depuis très longtemps...
- Bien, mais peut mieux faire
Inglorious Basterds de Quentin Tarantino. Je ne comprends pas ceux qui ont été déçus par Death Proof et emballés par Inglorious Basterds. Death Proof, c'est du Tarantino "pur jus", nerveux, jubilatoire, malin, cool et rock'n'roll, du Tarantino qui fait juste ce qu'il sait faire de mieux, sans rien de superflu... alors que Inglorious Basterds est une grosse machine plus ambitieuse, plutôt séduisante au premier abord, mais dont les rouages ne fonctionnent pas tous parfaitement. Des scènes inégales, quelques facilités, des passages comiques pas toujours drôles... ça reste un bon film, marrant, mais Tarantino nous a habitué à bien mieux.
Public Enemies de Michael Mann. Dommage qu'il y aient quelques longueurs (notamment au milieu) et que le film manque parfois un peu de souffle... parce qu'il a tout de même pas mal de qualités. Mais de la part du réalisateur du superbe Collateral, on est en droit d'être plus exigeant.
Les Noces Rebelles de Sam Mendes. Un bon film, sans nul doute, mais au bout d'un moment, les chamailleries du couple deviennent assez agaçantes... et la fin traîne un peu trop...
- Bien, mais sans plus
Paranormal Activity Le film ne méritait absolument pas tout ce "buzz", depuis Blair Witch, on finit par avoir l'habitude du procédé en caméra subjective dans les films d'horreur. A la limite, l'originalité serait maintenant plutôt de refaire des films d'horreur sans caméra subjective. Rien de si terrifiant que cela ici, mais faut avouer que le film fonctionne assez bien.
- Pas si mal
L'enquête - The International de Tom Tykwer. Un polar qui n'est sûrement pas inoubliable, mais pas trop mal foutu. De toute façon, je ne peux pas être vraiment objectif sur un film avec Naomi Watts puisque, depuis Mulholland Drive, j'en suis tombé éperdument amoureux (mais non, chérie, je plaisante, ce sont les conneries que j'écris sur mon blog, tu sais bien qu'il n'y a que toi...)
- Catégorie "Soderbergh"
Che 1 L'Argentin
Che 2 Guerilla
The Informant !
Steven, mon petit Steven... un type aussi intelligent que toi devrait savoir que la qualité passe avant la quantité !
Pas moins de 3 films de Soderbergh cette année, mais aucun qui restera. Trois films moyens (et je suis généreux pour le soporifique Che 2) ne valent pas un bon film.
- Sympa, mais pas si terrible que ça
Good Morning England de Richard Curtis. Il y avait pourtant tout pour me plaire : du rock 60's, de bons acteurs et, surtout, un rapprochement assez pertinent voire subversif, en creux, entre le pseudo "piratage" actuel et les vrais "pirates" du rock, qui ont permis au genre d'être écouté, de se populariser et de passer outre la censure. Diffusé sur des radios émettant depuis des bateaux échappant à la juridiction anglaise, le rock s'est joué des lois et règles pour se faire entendre. 40 ans plus tard, les rockeurs, ceux qui ont bénéficié de cette situation "illégale" pour voir leur genre musical se développer, poursuivent les types qui veulent faire écouter "illégalement" leur musique...
Mais tout ça ne suffit pas à faire un bon film. Certes, le film est sympathique et pas déplaisant, mais un peu trop gentillet et mollasson, un comble pour un "film rock".
Les 3 Royaumes de John Woo. Que dire... je ne sais pas trop, puisque j'ai quasiment tout oublié de ce film. La seule chose qui me reste, c'est l'accent porté plus que d'habitude dans les fresques de ce genre sur la stratégie militaire...
- SF, super-héros et conneries de ce genre
Depuis l'excellent The Dark Knight, on est en droit d'attendre plus du genre... mais rien qui ait été vraiment à la hauteur cette année.
Pourtant, les deux bd qui, dans les années 80, ont fait passer les comics dans une catégorie plus "adulte" et ont su convaincre les esthètes étaient The Dark Knight de Frank Miller et The Watchmen d'Alan Moore... les Watchmen ont été adaptés au cinéma cette année, Frank Miller a fait un film... mais si The Watchmen, sans être transcendant, est plutôt pas mal (on pouvait craindre le pire de la part du réalisateur de 300!, pompeux comme c'est pas permis), The Spirit de Frank Miller est vraiment raté, et même consternant par endroits, avec Samuel L. Jackson et Scarlett Johansson en roue libre...
Terminator Renaissance de McG : visuellement, le film est plutôt pas mal, notamment par ce choix - audacieux pour un blockbuster - d'une photo assez terne, grise, voire glauque, qui sied parfaitement à cet univers post-apocalyptique désespéré. Mais à part ça, rien de transcendant non plus ici.
X-Men origins : Wolverine de Gavin Hood. J'ai une bonne excuse pour être allé le voir, Wolverine était le héros de mon enfance. Mais je ne vois pas d'autres raisons de passer deux heures devant ce film...
Star Trek de JJ Abrams. Là, je n'ai aucune excuse, j'aimais déjà pas la série... enfin, c'est bien parce que c'est JJ Abrams que je me suis décidé à franchir le pas, et je le regrette. Cinq minutes de Lost valent 100 fois mieux que ce mauvais film.
Avatar de James Cameron. Mouais... en 3D, sur grand écran, ça se laisse regarder, on en prend plein les yeux et on ne s'ennuie pas... enfin, si l'on accepte de laisser son cerveau au vestiaire.
- Moyen
Walkyrie de Bryan Singer. Un bon sujet, mais le film n'est pas à la hauteur. Pas honteux ou nullissime non plus, mais trop de longueurs.
- A éviter
Jeux de Pouvoir de Kevin MacDonald. Un film qui n'a de "jeux de pouvoir" que le titre. A croire que les scénaristes de ce film hyper convenu n'ont jamais regardé un épisode de 24, mais en sont restés à Derrick...
- Film-étron
Tony Manero de Pablo Larrain. J'en ai vu, des conneries, mais je ne pense pas avoir jamais vu un film aussi chiant. C'est sans doute un concept, celui de "film-merde", d'autant plus que lors d'un des moments clés du film, le "héros" chie sur la veste d'un de ses concurrents. Tout est glauque et chiant dans ce film : les personnages sont tous plus antipathiques et creux les uns que les autres, la réalisation est fade et laide, le scénario indigent... et qu'est-ce que c'est mou... un étron mou...
- Hors-catégorie
Le Syndrome du Titanic
Capitalism : A Love Story
Des documentaires plus que des films, j'ai déjà dit ici tout le bien que j'en pensais.
Enfin, 4 films que j'ai loupé, pas restés suffisamment longtemps à l'affiche chez moi : le dernier Jarmusch (la première fois que je loupe un de ces films, mais les critiques, mauvaises, m'ont un peu refroidi... et le temps que je me décide, il n'était déjà plus en salle), Le Ruban Blanc, Harvey Milk et Le Temps qu'il Reste... heureusement, ces trois-là ont été retenu pour le festival Télérama...
En guise de conclusion... dans les 5 films qui sont, à mon sens, les meilleurs de l'année, un thème se dégage très nettement : la quête du père. Non pas celle du "père absent" avec lequel on aimerait nouer des liens, mais plutôt celle d'un père dur et distant dont on souhaiterait qu'il nous accepte. C'est le cas de la relation entre le jeune Hmong et le personnage de vieux râleur joué par Clint Eastwood dans Gran Torino, de celle entre le jeune taulard et le parrain corse dans le Prophète, de celle entre le fils de Mussolini et son père qui ne veut pas le reconnaître dans Vincere, et c'est encore plus flagrant dans Tetro, puisque c'est à la fois la relation entre chacun des frères et leur père, mais aussi des frères entre eux. Et s'il n'y a pas de père véritablement "dur et distant" dans Looking for Eric, le héros, paumé, faible et déprimé, va trouver en Cantona un modèle de force, d'assurance et de confiance en soi, un "père" qui va le pousser à se faire violence et se dépasser.
La perte de confiance... voilà bien un des phénomènes majeurs de cette décennie en occident. Perte de confiance dans la sécurité (11 Septembre), dans la fiabilité du système (crise), de notre pouvoir d'action sur le monde (fiasco de la guerre d'Irak, Chine appelée à être la nation dominante dans le futur) et de notre propre survie (peur de catastrophes écologiques à venir). Pas étonnant que dans les films les plus marquants de cette fin de décennie on cherche avec un mélange d'attirance et de répulsion cette figure du père viril, dur, sûr de lui, que l'on pensait appartenir au passé (puisque le père moderne est censé être tendre, sympa, attentionné, changer les couches du bébé et jouer à la playstation avec ses enfants). S'endurcir pour survivre, en quelque sorte...
Les films de 2008
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