23 janvier 2010
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Suite à la discussion sous le précédent article, j'ai eu envie de détailler un peu ce que "coûte" la culture pour le consommateur. Car dans les nombreux débats sur le téléchargement qui ont lieu dans les médias, on a systématiquement des artistes et producteurs qui viennent nous expliquer que d'enregistrer, produire, créer une oeuvre a un coût... personne ne le nie, mais il faut aussi voir ce que coûte la culture pour ceux à qui elle s'adresse. Et se poser la question de l'investissement que demande la culture pour les particuliers.
Prenons comme modèle un individu plutôt jeune, d'une vingtaine d'années, qui, avec émerveillement, entre de plein pied dans le "monde merveilleux de la culture"... il est le "consommateur de culture" tel que le souhaitent les majors, producteurs, artistes : il ne copie rien, mais paie pour chaque oeuvre ou spectacle. Et regardons maintenant ce que lui coûte, en une année, tous ces produits culturels...
Les séries sont devenues incontournables, leur considérable hausse de qualité en font des "références culturelles" indispensables. Cependant, s'il est possible d'en voir un certain nombre sur les chaînes traditionnelles, plusieurs des meilleures séries (The Wire, Mad Men et bien d'autres) ne sont pas diffusées en France, ou seulement sur le cable... et notre jeune "cobaye" (appelons-le Miroslav, en hommage à l'autre) n'a pas les moyens de se payer Canal + ni les chaînes cablées. Il lui faut minimum la dernière saison de sa série favorite, les deux dernières de 2 autres séries non diffusées sur les chaînes hertziennes, et une autre qu'il tient à voir en V.O. Et puisqu'il est jeune, il a du retard à rattraper parmi certaines "anciennes" très grandes séries, des références obligées telles Les Sopranos, Twin Peaks, Oz, Six Feet Under, The Shield etc... il est économe et mesuré, ne va pas se payer des intégrales à plus de 200 euros, mais une ou deux saisons d'une ou deux anciennes séries trouvées en promo ou d'occasion... mettons 2*20 euros.
Ce qui nous donne donc... 4 nouveautés à 40 euros, deux anciennes saisons à 20 euros, soit 220 euros dans l'année dépensés en série. Le minimum pour un amateur du genre qui refuse de télécharger, copier, et qui n'a pas Canal + ou le cable.
Cinéma
Miroslav est cinéphile, mais économe. Il ne va pas voir plus d'une dizaine de films dans le mois comme devrait le faire un vrai cinéphile, mais se contente de 2 seulement, en passant beaucoup de temps à décortiquer les critiques, pour ne voir que ce qui lui semble être vraiment les films à ne surtout pas louper. A 8 euros la place (ça peut être plus ou moins selon les salles, c'est souvent plus...), ça lui fait 2*8*12 = 182 euros dans l'année.
Mais il ne peut se contenter des dernières sorties, il lui faut voir les grands classiques du cinéma. Il en découvre certains à la télé, et achète quelques DVD... mettons 3-4 de nouveautés dans l'année, et 7-8, plus anciens, qu'il achète d'occasion. Disons 3 nouveautés à 20 euros, et 7 films plus anciens à 10 euros. Ce qui nous fait : 60+70 = 130 euros dans l'année.
Musique
Avec un prénom pareil, Miroslav ne peut être que mélomane. Mais, je le répète, il est économe. Il ne va pas acheter les 50-60 nouveautés qui l'intéressent (fourchette très basse, il y a plus d'une centaine de disques par an qui m'intéressent) ni une cinquantaine de grands classiques du rock, jazz, hip-hop folk, blues et... classique, pour construire sa discothèque. Non, il se contentera du minimum : 2 nouveautés par mois, et 2 albums plus ancien, achetés d'occase. Ce qui nous donne 2*12*20 euros = 480 euros en nouveautés, et 2*12*10 euros = 240 euros en disques des décennies précédentes. Ce qui nous fait tout de même 720 euros en albums, alors que 2 nouveautés et 2 classiques par mois, c'est vraiment peu pour un passionné de musique. Mais disons que le reste, Miroslav se contente de l'écouter en empruntant des disques à sa médiathèque ou sur les sites de streaming légal.
On m'objectera qu'en téléchargement légal les nouveautés sont à 10 euros... mais ce système ne convient pas aux vrais mélomanes, qui préfèreront avoir l'album original plutôt que de bêtes fichiers dématérialisés pour les disques qu'ils aiment. Et, surtout, le téléchargement légal est intéressant pour les auditeurs occasionnels de musique, ceux qui privilégient les chansons aux albums... parce que 10 chansons qu'on a aimé dans le mois, ça ne fait que 10 euros en téléchargement légal pour avoir vos chansons favorites. Mais 10 albums, ça fait tout de même 100 euros... et juste pour des mp3...
Ensuite, mettons que Miroslav aille à seulement 4 concerts dans l'année, à 40 euros la place (ça peut être moins... mais aussi beaucoup plus cher), ce qui lui fait donc 160 euros de plus. Soit 720+160= 880 euros rien qu'en budget musique, sans, pourtant, en avoir une consommation boulimique.
Jeux vidéo
Le jeu vidéo est-il de la "culture" ? Grande question, mais puisqu'on en parle souvent comme du "produit culturel le plus vendu"... et Miroslav est encore jeune, il a baigné dans cette "culture du jeu vidéo"... pour autant, ce n'est pas un obsédé du genre, il se contente dans l'année de 2 nouveautés (à 60 euros le jeu...) et 2 jeux plus ancien d'occasion, à 10 euros. Ce qui nous donne 2*60 + 2*10 = 140 euros. Un plus grand fan de jeu vidéo pourrait se payer une dizaine de nouveautés dans l'année, ce qui lui ferait : 10*12*60 = 720 euros. Exactement la même somme que pour les albums... que les majors arrêtent d'accuser le téléchargement illégal de musique, on vient de trouver où est passé le budget album de la jeunesse pendant la décennie précédente...
Livres
Dix nouveautés par an, c'est vraiment pas beaucoup pour un amateur de littérature. Mais voilà, Miroslav est non seulement économe, mais aussi patient, il pense trouver dans un an ou deux un certain nombre des dernières sorties à la bibliothèque. Il a un peu honte, il sait bien que d'emprunter à la bibliothèque plutôt que d'acheter, ça ne rapporte rien aux auteurs... mais voilà, Miroslav est brave, mais aussi un peu con : il voit sans cesse à la télé de riches chanteurs pleurnicher parce qu'on télécharge leurs albums et qu'on "tue" ainsi la musique, et ne voit jamais tous ces pauvres auteurs qui ne gagnent pas leur vie en publiant des bouquins. Alors il a l'impression qu'il faut mieux acheter de la musique que des bouquins.
Dix nouveautés par an, donc, à 20 euros, plus 4-5 livres de poche à 7 euros... ce qui nous fait en budget littérature : 10*20 + 4*7 = 228 euros.
A cela, il faudrait ajouter le théâtre, les expos, les musées... mais Miroslav est jeune, c'est moins "sa" culture que le reste.
On a donc en résumé :
220 euros en séries
182 euros en cinéma
130 euros en DVD
720 euros en albums
160 euros en concert
140 euros en jeux vidéo
228 euros en livres
Au total : 1780 euros par an en "produits" et spectacles culturels. Soit plus qu'un mois de salaire pour une grande partie du peuple. Et si l'on prenait le cas d'un type plus "assoiffé" de culture, qui irait chaque mois voir 5 films, un concert, qui achète 8 albums, 3 livres, 2 DVD plus une saison de série... ça lui coûterait dans l'année 4560 euros. Soit plus de 4 mois de SMIC (net). Impossible d'être prof, étudiant, smicard, et dans le même temps boulimique de culture.
Alors rappelons aux majors et producteurs que le peuple n'a pas la culture comme seul frais... puisqu'on est dans les chiffres, restons-y... par mois, il faut compter un loyer à 500 euros, une facture d'électricité à, mettons, 30 euros, encore 30 euros de connection internet, et encore 30 euros de forfaits téléphoniques, 120 euros de nourriture (pour un type vraiment économe, qui ne dépenserait pas plus de 4 euros par jours en bouffe... alors que 4 euros, c'est actuellement le prix d'un sandwich), l'essence, les assurances, vêtements, la mutuelle, activités sportives... sans parler de ceux qui ont des enfants avec tout ce qu'ils coûtent en frais, soins, les économies pour leurs études...
On me dira que l'on peut se contenter, dans l'année, de 2-3 albums, de voir 3-4 films au cinéma, un concert, de ne pas acheter de séries mais regarder uniquement celles qui passent à la télé, et de 2-3 bouquins. Certes. On peut aussi ne jamais aller au cinéma, ne pas écouter de musique à part les conneries qui passent à la radio, et ne pas lire de livres. Mais dans ce cas, faudrait arrêter de valoriser la culture, de nous faire croire qu'elle est essentielle, importante, qu'elle nous relie et nous nourrit. En allant voir 2 films par an, en lisant 2 bouquins, en écoutant 4 albums, vous ne pourrez en aucun cas vous prévaloir d'une certaine culture dans ces domaines.
1780 euros par an en "culture" pour un type plutôt mesuré, économe, qui a choisit de ne rien copier ou télécharger, ça reste une grosse somme. Pour de nombreux foyers, il y aurait de quoi se dire "cette année, soit on part en vacances, soit on se cultive, c'est soit l'un soit l'autre, on n'a pas les moyens de faire les deux..."
S'il fallait payer pour chaque "oeuvre" que l'on découvre, la culture serait un produit de luxe réservé aux riches. Un signe de distinction, pour une petite élite ayant la possibilité de s'offrir les "produits culturels" qu'elle souhaite, ne laissant aux plus pauvres que la possibilité de s'abrutir devant les conneries qui passent en radio ou à la télé. Fort heureusement, des gens qui n'ont pas de gros moyens ont pu s'approprier une partie de cette culture, qui est après tout aussi la leur... grâce aux bibliothèques, médiathèques, à la copie qui a permis à tant de jeunes, depuis l'arrivée de la K7, à se constituer une bonne discothèque et une bonne culture musicale sans se ruiner, et depuis quelques années grâce au téléchargement illégal. Les majors, artistes, producteurs peuvent gesticuler, pleurnicher, menacer tant qu'ils veulent, ils n'y pourront rien, les gens qui n'ont pas de gros moyens trouveront toujours de quoi copier et se démerder pour avoir accès à bon nombre d'oeuvres sans payer ou trop dépenser.
La culture doit être accessible au plus grand nombre, c'est un idéal républicain... mais même si vous pouvez commander en ligne, de n'importe quel endroit de France, à 50 euros une saison de série en DVD, 60 euros une place de concert, 25 euros un livre... rares sont ceux qui peuvent se permettre de se payer suffisamment de "produits" et spectacles culturels pour se constituer une bonne culture dans ces domaines. Il n'y a donc que deux possibilités : soit on augmente suffisamment les salaires, le niveau de vie du peuple, pour que 2000 euros par an ne représente vraiment pas une somme importante... soit on comprend et tolère que ceux qui n'ont pas de grands moyens puissent copier, télécharger un certain nombre d'oeuvres. Et puisque la première possibilité n'est pas près d'arriver...
A lire chez Arbobo : Pourquoi l'industrie musicale est en crise
Prenons comme modèle un individu plutôt jeune, d'une vingtaine d'années, qui, avec émerveillement, entre de plein pied dans le "monde merveilleux de la culture"... il est le "consommateur de culture" tel que le souhaitent les majors, producteurs, artistes : il ne copie rien, mais paie pour chaque oeuvre ou spectacle. Et regardons maintenant ce que lui coûte, en une année, tous ces produits culturels...
Les séries sont devenues incontournables, leur considérable hausse de qualité en font des "références culturelles" indispensables. Cependant, s'il est possible d'en voir un certain nombre sur les chaînes traditionnelles, plusieurs des meilleures séries (The Wire, Mad Men et bien d'autres) ne sont pas diffusées en France, ou seulement sur le cable... et notre jeune "cobaye" (appelons-le Miroslav, en hommage à l'autre) n'a pas les moyens de se payer Canal + ni les chaînes cablées. Il lui faut minimum la dernière saison de sa série favorite, les deux dernières de 2 autres séries non diffusées sur les chaînes hertziennes, et une autre qu'il tient à voir en V.O. Et puisqu'il est jeune, il a du retard à rattraper parmi certaines "anciennes" très grandes séries, des références obligées telles Les Sopranos, Twin Peaks, Oz, Six Feet Under, The Shield etc... il est économe et mesuré, ne va pas se payer des intégrales à plus de 200 euros, mais une ou deux saisons d'une ou deux anciennes séries trouvées en promo ou d'occasion... mettons 2*20 euros.
Ce qui nous donne donc... 4 nouveautés à 40 euros, deux anciennes saisons à 20 euros, soit 220 euros dans l'année dépensés en série. Le minimum pour un amateur du genre qui refuse de télécharger, copier, et qui n'a pas Canal + ou le cable.
Cinéma
Miroslav est cinéphile, mais économe. Il ne va pas voir plus d'une dizaine de films dans le mois comme devrait le faire un vrai cinéphile, mais se contente de 2 seulement, en passant beaucoup de temps à décortiquer les critiques, pour ne voir que ce qui lui semble être vraiment les films à ne surtout pas louper. A 8 euros la place (ça peut être plus ou moins selon les salles, c'est souvent plus...), ça lui fait 2*8*12 = 182 euros dans l'année.
Mais il ne peut se contenter des dernières sorties, il lui faut voir les grands classiques du cinéma. Il en découvre certains à la télé, et achète quelques DVD... mettons 3-4 de nouveautés dans l'année, et 7-8, plus anciens, qu'il achète d'occasion. Disons 3 nouveautés à 20 euros, et 7 films plus anciens à 10 euros. Ce qui nous fait : 60+70 = 130 euros dans l'année.
Musique
Avec un prénom pareil, Miroslav ne peut être que mélomane. Mais, je le répète, il est économe. Il ne va pas acheter les 50-60 nouveautés qui l'intéressent (fourchette très basse, il y a plus d'une centaine de disques par an qui m'intéressent) ni une cinquantaine de grands classiques du rock, jazz, hip-hop folk, blues et... classique, pour construire sa discothèque. Non, il se contentera du minimum : 2 nouveautés par mois, et 2 albums plus ancien, achetés d'occase. Ce qui nous donne 2*12*20 euros = 480 euros en nouveautés, et 2*12*10 euros = 240 euros en disques des décennies précédentes. Ce qui nous fait tout de même 720 euros en albums, alors que 2 nouveautés et 2 classiques par mois, c'est vraiment peu pour un passionné de musique. Mais disons que le reste, Miroslav se contente de l'écouter en empruntant des disques à sa médiathèque ou sur les sites de streaming légal.
On m'objectera qu'en téléchargement légal les nouveautés sont à 10 euros... mais ce système ne convient pas aux vrais mélomanes, qui préfèreront avoir l'album original plutôt que de bêtes fichiers dématérialisés pour les disques qu'ils aiment. Et, surtout, le téléchargement légal est intéressant pour les auditeurs occasionnels de musique, ceux qui privilégient les chansons aux albums... parce que 10 chansons qu'on a aimé dans le mois, ça ne fait que 10 euros en téléchargement légal pour avoir vos chansons favorites. Mais 10 albums, ça fait tout de même 100 euros... et juste pour des mp3...
Ensuite, mettons que Miroslav aille à seulement 4 concerts dans l'année, à 40 euros la place (ça peut être moins... mais aussi beaucoup plus cher), ce qui lui fait donc 160 euros de plus. Soit 720+160= 880 euros rien qu'en budget musique, sans, pourtant, en avoir une consommation boulimique.
Jeux vidéo
Le jeu vidéo est-il de la "culture" ? Grande question, mais puisqu'on en parle souvent comme du "produit culturel le plus vendu"... et Miroslav est encore jeune, il a baigné dans cette "culture du jeu vidéo"... pour autant, ce n'est pas un obsédé du genre, il se contente dans l'année de 2 nouveautés (à 60 euros le jeu...) et 2 jeux plus ancien d'occasion, à 10 euros. Ce qui nous donne 2*60 + 2*10 = 140 euros. Un plus grand fan de jeu vidéo pourrait se payer une dizaine de nouveautés dans l'année, ce qui lui ferait : 10*12*60 = 720 euros. Exactement la même somme que pour les albums... que les majors arrêtent d'accuser le téléchargement illégal de musique, on vient de trouver où est passé le budget album de la jeunesse pendant la décennie précédente...
Livres
Dix nouveautés par an, c'est vraiment pas beaucoup pour un amateur de littérature. Mais voilà, Miroslav est non seulement économe, mais aussi patient, il pense trouver dans un an ou deux un certain nombre des dernières sorties à la bibliothèque. Il a un peu honte, il sait bien que d'emprunter à la bibliothèque plutôt que d'acheter, ça ne rapporte rien aux auteurs... mais voilà, Miroslav est brave, mais aussi un peu con : il voit sans cesse à la télé de riches chanteurs pleurnicher parce qu'on télécharge leurs albums et qu'on "tue" ainsi la musique, et ne voit jamais tous ces pauvres auteurs qui ne gagnent pas leur vie en publiant des bouquins. Alors il a l'impression qu'il faut mieux acheter de la musique que des bouquins.
Dix nouveautés par an, donc, à 20 euros, plus 4-5 livres de poche à 7 euros... ce qui nous fait en budget littérature : 10*20 + 4*7 = 228 euros.
A cela, il faudrait ajouter le théâtre, les expos, les musées... mais Miroslav est jeune, c'est moins "sa" culture que le reste.
On a donc en résumé :
220 euros en séries
182 euros en cinéma
130 euros en DVD
720 euros en albums
160 euros en concert
140 euros en jeux vidéo
228 euros en livres
Au total : 1780 euros par an en "produits" et spectacles culturels. Soit plus qu'un mois de salaire pour une grande partie du peuple. Et si l'on prenait le cas d'un type plus "assoiffé" de culture, qui irait chaque mois voir 5 films, un concert, qui achète 8 albums, 3 livres, 2 DVD plus une saison de série... ça lui coûterait dans l'année 4560 euros. Soit plus de 4 mois de SMIC (net). Impossible d'être prof, étudiant, smicard, et dans le même temps boulimique de culture.
Alors rappelons aux majors et producteurs que le peuple n'a pas la culture comme seul frais... puisqu'on est dans les chiffres, restons-y... par mois, il faut compter un loyer à 500 euros, une facture d'électricité à, mettons, 30 euros, encore 30 euros de connection internet, et encore 30 euros de forfaits téléphoniques, 120 euros de nourriture (pour un type vraiment économe, qui ne dépenserait pas plus de 4 euros par jours en bouffe... alors que 4 euros, c'est actuellement le prix d'un sandwich), l'essence, les assurances, vêtements, la mutuelle, activités sportives... sans parler de ceux qui ont des enfants avec tout ce qu'ils coûtent en frais, soins, les économies pour leurs études...
On me dira que l'on peut se contenter, dans l'année, de 2-3 albums, de voir 3-4 films au cinéma, un concert, de ne pas acheter de séries mais regarder uniquement celles qui passent à la télé, et de 2-3 bouquins. Certes. On peut aussi ne jamais aller au cinéma, ne pas écouter de musique à part les conneries qui passent à la radio, et ne pas lire de livres. Mais dans ce cas, faudrait arrêter de valoriser la culture, de nous faire croire qu'elle est essentielle, importante, qu'elle nous relie et nous nourrit. En allant voir 2 films par an, en lisant 2 bouquins, en écoutant 4 albums, vous ne pourrez en aucun cas vous prévaloir d'une certaine culture dans ces domaines.
1780 euros par an en "culture" pour un type plutôt mesuré, économe, qui a choisit de ne rien copier ou télécharger, ça reste une grosse somme. Pour de nombreux foyers, il y aurait de quoi se dire "cette année, soit on part en vacances, soit on se cultive, c'est soit l'un soit l'autre, on n'a pas les moyens de faire les deux..."
S'il fallait payer pour chaque "oeuvre" que l'on découvre, la culture serait un produit de luxe réservé aux riches. Un signe de distinction, pour une petite élite ayant la possibilité de s'offrir les "produits culturels" qu'elle souhaite, ne laissant aux plus pauvres que la possibilité de s'abrutir devant les conneries qui passent en radio ou à la télé. Fort heureusement, des gens qui n'ont pas de gros moyens ont pu s'approprier une partie de cette culture, qui est après tout aussi la leur... grâce aux bibliothèques, médiathèques, à la copie qui a permis à tant de jeunes, depuis l'arrivée de la K7, à se constituer une bonne discothèque et une bonne culture musicale sans se ruiner, et depuis quelques années grâce au téléchargement illégal. Les majors, artistes, producteurs peuvent gesticuler, pleurnicher, menacer tant qu'ils veulent, ils n'y pourront rien, les gens qui n'ont pas de gros moyens trouveront toujours de quoi copier et se démerder pour avoir accès à bon nombre d'oeuvres sans payer ou trop dépenser.
La culture doit être accessible au plus grand nombre, c'est un idéal républicain... mais même si vous pouvez commander en ligne, de n'importe quel endroit de France, à 50 euros une saison de série en DVD, 60 euros une place de concert, 25 euros un livre... rares sont ceux qui peuvent se permettre de se payer suffisamment de "produits" et spectacles culturels pour se constituer une bonne culture dans ces domaines. Il n'y a donc que deux possibilités : soit on augmente suffisamment les salaires, le niveau de vie du peuple, pour que 2000 euros par an ne représente vraiment pas une somme importante... soit on comprend et tolère que ceux qui n'ont pas de grands moyens puissent copier, télécharger un certain nombre d'oeuvres. Et puisque la première possibilité n'est pas près d'arriver...
A lire chez Arbobo : Pourquoi l'industrie musicale est en crise