Quoi de commun entre Lana Del Rey et Bernard Lavilliers ? Entre la nouvelle coqueluche américaine du monde de la musique, et le vieux briscard (c’est pas le plus vieux, mais quand même) de la chanson française ? Entre l’hyper-féminine Lana Del Rey, et l’hyper-masculin – surtout pour un chanteur – Lavilliers ? Bref, pourquoi les réunir dans un même article ?
Plus encore que de les voir réuni, ce qui pourra surprendre mes lecteurs, c’est de les voir mis en évidence ici. A priori pas mon univers musical… Lana Del Rey a beau aimer particulièrement Lynch et ses atmosphères, ce n’était pas suffisant pour me faire apprécier son premier album (Born to Die), beaucoup trop mièvre à mon goût… et Lavilliers a beau être très influencé par la musique brésilienne et les musiques du monde en général, s’il ne fait certes pas partie de tous ces chanteurs de variété française que j’exècre, je n’ai jamais ressenti le besoin, l’envie, ni même la curiosité de me plonger dans l’un de ses albums… Non, ce qui les réunit et justifie que je leur consacre un article, c’est qu’ils sont cette année parvenus à sortir une excellente chanson, le genre de chansons, trop rares actuellement, capables de toucher un public assez large sans écorcher les oreilles de mélomanes plus exigeants. De la vraie bonne musique populaire...
Le dernier album de Lana Del Rey, Ultraviolence, est une très agréable surprise. Je craignais l’overdose de guimauve et de pathos, mais elle a su trouver une meilleure alchimie que sur son premier LP, ça reste assez sucré, mais beaucoup plus digeste… L’ironie de l’histoire, c’est que l’on doit ce changement à Dan Auerbach (Black Keys), qui a su vraiment lui faire gagner en densité, et en profondeur… alors que lui perd depuis quelques années avec les Black Keys tout ce qui faisait l’intérêt et la force de leur blues-rock indé pour sombrer dans du pop-rock FM insipide (pléonasme).
Le morceau de Lana Del Rey qui m’a poussé à écrire cet article est le single West Coast, pas le plus audacieux ou tourmenté de l’album, mais un single diablement efficace et accrocheur. J’ai une nette préférence pour la version alternative (radio mix), même si la version originale est très bien aussi…
L’album en écoute sur grooveshark :
Lana Del Rey - Ultraviolence;
Lorsque je suis tombé sur le dernier single de Lavilliers, cela a été un choc musical. Pas un tremblement de terre non plus, ce n’est évidemment pas un choc comparable à celui que l’on peut ressentir en découvrant A Love Supreme, Tristan, la sonate Appassionata ou le White Album… mais un bon petit choc tout de même. La chanson, dans sa globalité, est vraiment très bonne, meilleure que les tubes de Lavilliers qu’il m’est arrivé d’entendre, et bien meilleure que toutes les chansons françaises que nous infligent les radios et télés (c’est pas compliqué). Mais il y a un petit truc en plus qui a provoqué ce choc, un petit détail qui fait passer à mon sens cette chanson de « bonne chanson » à « grande chanson », un mouvement de corde dissonant dans le refrain (qui apparaît pour la première fois à 0’50). Cette harmonie, à ce moment, est géniale. Bien sûr, Lavilliers (ou son arrangeur) n’a pas découvert une dissonance inédite dans l’histoire de la musique, les compositeurs classiques ont déjà essayé toutes les combinaisons possibles, ce n’est qu’une question de contexte. Dans le cadre qui est celui de la chanson française, c’est particulièrement original, et sur ce morceau, à ce moment précis, au sein de cette excellente ligne de cordes, ça fonctionne à merveille. Car ce n’est pas tout de proposer des dissonances, n’importe quel abruti peut faire de la musique dissonante, encore faut-il savoir les placer pour que la musique fonctionne, là est toute la difficulté…
Bernard Lavilliers – Scorpion
Du coup, j’ai écouté Baron Samedi, le dernier album de Lavilliers, pas mal, mais j’ai été moins intéressé par les autres morceaux, et j’ai de toute façon toujours du mal avec la chanson française… des titres de la qualité de Scorpion sont malheureusement beaucoup trop rares chez nous…
Baron Samedi sur Spotify