Sinueuse et subtile, deux mots qui définissent aussi bien Bates Motel, la série, que sa musique. Sinueuse et subtile, parce qu’avec un tel personnage central – Norman Bates, le serial-killer du Psycho d’Hitchcock, tiré du roman de Robert Bloch – on aurait pu s’attendre à une série choc et saignante, dans la lignée de Dexter ou du récent Hannibal. Mais plutôt que de jouer la surenchère, les créateurs de Bates Motel ont eu la bonne idée de travailler la cohérence, Norman Bates (plus encore celui incarné par Anthony Perkins chez Hitchcock que le personnage de Bloch) est après tout un individu assez fin et affable, voire… « sinueux et subtil », pas un monstre froid et machiavélique, ni une brute assoiffée de sang. Une série sur son adolescence (transposée de nos jours), permettait alors d’aller plus loin dans la nuance et de mettre en valeur sa fragilité et ses rapports ambigus avec sa mère.
Ce qui vaut pour le jeune Norman Bates vaut aussi pour l’écriture de la série, tout (ou presque) est plus nuancé que ce que l’on imaginerait pour une série sur un serial-killer. Quelques exemples (pas de vrai spoil dans ce qui suit, d’autant plus que je n’ai vu que la première saison, mais si vous ne l’avez pas vue et que vous souhaitez vous y mettre, évitez ce passage en italique qui dévoile certains éléments qu’il vaut mieux découvrir au fur et à mesure) :
Norman Bates est un des plus mythiques psychopathes de fiction, mais ne vous attendez pas, contrairement à Dexter ou Hannibal, à le voir tuer un personnage par épisodes, on est ici loin du compte…
L’irruption du frère, assez tôt dans la série, semble nous mener tout droit à des relations conflictuelles et intenses qui déboucheront vite sur un drame cathartique, histoire de se débarrasser de cet électron libre qui vient perturber la relation étouffante et fusionnelle de Norma et Norman. Fausse alerte, il reste assez présent et permet à Norman de se donner l’illusion de couper - l’espace de quelques instants - le cordon. Et le jeune rebelle caricatural qu’il semble être au début est finalement plus raisonnable, doux et mature qu’on l’aurait imaginé…
Norma Bates, une mère castratrice, incestueuse et monstrueuse qui fera de son fils un psychopathe ? Cela aurait été une solution de facilité, heureusement pas celle de la série. Elle est plus ambiguë que cela, elle ne materne pas Norman sans raison et se retrouve souvent elle-même dans une position de victime. Une mère un peu plus possessive et obstinée que la moyenne, et c’est cet « un peu plus » qui fait ici la différence…
Norman Bates perpétuellement dans les jupes de sa mère, étouffé par cette relation fusionnelle, incapable, donc, de séduire une fille et d’aimer une autre femme que sa mère… ignoré, incompris ou rejeté par les autres filles de son âge, il en nourrira une haine des femmes qui le poussera à les tuer pour les posséder et dominer symboliquement… autre solution de facilité qu’évite la série. Il est plutôt bien accepté par les filles de son âge… un peu trop, même…
Subtile et sinueuse, la série l’est par de nombreux aspects. Mais elle n’est pas exempt de quelques grosses ficelles et passages un peu caricaturaux. Rien qui ne gâche vraiment le plaisir, plaisir constant grâce à sa qualité première, son ambiance. Quelque part entre Hitchcock et Twin Peaks… la référence à Twin Peaks n’est pas due ici à mon obsession pour la série de Lynch, elle est clairement assumée par les créateurs de Bates Motel qui déclaraient :
(Mais nul besoin finalement pour Bates Motel de reprendre le flambeau de Twin Peaks, Lynch va le faire lui-même l’an prochain, il l’a annoncé, conformément à ce que Laura Palmer disait à Dale Cooper dans la loge « rendez-vous dans 25 ans ! »)
Une ambiance qui, comme dans Twin Peaks, et comme dans la majorité des films et séries qui mettent en valeur l’atmosphère, doit beaucoup à la musique. Inévitablement, quelques accents de Bernard Herrmann se font entendre, mais là aussi, c’est plutôt subtil, on n’est pas dans le copié-collé ou le gros clin d’œil. Mélancolique, cotonneuse, mystérieuse, contemplative et délicate, la partition de Chris Bacon est une grande réussite, ce qui n’est pas si fréquent dans le monde des séries. Elle peut être écoutée en dehors de la série, et même sans en avoir jamais vu un épisode… mais, bien entendu (et comme pour Twin Peaks), elle est d’autant plus prenante lorsqu’on a vu la série, vecteur idéal pour retrouver cette ambiance captivante.
Pour vous plonger dans la musique de Bates Motel sans de rédhibitoires interruptions publicitaires qui casseraient l’ambiance, voir la vidéo youtube au-début de l’article, ou l’album sur grooveshark :
Chris Bacon – Bates Motel OST
Sur la musique de séries :
Twin Peaks - Audrey's Dance
Les musiques de Breaking Bad .
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Bernard Herrmann - Vertigo (Hitchcock)