J’étais parti pour utiliser la musique de Vertigo comme une des illustrations d'un article sur les bandes originales, mais un tel chef-d’œuvre mérite tout de même d’être mis un peu plus en valeur. D’autant plus que c’est une de mes musiques de chevet. Je déroge (encore) à la règle de la « musique du lundi » (une œuvre proposée à l’écoute et sans bla bla)… car il serait tout de même dommage de ne pas donner quelques explications sur une musique qui s’accorde aussi bien au propos du film qu’elle accompagne.
Vertigo (Sueurs Froides) est un des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma, si ce n’est le plus grand. Et la partition de Bernard Herrmann une des meilleures musiques de films, si ce n’est la meilleure. Voilà qui place d’emblée le niveau…
Prelude (and Rooftop)
Le thème du double structure le film, comme la dualité structure le prélude… Les deux éléments sont faciles à identifier :
- Un thème mystérieux, fluide, onirique, hypnotique ; le vertige, ou la « peur du vertige »
- Des masses de cuivres qui viennent ponctuer ce thème. Elles sont graves, dissonantes, brutales et donnent l’impression d’une chute.
Herrmann mêle avec génie ces deux éléments pourtant opposés. A noter aussi que l’un est horizontal (suite mélodique de notes, qui tournent sur elles-mêmes en spirale), l’autre vertical (ces accords aux cuivres qui semblent « tomber »).
Les oppositions entre ces deux éléments se retrouvent sur tous les plans :
Mélodico-harmonique : Horizontalité / verticalité
Rythmique : Fluidité / rupture (rythme continu, notes égales / ponctuations « hachées »)
Orchestration : Légèreté / gravité (dans les textures sonores, avec flûtes, vibraphone, cordes d’un côté, cuivres graves de l’autre)
Les contrastes qui distinguent ces deux éléments illustrent aussi deux des dimensions du film : l’atmosphère mystérieuse, fantastique, irréelle suggérée par le thème de départ, le drame et la tragédie suggérés par les cuivres. Mystère et tragédie sont liés dans Vertigo par la passion, vers laquelle ils convergent à 1’10 avec ce motif mélancolique et douloureux ; romantique et wagnérien…
Ces explications étaient-elles nécessaires ? Non, elles ne servent qu’à mieux conceptualiser le rapport entre le film et sa musique, mais nul besoin d’avoir perçu cette dualité musicale pour la ressentir en se plongeant dans cette œuvre magistrale, et tout simplement ressentir la parfaite adéquation entre la musique et les images…
La BO sur grooveshark ou sur youtube.