Pour bien commencer cette nouvelle année… retournons un siècle en arrière. En 1914, Scriabine (j’ai déjà parlé de l'Etude op.8 n°12) compose une de ses dernières œuvres, et une de ses plus fascinantes, la pièce pour piano Vers la Flamme. Il est possible que 2014 soit aussi l’année du centenaire de quelques événements historiques d’importance, mais on ne se refait pas : pour moi, c’est avant tout l’année du centenaire de Vers la Flamme.
Cette œuvre n’est certes pas une des plus faciles et accessibles du répertoire classique. Cette œuvre n’est certes pas la plus joyeuse, sexy ou funky pour vous souhaiter une bonne année... mais si vous êtes familier de ces pages, vous ne vous attendiez tout de même pas à ce que je débute cette nouvelle année par du Daft Punk, non ? (dans un siècle, qui se souviendra de Daft Punk ?)
La flamme dont il est ici question n’est bien évidemment pas celle d’un joli petit feu de cheminée… Scriabine, compositeur très mystique, a eu une « vision apocalyptique », voyant, selon ses propres termes, des « flammes cosmiques » se fondre dans « l’embrasement final de l’univers ». L’œuvre idéale, donc, pour bien débuter l’année… je ne suis pas parano, mais bon, si l’on parvient à terminer 2014 en évitant « l’embrasement final de l’univers », ce ne sera déjà pas si mal…
Vers la Flamme ne sera sans doute jamais un des "tubes" de la musique classique, mais c’est un chef-d’œuvre incontestable, une œuvre remarquable de cohérence, d’architecture, d’intelligence, de puissance expressive. Elle débute de manière très contemplative, presque désolée, avec ses accords lents et son thème hésitant. Puis, comme un feu qui commence à prendre, son mouvement s’accélère, pour amener à la dernière partie, d’une grande intensité, avec tremolo, trilles (notes alternées jouées très rapidement), et accords percussifs.
Trois versions de l’œuvre, commençons par une des versions de référence, celle de John Ogdon :
Scriabin – Vers la Flamme, op. 72
En écoutant des vingtaines de versions sur youtube, j’en ai découvert une qui m’a particulièrement plu, celle de Charles Richard-Hamelin :
J’aurais pu débuter par une des plus acclamées, celle du grand Vladimir Horowitz (une de ses dernières apparitions), mais je ne voulais que vous la découvriez en regardant un pianiste jouer… parce que cela risquait de vous faire passer à côté d’une part de sa force poétique et d’être plutôt absorbé par la technique et la virtuosité pianistique. Mais si vous la connaissez, ou si vous avez entendu une des deux pérécédentes, je ne peux que vous conseiller de la voir aussi interprétée par Horowitz :
Vladimir Horowitz – Vers la Flamme