de David Kamp et Steven Daly.
Un dictionnaire snob du rock, l'idée de départ était bonne. Une occasion d'apprendre des choses, de se marrer et se moquer de ces snobs du rock. Autant dire de nous-mêmes, blogueurs qui prétendons avoir des choses à apprendre à nos congénères, et des albums à faire découvrir. Et quand on a un blog qui s'intitule très modestement..."Art-rock", on rentre direct dans la catégorie des ultra-snobs. Je ne nie pas mon snobisme, je suis le premier à en rire... mais ce qui est assez irritant dans ce bouquin, c'est qu'il donne l'impression que les fanas de rock ne sont que des "snobs" sans passion dont le but est juste de se distinguer... ce qui est très loin de la vérité. Il suffit de jeter un oeil aux articles de la plupart des blogs rock pour s'en convaincre. Les groupes et albums qu'on encense, on les adore, et le but n'est pas de prendre la pose en sous-entendant "je n'écoute pas les mêmes choses que vous, bande d'abrutis aux goûts déplorables", mais de mettre en valeur des artistes qu'on aimerait partager avec tous. C'est bien parce qu'on est passionné qu'on est exigeant, curieux et parfois intransigeants. Si je considère The Drift de Scott Walker comme le meilleur disque de l'année dernière (voire un des meilleurs disques de rock jamais parus), ce n'est pas pour faire le malin, pour encenser un album effectivement complexe et très loin des goûts du grand public, mais parce qu'il m'a secoué, transporté, envoûté, dérouté, fasciné.
Bref... revenons-en au bouquin... bonne idée de départ, donc, mais à l'arrivée, grande déception. Pas de quoi se tordre de rire, et pas grand chose à se mettre sous la dent. Les érudits trouveront cela bien trop léger, et les novices seront souvent paumés.
Le pire est que ce dictionnaire ne donne justement pas envie de découvrir. Les articles sur les groupes et chanteurs sont trés courts (en même temps, c'est un peu nomal pour un dictionnaire), rarement drôles (on sourit parfois, encore faut-il être bien disposé), et assez plats. Les auteurs semblent ne pas avoir choisi leur camp, on ne sait jamais trop s'ils tournent en dérision ou approuvent les goûts des "rockologues" (terme qu'ils emploient pour les snobs du rock), ils tombent dans les travers qu'ils dénoncent (le mot est un peu fort, ils ne dénoncent pas grand chose), mais sans jamais aller au fond de quoi que ce soit. Rien de très acerbe, rien d'hyper-snob, rien d'hilarant, pas de critiques virulentes... tout cela reste bien mou, donc très peu rock'n'roll.
Peut-être suis-je un peu sévère, mais on est habitué à lire - pour pas un rond - tant de bons articles sur les blogs, bien plus drôles et pertinents que ce dictionnaire, qu'on regrette les 15 euros dépensés pour si peu. Je ne citerai pas mes talentueux camarades d'over-blogs (si j'en cite un ou deux, les autres m'en voudront à mort), mais un blog que certains par ici ne doivent pas connaître, l'indispensable Un violon, un jambon, qui en quelques lignes par article est chaque fois bien plus drôle, érudit et "snob" - avec classe et désinvolture - que ne l'est ce Dictionnaire snob du rock.
Enfin, si vous souhaitez vraiment lire un bon bouquin sur le rock, optez plutôt pour le remarquable Les Héros Oubliés du Rock'n'Roll du grand Nick Tosches. D'autant plus qu'il surclasse tous les snobs du rock. Il dresse des portraits passionnants de ces "oubliés" des années 40-50 et, à le lire, le rock'n'roll, le vrai, date d'avant Elvis. Puisqu'il est question de snobisme, autant y aller à fond, je ne vais pas me gêner pour m'auto-citer : dans les commentaires de l'article d'Alex La Baronne 10 trucs et astuces pour vous faire traiter de snobinard en toutes circonstances, j'écrivais qu'on aurait pu penser que le comble du snobisme rock était le fameux "le rock ? il est est mort le jour qu'Elvis est parti à l'armée". Mais Nick Tosches les bat tous avec son "le rock ? Il est mort le jour où Elvis est rentré pour la première fois dans les studios de Sun".
En vrac, pour terminer quelques uns de mes petits "snobismes rock" (sauf, encore une fois, que ce n'est en rien pour "ne pas faire comme tout le monde", mais c'est ainsi que je vois les choses) :
- Hail to the thief est le meilleur album de Radiohead, devant Kid A et OK Computer.
- Je déteste Pet Sounds des Beach Boys, et j'adore Trout Mask Replica de Captain Beefheart.
- J'ai longtemps snobé Hendrix.... préférant 1000 fois le jeux de guitare de Lee Ranaldo et Thurston Moore.
- Les Strokes sont trop commerciaux à mon goût, je préfère infiniment les Liars.
- Je n'échangerais pas un morceau des Pretty Things contre l'intégrale des Stones.
- Je n'ai pas été déçu par 100thWindow de Massive Attack ou Lullabies to Paralyze de Queens of the Stone Age, je les trouve aussi bons que leurs illustres prédécesseurs.
- Les Doors sont un de mes groupes préféré (voire mon groupe préféré), mais je ne supporte pas Light my fire.
- Le meilleur album rock de l'année, pour l'instant, je suis pas loin de penser que ce n'est sûrement pas le Neon Bible d'Arcade Fire, mais celui, instrumental, des quasi-inconnus Grails : Burning off Impurities.
Et ce ne sont que quelques exemples... je pourrais continuer comme ça encore longtemps... Il suffit d'ailleurs de consulter mon classement "évolutif" des meilleurs albums de l'année (cf. lien sur la colonne de gauche), il est suffisamment éloquent... d'ailleurs, diffuser son classement, et imaginer que cela intéressera du monde, c'est déjà pas mal snob...